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06/03/2012 | FRANCE | N°10-26301

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2012, 10-26301


Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er mars 1971, en qualité de VRP multicartes par la société Roger Y..., a été licencié pour faute grave le 22 avril 2005, pour avoir, dans un courriel du 14 mai 2004, tenu, à l'égard de la direction de la société, des propos injurieux et calomnieux et leur avoir donné une publicité en communiquant la copie de ce courriel à un tiers, lequel l'avait produit dans le cadre d'une instance prud'homale qui l'opposait à la sociétÃ

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Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'...

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er mars 1971, en qualité de VRP multicartes par la société Roger Y..., a été licencié pour faute grave le 22 avril 2005, pour avoir, dans un courriel du 14 mai 2004, tenu, à l'égard de la direction de la société, des propos injurieux et calomnieux et leur avoir donné une publicité en communiquant la copie de ce courriel à un tiers, lequel l'avait produit dans le cadre d'une instance prud'homale qui l'opposait à la société ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que les propos tenus par le salarié, qui sont injurieux, diffamatoires, et pouvant nuire gravement à l'entreprise, dépassent les limites admissibles du droit d'expression ;
Attendu, cependant, que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ;
Qu'en statuant comme elle a fait sans vérifier, comme elle y était invitée par les conclusions du salarié, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Roger Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Roger Y... à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué. d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une faute grave et de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes tendant à voir condamner la société ROGER Y... à lui verser diverses sommes au titre de son licenciement injustifié et de son indemnité de clientèle ;
AUX MOTIFS QUE " sur les motifs du licenciement : la lettre de licenciement du 22 avril 2005 est justifiée par la connaissance qu'a eu la SAS
Y...
du message adressé par M. X... à l'inspecteur du travail le 14 mai 2004, à l'occasion du licenciement de M. Z... ; la pièce ayant en effet été produite le 22 mars 2005 par l'avocat de M. Z... ; évoquant le courriel du 14 mai 2004, la lettre de licenciement relève en effet : " dans ce courriel, après avoir répondu aux questions posées par l'Inspecteur du travail, selon une opinion qui vous est personnelle, vous vous êtes livré à une violente diatribe et avez tenu des propos injurieux et calomnieux à l'encontre de la direction de la SAS
Y...
. En ce sens vous avez largement dépassé le cadre des questions qui vous étaient posées par l'inspecteur du travail. Vos propos injurieux mettent clairement en cause la probité et l'intégrité de la direction de la SAS
Y...
, notamment de M. A..., directeur général.... ces faits apparaissent d'autant plus intolérables que vous avez donné une publicité à vos dénonciations en adressant une copie de votre courriel. des tiers, notamment. M Z... " ; Il est constant-que tout salarié de l'entreprise a droit au respect de sa vie privée et donc au secret de sa correspondance, et qu'il dispose dans l'entreprise, sauf abus de sa part, d'une liberté d'exprimer ses opinions ;- que pour constituer un abus, les propos tenus par le salarié doivent être excessifs, injurieux ou diffamatoires ; en l'espèce, la correspondance litigieuse est un simple courriel et non une lettre fermée et confidentielle ; de plus et surtout son objet n'a pas le caractère d'une correspondance privée puisque son objet est exclusivement professionnel ; les questions posées par l'inspection du travail à M. X... avaient en effet un objet très précis et limité, puisqu'il concernait l'activité de M. Z... : " je suis amené à prendre position pour autoriser ou interdire le licenciement de M. Z..., dans ce contexte, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer si :... M Z... a eu ou non une activité syndicale significative, c'est grâce ou non à M. Z... que les V. R. P ont eu une prime d'ancienneté et huit jours de repos supplémentaires par an, l'entreprise Y... cherche ou non à licencier M Z... parce que son activité de représentant du personnel la dérange (si oui merci de détailler le plus possible)... " ; en réponse contenue dans son courriel du 14 mai 2004, M. X... donnait son avis à l'inspecteur du travail, soulignant l'action positive de M. Z... et ajoutant : " l'entreprise Y... cherche bien évidemment à licencier M. Z... pour maintes raisons, non fondées, comme vous pourrez le constater : son activité de délégué syndical et titulaire de la délégation du personnel dérange bien évidemment à partir du moment ou celui-ci défend une cause et des intérêts tout a fait justifies, en mettant au jour le non respect de la législation, entre autre, par la direction de la SAS
