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03/04/2012 | FRANCE | N°11-19412

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 avril 2012, 11-19412


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que par ordonnance du 6 mai 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Albi a autorisé des agents des douanes à procéder, en application de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, à des visites et saisies salle le Templier, lieu-dit... à Villeneuve-sur-Verre, ainsi qu'au domicile de M. et de Mme X... et ses annexes, dépendances et les locaux à usage professionnel de l'entrepr

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que par ordonnance du 6 mai 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Albi a autorisé des agents des douanes à procéder, en application de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, à des visites et saisies salle le Templier, lieu-dit... à Villeneuve-sur-Verre, ainsi qu'au domicile de M. et de Mme X... et ses annexes, dépendances et les locaux à usage professionnel de l'entreprise X... sis à la même adresse, et au siège de l'association comité d'animation du Ségala, situé au domicile de Mme Y..., lieu-dit ... à Vindrac-Alayrac, en vue de procéder à la recherche de la preuve des agissements de MM. X..., Z..., D..., de l'association précitée, des sociétés VV Locasalles, Le Chèque cadeau occitan, de l'entreprise X... et de la SCI VV immobilier, suspectés de se livrer à des activités de loteries commerciales constituant l'infraction fiscale d'ouverture de maisons de jeux et de défaut de paiement de l'impôt sur les spectacles de IVème catégorie ; que cette ordonnance a été étendue, le 10 mai suivant, au domicile de M. Z... à Virac ; que les opérations se sont déroulées du 9 mai 2010 à 18h55 au 10 mai 2010 à 5h30 ; que M. et Mme X..., M. Z... et M. A... ont fait appel de l'ordonnance autorisant les visites et formé un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et saisie ;

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, réunis :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'ordonnance d'avoir confirmé la décision du juge des libertés et de la détention autorisant les visites, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article L. 38 I du livre des procédures fiscales, les visites domiciliaires peuvent être autorisées pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts et aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement ; qu'il résulte nécessairement de l'article L. 38 1) que seules les contributions indirectes visées par le titre III précité sont envisagées, même si d'autres règles peuvent en préciser le contenu ; que les loteries soumises aux impôts prévus par les articles 1559 et suivants du code général des impôts n'entrant pas dans la liste visée par l'article L. 38 I du livre des procédures fiscales, soit dans la liste des contributions indirectes visées par le titre III précité et l'administration des douanes n'étant pas habilitée à rechercher la preuve des infractions pénales définies dans les articles 1er à 5 de la loi du 21 mai 1936, il appartenait au juge délégué de la cour d'appel de constater que la requête devait être rejetée, du fait de l'incompétence des agents des douanes pour enquêter sur les infractions en cause ; que faute de l'avoir fait, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 38-1 du livre des procédures fiscales ;
2°/ qu'en autorisant des visites domiciliaires, sans préciser ce que recouvre la notion de législations édictant les « mêmes règles » de procédure et de recouvrement que le titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts, s'il ne s'agit pas d'une législation précisant celle qui est contenu dans le titre III précité, l'article L. 38 du livre des procédures fiscales n'est pas suffisamment précis pour justifier une limitation du droit au respect du domicile et de la vie privée dans les conditions prévues par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que dès lors, une telle disposition devait rester inappliquée en ce qu'elle permettait des visites domiciliaires pour d'autres infractions que celles visées dans le titre III précité du code général des impôts, sans déterminer précisément les infractions concernées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, l'ordonnance attaquée a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
3°/ que l'impôt sur les maisons de jeux prenant la forme d'un pourcentage variable sur les recettes, devant bénéficier aux communes et étant prévu par le code général des impôts ne saurait entrer dans la catégorie des contributions indirectes devant bénéficier à l'Etat comparables à celles du titre III du livre I de la première partie du code général des impôts ; que dès lors, à supposer que l'article L. 38 1 du livre de procédure fiscale puisse être considéré comme suffisamment précis en ce qu'il viserait toutes les contributions indirectes en faveur de l'Etat, faute d'avoir constaté que l'activité en cause n'impliquait pas des contributions indirectes équivalentes à celles du titre III précité, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 38 1 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article L. 38 du livre des procédures fiscales permet à l'administration des douanes d'obtenir du juge des libertés et de la détention l'autorisation de procéder à des visites et saisies domiciliaires pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts et aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement ; que la taxe sur les spectacles, édictée par l'article 1559 du code général des impôts est, en application de l'article 1699 du même code, obligatoirement recouvrée par les services de l'Etat et les infractions réprimées selon les modalités et sous le bénéfice des sûretés prévues pour les impôts visés au titre III de la première partie du livre Ier ; que sans méconnaître aucune disposition conventionnelle, ce texte permettait au juge des libertés et de la détention de faire droit à la requête des douanes ;
Et attendu, en second lieu, que l'article L. 38 du livre des procédures fiscales ne distingue pas les impositions selon leur bénéficiaire ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le sixième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'ordonnance d'avoir rejeté leur recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisie de sommes d'argent, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article L 38 du livre des procédures fiscales applicable à l'époque des faits, les agents habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes pouvaient procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux infractions visées se trouvaient, visant les preuves de l'infraction et non l'éventuel produit de telles infractions ; que si la loi du 14 mai 2011 est venue autoriser la saisie de l'éventuel produit d'infraction, elle ne s'appliquait pas à l'époque de la visite domiciliaire en cause en l'espèce ; que le juge délégué qui n'explique pas en quoi cette somme pouvait être considérée comme un élément de preuve des infractions en cause, il a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L. 38-1 du livre des procédures fiscales applicable à l'époque des faits ;
2°/ qu'à supposer qu'avant la loi du 14 mai 2011, la saisie du possible produit d'une infraction ait pu être autorisée, le juge délégué n'a pas recherché si les sommes saisies dans l'appartement des époux X... pouvaient être considérées comme étant le produit de l'infraction, et a refusé de se prononcer sur les explications du mari ; qu'en cet état, le juge délégué a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 38 du livre des procédure fiscale ;
3°/ qu'en vertu de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la saisie de biens dans le contexte de recherche d'une infraction ne peut être justifiée que s'il existe de très forts motifs permettant de considérer que ces fonds sont liés à l'infraction recherchée, soit qu'ils en soient un élément de preuve, soit qu'ils en soient le produit ; qu'en ne s'expliquant pas sur les motifs de nature à justifier la saisie de tels fonds à cet égard, l'ordonnance attaquée a méconnu l'article précité ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu qu'indépendamment des explications fournies pour la première fois sur l'origine des sommes litigieuses, l'administration était autorisée par l'ordonnance à procéder aux visites nécessaires pour la recherche de la preuve des infractions visées au 1 de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales et à la saisie des pièces, documents, objets ou marchandises se rattachant à ces infractions, et des éléments s'y rapportant, le premier président qui a ainsi fait ressortir l'appartenance des fonds saisis à l'une des catégories susceptibles de saisie, et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions qu'ait été invoquée devant le premier président la violation des dispositions de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le cinquième moyen :
Vu l'article L. 38, 3, du livre des procédures fiscales ;

