LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 2011), que le département du Nord (le département) a notifié le 17 janvier 2005 un titre exécutoire à la société Groupe Partouche (la société) ; que celle-ci a contesté ce titre devant un tribunal administratif qui s'est déclaré incompétent le 9 janvier 2006 ; que le 18 décembre 2007, le payeur départemental du Nord a fait délivrer un commandement à la société ; que le 5 février 2008, celle-ci a assigné le département devant le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance en annulation du commandement, demande qui a été déclarée irrecevable ; que le 15 avril 2008, elle a assigné le département et le payeur général du Nord devant un autre tribunal de grande instance en annulation du commandement, demandant de juger qu'elle n'était pas débitrice des sommes réclamées ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes en contestation de la créance et en nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré en exécution du titre de recette exécutoire et de rejeter sa demande de dommages-intérêts ainsi que toute autre demande ;
Mais attendu que l'interruption de la prescription, résultant d'une demande en justice, produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance et que le délai de prescription prévu à l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales ne court à compter du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite qu'à défaut de réception du titre exécutoire par son destinataire ;
Et attendu qu'après avoir constaté que le titre exécutoire avait été notifié à la société, et retenu que le délai de prescription s'était trouvé interrompu jusqu'à ce que le tribunal administratif rende sa décision, le prononcé de celle-ci faisant courir un nouveau délai de deux mois qui expirait le 9 mars 2006 et que l'assignation devant le tribunal de grande instance n'avait été délivrée que le 15 avril 2008, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement décidé que les demandes en contestation de la créance et en nullité du commandement étaient irrecevables ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts ainsi que toute autre demande ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il n'est pas versé aux débats de documents permettant de déterminer la nature et le coût des travaux exécutés en 1996 et que le département indique qu'il s'agissait d'une remise aux normes de l'activité thermale prévue dans le contrat de concession ;
Que de ces contestations et énonciations, la cour d'appel a pu, sans méconnaître les termes du litige, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qu'elle a suffisamment analysés, écarter l'existence d'un préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Partouche aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Groupe Partouche ; la condamne à payer au département du Nord la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Partouche
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR, confirmant le jugement, déclaré irrecevable les demandes en contestation de la créance et de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré en exécution du titre de recette exécutoire et d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par l'exposante ainsi que toute autre demande,
AUX MOTIFS QUE l'article L.1617-5, 2° du Code général des collectivités territoriales énonce que le débiteur peut contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par la collectivité territoriale ou un établissement public local devant la juridiction de fond compétente, tribunal administratif ou juridiction civile, selon la nature de la créance, dans les deux mois de la réception du titre exécutoire ou à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; que le débiteur peut également contester la régularité formelle de l'acte de poursuite directement devant le juge de l'exécution dans les deux mois de la notification de l'acte contesté ; qu'un titre exécutoire a été pris le 15 décembre 2004 par le Département du Nord à l'encontre de la société Groupe PARTOUCHE pour un montant de 244.638,46 €, correspondant à des travaux de remise en état du casino de Saint-Amand-les-Eaux et notifié le 17 janvier 2005 ; qu'il est précisé dans cet acte que, dans le délai de deux mois suivant sa notification, le débiteur peut contester la somme mentionnée en saisissant directement le Tribunal judiciaire ou le Tribunal administratif compétent, selon la nature de la créance ; que la société Groupe PARTOUCHE a saisi dans le délai de deux mois le Tribunal administratif, de sorte que le délai de prescription s'est trouvé interrompu jusqu'à ce que cette juridiction rende sa décision ; que par ordonnance en date du 9 janvier 2006, le Tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de la société Groupe PARTOUCHE comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, aux motif que, l'immeuble faisant partie du domaine privé départemental, le litige ressortissait à la compétence du juge judiciaire ; que le prononcé de cette ordonnance a alors fait courir un nouveau délai de deux mois qui expirait le 9 mars 2006 ; que la société Groupe PARTOUCHE qui contestait le bien-fondé des sommes faisant l'objet du titre exécutoire, avait encore la possibilité de