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21/03/2012 | FRANCE | N°10-26602

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 mars 2012, 10-26602


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2009 :
Attendu que la société Burlat s'est pourvue en cassation contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Montpellier les 18 novembre 2009 et 15 septembre 2010 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire ampliatif n'étant dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2009, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salari

ée, qui est préalable :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du tr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2009 :
Attendu que la société Burlat s'est pourvue en cassation contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Montpellier les 18 novembre 2009 et 15 septembre 2010 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire ampliatif n'étant dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2009, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée, qui est préalable :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée par la société Burlat, Mme X..., a été en arrêts de travail pour maladie du 19 mai au 25 août 2005, puis du 16 février au 6 novembre 2006 ; qu'à l'issue d'une visite unique intervenue à cette dernière date, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste en visant un danger immédiat ; que celle-ci , licenciée le 22 décembre 2006 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la nullité du licenciement, au motif que son inaptitude résultait d'un harcèlement moral ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en nullité du licenciement et en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir relevé que Mme X... soutient avoir été marginalisée et isolée par l'employeur à partir du mois de mai 2004 face à la contestation émise par d'autres salariés de sa promotion et avoir été victime d'un complot associant l'employeur à plusieurs salariés pour la contraindre à démissionner, ce qui a conduit à accentuer les pressions après son premier arrêt de travail au mois de septembre 2005, retient que le changement d'affectation de Mme X... est intervenu à la demande pressante de ses subordonnés, démarche soutenue par les délégués du personnel qui évoquaient les difficultés relationnelles avec cette salariée, sans qu'à cette époque, celle-ci ait fait état d'un harcèlement moral, que le changement de bureau est intervenu dans le cadre d'une restructuration générale, concernant les trois sites de l'entreprise, conduite pendant l'été 2005 au cours du premier arrêt de travail et déduit de ses constatations l'absence d'éléments suffisants permettant de présumer l'existence de faits répétés de harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur l'ensemble des faits invoqués par l'employeur en tant qu'éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, et notamment sur le fait que la salariée, qui avait perdu en quelques mois les trois quarts de son activité, se voyait confier des tâches irréalisables dans le bref temps imparti, devait faire face à des outrages quotidiens et avait, à tort, été accusée soudainement par l'employeur, à son retour d'un arrêt maladie, d'avoir maltraité une salariée malentendante alors que celui-là l'avait au préalable menacé d'utiliser le témoignage de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2009 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Burlat aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Burlat à payer à la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire la somme de 2 500 euros et rejette la demande de cette société ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Burlat, demanderesse au pourvoi principal