Attendu, selon ce texte, que la visite autorisée par le juge des libertés et de la détention ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heure ; que dans les lieux ouverts au public, elle peut également être commencée pendant les heures d'ouverture de l'établissement ;

Attendu que, pour rejeter le recours de M. et Mme X..., l'ordonnance retient que la salle le Templier, le siège social de l'entreprise exploitant la salle, et le domicile privé de M. et Mme X... se situent à la même adresse, les dépendances de la salle donnant accès à un escalier qui conduit à un palier desservant l'appartement de ces derniers, et que s'il s'agit de lieux distincts identifiés comme tels par l'ordonnance, l'opération de visite, qui a commencé avant 21 h pour s'achever le lendemain à 5 h 30, n'était pas divisible ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le juge des libertés et de la détention avait autorisé les visites dans plusieurs lieux distincts situés à la même adresse, d'autre part, que le domicile de M. et Mme X... était distinct de la salle le Templier, ouverte au public, en ce qu'il consistait en un appartement auquel un escalier donnait accès et que la visite y avait commencé après 21 h, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a rejeté le recours de M. et Mme X... à l'encontre du déroulement des opérations de visite et saisie dans leur domicile, l'ordonnance rendue le 27 mai 2011, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel d'Agen ;
Condamne le directeur général des douanes et droits indirects aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. et Mme X... et à M. A... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président en son audience publique du trois avril deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. A... et les époux X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré irrecevable le recours exercé par Monsieur A... contre les opérations de visite qui se sont déroulées le 9 et le 10 mai 2010 à l'adresse de la salle le Templier et les opérations d'inventaires qui s'en sont suivies ;
AUX MOTIFS QUE « par courrier recommandé AR daté du 31 mai 2010, M. A... a déclaré faire appel « des opérations de saisie du 10 mai 2010 et d'ouverture des scellés et de recollement desdits scellés le 27 mai 2010 » ;
Que « la DNRED souligne à juste titre que le procès-verbal établi le 27 mai 2010 concerne l'inventaire des pièces saisies dans le cadre de la mise en oeuvre de la visite domiciliaire autorisée par ordonnance du 3 mai 2010 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rodez effectuée à la salle Marengo à BARAQUEVILLE (12120) ; la contestation éventuelle des opérations d'ouverture et de recollement des scellés constatées par ce procès verbal du 27 mai 2010 relevait donc de la compétence de la cour d'appel de MONTPELLIER, et non de celle de TOULOUSE » ;
Que « le procès-verbal d'inventaire établi à son encontre le 28 mai 2010 dans le cadre des opérations autorisées par le juge des libertés et de la détention du TGI d'Albi n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part de M. A... » ;
Que « la cour n'est donc régulièrement saisie, concernant M. A..., que d'un recours concernant les opérations de saisie du 10 mai 2010 » ;
Qu'« aux termes de l'article L 38, alinéa 5, quater du LPF, l'appel doit être interjeté dans le délai de 15 jours qui court à compter de la remise ou de la réception, soit du procès verbal, soit de l'inventaire » ;
Qu'« en l'espèce, l'appel aurait dû être interjeté au plus tard le 25 mai 2010, et le recours formé par courrier recommandé du 31 mai réceptionné le 2 juin au greffe de la cour d'appel de TOULOUSE est irrecevable comme tardif » ;
ALORS QUE selon l'article L. 38-5 du livre des procédures fiscales, le délai de quinze jours pour former un recours à l'encontre des opérations de visite domiciliaire court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal de visite, soit de l'inventaire des pièces et documents saisis ; qu'il résulte des termes de l'ordonnance attaquée que l'inventaire concernant la visite autorisée de la salle MARENGO a été réalisé le 28 mai 2010 et qu'une copie en a été donnée à Monsieur A... le jour même ; qu'il mentionne la possibilité de former un recours tant contre l'inventaire que contre les saisies dans un délai de 15 jours à compter de sa remise ; qu'il en résulte que le recours formé par lettre recommandée avec accusé de réception le 31 mai 2010 et reçu au greffe de la cour le 2 juin 2010 est intervenu dans le délai de quinze jours prévu par l'article précité ; qu'en jugeant le contraire, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 38-5 du livre des procédures fiscales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté le recours de Monsieur X... et de Madame X... formé contre l'ordonnance ayant autorisé les visites domiciliaires du 6 mai 2010 et la décision rectificative du 10 mai suivant ;
AUX MOTIFS QU'« il est soutenu que la requête de l'administration en date du 3 mai 2010 au vu de laquelle le juge des libertés et de la détention a rendu son ordonnance doit être annulée en ce qu'elle était insuffisamment motivée et contenait des allégations fausses concernant les faits et les règles de droit applicables, ainsi que des références à des procédures annulées, irrégulières ou sans suite » ;
