LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 avril 2010), que M. X... et Mme Y... se sont mariés, le 24 février 1989 ; que, sur requête présentée le 23 mai 2005 par Mme Y..., le juge aux affaires familiales, par décision du 19 juin 2008, a prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal, a statué sur les mesures concernant les enfants et l'a déboutée de sa demande de prestation compensatoire ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à son épouse une prestation compensatoire de 40 000 € en capital ;
Attendu que c'est par une appréciation souveraine, que le moyen tente, en réalité, de contester, que la cour d'appel a constaté l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux et évalué le montant de la prestation compensatoire qu'il convenait d'allouer à l'épouse pour compenser cette disparité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture du mariage créait en défaveur de Madame Y... une disparité dans les conditions de vie respectives des époux justifiant qu'il soit fait droit dans son principe à sa demande de prestation compensatoire et d'avoir condamné M. X... à verser à Madame Y... la somme en capital de 40 000 € à titre de prestation compensatoire ;
AUX MOTIFS QUE, alors qu'elle réclame la condamnation de l'intimé à lui payer une prestation compensatoire de 100 000 €, Mme Y..., qui consacre la quasi intégralité de ses dernières conclusions d'appel du 25 février 2010 au rappel de la procédure à fustiger le 1er juge, à mettre en évidence la duplicité de M. X..., et à démontrer que la situation qu'il présente n'est pas conforme à la réalité, est beaucoup moins diserte dans l'exposé de sa propre situation ; qu'ainsi, elle se borne à faire valoir que, depuis la séparation du couple et pour se consacrer à l'éducation de ses filles,- elle a travaillé, dans un premier temps à mi-temps chez un architecte percevant à ce titre un salaire de 700 €,- au mois de mai 2006, elle a été embauchée, à plein temps, dans une entreprise du bâtiment située à SÈTE, ce qui lui a procuré un salaire de 1. 200 € par mois (confirmé par les bulletins de salaire versés aux débats), grevée de la somme de 50 € correspondant à ses frais de déplacement pour se rendre sur son lieu de travail,- elle en a été licenciée pour raisons économiques,- depuis le 2 novembre 2006, elle se trouve au chômage et perçoit actuellement 964, 72 € par mois d'allocations chômage (confirmé par un relevé de situation de Pôle Emploi du 30 octobre 2009) ; qu'elle ne consacre pas une ligne de ses conclusions à l'exposé de ses charges ; qu'il résulte, toutefois, des pièces éparses versées aux débats, dont de nombreuses sont obsolètes, bien que la chemise du dossier de plaidoirie de son avocat les contenant porte la mention « charges actualisées », que :
- en avril 2008, elle devait faire face au paiement d'un loyer de 312, 74 €,
- elle avait un abonnement groupé téléphone et internet dont le prix de base était de 59, 80 € par mois auquel s'ajoutait le coût des communications hors forfait (la facture du mois de mars 2008 a été de 74, 56 €),
- elle avait un abonnement EDF pour lequel un échéancier en date du 21 mars 2008 prévoyait des paiements mensuels de 40 €, qu'elle a également versé aux débats deux offres préalables de prêt ; que la première, pour un montant de 8 000 € remboursables sur 60 mois par échéances de 156, 66 €, établi par un agence du CIC de CASTELNAU LE LEZ, est en date du 7 novembre 2003, époque à laquelle la procédure de divorce n'était pas encore engagée, et surtout n'est pas signée ; qu'aucune pièce ne permet de retenir que cette offre a été acceptée et suivie de l'octroi d'un prêt donnant lieu à des remboursements ; que la seconde offre concerne une ouverture de crédit, utilisable par fractions au moyen d'une carte de crédit, en l'occurrence une « Master Card », ou d'ordre de virement, prévoyant un découvert maximum autorisé de 12. 000 € avec la précision que le titulaire du compte bancaire choisissait d'en limiter l'usage à un montant de réserve de 700 € ; qu'aucune pièce ne permet de déterminer quel usage a, ensuite, été fait de ce crédit dit « permanent » ; qu'il résulte des pièces produites que Mme Y... bénéficiait d'une A. P. L de 307, 85 € par mois (valeur avril 2008) qui était alors amputée d'une retenue de 89, 20 € pour des motifs non précisés ; que M. X... impute à Mme Y... de bénéficier de revenus occultes qu'il qualifie de « confortables » ; qu'il se prévaut de 3 relevés bancaires datés des mois de février et avril 2003 faisant apparaître :
