Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. X... Tarik,
1°) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 1er juillet 2008, qui, dans l'information suivie contre lui notamment pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
2°) contre l'arrêt de la même cour d'appel, chambre 8-2, en date du 20 mai 2011, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, et association de malfaiteurs, l'a condamné à huit ans d'emprisonnement assortis d'une période de sûreté des deux-tiers, 600 000 euros d'amende et a ordonné son maintien en détention ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
I- Sur le pourvoi contre l'arrêt du 1er juillet 2008 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 80, 81, 151, 152 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué du 1er juillet 2008 a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure jusqu'à la cote D 2882 ;
" aux motifs qu'en vertu du réquisitoire introductif du 13 octobre 2006, le magistrat instructeur s'est trouvé saisi de faits d'association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants et blanchiment ; que la réunion de telles infractions portent en germe l'existence d'un réseau actif projetant des faits portant sur le trafic de stupéfiants ; que pour autant que le procès-verbal n° 1715/ 2006 visé par le parquet fasse état d'un trafic portant sur de la résine de cannabis, la saisine du magistrat comprenait le trafic de tous produits stupéfiants, le cas échéant la cocaïne, dans la mesure où il était associé à des faits de blanchiment et d'association de malfaiteurs révélant des injections de fonds dans trois discothèques par des suspects sans revenus, inconnus fiscalement, au train de vie démesuré, de même que de multiples cessions de véhicules entre eux ; que de nouvelles interceptions téléphoniques avaient vocation à fournir davantage de précisions sur les activités de ce groupe de malfaiteurs ; que ce n'est qu'à partir du moment où ces investigations allaient permettre de cibler des faits postérieurs en date, ou de conclure à l'implication de nouveaux comparses, que le parquet avait alors l'obligation de saisir le juge d'instruction de ces nouveaux faits par réquisitoire supplétif ; que les éléments qui fondent les infractions regroupant le trafic de stupéfiants et l'association de malfaiteurs sont imbriqués, les investigations des enquêteurs portant sur les activités d'un groupe structuré dont les objectifs étaient déjà cernés par les éléments de l'enquête préliminaire, lors de l'ouverture de l'information, mais qui appelaient des investigations complémentaires, notamment des interceptions téléphoniques pour mettre en évidence les activités envisagées ; que les conversations tenues en dialecte sénégalais laissant apparaître sans ambiguïté un trafic international de cocaïne entre le Sénégal et la France n'ont pu être traduites qu'à partir du 16 mars 2007, date à laquelle a été identifié le dialecte utilisé ; que les enquêteurs n'ont pu, sous couvert de la commission rogatoire initiale, effectuer des actes d'instruction à partir des dites interceptions, dès lors que par hypothèse, leur teneur restait inconnue ; que l'existence de ces faits nouveaux n'a pu être révélée qu'après la traduction des conversations entre MM. Y..., Gomis et Z...surnommé « Bigo », mettant à jour un trafic international de cocaïne entre le Sénégal et la France, cette traduction ayant alors permis de connaître le contenu des agissements des mis en cause ; que, par ailleurs ce n'est qu'après exploitation des interceptions des conversations en langage codé des lignes attribuées à M. X..., et grâce à leur rapprochement avec les autres interceptions et renseignements recueillis par les enquêteurs, notamment les interpellations faites dans divers pays étrangers, que la notion de faits nouveaux a pu émerger ; que la prudence des propos a rendu complexe l'appréhension de l'organisation mise en place ; que ce n'est par conséquent qu'au moment de l'établissement de leurs procès-verbaux de synthèse des 19 et 20 juin 2007 réalisant la fusion de ces multiples sources d'informations, que les enquêteurs, faisant d'ailleurs état d'éléments pour les plus récents remontant à juin 2007, ont pu, décryptant et dénouant des comportements et agissements transfrontaliers, prendre véritablement la mesure des faits nouveaux ; que M. X... est apparu en relations d'affaires non équivoques liées à des stupéfiants, avec le protagoniste principal du réseau, M. Z..., ses conversations évoquant des mouvements de fonds et des transactions, parachevant son implication dans une organisation générant tant le trafic de cocaïne que de résine de cannabis ; que dans ces conditions, les faits nouveaux n'ont totalement émergé qu'après les interceptions téléphoniques