Y...
" ; ces propos ainsi que le relève la SAS
Y...
, n'ont pas de caractère insultant et expriment l'opinion personnelle de M. X... ; cependant il n'en va pas de même de la suite du courriel du 14 mai 2004, dans lequel M. X... consigne des appréciations n'ayant plus aucun lien avec les demandes de l'inspecteur du travail et évoquant notamment : " la malhonnête caractérisée, les mensonges répétés de la part de M. A..., directeur général de la société et époux de la PDG ex Melle Françoise Y... " pour suivant en affirmant que " cette procédure va coûter cher à la société et donc dévoiler beaucoup de malversations de la part de la Direction qui sera dans l'obligation de se résigner face à la législation et que les tribunaux ne manqueront pas de faire respecter " ; M. X... ajoute encore qu'on va découvrir " les malhonnêtetés, malversations, et surtout sa volonté et son habitude de précéder de cette façon " ; " compte tenu de la mentalité à vouloir magouiller, mentir, cacher, ne pas respecter, tromper, voler, le verbe n'est pas trop fort lorsque les commissions ne sont pas versées légalement... " ; de tels propos, par leur seul contenu, sont clairement injurieux et diffamatoire ; particulièrement choquants aussi compte tenu du fait que l'employeur ne peut y répondre puisqu'ils sont proféras dans un univers professionnel mais sans que la SAS
Y...
en ait connaissance ; de tels propos adressées à l'inspection du travail, peuvent à l'évidence nuire gravement à l'entreprise et ne reposent au demeurant sur aucun élément de fait avancé par le salarié et susceptible de leur donner quelque assise ; M. X... a ainsi dépassé les limites admissibles du droit d'expression et il n'existe aucune atteinte au secret de sa vie privée puisque en tout. tat de cause, c'est lui même qui a divulgué. ce message ; au demeurant M. X... a reconnu que ses propos avaient dépassé. sa pensée et a tenté de s'excuser auprès de son employeur (son message du 17 mai 2004) ; cependant, si l'inspecteur du travail ainsi qu'il en a l'obligation, n'a pas fait connaître le contenu des propos tenus par M. X..., celui-ci ne peut sérieusement prétende que le message ait été transmis pour ne pas être utilisé, et se soit trouvé. par erreur dans le dossier de M. Z..., et en pièce communiquée devant le conseil de prud'hommes ; ce document prétendument confidentiel a nécessairement été transmis par M. X... à M. Z... qui n'a pu s'en trouver dépositaire autrement que parce qu'on l'avait mis à sa disposition dans le cadre de la procédure dont il faisait l'objet ; cette transmission est soi seule une faute grave ; un tel comportement, quels que soit les écarts de caractère antérieurs de M. X..., quel que soit le résultat de la procédure pénale dont cette affaire a fait l'objet, constitue une faute grave portant atteinte de manière caractérisée au pouvoir de direction de l'employeur et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ; la décision du conseil de prud'hommes sera donc infirmée en toutes ses dispositions ;- sur les demandes financières de M. X... et de la société : s'agissant de l'indemnité de clientèle de M. X..., il résulte de l'article L7313-13 qu'elle n'est pas due en cas de faute grave. M. X... sera donc débouté de sa demande ; M. X... sera debout. de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire, indemnité de préavis, congés payés, indemnité de licenciement " ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allègues dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement justifié par une faute grave, la cour d'appel s'est bornée à annoncer que les faits reprochés à M. X... étaient établis et rendaient impossible son maintien dans l'entreprise, sans vérifier, comme l'y invitait l'exposant (conclusions, p. 13), si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé. sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'employeur doit justifier que la faute grave qu'il invoque repose sur des faits personnellement et directement imputables au salarié ; qu'en l'espèce, pour juger que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave, la cour d'appel a retenu qu'il est justifié par la connaissance qu'a eue la SAS
Y...
de son message adressé. à l'inspecteur du travail car il avait été produit en justice par l'avocat de M. Z..., que le salarié n'apportait aucun élément de nature à établir la véracité des accusations formulées contre son employeur dans le courriel du 14 mai 2004 adressé à l'inspecteur du travail et qu'il ne démonterait pas avoir interdit à M. Z... d'utiliser ce courriel ni que sa production en justice par M. Z... résultat d'une erreur (arrêt, p. 5, alinéas 6 et 8), quand il incombait à l'employeur de prouver, d'une part, que les propos reprochés à M. X.... étaient calomnieux ainsi que l'énonçait la lettre de licenciement et, d'autre part, que leur publicité. lui. tait personnellement imputable pour avoir autorisé. M. Z... à utiliser le courriel du 14 mai 2004 dans le cadre de la procédure prud'homale l'opposant à leur employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a viol. les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail ;
