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08/03/2012 | FRANCE | N°11-10378

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 mars 2012, 11-10378


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., ayant découvert la présence sous leur propriété d'une canalisation du réseau communal d'eau potable, ont saisi le tribunal administratif d'une requête tendant à voir constater l'emprise irrégulière opérée par la commune du Vigan et à faire injonction à cette dernière de procéder au déplacement de la canalisation litigieuse, ainsi qu'en indemnisation de leur préjudice ; que le tribunal a déclaré l'emprise irrégulière et a rejeté le surplu

s de leurs demandes, comme portées devant une juridiction incompétente pour en ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., ayant découvert la présence sous leur propriété d'une canalisation du réseau communal d'eau potable, ont saisi le tribunal administratif d'une requête tendant à voir constater l'emprise irrégulière opérée par la commune du Vigan et à faire injonction à cette dernière de procéder au déplacement de la canalisation litigieuse, ainsi qu'en indemnisation de leur préjudice ; que le tribunal a déclaré l'emprise irrégulière et a rejeté le surplus de leurs demandes, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que les époux X... ont alors fait assigner la commune du Vigan devant les juridictions de l'ordre judiciaire pour obtenir le déplacement de la canalisation et le paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est recevable :
Attendu que la commune du Vigan fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception d'incompétence au profit des juridictions administratives, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision par laquelle une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient en raison de ce que le litige ne ressortit pas à cet ordre est dépourvue d'autorité de chose jugée envers la juridiction de l'autre ordre saisie du même litige qui, si elle estime que ce litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée ; qu'en considérant, dès lors, pour refuser d'examiner les nouveaux éléments versés aux débats par la commune de Vigan, que le caractère irrégulier de l'emprise avait été définitivement jugée par le tribunal administratif de Nîmes, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
2°/ qu'en rejetant l'exception d'incompétence soulevée par la commune de Vigan après avoir retenu que la demande des époux X... tendant à ce que soit ordonné le déplacement de la canalisation ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu que la cour d'appel, saisie par la commune du Vigan d'une exception tendant à voir déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de l'entier litige en raison de la prétendue régularité de l'emprise, a retenu à bon droit que son caractère irrégulier avait été définitivement jugé par le tribunal administratif ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 544 et 545 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leur demande de déplacement de canalisation, l'arrêt retient que la réalisation de cet ouvrage public ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative ;
Attendu cependant que la prise de possession, sans titre, d'une propriété privée porte une atteinte grave aux droits des propriétaires et est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé, par motifs propres et adoptés, que les époux X... ignoraient l'existence de la canalisation en cause et qu'aucune servitude n'était ni déclarée ni autorisée, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si une procédure de régularisation appropriée avait été engagée, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. et Mme X... de leur demande de déplacement de canalisation, l'arrêt rendu le 9 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la commune du Vigan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune du Vigan ; la condamne à payer à M. et Mme X... la somme totale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux X... de leur demande de déplacement de canalisation ;
AUX MOTIFS QUE la suppression ou le déplacement d'un ouvrage public relèvent par nature de la compétence du juge administratif ; qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire de prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte sous quelque forme que ce soit à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, même en cas de troubles de voisinage, comme allégué en l'espèce, et de surplus non établis, si ce n'est dans l'hypothèse où la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative, et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée ; que la canalisation en cause appartenant au réseau public communal du Vigan constitue comme tel un ouvrage public, et il n'apparaît pas que sa réalisation procède d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative, ce qui d'ailleurs n'est pas expressément allégué par les époux X... ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer sur ce point le jugement déféré qui a ordonné à la commune du Vigan de procéder au déplacement de la canalisation en litige comme ne relevant pas de la compétence du juge judiciaire ;
1°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que pour répondre à la demande formée par les époux X... visant au déplacement de la canalisation communale d'eau potable installée sur leur terrain, la cour d'appel a retenu, dans ses motifs, que cette canalisation constituait un ouvrage public et que son déplacement ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire ; qu'en statuant ainsi par des motifs qui, se fondant sur l'incompétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, sont en contradiction avec le dispositif qui déboute les époux X... de leur demande de déplacement de canalisation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
2°) ALORS QUE la prise de possession, sans titre, d'une propriété privée porte une atteinte grave aux droits des propriétaires et est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'administration ; que les époux X... faisaient valoir que l'installation de la canalisation litigieuse sur leur parcelle n'avait pas été précédée de la mise en oeuvre d'une procédure visant à l'établissement d'une servitude, ni de l'autorisation des anciens propriétaires ; qu'en refusant néanmoins d'ordonner le déplacement de cette canalisation installée sans titre, sans rechercher si une procédure de régularisation appropriée avait été engagée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, selon l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, modifié par le décret n° 60-728 du 25 juillet 1960, lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ; que la cour d'appel a constaté que le tribunal administratif de Nîmes s'est, par un jugement du 26 juin 2007, définitivement prononcé sur la demande de déplacement de canalisation formée par les époux X... à l'encontre de la commune de Vigan, en retenant que le juge judiciaire était seul compétent pour se prononcer sur l'ensemble des conséquences induites par une emprise irrégulière ; que, dès lors que la cour d'appel estimait que la demande de déplacement de canalisation ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire, elle était tenu de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de se prononcer sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à statuer ; qu'en rejetant la demande de déplacement de canalisation, la cour d'appel a violé l'article 34 du décret du 26 octobre 1849.Moyen produit au pourvoi incident par Me Haas, avocat aux Conseils pour la commune du Vigan.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de Vigan ;
AUX MOTIFS QUE le caractère irrégulier de l'emprise au regard des faits de la cause ayant été définitivement jugé par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2007, nonobstant l'allégation de la découverte de prétendus éléments nouveaux susceptibles de la remettre en cause et l'existence d'une ordonnance de référé du juge administratif du 31 juillet 2008 qui se limite à ordonner une nouvelle mesure d'instruction ;
ALORS, 1°), QUE la décision par laquelle une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient en raison de ce que le litige ne ressortit pas à cet ordre est dépourvue d'autorité de chose jugée envers la juridiction de l'autre ordre saisie du même litige qui, si elle estime que ce litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée ; qu'en considérant, dès lors, pour refuser d'examiner les nouveaux éléments versés aux débats par la commune de Vigan, que le caractère irrégulier de l'emprise avait été définitivement jugée par le tribunal administratif de Nîmes, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
ALORS, 2°), QU'en rejetant l'exception d'incompétence soulevée par la commune de Vigan après avoir retenu que la demande des époux X... tendant à ce que soit ordonné le déplacement de la canalisation ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-10378
Date de la décision : 08/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 09 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 mar. 2012, pourvoi n°11-10378


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10378
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