mises en oeuvre début juin 2007 sur la seconde ligne attribuée à M. X..., lesquelles ne requéraient pas encore à cette date l'élargissement de la saisine du magistrat instructeur, leur teneur procédant de la poursuite d'un comportement délinquant puisant sa source dans une association de malfaiteurs, et d'agissements en préparation nécessairement postérieurs à l'acte de saisine initial ; que les officiers de police judiciaire en ont immédiatement référé au juge d'instruction pour qu'il transmette le dossier au parquet en vue de réquisitions supplétives ; que des réquisitoires supplétifs sont intervenus les 20 et 21 juin 2007, complétant ainsi la saisine du magistrat instructeur également pour ces faits nouveaux ; qu'en définitive, la conduite des investigations par le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire sous son contrôle, est logique, transparente, et respectueuse des droits de la défense et de l'équité ; que les interceptions des lignes de téléphonie mobile utilisées par M. X... ont été diligentées dans des conditions régulières ; que les moyens de nullité soulevés doivent être rejetés ;
" 1) alors que les pouvoirs accordés au juge d'instruction par l'article 81 du code de procédure pénale sont limités aux seuls faits dont il est régulièrement saisi en vertu d'un réquisitoire du procureur de la république ; que le juge d'instruction, saisi par un réquisitoire introductif du 13 octobre 2006 visant le procès-verbal n° 1715/ 2006 faisant état d'un trafic portant sur de la résine de cannabis, en provenance d'Espagne, et dès lors saisi des seuls faits d'association de malfaiteur ou de blanchiment en lien avec ce trafic, ne peut instruire sur des faits non visés au réquisitoire, portant sur un trafic distinct de cocaïne, entre le Sénégal et la France ; qu'en estimant néanmoins que la saisine du magistrat comprenait le trafic de tous produits stupéfiants, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
" 2) alors que la chambre de l'instruction ne peut, sans se contredire, tout en constatant que les conversations tenues en dialecte sénégalais, traduites à partir du 16 mars 2007, « laiss (ent) apparaître sans ambiguïté un trafic international de cocaïne entre le Sénégal et la France », retenir que ce n'est qu'après les interceptions téléphoniques mises en oeuvres en juin 2007 et au moment de l'établissement du procès-verbal de synthèse des 19 et 20 juin 2007 que ces faits nouveaux ont pu émerger ;
" 3) alors, enfin, qu'en refusant d'annuler, s'agissant d'actes coercitifs, les écoutes réalisées dans le but d'enquêter sur le trafic international de cocaïne entre le Sénégal et la France non compris dans la saisine initiale du juge d'instruction, entre la date de traduction des conversations tenues en dialecte sénégalais et la date du réquisitoire supplétif, la chambre de l'instruction a violé les articles 80 et 81 du code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour écarter le moyen d'annulation pris de ce que les policiers, en procédant, en exécution d'une commission rogatoire, à l'interception des conversations des lignes téléphoniques attribuées à M. X..., qui a fait apparaître sa participation à un trafic de cocaïne entre le Sénégal et la France, auraient excédé la saisine du juge d'instruction résultant du réquisitoire introductif qui aurait été limitée à un trafic de résine de cannabis en provenance du Maroc, l'arrêt énonce qu'en vertu de ce réquisitoire le juge d'instruction a été saisi de faits d'association de malfaiteurs, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et de blanchiment, que cette saisine comprenait le trafic de tous produits stupéfiants, le cas échéant la cocaïne, dans la mesure où M. X... était impliqué dans des faits d'association de malfaiteurs relatifs à l'injection de fonds dans trois discothèques par des suspects sans revenus, inconnus fiscalement, et au train de vie démesuré, que les nouvelles interceptions téléphoniques avaient pour objet de préciser les activités de ce groupe de malfaiteurs ; que les juges retiennent que ce n'est qu'après l'interception des conversations en langage codé de la seconde ligne de M. X..., au mois de juin 2007, laquelle ne nécessitait pas encore l'élargissement de la saisine, et après l'établissement des procès-verbaux de synthèse des 19 et 20 juin 2007, que l'intéressé est apparu en relations d'affaires liées au trafic de stupéfiants avec les principaux protagonistes du réseau, faits dont le juge d'instruction a été immédiatement saisi par réquisitoires supplétifs des 20 et 21 juin 2007 ;
Attendu qu'en prononçant ainsi par des motifs qui établissent que les actes critiqués n'ont pas excédé les limites de la saisine du juge d'instruction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