- le 1er, un virement de Mme Y... à sa famille de 2 523 €,
- le 2ème, un chèque de 5 191, 77 € en faveur d'un membre de sa famille,
- le 3ème, des avoirs cumulés (compte courant, CODEVI et Livret d'épargne) de 16 442 € ; que Mme Y..., qui s'interroge sur la manière qu'elle pense être frauduleuse, dont M. X... est parvenu à mettre la main sur ces documents, sans toutefois solliciter qu'ils soient écartés des débats, explique, dans ces dernières conclusions d'appel que ces mouvements auraient comme explication, des fonds envoyés à l'origine par sa soeur « et par une amie de celle-ci », domiciliées en Belgique, pour des « raisons de facilité de caisse » (sic) ; qu'elle verse aux débats une document dans lequel elle atteste sur l'honneur que :
- une somme de 5. 154, 69 € correspond au remboursement fait à une soeur, prénommée Sarangbé, déduction faite d'une perte, au titre d'un contrat de placement qu'elle avait signé, à une époque où son ex-époux gérait une société dénommée HIS ASSUR, pour le compte de celle ci qui lui avait confié ses économies (se montant à 5. 400 €) pour les faire fructifier,
- une somme de 9. 000 € a pour origine un versement de 9 600 €, en provenance du compte d'un certain « Z... de Grande-Bretagne », sur son Codevi le 1er octobre 2005, correspondant aux économies de la même soeur et de l'époux de celle-ci pour qu'elle les reverse à une société CIBER DISTRIBUTION afin que celle-ci fournisse et achemine des médicaments jusqu'à la clinique de son beau-frère, précisant que depuis cette société et ce dernier travaillent directement ensemble ; que, même s'il n'existe pas, pour le moins, une parfaite cohérence entre les explications, particulièrement floues fournies dans ses conclusions par l'appelante et dans le document dont il vient d'être fait état, où ses justifications apparaissent frauduleuses et si aucune pièce justificative émanant, par exemple, des tiers dont elle fait état, n'est produite, la Cour relève que les mouvements de fonds dont s'agit remontent à 2003, époque à laquelle la procédure de divorce n'était pas engagée, et surtout considère qu'il n'est pas établi que de tels mouvements de fonds ont continué par la suite ; qu'il n'est donc pas avéré que Mme Y... bénéficiait au moment du prononcé du divorce et bénéficie actuellement de revenus occultes ;
que M. X... expose que :
- de 1991 à 1996, il a dirigé une société nommé EURÊKA-après la déconfiture de celle-ci, il a tenté de créer une autre société, dénommée ALPHA INFO qui a disparu au bout de 5 mois,
- en 1997, il a été cogérant d'une société dénommée PLEXIMAT laquelle n'a pas mieux marché que les précédentes,
- il a donc créé une société dénommée HIS ASSUR qui elle a fini par faire l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 11 décembre 2002, lui-même étant déclaré, par un jugement du 15 octobre 2004, en faillite personnelle et interdit de gérer pendant 5 ans,
- il est actuellement, et ce depuis trois ans, comptable salarié et associé d'une société dénommée EURÊKA CONSULT, à ne pas confondre avec la société EURÊKA liquidée en 1996 dans laquelle travaillait son épouse ; que, bien que se disant ruiné à la suite de la liquidation judiciaire de la société HIS ASSUR il reconnaît que son travail depuis 2008 lui permet de dégager un salaire qu'il qualifie de « tout à fait correct », tout en s'empressant de faire valoir qu'il est « bien insuffisant » alors qu'il se trouve à un âge proche de la retraite, pour lui permettre de se constituer un patrimoine ; qu'étant observé qu'il ne fournit, dans ses conclusions aucun chiffre que ce soit pour ses revenus ou ses charges, il considère qu'il n'existe aucune disparité au sens de l'article 270 du code civil en défaveur de Mme Y... justifiant le versement de la moindre prestation compensatoire ; qu'il résulte toutefois des