LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (la banque) avait consenti à la société Y... immobilier et à la société Nathalie X..., devenue la société Promotion immobilier granvillais, différents crédits ; que le 29 août 2005, une transaction a fixé les créances de la banque sur ces deux sociétés ainsi que les modalités de leur paiement, M. et Mme Y... se portant en outre cautions de celles-ci ; que les sociétés débitrices n'ayant pas respecté leurs obligations, la banque a réclamé aux cautions l'exécution de leurs engagements ; que la cour d'appel a accueilli ces demandes ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation ;
Attendu que pour déclarer valables les engagements de caution souscrits par M. et Mme Y... sans la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, la cour d'appel a retenu que cette disposition n'était pas applicable aux cautions en raison de leur qualité d'associés et de gérants des sociétés garanties ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la mention manuscrite prévue par ce texte doit être inscrite par toute personne physique qui s'engage en qualité de caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel, la cour d'appel a violé ledit texte ;
Sur la seconde branche du premier moyen :
Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2052 et 2053 du code civil ;
Attendu que pour valider les cautionnements litigieux, la cour d'appel a également retenu que le non-respect de l'article L. 341-2 du code de la consommation constitue en tout état de cause une erreur de droit qui n'est pas susceptible d'entraîner la nullité de la transaction ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exclusion de l'erreur de droit comme cause de nullité de la transaction ne concerne que la règle applicable aux droits objet de la contestation qu'elle a pour but de terminer, et non les engagements souscrits pour garantir l'exécution de la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de crédit agricole de Normandie, la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné solidairement M. Y... et Mme X..., épouse de M. Y..., en leur qualité de caution de la société Y... IMMOBILIER à payer au CREDIT AGRICOLE la somme de 140. 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE « par un protocole d'accord transactionnel du 29 août 2005, il a été décidé que la société Y... IMMOBILIER s'engage à régler à la CRCAM DE NORMANDIE la somme en principal, frais et intérêts et accessoires de 265. 000 euros ; qu'à titre de garantie, la société débitrice affecte en nantissement de premier rang son fonds de commerce situé à Granville ; qu'en cas d'insuffisance du nantissement, les époux Y... se portent caution envers la CRCAM DE NORMANDIE du paiement de la somme de 140. 000 euros ; que ce protocole d'accord constitue une véritable transaction avec concessions réciproques et est revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que la société Y... IMMOBILIER n'a pas honoré ses engagements ; que M. et Mme Y... sont infondés à faire valoir que leur engagement de caution, dans le cadre de cette transaction, ne serait pas valable faute de reprise manuscrite par eux de la mention figurant à l'article L 341-2 du code de la consommation ; qu'en effet, outre leur qualité de gérants et d'associés des sociétés susvisées, il s'agit en l'occurrence d'une erreur de droit laquelle est insuffisante pour permettre d'attaquer la transaction intervenue ; que (…) la CRCAM DE NORMANDIE justifie de l'admission de sa créance par ordonnance du 27 août 2007, sur la base de la transaction susvisée » ;
ALORS QUE, premièrement, l'article L. 341-2 du Code de la consommation est applicable à toute caution sans distinction, et qu'en opposant, pour écarter le texte, la qualité « de gérant et d'associé » de M. et Mme Y..., les juges du fond ont violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation ;
ALORS QUE, deuxièmement, en tant qu'il exclut l'erreur de droit comme cause de nullité de la transaction, l'article 2052 du Code civil ne vise que l'appréhension par la partie à la transaction du statut juridique des droits faisant l'objet de la contestation ; que le texte ne concerne en aucune façon la manière dont, indépendamment des droits contestés ayant motivé l'accord transactionnel, une partie doit s'exprimer lorsque, dans le cadre de la transaction, elle s'oblige à cautionner la dette d'autrui ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 341-2 du Code de la consommation, 2052 et 2053 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné solidairement M. Y... et Mme X..., épouse de M. Y..., en leur qualité de caution de la société Y... IMMOBILIER à payer au CREDIT AGRICOLE la somme de 140. 000 euros ;
AUX MOTIFS QU'« en matière commerciale, et pour des personnes qui ont comme en l'espèce un intérêt personnel dans les sociétés emprunteuses, en leur qualité de gérants et d'associés, le cautionnement est solidaire » ;
ALORS QUE, premièrement, si, dès lors que le cautionnement peut être regardé comme ayant une nature commerciale, la solidarité entre cautions peut être présumée, il ne s'agit là que d'une présomption qui souffre de la preuve contraire ; qu'en traitant la solidarité comme une règle de fond ou comme une présomption irréfragable, motif pris de l'intérêt que portaient M. et Mme Y... à la société Y... IMMOBILIER dont ils étaient gérants et associés, les juges du fond ont violé la règle suivant laquelle, en matière commerciale, la présomption est présumée ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, faute d'avoir recherché, comme il leur était demandé (conclusions du 17 octobre 2008, p. 9 et 10), si les parties à la transaction n'avaient pas écarté la solidarité, s'agissant du cautionnement garantissant la dette de la société Y... IMMOBILIER, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de la règle suivant laquelle, en matière commerciale, la solidarité est présumée.