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13/03/2012 | FRANCE | N°10-87338

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mars 2012, 10-87338


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Maurice X...,
- M. Joël
Y...
,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 14 septembre 2010, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de harcèlement moral, l'a condamné à deux mois d'emrpisonnement avec sursis et à 3 000 euros d'amende, et qui, après relaxe de M. Z..., a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande,

en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, prése...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Maurice X...,
- M. Joël
Y...
,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 14 septembre 2010, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de harcèlement moral, l'a condamné à deux mois d'emrpisonnement avec sursis et à 3 000 euros d'amende, et qui, après relaxe de M. Z..., a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté pour M. X...par la société civile professionnelle Gatineau-Fattaccini, pris de la violation des articles 510, 592 et 647-4 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était composée lors des débats et du délibéré le 7 juin 2010 de M. Garcin, président, et de Mme Montpied et M. Renaud Blanquart, conseillers, alors qu'il résulte du registre d'audience du 7 juin 2010 que la chambre 1 du pôle 6 de la cour d'appel de Paris était composée de M. Garcin, président, Mme Montpied, premier conseiller, et Mme Le Gars, deuxième conseiller ;

" 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; que ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la composition de la juridiction ayant statué à l'audience du 7 juin 2010, l'arrêt qui mentionne que le deuxième conseiller présent aux débats et délibéré était Mme Blanquart, alors même qu'il résulte du registre d'audience de la chambre 1 du pôle 6 de la cour d'appel de Paris du 7 juin 2010 que le deuxième conseiller était Mme Le Gars ; qu'en l'état de cette contradiction, les mentions de l'arrêt attaqué sont insusceptibles de justifier de la régularité de la décision rendue, en violation des textes visés au moyen ;

" 2°) alors qu'il sera établi par une procédure en inscription de faux régulièrement introduite que la composition de la chambre 1 du pôle 6 de la cour d'appel de Paris telle que mentionnée à l'arrêt était inexacte dès lors que le deuxième conseiller n'était pas Mme Blanquart, mais Mme Le Gars ; qu'en vertu des dispositions de l'article 647-4 du code de procédure pénale, les énonciations arguées de faux doivent être considérées comme inexactes, et que, par suite, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 septembre 2010 est présumé ne pas remplir les conditions de son existence légale ;

Sur le moyen additionnel de cassation, présenté pour M. X...par la société civile professionnelle Gatineau-Fattaccini, pris de la violation de l'article 592 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué ayant déclaré M. X...coupable de harcèlement moral à l'encontre de M.
Y...
a été rendu par des magistrats n'ayant pas assisté à toutes les audiences de la cause ;

" 1°) alors qu'aux termes de l'article 592 du code de procédure pénale, les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de jugement sont déclarées nulles lorsqu'elles ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt rectificatif de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2011 rendu suite à la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par M. le procureur général près la cour d'appel de Paris, que les mentions de l'arrêt attaqué, quant à la composition de la cour à l'audience du 7 juin 2010, étaient inexactes, comme le soutenait le demandeur à l'appui d'une requête en inscription de faux, M. Blanquart qui avait été amené à remplacer Mme Le Gars lors de la précédente audience du 7 décembre 2009 au cours de laquelle l'affaire avait été instruite, plaidée, et mise en délibéré, ne faisant, en réalité, pas partie de la composition de la cour le 7 juin 2010 comme le mentionnait pourtant l'arrêt attaqué ; qu'en l'état de cette rectification établissant que la décision prononcée par la cour d'appel de Paris le 14 septembre 2010 après réouverture des débats à l'audience publique du 7 juin 2010, a été rendue par un magistrat (Mme Le Gars) n'ayant pas assisté à l'audience précédente du 7 décembre 2009 au cours de laquelle la cause avait été débattue, l'arrêt attaqué ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, tel que rectifié par arrêt en date du 11 octobre 2011, après l'ordonnance du Premier président en date du 30 septembre 2011 rejetant la demande en inscription de faux formée par le demandeur, que la procédure a été examinée à l'audience du 7 juin 2010, les appelants ayant sommairement exposé les motifs de leur appel, Mme Montpied ayant été entendue en son rapport, les prévenus ayant été interrogés et entendus en leurs moyens de défense, et les parties et leurs avocats entendus selon les formes et modalités prévus par la loi ; que la cour était, lors de ces débats et du délibéré, composé de M. Yves Garcin, président et de Mmes Claire Montpied et Marie-Bernadette Le Gars, conseillers ;

Attendu qu'il résulte de ces énonciations de l'arrêt que la cour d'appel a statué conformément à la loi ;

D'où il suit que les moyens doivent être rejetés ;

Sur le moyen unique de cassation présenté pour M.
Y...
par Me Haas, pris de la violation des articles 121-7, 222-33-2 du code pénal, L. 1152-4 du code du travail, L. 225-56 du code de commerce, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a débouté M.
Y...
de ses demandes formées à l'encontre de M. Z...;

