La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2012 | FRANCE | N°11-14174

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 mars 2012, 11-14174


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 janvier 2011), que, le 27 février 2002, les époux X..., propriétaires d'un appartement, l'ont donné à bail à Mme Y..., M. Z... se portant caution solidaire des engagements de la locataire ; que le 5 mai 2009, le bailleur a demandé à la preneuse paiement d'une somme au titre de la régularisation des charges dues au titre des cinq années écoulées, puis, un commandement de payer délivré le 17 juin 2009 étant demeuré infructueux, l'a

assignée, ainsi que la caution, en paiement d'une somme de 9 326,47 euros ;...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 janvier 2011), que, le 27 février 2002, les époux X..., propriétaires d'un appartement, l'ont donné à bail à Mme Y..., M. Z... se portant caution solidaire des engagements de la locataire ; que le 5 mai 2009, le bailleur a demandé à la preneuse paiement d'une somme au titre de la régularisation des charges dues au titre des cinq années écoulées, puis, un commandement de payer délivré le 17 juin 2009 étant demeuré infructueux, l'a assignée, ainsi que la caution, en paiement d'une somme de 9 326,47 euros ; que Mme Y... est décédée en cours d'instance ; que M. Z... a reconventionnellement sollicité l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande reconventionnelle alors, selon le moyen :
1°/ que la circonstance que le montant des charges locatives finalement dues par le bailleur soit trois fois plus élevé que celui de la provision pour charge conventionnellement stipulée ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi du bailleur dans l'exécution du contrat ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le seul fait de réclamer "une provision sur charges d'un montant mensuel de 77 euros lors de la conclusion du bail et pendant les sept années qui ont suivi pour, en définitive, réclamer plus du triple de la somme provisionnée à l'issue de ce délai, (serait) constitutif d'une faute dans l'exécution du contrat", la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;
2°/ que la circonstance qu'un bailleur ait tardé à solliciter de son locataire le paiement des charges locatives et n'ait pas procédé à une régularisation annuelle de ces charges ne suffit pas à caractériser sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat ; qu'en déduisant la mauvaise foi du bailleur du délai dans lequel il avait sollicité de sa locataire, le montant total des charges locatives dues par cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; qu'en fixant le préjudice causé par la locataire et la caution, du fait du retard apporté par le bailleur, à leur adresser un décompte de charge, à une somme équivalente aux sommes dues en application du contrat, la cour d'appel en a paralysé la mise en oeuvre, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en toute hypothèse, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle une perte ou un bénéfice ; qu'en se bornant à allouer à M. Z... la somme de 10 000 euros tendant notamment à la réparation du préjudice résultant du retard apporté par le bailleur à solliciter le paiement des charges, sans justifier l'existence d'un préjudice distinct des conséquences de l'exécution de l'obligation dont la locataire ne pouvait être libérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que par courrier adressé au bailleur le 30 novembre 2003, la locataire, par l'intermédiaire de sa fille et de son gendre, les époux Z..., s'était inquiétée de n'avoir reçu aucun état des charges et donc aucun récapitulatif débiteur ou créditeur de sa situation, que le 7 février 2004, Mme Z... avait sollicité encore du bailleur la régularisation des charges locatives de sa mère, qu'aucune réponse n'avait été donnée à ces deux lettres, que le 10 septembre 2008, M. X... avait adressé à sa locataire une demande de régularisation du loyer depuis l'année 2003 et réclamé un rappel d'indexation, notant que la provision sur charges était maintenue au montant initial et que le 5 mai 2009, M. X... avait réclamé pour la première fois une somme au titre de la régularisation des charges, sans aucune explication, la cour d'appel a pu retenir, en l'état de l'obligation légale d'une régularisation annuelle des charges pesant sur le bailleur, que la réclamation présentée sur une période écoulée de cinq ans de plus du triple de la somme provisionnée, si elle était juridiquement recevable et exacte dans son calcul était, dans ce cas, déloyale et brutale et constitutive d'une faute dans l'exécution du contrat et en déduire que M. X... avait, par son comportement, engagé sa responsabilité envers la locataire et sa caution solidaire pour le dommage occasionné ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté, par des motifs non critiqués, que l'immeuble loué comprenait une cave qui n'avait jamais été mise à la disposition de la locataire, laquelle avait dû utiliser le garage des époux
