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22/02/2012 | FRANCE | N°10-27110

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 février 2012, 10-27110


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2010), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ, 15 janvier 2009, Bull. II n° 170), que les sociétés Nissan West Europe, Nissan Europe et Nissan Fire and Marine Insurance Co ltd (les sociétés Nissan) ont demandé à un tribunal de commerce, qu'elles avaient saisi d'une action en responsabilité dirigée contre la société Total Petrochemicals France (la soc

iété Total), la récusation et le remplacement de M. X..., expert désigné...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2010), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ, 15 janvier 2009, Bull. II n° 170), que les sociétés Nissan West Europe, Nissan Europe et Nissan Fire and Marine Insurance Co ltd (les sociétés Nissan) ont demandé à un tribunal de commerce, qu'elles avaient saisi d'une action en responsabilité dirigée contre la société Total Petrochemicals France (la société Total), la récusation et le remplacement de M. X..., expert désigné par cette juridiction ;
Attendu que les sociétés Nissan font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable pour tardiveté la demande en récusation de M. X... ;
Mais attendu que, sous le couvert de grief de manque de base légale et de violation de l'article 234 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation, par les juges du fond, du moment où le demandeur a eu connaissance de la cause de récusation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que par suite du rejet du pourvoi principal le pourvoi incident éventuel est devenu sans objet ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
DIT n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel ;
Condamne les sociétés Nissan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Nissan West Europe, Nissan Europe et Nissan Fire and Marine Insurance Co Ltd, demanderesses au pourvoi principal
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable pour tardiveté la demande en récusation de monsieur X... formée par les sociétés Nissan France, Nissan Europe et Nissan Fire and Marine Insurance Co. ;
AUX MOTIFS QU' il convient d'examiner si les sociétés du groupe Nissan ont présenté leur demande de récusation conformément aux dispositions de l'article 234 du Code de procédure civile, c'est-à-dire dès la révélation de la cause de la récusation ; que s'il est constant que monsieur X... a été désigné en qualité d'expert par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 2 février 1996 et que les sociétés du groupe Nissan ont saisi seulement le 22 juin 2001 le tribunal de commerce d'une demande de récusation de monsieur X... en exposant que le laboratoire qu'il dirigeait, qui dépend de la société SGS entretenait des relations financières et commerciales avec des sociétés du groupe Total et notamment avec la société Atofina, lesdites sociétés font valoir que leur demande satisfait aux dispositions sus rappelées de l'article 234 du Code de procédure civile et ne présente aucun caractère de tardiveté dès lors qu'à l'origine, elles ignoraient tout et que ce sont les investigations de M. Y... qui leur ont révélé la cause de récusation ; qu'au constat de la lenteur et de la réticence de l'expert à procéder à certaines expériences qui lui étaient demandées, les sociétés Nissan se sont interrogées en 2000 sur cette attitude et ce parti pris évident et ont alors découvert, grâce à M. Y..., l'existence de liens commerciaux et capitalistiques entre la société SGS Holding qui est la société mère à 100% de la société SGS Laboratoires Crépin, directement ou indirectement par l'intermédiaire de certaines de ses filiales et le groupe TotalFinaElf ; qu'elles ont ainsi constaté que monsieur X... était salarié de SGS Holding France avant d'être nommé, le 25 novembre 1996, président de la filiale SGS Laboratoire Crépin, donc sous la totale dépendance du dirigeant de SGS Holding France, laquelle est animée par un dirigeant personnellement et financièrement intéressé aux résultats de ses deux filiales SGS Agri France et Petrservices, dont Elf ainsi que Total sont clientes ; qu'ainsi, il dépend économiquement et financièrement de l'une des parties au procès ; qu'elles font valoir que c'était à l'expert de lever toute ambiguïté relative à son objectivité puisqu'il existait un motif de suspicion à cet égard ; que l'expert fait observer qu'aucune partie ne pouvait ignorer son appartenance à SGS, ce dès l'ouverture des opérations d'expertise, d'autant que la première réunion s'est tenue au laboratoire siglé SGS et qu'à cette occasion, il a formellement décliné ses qualités et appartenances ; que la prétendue «révélation» de la cause de récusation de monsieur X..., est donc antérieure au dépôt du rapport Y... ; qu'il en veut pour preuve que les premières conclusions de Nissan établissent que la révélation de la cause de récusation date de l'année 2000 ; qu'en effet elles font référence à des courriers de maître Corinne Z... à monsieur X... du 29 novembre 2000, première lettre sur le sujet, et du 2 mars 2001 qui font état de motifs d'interrogation de la sociétés Nissan sur l'inertie et la partialité de l'expert à cette date ; que c'est à ce moment que la question de liens éventuels entres les sociétés Elf Atochem et monsieur X... s'est posée ; que le rapport Y... n'a été demandé que le 26 février 2001 pour tenter d'avoir confirmation de ces prétendues «révélations» ; que le passage a disparu dans les dernières conclusions de Nissan, après que l'expert ait fourni ses explications ; que de toute manière, c'est plus de 7 mois après, par une assignation du 22 juin 2001, que la société Atofina tente d'obtenir la récusation de l'expert ; que la société Total souligne que la démarche de Nissan est incohérente car, un rappel complet des diverses procédures sur requête et en référé diligentées par les sociétés Nissan depuis 1993, avant même la désignation de monsieur X... en 1996, suffit à montrer qu'à cette date, il n'a fait qu'être nommé à nouveau, après l'avoir déjà été par la cour de Rouen en mars 1995 ; qu'elle considère que c'est au vu des résultats de l'expertise qui ne leur conviennent pas, que les sociétés Nissan ont eu recours à monsieur Y... pour invoquer de prétendus liens de l'expert ; qu'en tout état, au plus tard dès 1998, au vu du compte rendu de mars 1998, elles ont disposé de toutes les informations utiles puisque monsieur X... a fait figurer son titre de directeur de SGS Laboratoires Crépin ; qu'enfin, la notoriété de ladite société SGS, implantée dans toutes les zones portuaires, aux services de laquelle les sociétés Nissan ont eu aussi recours, ne vient pas conforter les arguments des sociétés Nissan ; que la qualité de directeur du Laboratoire Crépin de monsieur X... était apparente dès sa nomination, ainsi que le fait que ce laboratoire est hébergé dans l'immeuble de SGS ; qu'il s'est toujours présenté comme le directeur de SGS Laboratoires Crépin, que son employeur est la société Guintoli, leader mondial du contrôle qualité, organisme indépendant qui jouit d'une réputation mondiale ; que dès lors, il était loisible aux sociétés Nissan, en cas de suspicion de leur part de possible lien entre la société SGS et les parties, et en particulier de possibles liens capitalistiques entre la société Laboratoire Crépin et la société Elf Atochem d'en faire état dès la nomination de l'expert ; qu'en effet, pour prétendre à une dépendance économique et financière de l'expert à l'égard de l'une des parties au procès, les sociétés Nissan se bornent à faire valoir que monsieur X... était salarié de la société SGS Holding France avant d'être nommé le 25 novembre 1996, président de la filiale SGS Laboratoire Crépin, donc sous la totale dépendance du dirigeant de SGS Holding France, laquelle est animée par un dirigeant personnellement et financièrement intéressé aux résultats de ses deux filiales SGS Agri France et Petroservices, dont Elf ainsi que Total sont clientes ; que toutefois, ainsi que le fait observer à juste titre l'expert, aucune partie n'ignorait son appartenance à SGS, et ce ne sont pas les investigations contenues dans le rapport de M. Y... qui ont révélé la cause de récusation, peu important les éventuelles précisions apparaissant grâce audit rapport mais ne constituant pas pour autant des « révélations » au sens des dispositions de l'article 234 du Code de procédure civile, lesquelles supposent la découverte d'une situation jusque là entièrement inconnue, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ; qu'en conséquence, la demande des sociétés Nissan en récusation est irrecevable pour tardiveté ;
ALORS QUE D'UNE PART, la partie qui entend récuser le technicien doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de récusation ; que la connaissance de la qualité du technicien désigné, salarié et dirigeant d'une société, n'implique pas la connaissance de la cause de récusation tenant à la découverte de liens commerciaux et financiers entre cette société et les parties adverses ; qu'en se contentant de retenir que les sociétés Nissan avaient su que Monsieur X... appartenait à SGS, dès la nomination de celui-ci, tandis que la connaissance de ce seul fait ne permettait pas aux sociétés Nissan de savoir au même moment que les sociétés SGS avaient des liens commerciaux et financiers avec la société Total Petrochemicals France, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser la tardiveté de la demande de récusation ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 234 du Code de procédure civile.
ALORS QUE D'AUTRE PART, seule la révélation de la cause de récusation permet l'exercice du droit de récuser le technicien ; qu'en déclarant la demande de récusation des sociétés Nissan tardive au motif que, connaissant l'appartenance du technicien à la société SGS, il était loisible aux sociétés Nissan, en cas de suspicion de leur part de possible lien entre la société SGS et les parties, d'en faire état dès la nomination de l'expert, la cour a violé l'article 234 du code de procédure civile.Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Total Petrochemicals France, demanderesse au pourvoi incident éventuel