" aux motifs propres que les agissements de rétention d'informations, de dénigrement et d'empiètement sur ses compétences, opérés dans le cadre de la gestion des dossiers « Sécuricompte », « Mobility cards » par le service de production de la CAMCA ainsi que dans le cadre des dossiers « Responsabilités des dirigeants sociaux » et « Assurance décote » n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral, dès lors qu'ils n'étaient pas le fruit de son initiative ;

" et aux motifs adoptés qu'il est reproché à M. Z...une série d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de M.
Y...
en ce qu'il se serait rendu coupable de rétention d'informations à l'égard de la partie civile, qu'il aurait procédé à son dénigrement et qu'il aurait empiété sur ses compétences et celle du service qu'il dirigeait ; que ces agissements auraient été opérés dans le cadre de la gestion des dossiers « Sécuricompte », « Mobility cards » par le service de la production de la CAMCA ainsi que dans le cadre des dossiers « Responsabilité des dirigeants sociaux » et « Assurance décote » ; que s'agissant de la gestion du dossier « Sécuricompte », le courriel du 15 avril 2002 qui, selon M.
Y...
, informerait directement le client de la caducité de la note de M.
Y...
et participerait de son dénigrement, émane de Philipe B...et qu'il n'est pas fait mention d'une intervention de M. Z...; que M. Z...a reconnu être l'auteur de la mention manuscrite « vérifier s'il a déjà répondu » sur le courrier du 20 juin 2003 adressé à M.
Y...
mais que cela ne saurait suffire à attester d'une intervention malveillante de sa part ; qu'en outre, lors de son audition, M. C..., qui a expliqué être responsable du service production, a indiqué que c'était lui qui avait demandé aux assistantes du service production de ne plus communiquer de renseignements à M.
Y...
car il craignait que celui-ci intervienne sans le consulter ; que s'agissant du dossier « Assurance décote », M. D..., qui travaillait au service production, a reconnu dans son audition avoir détourné de sa propre initiative un fax qui était adressé à M.
Y...
, en expliquant qu'il avait estimé que ce fax concernait le service production et en ajoutant que M.
Y...
ne partageait pas les informations ; qu'à aucun moment M. D...n'a indiqué agir sur les ordres de M. Z...; que les pièces versées aux débats au sujet du dossier « Mobility cards » ne font pas état d'une information de M. Z...; que la demande d'information du 22 octobre 2002 émanant de M.
Y...
est destinée à M. C...; que la mention de l'étonnement de M. X...sur un accord donné sans présentation préalable du dossier à son niveau ne met pas, là encore, M. Z...en cause dans la gestion de ce dossier ; que s'agissant du dossier « Responsabilité des dirigeants sociaux », la réponse du service production directement au client, qui avait pourtant sollicité l'intervention de M.
Y...
, émane de M. C...; que la note de M. E...adressé à M. Z...et M.
Y...
le 14 juin 2002 indique que la nouvelle proposition dans ce dossier devra lui être remise par le service production ; que la gestion de ce dossier ne laisse pas apparaître d'agissements de la part de M. Z...; que si M. Z..., par son positionnement hiérarchique au sein de la société, avait la responsabilité du service production, il ne ressort d'aucun élément du dossier qu'il serait intervenu directement afin de nuire à M.
Y...
; que les témoignages recueillis le mettant en cause font état de suppositions ne reposant sur aucun élément tangible ; qu'ainsi, la preuve d'agissements répétés constitutifs de faits de harcèlement moral commis par M. Z...à l'encontre de M.
Y...
n'est pas rapportée ;

" alors que si la complicité par aide ou assistance ne peut s'induire d'une simple inaction ou abstention, elle se trouve en revanche caractérisée lorsque le complice ayant eu connaissance de l'infraction a laissé la commettre alors qu'il disposait des moyens légaux de s'y opposer ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas établi que les faits constitutifs de harcèlement moral étaient le fruit de l'initiative de M. Z..., sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si celui-ci, qui n'ignorait pas les faits dont était victime M.
Y...
, n'en avait pas facilité la commission en s'abstenant d'y mettre un terme comme, en sa qualité de directeur général adjoint il avait non seulement le pouvoir mais aussi le devoir de le faire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision de considérer comme non constitué le délit de complicité de harcèlement moral " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de I'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge de M. Z..., en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions à son encontre ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, présenté pour M. X...par la société civile professionnelle Gatineau-Fattaccini, pris de la violation violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 121-3, 222-33-2 du code pénal, préliminaire, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, dénaturation des conclusions, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de harcèlement moral à l'encontre de M.
Y...
;