Qu'« il apparait cependant que ladite requête était motivée par la nécessité de contrôler certains lieux, dont la salle « le templier » où des lotos se déroulaient, ainsi que le domicile privé de personnes participant à ces activités, en vue de confirmer qu'elles étaient organisées à des fins commerciales en vue d'éluder le paiement de l'impôt sur les spectacles de la Ive catégorie » ;
Qu'« aucun texte n'exige la mention nominative de chaque personne physique ou morale susceptible d'être contrôlée dans la requête présentée au juge ou dans l'ordonnance de visite domiciliaire » ;
Que « par ailleurs les termes inappropriés ou mentions inexactes pouvant être contenus dans la requête n'ont pas pu avoir pour effet, en l'espèce, de fausser l'appréciation du juge des libertés et de la détention dans la mesure où la requête dans son ensemble et les documents joints permettaient à celui-ci d'apprécier exactement l'intérêt et la portée de l'autorisation sollicitée, ainsi que la réglementation applicable en la matière » ;
Que « si la requête fait référence à des circonstances qui n'étaient plus d'actualité à la date de sa présentation (exploitation de l'établissement par l'entreprise X... Jean Marie ou par la SARL VV, d'ailleurs non officiellement clôturée au RSC), elle ne s'appuie pas comme le soutiennent les appelants sur des éléments contenus dans une procédure antérieurement annulée ; le fait qu'aucune suite judiciaire n'ait été réservée à un procès-verbal de la DGCCRF ne fait pas obstacle à sa production à l'appui de la requête soumise au juge » ;
Qu'« enfin, le procès-verbal du 18 décembre 2009 dressé par Mme B... et M. C... rend compte des éléments communiqués par le représentant de l'administration des douanes auprès du GIR de Midi Pyrénées, relatifs à l'organisation d'une loterie le 20 octobre 2010 dans la salle le Templier ; il s'agit de constatations effectuées dans des lieux ouverts au public par des agents des douanes qui étaient en droit de ne pas faire état de leur qualité, constatations qui ne peuvent être assimilées à des « opérations de visite domiciliaire non autorisées » ;
ALORS QUE, d'une part, une visite domiciliaire ne peut être autorisée qu'au vu d'éléments de preuve licites ;
Que, dans les conclusions déposées pour les appelants, il était soutenu que le procès-verbal faisant état d'une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur lequel le juge des liberté et de la détention avait fondé son autorisation, constituait un élément de preuve illicite, dès lors qu'il comportait des vices de procédure comparables à ceux d'une précédente procédure elle-même annulée, mettant ainsi en cause la compétence de direction précitée pour mener une telle procédure ;
que, faute d'avoir répondu à ce chef péremptoire de conclusions, le magistrat délégué a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, d'autre part, l'article L. 38-2 du livre des procédures fiscales comme l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme font obligation à l'administration fiscale de fournir au juge tous les éléments d'information en sa possession de nature à justifier la visite et à tout le moins des informations exactes ; que dans les conclusions déposées pour les époux X..., il était soutenu que la société JJM, actuel exploitant de la salle le Templier, n'avait pas été citée dans la requête de l'administration, ce qui pouvait résulter du caractère mensonger de l'information donnée au juge des libertés et de la détention rendant la procédure irrégulière ; que, faute pour l'ordonnance attaquée d'avoir précisé si l'auteur de la requête était loyal en fournissant une information non actualisée sur le propriétaire de la salle le templier supposée être le lieu de l'organisation de loteries illicites, elle est privée de toute base légale au regard des exigences de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté le recours de Monsieur X... et de Madame X... formé contre l'ordonnance ayant autorisé les visites domiciliaires du 6 mai 2010 et la décision rectificative du 10 mai suivant ;
AUX MOTIFS QUE « les mentions erronées « d'animation locale » et « sans but lucratif » qui figurent en page 2 de l'ordonnance critiquée constituent des erreurs matérielles sans incidence sur l'appréciation faite par le premier juge des règles de droit applicables en l'espèce, puisque les textes de référence sont visés par la décision » ;
