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03/05/2012 | FRANCE | N°11-10509

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 mai 2012, 11-10509


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2010), que la commune de Milly-la-Forêt (la commune), devenue propriétaire, par l'effet d'un legs consenti par Mme X..., d'un ensemble de parcelles grevées d'un bail de chasse consenti pour 30 années à l'association " Chasse du Rousset " (l'association), a assigné la locataire en nullité et, subsidiairement, en résiliation de ce bail ;

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, s

elon le moyen :

1°/ que les normes relevant de l'ordre public de direction s'...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2010), que la commune de Milly-la-Forêt (la commune), devenue propriétaire, par l'effet d'un legs consenti par Mme X..., d'un ensemble de parcelles grevées d'un bail de chasse consenti pour 30 années à l'association " Chasse du Rousset " (l'association), a assigné la locataire en nullité et, subsidiairement, en résiliation de ce bail ;

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que les normes relevant de l'ordre public de direction s'appliquent immédiatement aux contrats en cours ; qu'en refusant de faire application du principe d'ordre public d'interdiction de mise à disposition par la commune d'un terrain à un prix inférieur à celui du marché au profit d'une personne poursuivant des intérêts privés, au motif inopérant que le contrat de bail s'imposait à la commune du fait de son acceptation du legs, la cour d'appel a violé l'article 6 du code civil ;

2°/ qu'il résulte du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques que la collectivité territoriale ne peut mettre à disposition d'une personne poursuivant des fins d'intérêt privé des terrains ou bâtiments en deçà des conditions du marché ; qu'en considérant que cette règle d'ordre public n'avait pas été méconnue au motif inopérant que la mise à disposition du terrain n'était pas dépourvue de contrepartie au sens de l'article 1709 du code civil, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

3°/ que le contrat de bail, qui stipulait que le preneur bénéficiait d'un droit de chasse et de passage sur le terrain loué, énumérait sous la rubrique « Charges et conditions » une liste exhaustive de droits corrélatifs consentis au profit de ce dernier, au nombre desquels ne figurait pas celui de faire procéder à des cultures agricoles ; qu'en déboutant le bailleur de sa demande de résiliation du contrat de bail du fait de l'emploi de la chose louée à un autre usage que celui auquel elle était destinée, au motif inopérant qu'il ne rapportait pas la preuve que les cultures agricoles, auxquelles faisait procéder le preneur, ne seraient pas des cultures destinées à nourrir le gibier, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de bail, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le bail, opposable à la commune, n'était pas perpétuel, et que l'association prenait en charge toutes les charges fiscales et locales et l'impôt foncier ainsi que les tâches matérielles consistant dans l'entretien des terrains objet du bail, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il existait une contrepartie suffisante, a pu déduire, de ces seuls motifs, que les demandes tendant à l'annulation du bail ou à sa résiliation fondée sur les règles régissant le domaine privé devaient être rejetées ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'il résultait des pièces produites par l'association que les cultures constatées sur certaines des parcelles louées étaient des " cultures à gibier " destinées à l'alimentation de celui-ci, exploitées et entretenues depuis 1965 et détruites en fin de chasse et que la télécopie adressée le 8 novembre 2007 par la direction départementale de l'agriculture invoquée par la commune ne mentionnait pas l'auteur de la déclaration " PAC " ni ne désignait les parcelles en faisant l'objet, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation et par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits, que n'était pas démontrée la violation par le preneur de ses obligations et rejeter la demande de résiliation de ce chef ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne la commune de Milly-la-Forêt aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Milly-la-Forêt à payer à l'association Chasse du Rousset la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune de Milly-la-Forêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour la commune de Milly-la-Forêt.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la commune de Milly La Forêt de ses demandes tendant à voir constater, à titre principal, la nullité du contrat de bail et, à titre subsidiaire, à voir prononcer sa résiliation ;