" aux motifs que, en droit, en vertu de l'article 222-33-2 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 17 janvier 2002 applicable à l'espèce, le harcèlement moral envers autrui, pour être constitué, suppose une répétition d'agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il s'agit en outre d'un délit intentionnel ; qu'en fait, c'est par des motifs tout à fait pertinents que la cour fait siens, que les premiers juges ont fait une régulière appréciation des faits qu'ils ont exactement analysés après les avoir restitués dans leur contexte, caractérisés et qualifiés ; qu'il suffira de rappeler que le 30 mars 2005, M.
Y...
, anciennement responsable du département des relations sociétaires de la Caisse d'assurances mutuelles du Crédit agricole (CAMCA) déposait plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juge d'instruction du chef, notamment, de harcèlement moral ; qu'il exposait dans sa plainte qu'après avoir travaillé, depuis 1989, au sein du Crédit agricole, où il avait participé à la création de l'assurance Pacifica, il était entré en 1996 à la CAMCA en qualité de directeur des relations sociétaires où il débutait sous l'autorité de M. E..., directeur général, et de M. Z..., directeur général adjoint ; qu'il précisait qu'à partir de fin 1999, et plus particulièrement en janvier 2000, date à laquelle il avait été élu administrateur, représentant des salariés de la CAMCA, M. Z...avait développé une certaine agressivité à son égard ; qu'il expliquait cette attitude agressive, par le fait que M. Z...lui avait fait des confidences au sujet d'une affaire d'exhibition sexuelle le concernant ; que cette situation avait conduit M. E...auquel il s'était confié, à supprimer le poste de directeur général adjoint confié à M. Z...et à nommer ce dernier directeur de département le 11 mars 2002, sur un positionnement de responsable de département équivalent au sien ; que, selon le plaignant, malgré cette rétrogradation, M. Z...poursuivait son comportement de harcèlement, notamment en l'empêchant de remplir ses missions et en essayant de l'écarter de la gestion de certains dossiers, en remettant en cause ses compétences auprès de clients, voire en détournant des documents qui lui étaient adressés ; que le 18 juillet 2002, M. E...était licencié par décision du conseil d'administration et remplacé par M. F..., puis par M. X...le 4 mars 2003 ; que M. X...lui notifiait un avertissement le 16 juillet 2003 ; qu'il était ultérieurement licencié le 6 novembre 2003, pour faute et insuffisance professionnelle ; que ce licenciement était annulé et sa réintégration prononcée par décision du conseil des prud'hommes en date du 10 août 2004, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2005 ; que selon lui, la réintégration n'était pas totalement exécutée dans la mesure où il était replacé dans un poste non équivalent et privé des avantages dont il disposait précédemment et que M. G...avait été recruté sur poste nouvellement créé de directeur de développement pour remplir la plupart de ses fonctions antérieures ; qu'en ce qui concerne les faits reprochés à M. Z..., c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les agissements de rétention d'information, de dénigrement et d'empiètement sur ses compétences, opéré dans le cadre de la gestion des dossiers « sécuricompte », « mobility card » par le service production de la CAMCA ainsi que dans le cadre des dossiers « responsabilité des dirigeants sociaux » et « assurance décote », n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral, dès lors qu'ils n'étaient pas le fruit de son initiative ; qu'en ce qui concerne les faits reprochés à M. X..., que c'est à juste titre que les premiers juges après avoir constaté que M. X...avait pris ses fonctions à la CAMCA à compter du 4 mars 2003 et examiné les agissements répétés que M.
Y...
lui reprochait après les avoir classé en 4 rubriques « retrait de responsabilités et de dossier sans motif », « imputation fallacieuse de fautes ou insuffisances professionnelles », « mise en oeuvre d'une procédure de licenciement irrégulière et vexatoire », « défaut de réintégration effective suite à l'annulation du licenciement », ont retenu qu'effectivement, M. X...avait entendu évincer M.
Y...
de la gestion du dossier « optimisation des flux sécuricompte » ce qui était de nature à le déstabiliser, que les manquements imputés à M.
Y...
, par M. X...dans la gestion des dossiers « référentiel client » et « Arcavi » avaient légitimement pu être ressentis par M.
Y...
comme injustes et vexatoires ; que le fait de l'avoir licencié alors qu'avant même sa convocation à un entretien préalable au licenciement, était recruté un nouveau salarié sur un poste équivalent au sien, avait pu légitimement être considéré par M. M.
Y...
comme une éviction décidée à l'avance ; qu'enfin, le défaut de réintégration effective dans son ancien poste, malgré les décisions judiciaires intervenues participait d'un dénigrement supplémentaire le concernant ; que les premiers juges ont également à juste titre constaté la dégradation des conditions de travail de l'intéressé en ce que des missions de moindre importance lui avaient été confiées ; que son positionnement hiérarchique avait été revu à la baisse et qu'une partie de ses avantages matériels avaient été supprimés et que son avenir professionnel avait été compromis ; qu'enfin, la souffrance psychologique de M.
Y...
ressortait également tant des témoignages recueillis, que des pièces médicales versées au dossier et de l'expertise médicale effectuée et ce quoi qu'il en soit des particularités de la personnalité de M.
Y...
relevée ; qu'une telle attitude de la part de M. X...caractérise l'élément intentionnel de l'infraction ; qu'aucun des moyens de défense de M. X..., tels que développés à la barre à partir de leur complet exposé écrit dans les conclusions déposées, auxquelles il est ici expressément renvoyé, ne révélant aucun élément de fait ou de droit nouveau ou non pris en compte par les premiers juges, les attestations produites par MM. H..., I..., U..., V..., W..., établissant les qualités managériales de M. X...et l'attitude hostile de M.
Y...
à l'origine des difficultés rencontrées n'étant pas de nature à remettre en cause la validité des motifs du tribunal ; qu'en conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de M. X..., par adoption pure et simple des motifs des premiers juges ;