ALORS QUE, d'une part, selon l'article L. 38 I du livre des procédures fiscales, les visites domiciliaires peuvent être autorisées pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts et aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement ; qu'il résulte nécessairement de l'article L. 38 1) que seules les contributions indirectes visées par le titre III précité sont envisagées, même si d'autres règles peuvent en préciser le contenu ; que les loteries soumises aux impôts prévus par les articles 1559 et suivants du code général des impôts n'entrant pas dans la liste visée par l'article L. 38 I du livre des procédures fiscales, soit dans la liste des contributions indirectes visées par le titre III précité et l'administration des douanes n'étant pas habilitée à rechercher la preuve des infractions pénales définies dans les articles 1er à 5 de la loi du 21 mai 1936, il appartenait au juge délégué de la cour d'appel de constater que la requête devait être rejetée, du fait de l'incompétence des agents des douanes pour enquêter sur les infractions en cause ; que faute de l'avoir fait, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 38-1 du livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, d'autre part et en tout état de cause, en autorisant des visites domiciliaires, sans préciser ce que recouvre la notion de législations édictant les « mêmes règles » de procédure et de recouvrement que le titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts, s'il ne s'agit pas d'une législation précisant celle qui est contenu dans le titre III précité, l'article L. 38 du livre des procédures fiscales n'est pas suffisamment précis pour justifier une limitation du droit au respect du domicile et de la vie privée dans les conditions prévues par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que dès lors, une telle disposition devait rester inappliquée en ce qu'elle permettait des visites domiciliaires pour d'autres infractions que celles visées dans le titre III précité du code général des impôts, sans déterminer précisément les infractions concernées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, l'ordonnance attaquée a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ALORS QU'enfin et en tout état de cause, l'impôt sur les maisons de jeux prenant la forme d'un pourcentage variable sur les recettes, devant bénéficier aux communes et étant prévu par le code général des impôts ne saurait entrer dans la catégorie des contributions indirectes devant bénéficier à l'Etat comparables à celles du titre III du livre I de la première partie du code général des impôts ; que dès lors, à supposer que l'article L. 38 1 du livre de procédure fiscale puisse être considéré comme suffisamment précis en ce qu'il viserait toutes les contributions indirectes en faveur de l'Etat, faute d'avoir constaté que l'activité en cause n'impliquait pas des contributions indirectes équivalentes à celles du titre III précité, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 38 1 du livre des procédures fiscales.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté le recours de Monsieur X... et de Madame X... formé contre l'ordonnance ayant autorisé les visites domiciliaires du 6 mai 2010 et la décision rectificative du 10 mai suivant ;
AUX MOTIFS QUE « les mentions erronées « d'animation locale » et « sans but lucratif » qui figurent en page 2 de l'ordonnance critiquée constituent des erreurs matérielles sans incidence sur l'appréciation faite par le premier juge des règles de droit applicables en l'espèce, puisque les textes de référence sont visés par la décision » ;
ALORS QUE l'appréciation du bien-fondé d'une demande implique que l'autorisation de procéder à une visite domiciliaire ne résulte pas d'une appréciation manifestement erronée des dispositions définissant les infractions en cause dans l'article L. 38-1 du livre des procédures fiscales ; que le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des infractions dont la preuve est recherchée ; Qu'en se contentant d'affirmer que le premier juge n'avait commis aucune erreur d'appréciation du bien fondé de la requête dès lors qu'il avait fait référence aux textes applicables en l'espèce, en refusant de rechercher si une infraction à ces dispositions pouvait être présumée, le juge délégué a violé l'article L. 38-2 du livre des procédures fiscales.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté le recours de Monsieur X... et de Madame X... formé contre les opérations de visite domiciliaire et de saisie dans le domicile de ces derniers réalisé après 21 heures ;
AUX MOTIFS QUE « sur les opérations de visite et de saisie du 10 mai 2010 à la salle LE TEMPLIER, au siège de la société JJM et au domicile privé des époux X..., « les appelants invoquent une violation de leur domicile privé, les agents des douanes ayant pénétré dans leur appartement après 21 heures et s'y étant maintenus toute la nuit ;
Qu'« il apparait en effet à la lecture du procès-verbal des opérations domiciliaires du 10 mai 2010 que les inspecteurs des douanes se sont présentés à la salle Le templier le 9 mai 2010 à 18h55, que la visite domiciliaire a débuté à 19h45, que les agents VENUS et C... ont rejoint la procédure à 22h45, alors que les autres agents visitaient l'appartement de M. et Mme X... et que les opérations se sont terminées le lendemain 10 mai 2010 à 5h30 » ;
Que « les constatations et descriptions figurant au procès-verbal établissent que la salle Le Templier, le siège social de l'entreprise exploitant la salle, et le domicile privé des époux X... se situent à la même adresse, les dépendances de la salle donnant accès à un escalier qui conduit à un pallier desservant l'appartement de ces derniers » ;
