La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2012 | FRANCE | N°11-24638

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 mars 2012, 11-24638


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2011), que M. X..., maître de conférences à l'université Paris X, a fait assigner M. Y..., président de la cour administrative d'appel de Paris, devant le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, aux fins de le voir condamner au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice matériel et moral qu'il invoquait avoir subi du fait de la diffusion auprès de la présidente de l'université où il exerce ses fo

nctions, par le défendeur, de la lettre que celui-ci lui avait adr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2011), que M. X..., maître de conférences à l'université Paris X, a fait assigner M. Y..., président de la cour administrative d'appel de Paris, devant le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, aux fins de le voir condamner au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice matériel et moral qu'il invoquait avoir subi du fait de la diffusion auprès de la présidente de l'université où il exerce ses fonctions, par le défendeur, de la lettre que celui-ci lui avait adressée en réponse à ses propres correspondances dénonçant le dysfonctionnement de la cour administrative d'appel ; que, par une ordonnance du 8 juillet 2010, le juge de la mise en état a accueilli l'exception d'incompétence soulevée par M. Y... et le déclinatoire de compétence présenté par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et s'est donc déclaré incompétent pour connaître du litige, et, par ordonnance du même jour, a dit n'y avoir lieu à examen de la question prioritaire de constitutionnalité que M. X... lui avait soumise ; qu'à la suite de l'appel formé par M. X... à l'encontre de l'ordonnance d'incompétence du juge de la mise en état, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 8 mars 2011, dit n'y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X... ; que, par un second arrêt du 28 juin 2011, la même cour d'appel a confirmé l'ordonnance par laquelle le juge de la mise en état s'était déclaré incompétent ; qu'ayant formé un pourvoi contre ces deux arrêts, M. X..., par un seul mémoire intitulé " contestation de refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité et question prioritaire de constitutionnalité ", invoque, d'abord, un moyen de cassation contre l'arrêt ayant rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité, tiré de la violation de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, puis demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question " de savoir si l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret-loi du 16 fructidor an III et l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828, en autorisant un préfet à déposer un déclinatoire de compétence devant une juridiction judiciaire, méconnaissent le principe d'égalité de tous les citoyens devant la loi consacré par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et le principe constitutionnel de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, selon lequel la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration " ;
Sur le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :
Attendu que les dispositions contestées du décret du 16 fructidor an III et de l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828, qui sont de nature réglementaire, ne peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'en tant que dirigée contre l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, la question n'est pas nouvelle ; que, eu égard à la valeur constitutionnelle de la compétence et de l'indépendance de la juridiction administrative, le fait qu'un agent public auquel est imputé un fait dommageable commis dans l'exercice de ses fonctions doive, en principe, être attrait devant elle pour en répondre à l'égard de la victime ne porte aucunement atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, en particulier devant la justice, l'accès aux juridictions des deux ordres et les garanties offertes au justiciable étant équivalents, cette obligation fût-elle rappelée par un déclinatoire du préfet, au demeurant pris non dans l'intérêt de l'agent public concerné mais pour assurer le respect du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, indépendamment des initiatives ouvertes au juge, d'office, et aux parties ; que, partant, il n'est pas davantage porté atteinte au principe selon lequel la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ; que le moyen, irrecevable en tant que dirigé contre les deux derniers textes de la question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas sérieux en tant qu'il concerne le premier visé par cette même question ;
Sur le moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 8 mars 2011, tel qu'il figure en annexe :
Attendu que le rejet du moyen tiré de la prétendue atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit le rend inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le moyen d'inconstitutionnalité du décret du 16 fructidor an III et de l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828 ;
DIT N'Y AVOIR LIEU A SAISIR le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 ;
REJETTE le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 mars 2011 par la cour d'appel de Paris ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen dirigé contre l'arrêt du 8 mars 2011, produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (n° RG 11/ 02669), D'AVOIR rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité formée par monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X... vise trois textes :- l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 qui dispose que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; les juges ne pourront à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les administrateurs à raisons de leurs fonctions » ;- le décret-loi du 16 fructidor an III qui confirme le principe de séparation en affirmant dans un article unique que « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'il soient, avec peine de droit » ;- l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828 qui mentionne que « lorsqu'un préfet estimera que la connaissance d'une question portée devant un tribunal de grande instance est attribuée par une disposition législative à l'autorité administrative, il pourra, alors même que l'administration ne sera pas en cause, demander le renvoi de l'affaire devant l'autorité compétente ; à cet effet, le préfet adressera au procureur de la République un mémoire dans lequel sera rapportée la disposition législative qui attribue à l'administration la connaissance du litige ; le procureur de la république fera connaître, dans tous les cas, au tribunal la demande formée par le préfet et requerra si la revendication lui paraît fondée » ; que ces textes sont applicables au litige ; que, par ailleurs, l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828 n'a fait l'objet d'aucune décision du Conseil constitutionnel ; que ce dernier ne s'est donc jamais prononcé sur la constitutionnalité de la faculté pour le préfet de déposer un déclinatoire de compétence devant la juridiction judiciaire ; que, d'une part, le Conseil constitutionnel a déjà statué sur l'existence des deux ordres de juridictions et a notamment dit que « les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » ; que, d'autre part, le Conseil constitutionnel a précisé que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que dès lors le déclinatoire de compétence du préfet qui ne vise qu'à mettre en oeuvre la séparation entre les deux ordres de juridiction, n'interdit pas au justiciable de rechercher la responsabilité des agents publics et ne consacre aucune inégalité devant la loi ; que ce justiciable conserve un recours effectif et le fait que le juge judiciaire fasse droit au déclinatoire et renvoie les parties à mieux se pourvoir et donc à saisir la juridiction administrative ne prive pas la partie de mettre en cause l'agent public dont il recherche la responsabilité ; que dès lors le moyen soulevé par M. X... au soutien de sa question prioritaire de constitutionnalité est dépourvu de caractère sérieux (arrêt, pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE le déclinatoire de compétence du Préfet, fondé sur l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret-loi du 16 fructidor an III et l'article 6 de l'ordonnance du 1er juin 1828, place le justiciable qui recherche la responsabilité d'un agent public dans une position d'inégalité contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et impose au demandeur une restriction à son action en justice contraire à l'article 15 du même texte, de sorte qu'en refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par monsieur X... aux motifs qu'elle était dépourvue de sérieux, la cour d'appel a violé l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-24638
Date de la décision : 08/03/2012
Sens de l'arrêt : Qpc - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel
Type d'affaire : Civile

Analyses

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Article 13 de la loi des 16-24 août 1790 - Principe d'égalité devant la loi - Principe d'égalité devant la justice - Droit de demander compte à tout agent public de son administration - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel - Caractère sérieux - Défaut


Références :

Cour d'appel de Paris, 28 juin 2011, 10/15041

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 mar. 2012, pourvoi n°11-24638, Bull. civ. 2012, I, n° 48
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 48

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: M. Gallet
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.24638
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award