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame X... et d'AVOIR en conséquence condamné la société BURLAT à lui payer les sommes de 25.000€ à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif, 3.372€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 337,20€ au titre des congés payés y afférents, 8389€ au titre de l'indemnité légale de licenciement outre 1000€ au titre de l'article 700 ainsi que d'AVOIR condamné l'employeur à payer à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois d'indemnités en applications de l'article L.1235-4 du Code du travail.
AUX MOTIFS QUE «Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 1226-2 du Code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, si le salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail;Que dans le cadre d'une seule et unique visite de reprise, visant le danger grave et immédiat en application de l'article R 4624-31 du code du travail, Madame X... a été déclarée inapte à son poste dans l'entreprise;Attendu que l'employeur ne pouvait pas considérer qu'il était dispensé en cas d'avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise ,de toutes recherches de reclassement et doit justifier des tentatives réelles qu'il a engagées à cet effet;Que cette recherche devait être menée loyalement et force est de constater, que l'employeur s'est borné à solliciter, à deux reprises au mois de novembre 2006, du médecin du travail que celui-ci lui propose un poste reclassement adapté à l'état de santé de la salariée sans établir la réalité des recherches qu'il a engagées par lui-même et sans jamais faire aucune proposition concrète de reclassement soumise à l'avis du médecin du travail, que ce faisant, l'employeur a fait peser l'obligation à laquelle il était tenu sur le médecin du travail;Que le conseil n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et le licenciement doit en conséquence, être déclaré sans cause réelle et sérieuse sans que les dispositions de l'article 1226-10 du Code du travail ne soient applicables en l'espèce, puisque l'inaptitude n'est pas consécutive à une maladie professionnelle;
Que la Cour possède les éléments suffisants, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge (07/1966) de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci pour fixer son indemnisation, à la somme de 25000 € en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail;Qu'en outre, il convient de lui allouer les sommes dont les montants ne sont pas discutés par l'intimée de :- 3372 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 337.20 € de congés payés y afférents,- 8389 € au titre de l'indemnité légale de licenciement;Qu'il y a lieu, par ailleurs, en application des dispositions de l'article L 1235-4 du Code du travail, de condamner l'employeur à payer à Pôle Emploi les indemnités de chômage que cet organisme a versées à la salariée à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités;Que le jugement sera donc réformé en ce sens;Attendu que l'appelante bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle il apparaît inéquitable que le trésor public indemnise sa défense, alors que l'intimée, partie perdante et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, est en capacité financière de rémunérer cette défense;Qu'il convient, par conséquent, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, de condamner la SAS BURLAT au paiement d'une somme de 1000 € dont Maître Y..., avocat, pourra poursuivre personnellement le recouvrement en renonçant à la part contributive de l'Etat»
1°) ALORS QUE seul le médecin du travail étant habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail, l'employeur doit se conformer à ses préconisations lors de sa recherche des possibilités de reclassement d'un salarié inapte sans pour autant que, ce faisant, il ne puisse lui être reproché de faire peser sur le médecin du travail l'obligation de reclassement qui lui incombe ; qu'en l'espèce, l'employeur, en face d'un avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, avait sollicité à deux reprises le médecin du travail aux fins que celui-ci l'éclaire sur les moyens d'assurer le reclassement de la salariée, auquel il était à chaque fois répondu que tout reclassement de la salariée était impossible quel que soit le poste envisagé y compris par mutation, transformation du poste ou d'aménagement du temps de travail ce dont il résultait que le reclassement de la salariée inapte était impossible ; qu'en reprochant néanmoins à l'employeur de ne pas avoir recherché un reclassement de la salariée au-delà des préconisations et restrictions du médecin du travail sur lequel il aurait fait peser l'obligation de reclassement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du Code du travail ;
2°) ALORS subsidiairement QU'il appartient à la partie qui se prétend créancière de prouver l'existence de la créance qu'elle allègue ; que cette preuve ne peut résulter du seul silence opposé par la partie adverse ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait avoir délivré à la salariée l'ensemble des documents sociaux au moment du licenciement et lui avoir réglé son solde de tout compte (v. concl. p. 6§2) ; que la salariée, qui ne soutenait ni ne démontrait ne pas avoir été payée de l'indemnité légale de licenciement, en sollicitait le paiement en conséquence de la nullité alléguée de son licenciement ; (concl. adverse p. 21, §3 et s.); qu'en condamnant l'employeur à payer à la salariée la somme de 8.389€ au titre de l'indemnité légale de licenciement après avoir seulement dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au seul motif que les montants des sommes réclamées par la salariée «ne sont pas discutés par l'intimée» (i.e. l'employeur) la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 9 du Code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes tendant à voir juger qu'elle a été victime d'un harcèlement moral sur son lieu de travail et dire en conséquence que son licenciement pour inaptitude est nul et de l'avoir déboutée de ses demandes de dommages et intérêts de ce chef ;
AUX MOTIFS QUE : « qu'au regard des dispositions des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le licenciement qui intervient suite à un harcèlement moral est nul, le salarié qui l'invoque doit établir des faits qui permettent de présumer son existence et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Qu'en l'espèce, Madame X... soutient avoir été marginalisée et isolée par l'employeur à partir du mois de mai 2004 face à la contestation émise par d'autres salariés de sa promotion comme responsable du service impression numérique et avoir été victime d'un complot associant l'employeur à plusieurs salariés pour la contraindre à démissionner, ce qui a conduit à accentuer les pressions après son premier arrêt de travail au mois de septembre 2005 ; Qu'en réalité, il s'avère que le changement d'affectation de l'appelante est intervenu à la demande pressante de ses subordonnés, démarche soutenue par les délégués du personnel qui évoquaient les difficultés relationnelles rencontrées avec Madame X..., sans qu'à cette époque, celle-ci ait fait état d'un harcèlement moral, que le changement d'emplacement de son bureau ait intervenu dans le cadre d'une restructuration générale concernant les trois sites de l'entreprise qui a été conduite pendant l'été 2005 au cours de son premier arrêt de travail; Que l'attestation rédigée par Sandrine Z... est dénuée de force probante dès lors que celle-ci ne travaillait pas sur le site d'Onet le Château mais sur celui de Rodez alors que l'employeur produit l'attestation d'Isabelle A..., ex-responsable hiérarchique directe de l'appelante qui confirme le comportement relationnel difficile de Madame X... ; Qu'en l'état de ces constatations, il convient de relever, que l'appelante n'apporte aucun élément suffisant permettant de présumer l'existence de faits répétés de harcèlement moral de la part de la SAS BURLAT ; Que Madame X... sera donc déboutée de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande de dommages-intérêts de ce chef» (arrêt, p.4 et 5) ;
1./ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent débouter un salarié d'une demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral sans rechercher si tous les éléments invoqués par celui-ci étaient établis et dans l'affirmative s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral ; Qu'en l'espèce, Madame X... ayant justifié d'une part que les salariés de l'entreprise ne s'adressaient à elle que par post-it, d'autre part, que son employeur lui confiait des tâches irréalisables et lui avait modifié ses attributions et enfin, son dossier médical et des attestations de médecins faisant état de son état dépressif dû à des faits de harcèlement moral sur son lieu de travail, la cour d'appel, qui a elle-même constaté que l'inaptitude de la salariée avait été prononcée en raison d'un danger grave et immédiat, ne pouvait débouter la salariée de ses demandes en se bornant à examiner les seuls éléments de preuve de son changement de bureaux et l'attestation rédigée par l'associé de l'employeur sans prendre en compte l'ensemble des autres éléments établis par la salariée qui étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral ; que la Cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2./ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce il est constant que les parties s'accordaient à dire que Madame Z... avait bien travaillé quelques temps sur le site d'Onet Le Château où travaillait Mme X... (conclusions de Mme X... p.12§4 et conclusions de la société BURLAT p.16§6) ; qu'en jugeant néanmoins que «l'attestation rédigée par Sandrine Z... est dénuée de force probante dès lors que celle-ci ne travaillait pas sur le site d'Onet le Château mais sur celui de Rodez», la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26602
Date de la décision : 21/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 15 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 mar. 2012, pourvoi n°10-26602


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26602
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