Z...
pour entreposer le surplus de ses affaires et retenu qu'il en était résulté un préjudice pour la locataire et ses enfants, la cour d'appel qui, condamnant M. Z... au paiement des charges réclamées à la locataire n'a pas porté atteinte à la substance des droits et obligations légalement convenus entre les parties, a souverainement apprécié le montant total des différents chefs de préjudice de M. Z..., sans être tenue d'en préciser les éléments ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Michel X... à payer à Monsieur Yves Z... la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, et compte tenu de la condamnation de Monsieur Z... à payer à Monsieur X... la somme de 9.470,45 euros, d'AVOIR ordonné la compensation entre les sommes mises à la charge des parties et en conséquence, d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Z... la somme de 529,55 euros ;
AUX MOTIFS QU'« il apparaît des pièces versées par l'intimé que par courrier adressé au bailleur le 30 novembre 2003, la locataire, par l'intermédiaire de sa fille et son gendre, Monsieur et Madame Z...-Y..., qui géraient ses « affaires » s'inquiétait de n'avoir reçu aucun état de charges et donc aucun récapitulatif débiteur ou créditeur de sa situation ; que le 7 février 2004, Madame Z...-Y... sollicitait encore du bailleur la régularisation des charges locatives après une occupation de sa mère de presque deux ans ; qu'aucune réponse n'était donnée à ces deux lettres ; que le 10 février 2008, Monsieur X... adressait à sa locataire une demande de régularisation du loyer depuis l'année 2003 et réclamait la somme de 4.587,30 euros au titre du rappel de cette indexation, notant que la provision sur charges était maintenue à 77 euros ; que Monsieur et Madame Z...-Y... s'opposaient au calcul opéré de la révision du loyer et le bailleur convenait de son erreur et ramenait sa réclamation à la somme totale de euros ; que cette somme était alors payée par la locataire ; que le 5 mai 2009, Monsieur X... réclamait pour la première fois à la locataire, au titre de la régularisation des charges depuis le 1er avril 2004 jusqu'à ce jour, la somme de 6.860,30 euros ; que devant l'absence de réponse à sa réclamation, il faisait délivrer le 17 juin 2009 un commandement de payer cette somme resté infructueux ; qu'il convient de relever que cette demande a donc été présentée, sans aucune explication de la part du bailleur, plus de 7 ans après la conclusion du contrat de location ; que le 30 septembre 2009, Madame Y... libérait les lieux puis décédait quelques semaines plus tard à l'âge de 94 ans ; qu'un procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie était dressé contradictoirement par un huissier de justice : que le bailleur a alors réactualisé sa demande au jour du départ de la locataire des lieux et réclame le paiement de la somme de 9.326,47 euros ; qu'il demande aussi la moitié du coût du procès-verbal de constat de sortie, soit la somme de 143,98 euros ; qu'il résulte de cet historique des faits que la locataire, loin de se refuser à payer les charges réellement dues pour cette location, s'était justement inquiétée du calcul des charges et avait réclamé au bailleur de lui faire parvenir le décompte des charges exactes dues l'année suivant sa location puis l'année d'après ; que devant le silence du bailleur et alors qu'il mentionnait encore en septembre 2008 que la provision mensuelle pour charges était toujours de euros, elle a mensuellement acquitté cette somme ; que la réclamation présentée en mai 2009 sur une période écoulée de 5 ans, si elle est juridiquement recevable et exacte dans son calcul est, dans ce cas, parfaitement déloyale et brutale ; qu'en effet, en présentant une provision sur charge d'un montant mensuel de 77 euros lors de la conclusion du bail et pendant les 7 années qui ont suivi pour, en définitive, réclamer plus du triple de la somme provisionnée à l'issue de ce délai, est constitutif d'une faute dans l'exécution du contrat ; qu'ainsi c'est à juste titre que le premier juge a, d'une part, retenu que Monsieur Z... était, en sa qualité de caution solidaire de la locataire décédée, redevable du paiement des sommes de 9.326,47 euros + 143,98 euros soit 9.470,45 euros et il convient de constater que Monsieur X... a engagé sa responsabilité envers la locataire et donc sa caution solidaire, ayant par son comportement, occasionné un dommage à son co-contractant ; qu'enfin il apparaît que l'immeuble loué comprenait dans son descriptif l'existence d'une cave ; que celle-ci n'a jamais été mise à la disposition de la locataire, des scellés ayant été apposés par la justice avant son entrée dans les lieux ; que Monsieur et Madame Z...