saisir le Tribunal de grande instance dans le délai de deux mois de la signification du commandement aux fins de saisie-vente délivré le 18 décembre 2007 à la requête de la Paierie départementale du Nord, acte de poursuite, soit au plus tard le 18 février 2008 ; qu'elle a fait assigner le Département du Nord devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris en nullité du commandement aux fins de saisie-vente et cette demande a été déclarée irrecevable par jugement en date du 17 mars 2008, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 4 décembre 2008, au motif que la contestation de la régularité formelle du commandement devait être dirigée contre le comptable chargé du recouvrement et non contre l'ordonnateur ; que l'assignation devant le Tribunal de grande instance n'a finalement été délivrée que le 15 avril 2008 ; que par ailleurs, s'agissant du délai de recours à l'encontre d'un titre exécutoire, la prescription relative aux actions en matière de bail invoquée par la société Groupe PARTOUCHE n'est pas applicable ; qu'ainsi il y a lieu de confirmer le jugement qui a constaté que la créance du Département du Nord ne pouvait plus être contestée et présentait un caractère définitif, et déclaré irrecevables les demandes en contestation de la créance et en nullité du commandement ;
ALORS D'UNE PART QUE la société exposante faisait valoir qu'ayant saisi le juge administratif dans le délai de deux mois prévu par l'article L.1617-5, 2° du Code général des collectivités territoriales, puis le juge de l'exécution à la suite du commandement de payer notifié le 18 décembre 2007 et le Tribunal de grande instance de Valenciennes le 15 avril 2008, sa demande était recevable ; qu'ayant rappelé les dispositions de l'article L.1617-5, 2° du Code général des collectivités territoriales puis relevé qu'un titre exécutoire a été pris le 15 décembre 2004 par le Département du Nord, notifié le 17 janvier 2005, que dans le délai de deux mois la société Groupe PARTOUCHE a saisi le Tribunal administratif de sorte que le délai de prescription s'est trouvé interrompu jusqu'à ce que cette juridiction rende sa décision, laquelle est intervenue le 9 janvier 2006, le Tribunal ayant rejeté la requête comme ayant été portée devant une juridiction incompétente, que le prononcé de cette ordonnance a alors fait courir un nouveau délai de deux mois qui expirait le 9 mars 2006 sans relever à quelle date la décision du Tribunal administratif avait été notifiée à la société Groupe PARTOUCHE, seule cette notification faisant à nouveau courir le délai de deux mois, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
ALORS D'AUTRE PART QU'ayant constaté que la société Groupe PARTOUCHE qui contestait le bien-fondé des sommes faisant l'objet du titre exécutoire avait encore la possibilité de saisir le Tribunal de grande instance dans le délai de deux mois de la signification du commandement aux fins de saisie-vente délivré le 18 décembre 2007 à la requête de la Paierie départementale du Nord, acte de poursuite, soit au plus tard le 18 février 2008, qu'elle a fait assigner le Département du Nord devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris en nullité du commandement, que cette demande a été déclarée irrecevable par jugement du 17 mars 2008, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 décembre 2008, par le motif que la contestation de la régularité formelle du commandement devait être dirigée contre le comptable chargé du recouvrement et non contre l'ordonnateur, que l'assignation devant le Tribunal de grande instance n'a finalement été délivrée que le 15 avril 2008, puis décidé de confirmer le jugement qui a constaté que la créance du Département ne pouvait plus être contestée et présentait un caractère définitif, sans préciser si les actes de procédure diligentés par la société exposante n'avaient pas interrompu le délai de saisine du Tribunal de grande instance, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1617-5, 2° du Code général des collectivités territoriales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR, rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par l'exposante ainsi que toute autre demande,
AUX MOTIFS QUE la société GROUPE PARTOUCHE fait valoir qu'elle a accepté de renoncer partiellement à sa concession en vue de complaire au projet politique de développement du thermalisme initié par le Département du Nord, qu'elle a dû construire un nouveau casino et quitter les lieux sans indemnité d'éviction, tandis que le Département a pu conserver les investissements qu'elle avait réalisés et dont elle demande le remboursement depuis 1996 ; que le Tribunal a considéré que cette demande était irrecevable puisqu'elle concernait des travaux effectués plus de cinq ans avant la date de la demande ; que la société Groupe PARTOUCHE demande en réalité l'indemnisation d'un préjudice résultant de l'obligation qui lui a été imposée de déménager, après qu'elle eût fait exécuter des travaux coûteux et qu'elle a dû reconstruire un nouveau casino pour un montant de 20.000.000 € ; qu'elle ne précise pas le fondement juridique de sa demande, ni la faute qu'aurait commise le Département du Nord, en lien avec le préjudice qu'elle allègue, alors qu'elle était titulaire d'une concession et non d'un bail commercial et qu'aucun élément n'est produit sur les conditions dans lesquelles il a été mis fin à cette concession, que, par ailleurs, il n'est pas versé de document aux débats permettant de déterminer la nature et le coût des travaux exécutés en 1996, dont le Département du Nord indique qu'il s'agissait d'une remise aux normes de l'activité thermale prévue dans le contrat de concession ; que la demande en dommages et intérêts sera rejetée, le jugement étant seulement infirmé en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable ;
