LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 21-27 du code civil, ensemble l'article 133-13 du code pénal ;
Attendu, selon le premier des textes susvisés, que la condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis ne peut faire obstacle à l'acquisition de la nationalité française si elle a fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit dans les conditions prévues par le second de ces textes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2010), que le 28 novembre 2005, M. X... a souscrit, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, une déclaration en vue d'acquérir la nationalité française à la suite de son mariage ; que, le 20 mars 2006, le ministère chargé des naturalisations lui a notifié un refus d'enregistrement de la déclaration au motif que celle-ci était irrecevable, en application de l'article 21-27 premier et dernier alinéas du code civil, en raison de la condamnation dont il avait fait l'objet le 29 novembre 1990 par le tribunal correctionnel à une peine de six mois d'emprisonnement ; que, par jugement du 18 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté M. X... de sa demande tendant à voir constater la réhabilitation de plein droit et a constaté son extranéité ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la cour d'appel énonce que la condamnation prononcée à l'encontre de M. X... le 29 novembre 1990 a été suivie de deux nouvelles condamnations correctionnelles à des peines d'amende dans le délai de cinq ans suivant la prescription accomplie de sa peine prévue à l'article 133-13 2° du code pénal ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'au jour de sa demande acquisitive de nationalité, M. X... avait été réhabilité de plein droit du chef de ces deux dernières condamnations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2010, entre les parties, par l'arrêt de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'extranéité de Monsieur X... ;
Aux motifs propres, d'abord, que, selon l'article 21-27 du code civil, nul ne peut acquérir la nationalité française s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis ; que M. Moham m ed X... a souscrit le 28 novembre 2005, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, une déclaration de nationalité à raison de son mariage célébré le 9 mai 1992 à Paris, avec Nadia Y..., de nationalité française ; que le ministère chargé des naturalisations lui a notifié, le 20 mars 2006, un refus d'enregistrement de la déclaration au motif que sa déclaration est irrecevable puisqu'il a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement le 29 novembre 1990 ; que M. Moham m ed X... a été condamné par jugement du 29 novembre 1990 prononcé sur itératif défaut par le tribunal correctionnel de Paris à la peine de six mois d'emprisonnement assortie d'une interdiction de territoire français durant trois ans dont il a été relevé par jugement du 16 décembre 1993 ; que ce jugement est devenu définitif et la peine prononcée s'est trouvée prescrite le 5 mars 1998 en application de l'article 133-3 du code pénal ; que selon l'article 133-13 2° du code pénal en vigueur à la date de la déclaration de nationalité française, la réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée à une peine d'emprisonnement inférieure à un an, qui n'a subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle après un délai de cinq ans à compter soit de l'expiration de la peine subie soit à compter de la prescription accomplie ;
Aux motifs adoptés des premiers juges, ensuite, que, M. Moham m ed X... n'a pas été réhabilité de plein droit dans la mesure où il a été frappé de deux nouvelles condamnations à une peine correctionnelle prononcées les 19 janvier 1993 et 16 mars 1994, dans le délai susvisé de l'article 133-13 2° du code pénal ; qu'au regard de ces dispositions, la circonstance que ces condamnations aient été prescrites cinq ans après l'expiration du délai d'appel est sans incidence ; que, par suite, le jugement qui a constaté son extranéité est confirmé ;
Alors qu'il résulte de l'article 133-13 1° du Code pénal que « la réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n'a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle », soit dans le cas d'une condamnation à une peine d'amende correctionnelle « après un délai de trois ans à compter du jour du paiement de l'amende ou du montant global des jours-amende, de l'expiration de la contrainte judiciaire ou du délai de l'incarcération prévue par l'article 131-25 ou de la prescription accomplie », qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure – en particulier de la copie du bulletin n° 2 en date du 16 février 2006 – que les deux peines d'amende correctionnelle prononcées les 19 janvier 1993 et 16 mars 1994 sont prescrites depuis les 29 janvier 1998 et 26 mars 1999 et n'ont été suivies d'aucune condamnation nouvelle jusqu'à l'échéance du délai de trois ans à compter de la prescription accomplie i. e. jusqu'aux 29 janvier 2001 et 26 mars 2002 de sorte que Monsieur X... se trouve réhabilité de plein droit de ces condamnations ; qu'en vertu des articles 783 du Code de procédure pénale alinéa 2 et 113-16 du Code pénal qui prévoient que la réhabilitation produit les effets de l'amnistie, ensemble l'article 133-11, aux termes duquel « il est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales … effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque », il était dès lors formellement interdit aux juges d'appel d'en faire état et plus encore de s'en prévaloir comme motif pour faire obstacle à la demande de l'exposant ; qu'ainsi, la Cour d'appel, qui s'est uniquement fondée sur les deux condamnations à des peines correctionnelle prononcées les 19 janvier 1993 et 16 mars 1994, pour lesquelles la réhabilitation est acquise de plein droit et produit les effets de l'amnistie, pour refuser de faire droit à la demande de réhabilitation déposée par Monsieur X... au titre de sa première condamnation, a violé les articles 133-13, 133-16, et 133-11 du Code pénal, ensemble l'article 783, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;
Alors, subsidiairement, que, pour refuser de faire droit à la demande de réhabilitation de plein droit déposée par Monsieur X..., la Cour d'appel s'est bornée à relever que « les premiers juges ont dit exactement que M. Moham m ed X... n'a pas été réhabilité de plein droit dans la mesure où il a été frappé de deux nouvelles condamnations à une peine correctionnelle prononcées les 19 janvier 1993 et 16 mars 1994, dans le délai susvisé de l'article 133-13 2° du code pénal », sans rechercher si ces deux condamnations ne faisaient pas elles-mêmes l'objet d'une réhabilitation de plein droit en vertu de l'article 133-13 du Code pénal, ce qui aux termes des articles 133-16 et 133-11 du Code pénal avait pour conséquence d'interdire aux juges du fond de les citer ou même de les prendre en compte au soutien de leur décision ; que ce faisant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 133-13, 133-16, et 133-11 du Code pénal.