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14/03/2012 | FRANCE | N°10-25560

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mars 2012, 10-25560


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2010), que suivant contrat du 4 octobre 2001, la société de droit russe Régie Publique Fédérale Kosmitcheskaya Sviaz, dont la dénomination en langue anglaise est, selon les statuts de l'entreprise, Federal State Unitary Russian Satellite Communications Compagny, en abrégé, RSCC, a cédé à la société de droit des Iles Vierges Britanniques Orion Satellite Communication (Orion) vingt millions d'actions de la société (de droit fr

ançais) Eutelsat dans laquelle le cédant était actionnaire ; que se plaigna...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2010), que suivant contrat du 4 octobre 2001, la société de droit russe Régie Publique Fédérale Kosmitcheskaya Sviaz, dont la dénomination en langue anglaise est, selon les statuts de l'entreprise, Federal State Unitary Russian Satellite Communications Compagny, en abrégé, RSCC, a cédé à la société de droit des Iles Vierges Britanniques Orion Satellite Communication (Orion) vingt millions d'actions de la société (de droit français) Eutelsat dans laquelle le cédant était actionnaire ; que se plaignant de la non-exécution du contrat de cession, Orion a engagé, en application de la clause compromissoire insérée à l'article 10 du contrat de cession, une procédure d'arbitrage ; que selon sentence du 3 décembre 2004 rendue à Moscou, M. X..., arbitre unique, a notamment condamné RSCC à céder à Orion, dans un certain délai, vingt millions d'actions de la société Eutelsat et à lui verser dans le même délai une somme de 2 820 000 euros puis l'a condamnée, en cas de défaut d'exécution, à verser à Orion une somme de 42 820 000 euros produisant intérêts ; que, suivant ordonnance du 14 mars 2008, le président du tribunal de grande instance de Paris a prononcé l'exequatur de la sentence ; que RSCC a fait appel de cette ordonnance d'exequatur, soutenant, d'une part, que la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale seraient contraires à l'ordre public international, en ce qu'elle heurterait le droit de propriété de la fédération de Russie sur les actions cédées sans son accord préalable et, d'autre part, que la sentence aurait été rendue en violation du principe de la contradiction, en ce qu'elle l'aurait été contre une personne morale -l'Agence fédérale de gestion du patrimoine de la Fédération de Russie sous la tutelle de laquelle elle se trouverait s'agissant de la cession litigieuse- ni régulièrement partie ni régulièrement représentée ;
Attendu que RSCC fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale litigieuse alors, selon le moyen :
1°/ qu'en fondant sa décision sur la seule consultation établie par M. Y... à la demande d'Orion, sans s'expliquer sur les textes de loi invoqués par RSCC, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ que l'article 2, alinéa 1er, de la loi Fédérale n° 161-FZ du 14 novembre 2002 relative aux entreprises unitaires d'Etat dispose «est considérée comme entreprise unitaire une société commerciale ne disposant pas du droit de propriété sur les biens qui ont été mis à sa disposition par leur propriétaire…. Les biens de l'entreprise unitaire restent la propriété de la Fédération de Russie… l'ensemble des biens d'une entreprise unitaire est mis à sa disposition ou lui est confié pour gestion économique, il reste indivisible et ne peut être divisé et partagé (parts), y compris entre les membres du personnel de l'entreprise unitaire» ; que l'article 20 de cette même loi prévoit que le propriétaire des biens d'une entreprise unitaire contrôle que l'utilisation des biens de celle-ci est faite selon sa destination, contrôle l'intégrité de ses biens et doit donner son accord pour la conclusion de transactions, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé la loi russe violant ainsi les articles 3 et 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation des dispositions invoquées de la loi russe, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a, dans les limites de son pouvoir, exclusif d'une révision au fond de la sentence, estimé que tout en étant une "entreprise unitaire" au sens du droit russe, la société RSCC était investie de la capacité de disposer librement des biens meubles entrant dans son patrimoine, de sorte que, conformément à la jurisprudence russe, elle pouvait, relativement à ces biens, être utilement poursuivie par son créancier ; qu'elle en a déduit que la société RSCC n'était pas fondée à prétendre que la sentence eût été rendue en violation du principe de la contradiction comme de l'ordre public international ; que par ces motifs, qui échappent aux griefs du moyen, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Federal State Unitary Russian Satellite Communications Company aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Federal State Unitary Russian Satellite Communications Company et la condamne à payer à la société Orion Satellite Communication Inc la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Federal State Unitary Russian Satellite Communications Company
Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale rendue à MOSCOU le 3 décembre 2004 ;
AUX MOTIFS QUE RSCC articule qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 2 de la loi Fédérale russe n°161-FZ, elle n'a pas la libre disposition des biens composant son patrimoine, les pouvoirs juridiques notamment quant à la propriété des biens étant exercés par la FEDERAL AGENCY FOR STATE PROPERTY MANAGEMENT sous la tutelle de laquelle elle est placée et qui peut exercer ou être destinataire des actions juridiques concernant la propriété des biens ; que la FEDERATION AGENCY STATE PROPERTY MANAGEMENT aurait dû être appelée à l'arbitrage et que la sentence rendue contre une personne morale qui n'est ni régulièrement partie ni régulièrement représentée a été rendue au mépris du principe du contradictoire et est contraire aux principes fondamentaux de l'ordre public international en ce qu'elle méconnaît la règle constitutionnelle française de protection du droit de propriété ; que la consultation de Monsieur Y..., spécialiste du droit russe, fait apparaître d'une part que RSCC est une Entreprise Unitaire au sens du droit russe et que la Fédération de Russie demeure propriétaire des biens transférés dans l'entreprise régie par le Code civil russe et la loi fédérale du 11 octobre 2002, d'autre part que RSCC jouit d'un droit réel sur l'ensemble des biens composant son patrimoine, notamment des actions qui, comme en l'espèce, font partie du patrimoine de cette entreprise, laquelle dispose de la capacité d'acquérir et d'exercer elle-même des droits et des obligations ainsi que d'ester et être attraite en justice, qu'il n'existe pas en droit russe de règle expresse portant restriction à ses capacités de disposer librement des biens meubles et qu'il y a dans la jurisprudence russe de nombreux exemples dans lesquels le créancier d'une Entreprise Unitaire a pu utilement poursuivre son débiteur en justice sans qu'il lui ait été nécessaire d'attraire en justice le propriétaire du patrimoine ; que RSCC se borne en réalité à invoquer une contrariété à l'ordre public russe, ce qui est contredit par la consultation de Monsieur Y..., sans démontrer en quoi la solution adoptée par la sentence arbitrale heurte l'ordre public international français et sans établir une violation du principe de la contradiction par l'arbitre unique ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en fondant sa décision sur la seule consultation établie par Monsieur Y... à la demande de la Société ORION SATELLITE COMMUNICATION INCORPORATED, sans s'expliquer sur les textes de loi invoqués par la Société RSCC, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 2 alinéa 1er de la loi Fédérale n°161-FZ du 14 novembre 2002 relative aux entreprises unitaires d'Etat dispose « est considérée comme Entreprise Unitaire une Société commerciale ne disposant pas du droit de propriété sur les biens qui ont été mis à sa disposition par leur propriétaire….Les biens de l'entreprise unitaire restent la propriété de la Fédération de Russie… …l'ensemble des biens d'une entreprise unitaire est mis à sa disposition ou lui est confié pour gestion économique, il reste indivisible et ne peut être divisé et partagé (parts), y compris entre les membres du personnel de l'entreprise unitaire » ; que l'article 20 de cette même loi prévoit que le propriétaire des biens d'une Entreprise Unitaire contrôle que l'utilisation des biens de celle-ci est faite selon sa destination, contrôle l'intégrité de ses biens et doit donner son accord pour la conclusion de transactions, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé la loi russe violant ainsi les articles 3 et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-25560
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mar. 2012, pourvoi n°10-25560


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.25560
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