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08/03/2012 | FRANCE | N°10-20100

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 mars 2012, 10-20100


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Hermenegildo X... et son épouse, Marie Louise X..., ainsi que Virginie Y...et Albertine Z..., ont été victimes de meurtres à leur domicile ; que l'auteur de ces crimes, pénalement sanctionné, a été condamné, le 1er février 2006, par une cour d'assises, à verser à Mme X..., mère d'Hermenegildo X... une somme de 50 000 euros

; que cette dernière a saisi, le 28 février 2007, le président d'une commissi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Hermenegildo X... et son épouse, Marie Louise X..., ainsi que Virginie Y...et Albertine Z..., ont été victimes de meurtres à leur domicile ; que l'auteur de ces crimes, pénalement sanctionné, a été condamné, le 1er février 2006, par une cour d'assises, à verser à Mme X..., mère d'Hermenegildo X... une somme de 50 000 euros ; que cette dernière a saisi, le 28 février 2007, le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI), en vue d'obtenir une expertise psychiatrique et l'allocation de cette même somme à titre de provision, à valoir sur son préjudice moral ; que ses demandes ont été rejetées par ordonnance du 31 mai 2007, renvoyant l'affaire au fond ; que par décision du 19 décembre 2007, la CIVI a alloué à Mme X... une somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; que Mme X... a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel qui par arrêt avant dire droit du 20 février 2009 a ordonné une expertise médicale de Mme X... et lui a accordé à titre provisionnel la somme de 35 000 euros ;
Attendu que pour allouer à Mme X... la somme de 60 800 euros au titre de son entier préjudice avant déduction de la provision déjà allouée, l'arrêt énonce qu'elle a subi une incapacité temporaire totale d'un mois entre le 6 octobre et le 6 novembre 2001 avec une date de consolidation fixée au 1er février 2002, sans incapacité permanente partielle ; que les souffrances endurées sont évaluées à 4/ 7 ; que l'expert conclut à l'existence d'un préjudice d'agrément lié à un " ébranlement de la vie familiale et à la perte subie " ; que Mme X... a cessé toute activité professionnelle pendant un mois et que la date de la consolidation a été fixée au 1er février 2002, soit quatre mois plus tard ; que le préjudice indemnisable est le déficit fonctionnel temporaire qui est caractérisé par la perte de qualité de vie et par celle des joies usuelles de la vie courante subies par la victime pendant la maladie traumatique ; qu'il sera alloué à Mme X... la somme de 2 800 euros en réparation de ce préjudice ; que les souffrances endurées sont évaluées à 4/ 7 sur une échelle de 1 à 7 ; que ces souffrances sont caractérisées par les retentissements psychiques indépendants du préjudice moral lié au décès même du fils de la victime ; qu'il lui sera alloué à la victime la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice ; que Mme X... subit un déficit fonctionnel permanent caractérisé par la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation et qui résident dans ce que l'expert a qualifié de préjudice d'agrément, c'est à dire l'ébranlement de la vie familiale ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser la nature du préjudice moral qu'elle indemnisait, tout en allouant des sommes au titre des postes de préjudice extra-patrimoniaux du prix des souffrances endurées comprises comme le retentissement psychique lié au décès d'un proche, et du déficit fonctionnel permanent compris comme la douleur permanente ressentie, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence à la suite du décès de son fils, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice moral et n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Laugier et Caston ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Mme Mercès X... la somme de 60 800 euros au titre de son entier préjudice avant déduction de la provision déjà allouée ;
Aux motifs que « il résulte du rapport d'expertise que Madame Merces X... a subi une incapacité temporaire totale d'un mois entre le 6 octobre et le 6 novembre 2001 avec une date de consolidation fixée au 1er février 2002, sans incapacité permanente partielle ; que les souffrances endurées sont évaluées à 4/ 7 ; que l'expert conclut à l'existence d'un préjudice d'agrément lié à un " ébranlement de la vie familiale et à la perte subie " ; qu'il n'appartient pas à l'expert de préciser que ce préjudice d'agrément a ou non déjà était pris en compte dans le préjudice moral d'autant plus qu'il précise que ce dernier n'est pas de sa compétence ; que le Fonds n'est pas fondé à soutenir que Madame Merces X... n'a subi aucune incapacité temporaire totale alors même que, d'une part, elle a cessé toute activité professionnelle pendant un mois et que la date de la consolidation a été fixée au 1er février 2002, soit quatre mois plus tard et, d'autre part, que le préjudice indemnisable est le déficit fonctionnel temporaire qui est caractérisé par la perte de qualité de vie et par celle des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime pendant la maladie traumatique ; qu'en conséquence, il sera alloué à Madame Merces X... la somme de 2 800 € en réparation de ce préjudice ; que les souffrances endurées sont évaluées à 4/ 7 sur une échelle de 1 à 7 ; que ces souffrances sont caractérisées par les retentissements psychiques indépendants du préjudice moral lié au décès même du fils de la victime ; qu'il sera alloué à la victime la somme de 10 000 € en réparation de ce préjudice ; que, si l'expert n'a effectivement retenu aucune incapacité permanente partielle en termes d'atteintes aux fonctions physiologiques, pour autant Madame Merces X... subit un déficit fonctionnel permanent caractérisé par la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation et qui, en l'espèce, résident dans ce que l'expert a qualifié de préjudice d'agrément, c'est à dire l'ébranlement de la vie familiale ; qu'il sera alloué à Madame Merces X... la somme de 8 000 € en réparation de ce préjudice ; que les circonstances particulièrement odieuses et dramatiques dans lesquelles son fils a été sauvagement assassiné justifient que la somme de 40 000 € soit allouée à Madame Merces X... en réparation de son préjudice moral ; qu'en conséquence, il sera alloué la somme totale de 60 800 € à Madame Merces X... en réparation de ses différents préjudices avant déduction de la provision déjà allouée » ;
Alors, d'une part, que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant, outre la somme de 40 000 euros au titre du préjudice moral subi par Mme X... du fait du décès de son fils et de sa belle-fille, d'une part, celle de 2 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire compris comme la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie pendant la maladie traumatique qui a suivi le décès, d'autre part, celle de 10 000 euros au titre des souffrances endurées comprises comme le retentissement psychique lié au décès d'un proche, et enfin, celle de 8 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent compris comme la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence à la suite du décès de son fils, la cour d'appel a indemnisé plusieurs fois le même préjudice en violation de l'article 706-3 du Code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale ;
Alors, d'autre part que peut être seul réparé, au titre du dommage extra patrimonial subi par la victime par ricochet du fait du décès d'un proche, le préjudice d'affection, à l'exclusion des préjudices tirés d'un déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent ou des souffrances endurées, postes de préjudice qui réparent le seul dommage corporel de la victime direct d'une atteinte corporelle ; qu'en allouant néanmoins diverses sommes au titre de prétendus préjudices subis par Mme X... au titre du déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent et pretium doloris, du fait du décès de son fils, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;
Alors, en toute hypothèse, que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en ne précisant pas ce que réparait spécifiquement la somme de 40 000 euros allouée au titre du préjudice moral subi par Mme X... du fait du décès de ses proches, cependant qu'elle avait par ailleurs indemnisé à d'autres titres, d'une part, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie pendant la maladie traumatique qui avait suivi le décès, d'autre part, le retentissement psychique lié au décès d'un proche, et enfin, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence à la suite du décès de son fils, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du Code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-20100
Date de la décision : 08/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 mar. 2012, pourvoi n°10-20100


Composition du Tribunal
Président : M. Bizot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.20100
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