ALORS, AUSSI, QUE le fait pour un salarié, interrogé par l'inspecteur du travail, de porter à sa connaissance des faits concernant l'entreprise lui paraissant anormaux, qu'ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute, sauf accusations mensongères formulées de mauvaise foi ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il est constant que l'inspecteur du travail avait personnellement interrogé M. X..., la cour d'appel ne pouvait juger que sa réponse, qui formulait des accusations de malversations et de malhonnêtetés, par son seul contenu, était fautive ou injurieuse et diffamatoire à l'égard de son employeur et qu'elle ne reposait sur aucun élément de fait, sans constater que ces accusations étaient mensongères, et sans vérifier si, précisément, M. X... démonterait l'exactitude de ses propos en justifiant, d'une part, que la plainte de son employeur pour dénonciation calomnieuse avait fait l'objet d'un non-lieu, et d'autre part, que la Cour de cassation avait jugé que son employeur concurrençait effectivement, de manière déloyale, ses propres VRP, ce dont il résultat que les propos n'étaient ni mensongers ni formulés de mauvaise foi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé. sa décision de défaut de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail ;
ALORS, DE SURCROÎT, QUE pour dire que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave, la Cour d'appel ne pouvait se fonder sur les termes du courriel qu'il avait adressé. en réponse à l'interrogation de l'inspecteur du travail et que l'employeur avait produit en justice, sans le consentement ni de l'un ni de l'autre, au prétexte qu'un courriel n'est ni privé ni confidentiel et que son objet était exclusivement professionnel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 C de la Convention n 81 de l'OIT, 26 de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983, 9 du Code civil, 9 du Code de procédure civile et L 1121-1 du Code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait affirmer que M. X... ne démonterait pas avoir demandé à M. Z... de ne pas utiliser son courriel du 14 mai 2004 et qu'il avait tenté de s'excuser auprès de son employeur par son message du 17 mai 2004 (arrêt, p. 5, alinéas 7 et 8), quand par ce message, M. X... avait clairement demandé à M. Z... de bien vouloir considérer comme nul et non avenu le mail en question et d'en informer (son) avocat et lui avait indiqué qu'" aucune personne de la Société Y... ne (devait) connaître l'existence de ce courrier électronique ", et que l'arrêt du 7 novembre 2007 de la Cour d'appel de Lyon, produit aux débats, mentionnait clairement que " lors de la fourniture de nouvelles pièces à son avocat, (M. Z...) avait malencontreusement remis la copie du courriel de Robert X..., alors que celui-ci lui avait demandé de ne pas utiliser ce mail ", tous documents établissant que la publicité donnée au courriel du 14 mai 2004 n'était pas personnellement imputable à M. X... qui avait au contraire demandé. à son collègue d'annuler cet envoi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé le message du 17 mai 2004 ainsi que l'arrêt du 7 novembre 2007 et violé l'article 4 du Code de procédure civile et le principe susvisé ;
ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond doivent vérifier la cause exacte du licenciement et tenir compte du contexte dans lequel le salarié a tenu les propos incriminées pour apprécier la gravité de la faute qui lui est reprochée ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait que le courriel litigieux avait été adressé en réponse à l'interrogation de l'inspecteur du travail la cour d'appel ne pouvait retenir l'existence d'une faute grave à l'encontre de M. X..., qui comptait 34 années d'ancienneté dans l'entreprise, sans rechercher, comme il l'y invitait, s'il ne l'avait pas écrit sous le coup de la colère provoque par l'inertie de son employeur, à qui il s'était vainement plaint des pratiques discriminatoires dont il faisait l'objet en tant que VRP multicartes et si, immédiatement après cet envoi, le 17 mai 2004, soit bien avant son licenciement, il n'avait pas regretté ses propos trop excessifs et demandé à M. Z... de considérer comme nul et non avenu le courriel litigieux en lui interdisant toute divulgation, de sorte que sa divulgation à l'employeur ne lui était pas imputable et elle se devait de vérifier si son employeur ne l'avait pas licencié pour faute grave dans le but d'éluder le paiement de l'indemnité de clientèle qui lui était due au titre de la clientèle qu'il avait développe durant plus de trente années ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26301
Date de la décision : 06/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2012, pourvoi n°10-26301


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26301
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