aux motifs adoptés que la prise en charge par l'association Chasse du Rousset de toutes les taxes fiscales et locales et de l'impôt foncier et de tâches matérielles consistant dans l'entretien des terrains objet du bail est suffisante pour que la convention consentie le 28 juillet 1994 puisse être qualifiée de bail ; que même s'il ressort du rapport d'expertise produit par la commune que la valeur locative annuelle pourrait être comprise entre 21. 000 et 27. 000 euros, et que l'absence de loyer stricto sensu peut entraîner par conséquent un déséquilibre entre les prestations respectives des parties, ce déséquilibre ne prive pas le contrat de sa force obligatoire, dès lors qu'il apparaît à la lecture d'un courrier émanant de Madame Gabrielle X..., veuve, Y..., qu'elle a souhaité confier la direction de la chasse à l'association du Rousset, en raison de son éthique, de son sens de l'organisation et de sa rigueur ; que si les biens du domaine privé des collectivités locales sont aussi soumis à des règles exorbitantes de droit commun, la commune de Milly ne démontre pas que ce domaine reste improductif, dès lors qu'il a été déjà démontré que les obligations du preneur constituaient une contrepartie suffisante pouvant être considérées comme le prix du bail ; que le bailleurs sollicite la résiliation du bail au motif que le preneur a fait procéder à des cultures agricoles ; que le preneur ne conteste pas l'existence de ces cultures, mais indique qu'il s'agit de cultures à gibier, existant depuis plus de 50 ans et qu'il s'agit au contraire d'une charge du bail de chasse ; que si les cultures ne sont pas contestées, il n'est pas démontré par le bailleur que le preneur emploie la chose louée à un usage autre que la chasse et qu'il ne remplit pas ses obligations ; et aux motifs propres que le premier juge a justement apprécié par des motifs pertinents qui sont adoptés, que le bail de chasse consenti sous la forme authentique avait bien une contrepartie, qu'il n'était pas perpétuel et que la contrepartie était suffisante ; que la commune de Milly La Forêt ayant accepté le legs, elle est tenue par les termes de ce contrat ; que les demandes tendant à l'annulation du bail ou à sa résiliation fondée sur les règles régissant le domaine privé seront donc rejetées ; que, sur la demande de résiliation en ce qu'elle se fonde sur des manquements graves du locataires à ses obligations par la mise en culture de certaines parcelles, il résulte des pièces produites par l'association Chasse du Rousset qu'il s'agit de « cultures à gibier » destinées à l'alimentation de celui-ci, dont elle assume la charge, les travaux étant effectués par Monsieur A...Jean lequel indique qu'elles ont été exploitées et entretenues depuis 1965, laissées en place tout l'hiver pour le gibier puis détruites en fin de chasse en mars ; que la télécopie adressée le 8 novembre 2007 par la direction départementale de l'agriculture avec pour seul objet : parcelles, suivie d'une liste de parcelles déclarées à la PAC dont on ignore à quel cadastre et section elle s'applique et quelle est l'auteur de ces déclarations, n'est pas de nature à démontrer une violation par le preneur de ses obligations ;

1°) alors que, d'une part, les normes relevant de l'ordre public de direction s'appliquent immédiatement aux contrats en cours ; qu'en refusant de faire application du principe d'ordre public d'interdiction de mise à disposition par la commune d'un terrain à un prix inférieur à celui du marché au profit d'une personne poursuivant des intérêts privés, au motif inopérant que le contrat de bail s'imposait à la commune du fait de son acceptation du legs, la cour d'appel a violé l'article 6 du code civil ;

2°) alors que, d'autre part, il résulte du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques que la collectivité territoriale ne peut mettre à disposition d'une personne poursuivant des fins d'intérêt privé des terrains ou bâtiments en deçà des conditions du marché ; qu'en considérant que cette règle d'ordre public n'avait pas été méconnue au motif inopérant que la mise à disposition du terrain n'était pas dépourvue de contrepartie au sens de l'article 1709 du code civil, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

3°) alors, enfin, que le contrat de bail, qui stipulait que le preneur bénéficiait d'un droit de chasse et de passage sur le terrain loué, énumérait sous la rubrique « Charges et conditions » une liste exhaustive de droits corrélatifs consentis au profit de ce dernier, au nombre desquels ne figurait pas celui de faire procéder à des cultures agricoles (prod) ; qu'en déboutant le bailleur de sa demande de résiliation du contrat de bail du fait de l'emploi de la chose louée à un autre usage que celui auquel elle était destinée, au motif inopérant qu'il ne rapportait pas la preuve que les cultures agricoles, auxquelles faisait procéder le preneur, ne seraient pas des cultures destinées à nourrir le gibier, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de bail, violant ainsi l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-10509
Date de la décision : 03/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 mai. 2012, pourvoi n°11-10509


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10509
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