" et aux motifs adoptés que aux termes de l'article 222-33-2 du code pénal, l'élément matériel du délit de harcèlement moral se décompose selon les trois éléments suivants : des agissements répétés, entraînant, ou visant à entraîner, une dégradation des conditions de travail de la partie civile, cette dégradation devant être susceptible de lui porter préjudice ; qu'il convient donc d'analyser successivement ces éléments ; que toutefois, M. X...a pris ses fonctions de directeur général de la CAMCA le 4 mars 2003 ; qu'il convient donc d'examiner les faits reprochés à compter de cette date ;
1/ des agissements répétés qu'il résulte des diverses pièces du dossier et des débats que les faits reprochés à M. X...au titre des agissements répétés peuvent être synthétisés autour de quatre types de comportements susceptibles de tomber en raison des circonstances et de l'objectif poursuivi sous le coup des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal ; qu'il s'agit : du retrait de responsabilité et de dossiers dans motif, de l'imputation fallacieuse de fautes ou insuffisances professionnelles, de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement irrégulière et vexatoire et enfin, d'un défaut de réintégration effective suite à l'annulation du licenciement ;
a/ retrait de responsabilité et de dossiers sans motif qu'il est reproché à M. X...d'avoir retiré à M.
Y...
le dossier « premier achat spécial jeune » également appelé « caution jeune CR J...» au profit de MM. Z...et D...; que si le message émanant de M. K...tel que figurant à la suite du courriel écrit par M.
Y...
à M. L...le 16 mai 2003 indique que M.
Y...
était un des interlocuteurs dans ce dossier, les comptes-rendus du comité de direction en date des 14 mai 2003 et 13 octobre 2003 mentionnent quant à eux au titre du responsable action de ce dossier M. L...; que, lors du comité de direction du 13 octobre 2003, il apparaît que c'est à M. L...que la charge du suivi de ce dossier a été retirée pour être confiée à M. Z...et à M. D...; qu'il ne résulte d'aucune autre pièce que M. X...aurait évincé M.
Y...
de sa participation au traitement de ce dossier ; qu'ainsi, la preuve que ce dossier aurait été retiré n'est pas rapportée ; qu'il est aussi reproché à M. X...d'avoir confié le dossier « cautionnement du dépôt de garantie pour les locataires » à M. Z...au détriment de M.
Y...
; que les pièces visées à l'appui de ces allégations indiquent que M.
Y...
est intervenu sur ce dossier mais le compte rendu du comité de direction du 13 octobre 2003 au cours duquel il aurait été dessaisi de ce dossier ne fait pas apparaître qu'une décision en ce sens ait été prise ; que la preuve de ce que ce dossier aurait été retiré à M.
Y...
n'est pas rapportée ; qu'il est également reproché à M. X...d'avoir dessaisi M.
Y...
, sans explication, du dossier « optimisation des flux sécuricompte » en tant que directeur des relations sociétaires ; que néanmoins, comme en atteste de manière non contestée le courriel de M.
Y...
adressé à M. M...le 20 octobre 2003, M. X...avait émis le souhait que M.
Y...
n'intervienne plus sur ce dossier ; qu'il convient de conclure qu'au titre du retrait de responsabilité et de dossiers sans motif, il est établi par les éléments du dossier et des débats que M. X...a entendu évincer M.
Y...
de la gestion du dossier « optimisation des flux sécuricompte » ; que cela doit être considéré comme un comportement tendant à déstabiliser M.
Y...
eu égard à la problématique non contestée au cours des débats touchant à la définition même du poste de directeur des relations sociétaires, qui était un posté créé avec l'arrivée de M.
Y...
à la CAMCA et auquel la direction de la caisse n'a jamais donné de définition précise, engendrant des tensions entre les salariés, renforcées par le caractère transversal du domaine d'action d'un responsable des relations sociétaires ; qu'en l'écartant de la gestion d'un dossier concernant les sociétaires, cela ne pouvait que contribuer à déstabiliser M.
Y...
;
b/ imputation fallacieuse de fautes ou insuffisances professionnelles qu'au titre de l'imputation fallacieuse de fautes ou insuffisances professionnelles, il est reproché à M. X...d'avoir imputé à tort à M.
Y...
le retard du dossier « Référentiel clients » et l'absence de garantie financière suffisante dans le dossier « Arcavi » ; qu'en ce qui concerne le dossier « Référentiel clients », sa mise en oeuvre a été confiée à M.
Y...
lors du plan d'action établi le 21 février 2003 ; que des échanges de courriels entre le 12 mars 2003 et le 7 juillet 2003 entre M.
Y...
et deux personnes du service informatique, à savoir MM. M...et N..., démontrent la préoccupation de M.
Y...
dans le traitement de ce dossier, particulièrement à propos du retard qu'il avait pris ; que dans ses échanges de courriels qui ont tous été adressés à M. X...en copie, M. M...fournit les explications du retard pris (panne informatique, difficulté d'incorporer certaines données) ; que M. X...qui avait été mis au courant de l'évolution du traitement de ce dossier et des raisons du retard pris, en a néanmoins fait reproche à M.
Y...
dans la lettre d'avertissement du 16 juillet 2003 ; que, s'agissant du dossier « Arcavi », il ressort des pièces versées aux débats que M.
Y...
s'est toujours inquiété de la gestion de ce dossier par M. de O...; que par courriel du 16 juillet 2003, M.
Y...
a informé M. X...des solutions entreprises afin de résoudre le problème soulevé (absence de garantie financière suffisante) ; que cependant dans un courrier du 5 septembre 2003, M. X...lui a imputé les problèmes de ce dossier et lui a reproché de ne pas lui avoir fait part des difficultés rencontrées ; que les manquements imputés à M.
Y...
par M. X...dans la gestion de ces deux dossiers ont pu être légitimement ressentis comme injustes et vexatoires par M.
Y...
;
c/ mise en oeuvre d'une procédure de licenciement irrégulière et vexatoire ; qu'il est à ce titre reproché à M. X...d'avoir mis en circulation une offre d'emploi sur poste recouvrant les missions dévolues à M.
Y...
avant que celui-ci ait été licencié ; qu'il est également reproché à M. X...d'avoir mis en oeuvre une procédure de licenciement irrégulière ; que le 12 septembre 2003, a été mise en circulation une offre d'emploi sur un poste de directeur du développement et que M.
Y...
a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 23 octobre 2003 ; que l'on trouve un descriptif des fonctions du directeur des relations sociétaires dans le compte-rendu de l'entretien annuel du 21 décembre 2001 ; qu'il est indiqué que M.
Y...
« dans le cadre des orientations de la direction générale définit et préconise les opportunités de marchés à exploiter en vue de l'élaboration du plan d'action commerciale Groupe ; participe avec les entités concernées à la conception et à la mise en marché des nouveaux produits destinés aux sociétaires ou à leurs clients ; est à l'écoute des besoins des sociétaires (produits existants ou à créer) et, après analyse, répond à leurs attentes ou veille à la réponse par les entités concernées ; organise, anime et/ ou participe aux réunions d'information destinées aux sociétaires ou à leurs clients ; rédige, participe ou veille à la cohérence des notes d'information ou de tout autre support de communication générale à destination des sociétaires ; suit l'évolution qualitative et quantitative du portefeuille de produits destinés aux sociétaires et à leurs clients et mène les actions correctives nécessaires en lien avec les entités concernées ; tient à jour la liste des sociétaires et des différents correspondants CAMCA ; analyse les informations provenant de la concurrence et en assure la diffusion auprès des entités concernées ; anime et gère le service » ; que l'offre d'emploi pour un poste de directeur du développement diffusée le 12 septembre 2003 décrit le poste comme suit : « assurer la responsabilité du développement commercial et du marketing de la CAMCA ; participer à la définition de la stratégie du développement commercial et la mettre en oeuvre ; assurer la coordination des activités des filiales ; travailler en collaboration avec les fonctions support de l'entreprise, et en particulier avec le responsable du fonctionnement ; exercer la responsabilité des relations avec les caisses régionales et les filiales du groupe ; participer aux travaux du comité de direction » ; qu'une lecture comparative des profils des deux postes suffit à démontrer que le poste de directeur de développement, ayant notamment la charge d'exercer la « responsabilité des relations avec les caisses régionales et les filiales du groupe », recouvre le poste de directeur des relations sociétaires qu'occupait M.
Y...
, comme l'a d'ailleurs constaté le jugement du conseil de prud'hommes du 6 mars 2007 ; qu'ainsi, il est établi, qu'avant même que M.
Y...
ne se soit vu notifier une convocation à un entretien préalable au licenciement, une procédure de recrutement sur un poste équivalent avait été mise en oeuvre, sous l'autorité du directeur général de la CAMCA, M. X...; qu'une telle pratique, injuste et vexatoire, a pu légitimement être considérée par M.