-Y... ont, à plusieurs reprises, suivant les lettres versées aux débats, réclamé la délivrance de cet accessoire à l'occupation de l'appartement loué ; que le bailleur, malgré ses affirmations de diligence, n'a pas réussi à remplir son obligation ; qu'il en est résulté un préjudice d'occupation pour la locataire et ses enfants, la première ayant dû utiliser leur garage pour entreposer le surplus de ses affaires n'entrant pas dans l'immeuble loué ; qu'il convient en conséquence de condamner Monsieur Z... à payer à Monsieur X... la somme de 9.470,45 euros au titre des sommes dues au titre de la location du 27 février 2002, il convient de condamner Monsieur X... à payer à Monsieur Z... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'il a subi et d'ordonner la compensation entre les deux condamnations ; qu'il en résulte que Monsieur X... est finalement condamné à payer à Monsieur Z... la somme de 529,55 euros » (arrêt p.5, dernier alinéa à p. 7, al. 2) ;
1°) ALORS QUE la circonstance que le montant des charges locatives finalement dues par le bailleur soit trois fois plus élevé que celui de la provision pour charge conventionnellement stipulée ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi du bailleur dans l'exécution du contrat ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le seul fait de réclamer « une provision sur charge d'un montant mensuel de 77 euros lors de la conclusion du bail et pendant les 7 années qui ont suivi pour, en définitive, réclamer plus du triple de la somme provisionnée à l'issue de ce délai, serait constitutif d'une faute dans l'exécution du contrat » (arrêt p. 6, dernier alinéa), la Cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la circonstance qu'un bailleur ait tardé à solliciter de son locataire le paiement des charges locatives et n'ait pas procédé à une régularisation annuelle de ces charges ne suffit pas à caractériser sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat ; qu'en déduisant la mauvaise foi du bailleur du délai dans lequel il avait sollicité de sa locataire, le montant total des charges locatives dues par cette dernière, la Cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3 du Code civil ;
3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; qu'en fixant le préjudice causé par la locataire et la caution, du fait du retard apporté par le bailleur, à leur adresser un décompte de charge, à une somme équivalente aux sommes dues en application du contrat, la Cour d'appel en a paralysé la mise en oeuvre, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
4°) ALORS QUE, en toute hypothèse, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle une perte ou un bénéfice ; qu'en se bornant à allouer à Monsieur Z... la somme de 10.000 euros tendant notamment à la réparation du préjudice résultant du retard apporté par le bailleur à solliciter le paiement des charges, sans justifier l'existence d'un préjudice distinct des conséquences de l'exécution de l'obligation dont la locataire ne pouvait être libérée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 - Prix - Prestations, taxes et fournitures - Charges récupérables - Réclamation tardive dépassant la somme provisionnée - Portée

Ayant constaté que le locataire, à plusieurs reprises, s'était inquiété du calcul des charges et en avait réclamé, en vain, le décompte exact, le bailleur ayant mentionné, à l'occasion d'un rappel d'indexation, que le montant de la provision sur charges était maintenu, la cour d'appel a pu retenir, en l'état de l'obligation légale d'une régularisation annuelle des charges pesant sur le bailleur, que la réclamation présentée par le bailleur sur une période écoulée de cinq ans, de plus du triple de la somme provisionnée, si elle était juridiquement recevable et exacte dans son calcul, était dans ce cas, déloyale et brutale et constitutive d'une faute dans l'exécution du contrat engageant la responsabilité du bailleur à l'égard du preneur et de sa caution solidaire pour le dommage occasionné


Références :

article 1134 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 06 janvier 2011


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 21 mar. 2012, pourvoi n°11-14174, Bull. civ. 2012, III, n° 49
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 49
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: Mme Monge
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 21/03/2012
Date de l'import : 07/12/2012

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-14174
Numéro NOR : JURITEXT000025566145 ?
Numéro d'affaire : 11-14174
Numéro de décision : 31200335
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-03-21;11.14174 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award