II- Sur le pourvoi contre l'arrêt du 20 mai 2011 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 132-24 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine d'emprisonnement de huit ans assortie d'une période de sûreté des deux tiers et à une amende de 600 000 euros ;
" aux motifs propres que M. X... est en état de récidive légale ; que devant l'enquêteur social il dira qu'arrivé en France en 1982, il a connu des problèmes de langue, il devra redoubler les classes de CP et de quatrième avant d'arrêter ses études en deuxième année de BEP électrotechnique ; qu'il décrit une bonne ambiance familiale toutefois marquée par la violence d'un frère aîné et l'absence d'un père très tôt malade et incapable d'assurer l'éducation de ses enfants ; que lors de sa première incarcération, il suivra une formation de comptabilité, de chauffagiste puis d'électrotechnique, mais ne pourra pas passer de diplôme ne possédant aucun papier ; qu'à sa sortie de prison, il travaillera au noir dans le gardiennage, suivra une formation de chauffeur poids lourd et super lourd avant d'être engagé en CDI dans une société de déménagement qu'il a dû abandonner en raison de problèmes de dos ; qu'il envisagerait de passer une licence de taxi ; qu'il a obtenu le renouvellement de son titre de séjour le 11 octobre 2009 ; que ce délinquant entend se maintenir dans une délinquance organisée et lucrative particulièrement dangereuse pour ses concitoyens, eu égard à ses antécédents, mais en tenant compte de sa participation par rapport aux autres mise en cause, il sera fait une meilleure application de la loi pénale en ramenant la peine d'emprisonnement à une durée de 8 ans assortie d'une période de sûreté des deux tiers soit 64 mois ; qu'afin d'assurer une effectivité rapide de la sanction et d'éviter tout renouvellement d'infraction, les effets du mandat d'arrêt seront maintenus ; que par contre compte tenu de l'importance de ses activités dans le domaine de la drogue, la peine d'amende sera confirmée ;
" et aux motifs adoptés que les éléments de conversation et les témoignages rapportés ci-dessus suffisent à établir au-delà de tout doute, la participation consciente et active de M. X... à une association de malfaiteurs et à un trafic, bien réel, de cocaïne ; qu'il est en état de récidive légale pour avoir été condamné définitivement le 30 mai 2003 pour une infraction à la législation sur les stupéfiants portant sur 56 kilos de résine de cannabis, outre la récidive générale et temporaire prévue à l'article 132-9 (premier alinéa) du code pénal à raison d'une condamnation à 7 ans d'emprisonnement prononcée par la cour d'assises de l'Essonne en 1994 pour coups mortels ; que ces circonstances justifient que le tribunal prononce à son encontre, en raison de la récidive légale, une peine d'emprisonnement ferme, assortie d'une période de sûreté des 2/ 3 et d'une amende de 600 000 euros et décerne mandat de dépôt à son égard ;
" 1) alors qu'en application de l'article 132-24 du code pénal, en matière correctionnelle, hormis les condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en l'espèce, les dispositions de l'article 132-19-1 du code pénal issues de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 étaient inapplicables s'agissant de faits commis en récidive avant l'entrée en vigueur de ladite loi ; que dès lors, en prononçant par les motifs critiqués, sans caractériser la nécessité de la peine d'emprisonnement ferme conformément aux dispositions de l'article 132-24 du code pénal, le caractère manifestement inadéquat de toute autre mesure, ni l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement, les juges du fond ont violé ce texte ;
" 2) alors qu'en application de l'article 132-24 du code pénal, lorsqu'une juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte des ressources et charges de l'auteur de l'infraction, de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ; qu'en condamnant M. X... au paiement d'une amende de 600 000 euros sans porter aucune appréciation sur les ressources et charges de l'intéressé, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 132-24 du code pénal " ;
Attendu que, d'une part, les juges, aux termes de l'article 132-19, alinéa 2, du code pénal, ne sont pas tenus, en matière correctionnelle, de motiver spécialement le choix d'une peine d'emprisonnement sans sursis lorsque la personne est en état de récidive légale, que, d'autre part, si aux termes des dispositions de l'article 132-24 du dudit code, les juges doivent tenir compte des ressources et charges de la personne condamnée à une peine d'amende, ce texte ne leur impose pas de motiver spécialement leur décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Raybaud conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;