quelques pièces qu'il a versé aux débats qu'il a déclaré, pour 2008, année du prononcé de son divorce, des revenus salariaux de 50 925 €, ce qui représente une moyenne mensuelle de 4 243, 75 € ; qu'il n'a versé aucune pièce relative à ses charges, se bornant dans sa déclaration sur l'honneur du 31 août 2009 à revendiquer rembourser un crédit de 22 000 € souscrit pour l'acquisition d'un véhicule représentant des mensualités de 800 € par mois jusqu'au 30 septembre 2012 et un crédit à la consommation représentant des mensualités de 300 € par mois jusqu'au 31 juillet 2011 et partager ses frais de la vie courante, en donnant un chiffre 1 150 €, sans préciser s'il s'agit du total des frais qu'il partage ou s'il s'agit du montant effectif de sa participation ; qu'il est totalement silencieux sur la situation économique de la société dont il est associé et les dividendes qu'il est susceptible d'en retirer, celle-ci apparaissant pourtant suffisamment florissante pour lui verser un salaire confortable et ne verse aucune pièce permettant de pallier sa carence sur ce point ; qu'au vu de ce qui précède, et notamment de la différence très importante de revenus qui n'est pas compensée par d'autres éléments, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise financière et patrimoniale, il existe une disparité, en défaveur de Mme Y..., dans les conditions de vie respective des époux résultant du divorce justifiant la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de prestation compensatoire ; que, pour compléter, par référence à l'article 271 du Code Civil les éléments déjà évoqués à prendre en considération pour évaluer l'importance de la disparité, il convient de retenir que :
- le mariage a duré 19 ans,
- au moment du prononcé du divorce Mme Y... était âgée de 43 ans et M. X... de 57 ans,
- du fait, outre du temps consacré à l'éducation des enfants, d'une durée de cotisation moindre et à un niveau moins élevé que M. X..., les droits en matière de pensions de retraite de Mme Y... seront sensiblement inférieurs à ceux de ce dernier ;
- les époux ne revendiquent aucun patrimoine commun et aucun d'entre eux ne revendique ou n'impute à l'autre un patrimoine propre ; que Mme Y..., consacre une partie de son argumentation à mettre en cause la réalité de la perception des rémunérations qu'elle est censée avoir perçues en qualité de secrétaire employée par la société EUR. EKA dont son époux était le dirigeant ; qu'il y a lieu de faire observer que la Cour statuant en matière de divorce n'est pas une juridiction prud'homale, et que l'éventuel débiteur de salaires non ou incomplètement impayés et/ ou le responsable d'une éventuelle absence de versement cotisations à une ou. des caisses de retraite ou du versement de cotisations incomplètes serait la société précitée ; qu'elle ne saurait donc par le biais d'une demande de prestation compensatoire dirigée contre son ex-époux, quand bien même il en a été, comme cela a déjà été mentionné, le dirigeant, tenter de palier sa carence à intenter, au moment où cette société existait encore, les actions en justice qu'elle estimait utile pour être remplie de ses droits ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, étant rappelé que le montant de la prestation compensatoire est, certes, déterminé selon les besoins de l'époux à qui elle est versée mais également en fonction des ressources de l'autre, il convient de fixer ce montant à la somme de 40 000 € en capital, la Cour relevant que l'intimé n'a pas cru devoir, fusse à titre subsidiaire, solliciter un paiement échelonné ;
ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les ressources de l'époux débiteur en tenant compte de sa situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que M. X... faisait valoir qu'il ne disposait pas de patrimoine mobilier ni immobilier, qu'il ne travaillait que depuis 3 ans en qualité de comptable de la société Eurêka Consult, et qu'il était proche de la retraite (conclusions p. 7 in fine) ; qu'en se fondant uniquement sur le salaire perçu par M. X... en 2008, sans tenir compte de l'évolution de sa situation dans un avenir prévisible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil.