LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Grenoble,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 19 janvier 2012, qui, en exécution d'un mandat d'arrêt européen décerné par les autorités judiciaires belges, après avoir différé la remise de M. Emmanuel X..., l'a conditionnée à son hospitalisation dans un établissement de soins psychiatriques ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 695-11 à 695-46 du code de procédure pénale ;
" en ce l'arrêt attaqué a dit que la « remise sera conditionnée par l'hospitalisation de M. X... dans un établissement de soins psychiatriques dès son arrivée sur le territoire Belge et ce jusqu'à avis médical contraire " ;
" aux motifs qu'il résulte de l'arrêté préfectoral susvisé ordonnant l'admission de M. X... en soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier de Saint-Egrève, que celui-ci présente des troubles psychotiques se manifestant par une errance pathologique et divers troubles du comportement avec propos délirants à thématique de persécution ; que ces éléments sont confirmés par le rapport d'expertise psychiatrique déposé le 3 janvier 2012 ; qu'il en résulte en effet que M. X... présente une pathologie mentale (schizophrénie paranoïde) à composante hallucinatoire qu'il dénie, ce qui le rend dangereux sur le plan psychiatrique ; que, s'il est actuellement apaisé par d'importantes doses de neuroleptiques, son état mental reste très préoccupant pour l'avenir et nécessitera probablement le maintien de soins au long cours ; qu'il relève actuellement d'un régime d'hospitalisation psychiatrique sous contrainte ; que l'expert conclut donc à la possibilité, au plan médical et au vu de l'amélioration de l'état de santé du patient, d'un transfert de M. X... en Belgique dans un délai de deux à trois semaines, sous réserve du maintien des soins psychiatriques contraints ;
" alors qu'il ne résulte ni de la Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ni des dispositions des articles 695-11 à 695-46 du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction disposait du pouvoir de subordonner sa propre décision ordonnant la remise de l'intéressé à cette condition " ;
Vu les articles 695-22, 695-23 et 695-24 du code de procédure pénale et le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres de l'Union européenne ;
Attendu que, sous réserve du respect, garanti par l'article 1 § 3 de la Décision-cadre du 13 juin 2002, des droits fondamentaux de la personne recherchée et des principes juridiques fondamentaux consacrés par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne saurait être refusée pour des motifs autres que ceux que prévoit la Décision-cadre et les textes pris pour son application ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 5 décembre 2011, le procureur général a notifié à M. Emmanuel X..., au centre hospitalier de Saint Egrève (Isère), où il avait été hospitalisé d'office le 1er décembre précédent, un mandat d'arrêt européen délivré à cette date par le juge d'instruction au tribunal de première instance de Tournai (Belgique) pour l'exercice de poursuites pénales du chef de tentative de meurtre sur ascendant, visant les actes commis par l'intéressé sur sa mère, le 28 novembre 2011, dans l'arrondissement de Tournai ; que M. X... n'a pas consenti à sa remise aux autorités judiciaires belges ;
Attendu que, pour différer la remise de M. X... aux autorités judiciaires belges jusqu'au 30 janvier 2012, en précisant que l'intéressé serait maintenu en détention pendant cette période en vertu du titre d'incarcération provisoire émis le 5 décembre 2011 par le délégué du premier président de la cour d'appel de Grenoble, et subordonner sa remise à l'Etat requérant à son hospitalisation dans un établissement de soins psychiatriques dès son arrivée sur le territoire de celui-ci, et ce, jusqu'à la production d'un avis médical contraire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la mise en observation de la personne détenue dans l'annexe psychiatrique d'un centre pénitentiaire prévue par l'article 1er de la loi belge du 21 avril 2007, et non, comme la prévoit le droit français, son hospitalisation dans un établissement non pénitentiaire, serait contraire aux dispositions de la Décision-cadre, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 19 janvier 2012, en ses seules dispositions ayant subordonné la remise de M. X... aux autorités belges à la condition de son hospitalisation dans un établissement de soins psychiatriques dès son arrivée sur le territoire belge ;
DIT que M. X... sera remis aux autorités judiciaires belges ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;