Que « la salle qui reçoit du public et l'appartement privé constituent donc des lieux distincts, identifiés comme tels par l'ordonnance portant autorisation, même s'ils sont situés à la même adresse ;
Que « cependant l'opération de visite domiciliaire qui a débuté à 19 h45 en vertu de l'autorisation désignant l'ensemble des lieux situés à cette adresse n'est pas divisible » ;
Que « cette opération ayant débuté avant 21h n'a pas contrevenu aux exigences de l'article 38 alinéa 3 du livre des procédures fiscales, même si elle s'est poursuivie toute la nuit, y compris dans un lieu constituant le domicile privé des intéressés ;
ALORS QUE, d'une part, selon l'article 38-3 du livre des procédures fiscales, les visites domiciliaires sont réalisées dans des conditions variant selon le type de local visé et non seulement selon l'adresse des lieux à visiter ; que le seul fait que l'autorisation accordée pour procéder à une visite domiciliaire ait viser une seule adresse ne saurait suffire pour caractériser l'indivisibilité entre une salle destinée à recevoir du public et un domicile privé, lorsque sont en cause les conditions dans lesquelles les enquêteurs peuvent procéder à une telle visite et notamment les heures de ces visites ; qu'en considérant le contraire, le juge délégué a violé l'article L. 38-3 du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, d'autre part, dès lors que l'ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire précisait que les opérations en cause devaient porter tant sur une Salle destinée à recevoir du public que sur le domicile des appelants qui en était ainsi distingué, le juge délégué qui considère que l'autorisation avait lié les lieux en question en les liant par référence à leur adresse identique, a dénaturé l'ordonnance entreprise du juge des libertés et de la détention en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté le recours de Monsieur X... et de Madame X... formé contre les opérations de visite domiciliaire et de saisie de sommes d'argents dans le domicile de ces derniers ;
AUX MOTIFS QUE « les appelants contestent par ailleurs la régularité de la saisie du contenu du coffre de M. et Mme X..., et notamment d'une somme en espèces de 57 000 euros qui proviendrait de la succession de la première épouse de M. X... » ;
Qu'« indépendamment des explications fournies pour la première fois sur l'origine des sommes saisies (qui n'ont fait l'objet d'aucune déclaration fiscale), il doit être observé que l'administration était autorisé par l'ordonnance du 6 mai 2010 à procéder aux visites nécessaires pour la recherche des infractions visées au 1 de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales et « à la saisie des pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant à ses infractions, et des éléments s'y rapportant » ;
Qu'« il ne peut être soutenu que la saisie critiquée n'était pas régulièrement autorisée » ;
ALORS QUE, d'une part, selon l'article L38 du livre des procédures fiscales applicable à l'époque des faits, les agents habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes pouvaient procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux infractions visées se trouvaient, visant les preuves de l'infraction et non l'éventuel produit de telles infractions ; que si la loi du 14 mai 2011 est venue autoriser la saisie de l'éventuel produit d'infraction, elle ne s'appliquait pas à l'époque de la visite domiciliaire en cause en l'espèce ; que le juge délégué qui n'explique pas en quoi cette somme pouvait être considérée comme un élément de preuve des infractions en cause, il a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L. 38-1 du livre des procédures fiscales applicable à l'époque des faits ;
ALORS QUE, d'autre part, à supposer qu'avant la loi du 14 mai 2011, la saisie du possible produit d'une infraction ait pu être autorisée, le juge délégué n'a pas recherché si les sommes saisies dans l'appartement des époux X... pouvaient être considérées comme étant le produit de l'infraction, et a refusé de se prononcer sur les explications du mari ; qu'en cet état, le juge délégué a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 38 du livre des procédure fiscale ;
ALORS QU'enfin, en vertu de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la saisie de biens dans le contexte de recherche d'une infraction ne peut être justifiée que s'il existe de très forts motifs permettant de considérer que ces fonds sont liés à l'infraction recherchée, soit qu'ils en soient un élément de preuve, soit qu'ils en soient le produit ; qu'en ne s'expliquant pas sur les motifs de nature à justifier la saisie de tels fonds à cet égard, l'ordonnance attaquée a méconnu l'article précité.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-19412
Date de la décision : 03/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Article L. 38 du livre des procédures fiscales - Exécution des opérations - Lieu d'exécution - Caractère divisible des locaux professionnels et du domicile - Portée