Y...
comme participant de l'orchestration de son éviction décidée à l'avance ; que concernant la procédure de licenciement, la partie civile entend faire valoir le caractère irrégulier de celle-ci ; que le contrôle de la procédure de licenciement relève des instances prud'homales qu'il n'appartient pas au juge répressif de se prononcer sur son caractère régulier ou non ; qu'en lui-même, le licenciement ne saurait constituer un des agissements pouvant être retenu au titre du délit de harcèlement moral ;
d/ défaut de réintégration effective suite à l'annulation du licenciement ; que suite à l'annulation du licenciement par le conseil des prud'hommes, M.
Y...
a été réintégré dans son ancien poste à compter du 15 septembre 2004 ; qu'il résulte des témoignages recueillis que la réintégration n'a pas été respectée par le directeur général de la CAMCA ; que la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 24 janvier 2008, concernant la période du 15 septembre 2004 au 11 juillet 2005 qui concerne les faits de la prévention, a constaté que l'employeur persistait à ne pas rétablir M.
Y...
dans les fonctions qui étaient les siennes ; que la cour ajoute « il est ainsi établi que même si ce dernier perçoit la rémunération qui était la sienne avant la décision de l'employeur de mettre fin à son contrat de travail, sa situation professionnelle a été modifiée en ce que il ne possède plus de véhicule de fonction même s'il perçoit une contrepartie financière, son positionnement hiérarchique n'est plus le même dès lors qu'il n'est plus placé sous le contrôle de la direction générale, qu'il ne fait plus partie du comité de direction, que ses fonctions ont été transférées ou confiées à un prestataire extérieur ou réparties vers de nouveaux collaborateurs, que ses activités ont été limitées à deux missions » ; que le défaut de réintégration effective dans son ancien poste participe d'un dénigrement supplémentaire de M.
Y...
de la part du directeur général de la CAMCA, M. X...; qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des griefs que M. X...a été l'auteur d'agissements répétés ; qu'il a entendu évincer M.
Y...
de la gestion du dossier « optimisation des flux sécuricompte » contribuant par là à déstabiliser le salarié ; qu'il lui a imputé des manquements dans la gestion de deux dossiers qui ont pu être légitimement ressentis comme injustes et vexatoires par M.
Y...
; qu'avant même que M.
Y...
ne se soit vu notifier une convocation à un entretien préalable au licenciement, une procédure de recrutement sur un poste équivalent avait été mise en oeuvre, pratique injuste et vexatoire, qui a pu légitimement être considérée par M.
Y...
comme participant de l'orchestration de son éviction décidée à l'avance ; qu'enfin, M. X...n'a pas réintégré M.
Y...
dans un poste équivalent à son ancien poste, participant par là à un dénigrement supplémentaire du salarié ;
II-La dégradation des conditions de travail de la partie civile ; que le code pénal réprime des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime ; qu'en l'espèce, il est suffisamment établi par les éléments ci-dessus énoncés au titre du défaut de réintégration effective suite à l'annulation du licenciement, que la situation professionnelle de M.
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s'est dégradée en ce qu'il lui a été donné des missions de moindre importance au sein de la société, que son positionnement hiérarchique a été revu à la baisse et qu'une partie de ses avantages matériels ont été supprimés ;
III-Sur le préjudice susceptible d'avoir été porté à la partie civile ; que l'article 222-33-2 du code pénal prévoit enfin que les agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail doivent être susceptibles de porter atteinte aux droits de la partie civile ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou compromettre son avenir professionnel ; que la dégradation des conditions de travail de M.
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découlant des agissements répétés de M. X...est susceptible de porter atteinte à son avenir professionnel en ce qu'après avoir fait une brillante carrière au sein du Crédit agricole et la CAMCA, celui-ci s'est vu rétrogradé dans ses fonctions suite à la réintégration dans un poste équivalent non respectée, de sort que son avenir professionnel a nécessairement été compromis ; qu'en outre, divers salariés de l'entreprise ont témoigné de la souffrance psychologique subie par M.
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du fait des agissements de la direction générale de la CAMCA à son égard ; que par exemple, Mme P..., épouse Q..., indique lors de son audition par la gendarmerie à propos du licenciement de M.
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pour lequel elle s'était prononcée de manière favorable, qu'elle l'avait fait en raison de l'incompatibilité d'humeur entre MM. X...et
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et, pour aller dans le sens de M.
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qui lui avait indiqué quelques jours avant le conseil d'administration du 4 novembre 2003 qu'il était « fatigué, qu'il n'en pouvait plus, et qu'il fallait que cela s'arrête » ; que M.
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a versé aux débats des feuilles de soins et ordonnances attestant qu'il s'est vu prescrire un tranquillisant le 1er décembre 2004, un anxiolytique le 21 décembre 2004, soit quelques mois après sa réintégration à la CAMCA ; que l'expertise psychiatrique et médicopsychologique réalisée le 22 janvier 2007, sur la personne de M.
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, a conclu qu'il avait une personnalité de type obsessionnel, s'agissant d'un fonctionnement et non d'une pathologie ; qu'il avait vécu comme une destruction sa rétrogradation professionnelle d'autant qu'il avait fait de gros efforts tout au long de sa carrière pour réussir ; que M.
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n'a pas été le seul salarié de la CAMCA à avoir subi des souffrances psychologiques ; que dans son audition du 27 septembre 2005, M. R..., qui a travaillé entre les années 1995 et 2005 comme responsable de la gestion financière à la CAMCA a répondu au gendarme qui lui demandait s'il avait quelque chose à ajouter : « Oui. Il y a un phénomène assez symptomatique à la CAMCA : Mme de S...a quitté l'entreprise sous l'autorité de M. X...quasiment à son arrivée. Elle est partie avec un chèque de transaction de 110. 000 euros de mémoire. Je crois qu'il n'y a donc pas eu d'action en justice. M. X..., sans m'en donner le montant, m'a dit avoir fait des offres transactionnelles à M.
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, offres qu'il a refusées. De plus, Marc C...est en maladie depuis deux ans. Il est en dépression. Martine T...(CAMCA courtage) est en mi-temps thérapeutique pour dépression. Pour ma part, j'ai traversé une période où j'ai été contraint de m'arrêter quelque temps car j'ai été déstabilisé par l'attitude de M. X...qui comme je le disais précédemment sait être odieux courtoisement » ; que l'on peut constater que l'altération de la santé mentale de M.
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s'inscrit dans un contexte plus général de difficultés psychologiques rencontrées par divers salariés de la CAMCA, notamment sous la direction de M. X...; que M. X..., lors des débats et dans ses conclusions, indique que la personnalité de M.
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, qui selon certains témoignages, serait colérique, paranoïaque, adopterait une position de victime, expliquerait le conflit existant entre eux ; mais qu'au regard du contexte général de l'état mental de plusieurs salariés de la CAMCA, la personnalité de M.
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, que l'expert psychiatre a qualifiée d'obsessionnelle, ne saurait à elle seule expliquer et justifier les difficultés qu'il a rencontrées avec M. X...; qu'ainsi, nonobstant les particularités de la personnalité de M.
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, il y a lieu de constater que les agissements de M. X..., directeur général de la CAMCA, par leur répétition sur une période de plusieurs mois et leur gravité, ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de M.
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, lui portant par là préjudice en compromettant son avenir professionnel et en altérant sa santé mentale ; que M. X...avait nécessairement connaissance de ce que la dégradation des conditions de travail de M.
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était susceptible d'entraîner des conséquences préjudiciables ; que M. X...sera donc déclaré coupable des faits de harcèlement moral commis au préjudice de M.
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; que, néanmoins, il n'y a lieu d'entrer en voie de condamnation que pour les faits commis à compter de son arrivée comme directeur général de la CAMCA le 4 mars 2003 ; qu'il sera donc relaxé pour la période de faits entre le mois d'avril 2002 et le 3 mars 2003 ;