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir implicitement déclaré recevable la demande de récusation de l'expert judiciaire X... formée par les sociétés Nissan France SA, Nissan Europe et Nissan Fire and Marine Insurance Co Ltd en écartant le premier moyen d'irrecevabilité soulevé par Total avant de déclarer cette demande irrecevable pour tardiveté ;
AUX MOTIFS QUE la Société Total Petrochemicals France, ainsi d'ailleurs que M. X... qui le fait également valoir, soutiennent que dès lors que l'expert a déposé son rapport le 31 mars 2007, il est dessaisi et qu'aucune demande de récusation n'est recevable à être formée après le dépôt du rapport d'expertise ; que les appelantes concluent à la recevabilité, la question du dépôt du rapport étant sans intérêt puisqu'il intervient ensuite, alors que la demande de récusation est déjà présentée, d'autant, soulignent-elles, que M. X... l'a déposé juste avant l'arrêt de la cour d'appel sus rappelé du 23 octobre 2007, c'est à dire in extremis, précisément pour faire échec à leur demande de récusation ; que selon l'alinéa 2 de l'article 234 du code de procédure civile relatif à la récusation d'un expert, "la partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation." ; que le dépôt du rapport par l'expert est sans effet su la recevabilité de la demande de récusation formée par une partie dès lors que l'objet de la demande de récusation, distinct du fond de l'affaire, subsiste, nonobstant le dépôt du rapport que ce moyen est mal fondé ;
ALORS QU'aucune disposition ne prévoit la suspension de la mesure d'expertise durant l'examen de la demande de récusation de l'expert ; que la cour d'appel, dont la connaissance du litige s'étendait aux faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement, dont le fait constitué par le dépôt du rapport, ayant relevé que, ainsi que le faisait valoir la société Total, l'expert avait achevé sa mission par le dépôt de son rapport, devait en déduire que la demande de récusation était devenue sans objet ; qu'en statuant cependant sur la recevabilité de cette demande, la Cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-27110
Date de la décision : 22/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 fév. 2012, pourvoi n°10-27110


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27110
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