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Article L. 38 du livre des procédures fiscales - Exécution des opérations - Heures légales - Distinction en fonction des lieux d'exécution - Locaux professionnels - Poursuite des opérations - Domicile privé - Portée

Il résulte de l'article L. 38 3 du livre des procédures fiscales que la visite autorisée par le juge des libertés et de la détention ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heure et que, dans les lieux ouverts au public, elle peut également être commencée pendant les heures d'ouverture de l'établissement. Viole dès lors ce texte le premier président qui, pour rejeter le recours de M. et Mme X... retient que la salle T..., le siège social de l'entreprise exploitant la salle, et le domicile privé de M. et Mme X... se situent à la même adresse, les dépendances de la salle donnant accès à un escalier qui conduit à un palier desservant l'appartement de ces derniers, et que s'il s'agit de lieux distincts identifiés comme tels par l'ordonnance, l'opération de visite, qui a commencé avant vingt et une heure pour s'achever le lendemain à cinq heures trente, n'était pas divisible, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le juge des libertés et de la détention avait autorisé les visites dans plusieurs lieux distincts situés à la même adresse, d'autre part, que le domicile de M. et Mme X... était distinct de la salle T..., ouverte au public, en ce qu'il consistait en un appartement auquel un escalier donnait accès et que la visite y avait commencé après vingt et une heure


Références :

article L. 38 3 du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 27 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 avr. 2012, pourvoi n°11-19412, Bull. civ. 2012, IV, n° 74
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 74

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: M. Delbano
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19412
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