" 1°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions régulièrement déposées, M. X...faisait valoir que la responsabilité du retrait du dossier « Optimisation flux sécuricompte » ne pouvait en aucun cas lui être imputée dans la mesure où il n'était arrivé à la CAMCA qu'en mars 2003 et qu'il résultait d'un compte rendu de la réunion de direction mensuelle du 26 novembre 2002, produit aux débats, qu'à cette date, M.
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n'était déjà plus chargé de ce dossier qui avait été confié à MM. M...et H...; qu'en se bornant à affirmer que M. X...a entendu évincer M.
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de la gestion du dossier « Optimisation flux sécuricompte », sans même répondre à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu de nature à démontrer l'impossibilité de fait de lui imputer le retrait d'un dossier dont M.
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n'était déjà plus en charge antérieurement à son arrivée, la cour d'appel a privé sa décision de base en violation des textes visés au moyen ;

" 2°) alors que la preuve du harcèlement incombe à la partie poursuivante et ne saurait résulter des seules déclarations du plaignant, sauf à méconnaître le principe de la présomption d'innocence ; qu'en se bornant à adopter purement et simplement les motifs des premiers juges s'étant exclusivement fondés sur un courriel de M.
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du 20 octobre 2003 dans lequel ce dernier prétendait que M. X...ne voulait pas qu'il intervienne dans le dossier « Optimisation flux sécuricompte », la cour d'appel a fondé sa décision sur les seules déclarations du plaignant sans même chercher à les vérifier, ni à les examiner au regard du compte-rendu de la réunion de la Direction mensuelle du novembre 2002 produit par M. X...à l'appui de ses conclusions d'appel, démontrant qu'à cette date, M.
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n'était déjà plus en charge de ce dossier, au mépris des règles gouvernant la charge de la preuve et des textes visés au moyen ;