ALORS D'UNE PART QUE la société exposante faisait valoir qu'elle avait dû renoncer partiellement à sa concession en vue de complaire au projet politique de développement du thermalisme initié par le Département du Nord qui souhaitait la voir quitter les lieux qu'elle occupait depuis plus de cent ans, ce qui lui a occasionné des frais de construction d'un casino pour un montant supérieur à 20.000.000 €, ayant entraîné pour le casino de Saint-Amand-les-Eaux un alourdissement de ses charges locatives, qu'elle a renoncé à la concession sans aucune contrepartie en faisant bénéficier le Département des investissements immobiliers de 22.000.000 F soit 3,3 millions d'euros qu'elle avait été contrainte de réaliser en lieu et place du Département du Nord peu d'années auparavant afin de simplement permettre la poursuite de l'activité thermale, sommes qui ne lui ont pas été remboursées depuis 1996, la société exposante chiffrant son préjudice à 2.000.000 € ; qu'il résulte de la lettre du Département du Nord du 29 mars 1996 que la société exposante a réalisé d'importants travaux lesquels «sont maintenant achevés», l'exposante rappelant dans une lettre du 25 avril 1996 que «le Département sait que nous avons d'ores et déjà dû avancer les frais de remise à neuf de l'établissement thermal, condition nécessaire pour sa réouverture puisque la fermeture avait été causée par sa vétusté, et ce pour un montant sur factures vérifiable de 22.000.000 F environ. Nous vous remercions de nous faire savoir comment vous entendez assurer le remboursement de ces dépenses à notre société» , ces travaux ayant permis l'agrément de l'établissement thermal de Saint-Amand-les-Eaux par décision notifiée le 29 mai 1996 ; qu'en décidant que la société Groupe PARTOUCHE ne précise pas le fondement juridique de sa demande ni la faute qu'aurait commise le Département du Nord en lien avec le préjudice qu'elle allègue alors qu'elle était titulaire d'une concession quand il ressortait des écritures de l'exposante que la faute imputée au Département était de ne pas avoir exécuté les travaux lui incombant au titre de l'acte de concession, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et elle a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la société exposante faisait valoir qu'elle avait dû renoncer partiellement à sa concession en vue de complaire au projet politique de développement du thermalisme initié par le Département du Nord qui souhaitait la voir quitter les lieux qu'elle occupait depuis plus de cent ans, ce qui lui a occasionné des frais de construction d'un casino pour un montant supérieur à 20.000.000 €, ayant entraîné pour le casino de Saint-Amand-les-Eaux un alourdissement de ses charges locatives, qu'elle a renoncé à la concession sans aucune contrepartie en faisant bénéficier le Département des investissements immobiliers de 22.000.000 F soit 3,3 millions d'euros qu'elle avait été contrainte de réaliser en lieu et place du Département du Nord peu d'années auparavant afin de simplement permettre la poursuite de l'activité thermale, sommes qui ne lui ont pas été remboursées depuis 1996, la société exposante chiffrant son préjudice à 2.000.000 € ; qu'il résulte de la lettre du Département du Nord du 29 mars 1996 que la société exposante a réalisé d'importants travaux lesquels «sont maintenant achevés», l'exposante rappelant dans une lettre du 25 avril 1996 que «le Département sait que nous avons d'ores et déjà dû avancer les frais de remise à neuf de l'établissement thermal, condition nécessaire pour sa réouverture puisque la fermeture avait été causée par sa vétusté, et ce pour un montant sur factures vérifiable de 22.000.000 F environ. Nous vous remercions de nous faire savoir comment vous entendez assurer le remboursement de ces dépenses à notre société» , ces travaux ayant permis l'agrément de l'établissement thermal de Saint-Amand-les-Eaux par décision notifiée le 29 mai 1996 ; qu'en décidant que la société Groupe PARTOUCHE ne précise pas le fondement juridique de sa demande ni la faute qu'aurait commise le Département du Nord en lien avec le préjudice qu'elle allègue alors qu'elle était titulaire d'une concession et qu'aucun élément n'est produit sur les conditions dans lesquelles il a été mis fin à cette concession, qu'il n'est pas versé de documents aux débats permettant de déterminer la nature et le coût des travaux exécutés en 1996 dont le Département indique qu'il s'agissait d'une remise aux normes de l'activité thermale prévue dans le contrat de concession, la Cour d'appel qui n'a procédé à aucune analyse, serait-elle succincte, des documents produits aux débats, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.