" 3°) alors que l'exercice légitime de son pouvoir de direction et de contrôle par l'employeur est insusceptible en tant que tel, de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; que le simple fait d'adresser à un salarié des reproches suite à des manquements professionnels objectifs, tels que le non respect des délais auxquels il s'était engagé (« dossier référentiel client »), ou l'erreur procédant d'une confusion entre nantissement et simple lettre d'intention (dossier Arcavi), ne peut, faute d'abus caractérisé dans l'exercice du pouvoir de direction et de contrôle, recevoir la qualification de harcèlement, nonobstant le désagrément qu'a pu en ressentir le salarié concerné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se contente de retenir les deux reproches susvisés comme constitutifs de la matérialité du délit de harcèlement dont elle a déclaré Monsieur X...coupable, au seul motif que ces reproches « ont pu légitimement être ressentis par M.
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comme injustes et vexatoires » ; qu'en faisant ainsi dépendre la qualification de harcèlement moral du seul sentiment d'injustice subjectivement éprouvé par la partie civile suite aux reproches adressés par son employeur sans même rechercher si les reproches ainsi formulés dans l'exercice du pouvoir de direction et de contrôle n'étaient pas objectivement justifiés, la cour d'appel a privé le délit de harcèlement moral de son assise objective au mépris des exigences les plus fondamentales du principe de légalité ;

" 4°) alors que toute contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'après avoir expressément adopté les motifs par lesquels les premiers juges avaient affirmé que le licenciement, en lui-même ne saurait constituer un des agissements pouvant être retenu au titre du délit de harcèlement moral, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer retenir comme constitutif du harcèlement « le fait d'avoir licencié M.
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», après avoir « recruté un nouveau salarié sur un poste équivalent au sien » ;

" 5°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, M. X...faisait expressément valoir que le prétendu défaut de réintégration effective à la suite de l'annulation du licenciement ne pouvait être retenu comme constitutif de la matérialité du délit de harcèlement, d'une part, parce que l'argument tenant au défaut de réintégration à un poste équivalent reposait sur le postulat erroné que M.
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aurait eu, avant son licenciement, le titre de directeur des relations sociétaires, ce qui était parfaitement inexact comme l'attestait son contrat d'engagement produit aux débats, et d'autre part parce la réintégration ne pouvait être effective en raison de la mauvaise volonté de M.
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manifestée par une attitude d'obstruction systématique, mise en évidence par l'arrêt de cassation rendu par la chambre sociale le 2 juin 2009 contre la décision de la cour d'appel de Paris ayant décidé de liquider l'astreinte pour défaut de réintégration dans les fonctions qui étaient les siennes ; qu'en se bornant néanmoins à retenir le défaut de réintégration effective dans son ancien poste comme participant d'un dénigrement supplémentaire, sans même rechercher à s'expliquer, ni sur les mensonges de M.
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quant au titre et à la fonction de directeur qu'il s'était attribués, ni sur l'attitude d'obstruction systématique qu'il avait manifestée, pourtant expressément reconnue par la chambre sociale de la Cour de cassation, la cour d'appel s'est abstenue de répondre à des arguments déterminants des conclusions du prévenu, privant de ce fait sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

" 6°) alors que si M. X...s'est toujours appliqué à contester que les agissements qui lui étaient reprochés par M.
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aient pu être constitutifs d'un quelconque harcèlement moral, il a enrichi sa défense, en cause d'appel, par la production de nouveaux éléments de nature à convaincre définitivement la Cour de son innocence : ainsi, notamment du compte rendu de la réunion de direction mensuelle du 26 novembre 2002, du contrat d'engagement de M.
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et de la décision de la chambre sociale du 2 juin 2009 rendue en sa faveur ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun des moyens de défense de M. X...tels que développés à la barre à partir de leur complet exposé écrit dans les conclusions déposées ne révélait aucun élément de fait ou de droit nouveau ou non pris en compte par les premiers juges, l'arrêt attaqué a dénaturé les conclusions du prévenu et commis un excès de pouvoirs ;

" 7°) alors que le délit de harcèlement moral suppose la conjonction d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la survenance d'incidents ponctuels étant exclusive de la qualification de harcèlement ; qu'en se bornant à entrer en voie de condamnation du chef de harcèlement sur le seul fondement d'un retrait de dossier non imputable au prévenu, de deux reproches parfaitement justifiés, et d'un défaut de réintégration effective dû à l'attitude d'obstruction systématique de la partie civile, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé un comportement répétitif au sens de l'article 222-33-2 du code pénal, et privé sa décision de toute base légale ;

" 8°) alors que le délit de harcèlement moral est un délit intentionnel qui suppose que soit établie à la charge de son auteur une intention de nuire, d'humilier ou de dégrader les conditions de travail de la victime ; qu'en l'espèce, en se bornant à déduire de la dégradation des conditions de travail de M.
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et de sa souffrance psychologique l'existence de l'élément intentionnel du délit de harcèlement moral sans qu'aucun élément ne permette d'établir que les décisions prises par M. X...dans l'exercice de son pouvoir de direction aient été animées par une quelconque intention de nuire, d'humilier ou de dégrader les conditions de travail de M.
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, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., alors directeur général de la Caisse d'assurances mutuelles du crédit agricole, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits de harcèlement moral commis à l'encontre de M.
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, alors responsable de département au sein de la caisse ; qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel ; qu'appel a été interjeté par le prévenu et par le procureur de la République ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt attaqué énonce que M. X...avait entendu évincer M.
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de la gestion du dossier " optimisation des flux sécuricompte ", ce qui était de nature à le déstabiliser, que l'imputation par M. X...à m. Y... de manquements dans la gestion des dossiers " référentiel client " et " Arcavi " avait légitimement pu être ressenti par ce dernier comme injuste et vexatoire, que le fait de l'avoir licencié alors qu'avant même sa convocation à un entretien préalable au licenciement, était recruté un nouveau salarié sur un poste équivalent au sien avait pu légitimement être considéré par M. Y... comme une éviction décidée à l'avance ; que les juges ajoutent que le défaut de réintégration effective dans son ancien poste, malgré les décisions judiciaires intervenue participait d'un dénigrement supplémentaire le concernant, que la souffrance psychologique de la partie civile ressortait tant des témoignages recueillis, que des pièces médicales versées au dossier et de l'expertise médicale effectuée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu, qui faisait valoir l'impossibilité, d'une part, de lui imputer le retrait d'un dossier dont M.
Y...
n'était déjà plus chargé avant son arrivée à la Caisse d'assurances mutuelles du crédit agricole et, d'autre part, de retenir le défaut de réintégration effective de M.
Y...
à la suite de l'annulation de son licenciement comme élément constitutif du harcèlement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 septembre 2010, mais en ses seules dispositions relatives aux condamnations pénale et civile de M. Maurice X..., toutes autres dispositions étant maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87338
Date de la décision : 13/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mar. 2012, pourvoi n°10-87338


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.87338
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