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21/02/2012 | FRANCE | N°11-18027

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 février 2012, 11-18027


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cabinet X... (société X...) a cédé, le 9 juin 2006, à la société Geoénergie sa clientèle pour un prix dont une partie était payable à terme les 9 juin 2007 et 2008 ; que la société Geoénergie ayant été mise en liquidation judiciaire le 21 février 2007, M. Y..., désigné en qualité de liquidateur judiciaire, a demandé, notamment, l'annulation de la cession pour dol et, à titre subsidiaire, la condamnation de la société X..., représentée par so

n liquidateur amiable, M. X..., à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cabinet X... (société X...) a cédé, le 9 juin 2006, à la société Geoénergie sa clientèle pour un prix dont une partie était payable à terme les 9 juin 2007 et 2008 ; que la société Geoénergie ayant été mise en liquidation judiciaire le 21 février 2007, M. Y..., désigné en qualité de liquidateur judiciaire, a demandé, notamment, l'annulation de la cession pour dol et, à titre subsidiaire, la condamnation de la société X..., représentée par son liquidateur amiable, M. X..., à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; qu'un jugement du 2 juillet 2009 a rejeté la première demande et accueilli la seconde, à concurrence d'une somme de 27 149,29 euros, correspondant à des honoraires encaissés par le cédant et non rétrocédés ; que, sur le fondement de ce titre exécutoire, M. Y..., ès qualités, a fait pratiquer des saisies au préjudice de la société X... ; que celle-ci a demandé à un juge de l'exécution leur mainlevée, en opposant, par voie de compensation avec sa dette de dommages-intérêts, sa créance au titre du solde du prix de cession d'un montant de 160 000 euros, qu'elle avait déclarée au passif de la liquidation judiciaire ;
Sur le premier et le second moyens, celui-ci pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, réunis :
Attendu que M. Y..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la mainlevée des saisies, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge-commissaire est seul compétent pour déterminer l'existence et le montant des créances qui ont leur origine antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en prononçant la compensation de la créance de la société Geoénergie, d'un montant de 30 750,41 euros, et celle de la société X..., d'un montant de 160 000 euros, la cour d'appel s'est par là même prononcée sur l'admission au passif de cette créance, dans son principe et son montant, que seul le juge-commissaire pouvait constater ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, 8, alinéa 2, du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 et L. 624-2 du code de commerce ;
2°/ qu'en retenant que la créance était vraisemblable, parce que les moyens développés et rejetés par le tribunal de grande instance le 2 juillet 2009 étaient identiques à ceux présentés par M. Y... dans son courrier de contestation de déclaration de créance à la procédure collective, sans rechercher si les manquements contractuels constatés à l'encontre de la société X..., relatifs à la non-rétrocession d'honoraires et à la facturation indue de services, n'étaient pas de nature à démontrer le bien-fondé des nouveaux griefs soulevés par M. Y..., relatifs au défaut d'assistance de M. X... pour le transfert des contrats et à l'absence de véritable contrepartie du prix de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce ;
3°/ que seules les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective peuvent être concernées par le mécanisme de la compensation de dettes connexes ; qu'en prononçant la compensation de la créance détenue de la société X... d'un montant de 160 000 euros, antérieure au jugement d'ouverture de la société Geoénergie, et de celle détenue par la société Geoénergie, d'un montant de 30 750,41 euros, postérieure au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce ;
4°/ que la question de savoir si l'article L. 622-7 du code de commerce, en ce qu'il permet la compensation de créances antérieures et postérieures à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité et selon des règles spécifiques au droit français des procédures collectives, sensiblement différentes du régime de droit commun prévu par le code civil français, est conforme aux dispositions de l'article 6 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, qui prévoit que "l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur, lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable", impose une interprétation du Règlement précité ; qu'en conséquence et par application de l'article 267, deuxième alinéa, du Traité sur l'Union européenne, la Cour de cassation renverra ladite question à la Cour de justice de l'Union européenne ;
Mais attendu, de première part, qu'en l'absence d'une décision ayant déjà statué sur la compensation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer sur l'exception de compensation présentée à l'appui d'une demande de mainlevée de saisie ;
Attendu, de deuxième part, qu'après avoir relevé que le jugement du 2 juillet 2009 avait rejeté la demande de M. Y..., ès qualités, tendant, en conséquence de l'annulation du contrat de cession de clientèle, au non-paiement du solde du prix de cession, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel en a déduit que la créance au titre de ce solde était vraisemblable ;
Attendu, de troisième part, que l'interdiction du paiement des créances nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ne fait pas obstacle à la compensation d'une telle créance avec une créance connexe du débiteur née postérieurement ;
Attendu, enfin, que le règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité n'étant pas applicable à une situation juridique purement interne à un État membre et son article 6, relatif à la compensation, n'ayant ni pour objet, ni pour effet d'unifier les règles matérielles de droit interne en cette matière, il n'y a pas lieu d'interpréter l'article L. 622-7, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008, à la lumière de ce texte ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à cette fin ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1289 du code civil et L. 622-7 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que, pour ordonner la mainlevée des saisies, l'arrêt retient que les créances réciproques de la société Geoénergie, résultant du jugement du 2 juillet 2009, et celle de la société X..., au titre du solde du prix de cession, sont connexes, que la seconde est vraisemblable et qu'en conséquence la première est éteinte par voie de compensation, ce qui interdisait à M. Y..., ès qualités, de la recouvrer par voie de saisies ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, après avoir constaté le principe de la compensation en raison de la vraisemblance de la créance de la société X... et l'absence de décision d'admission de cette créance contestée, dont le jugement du 2 juillet 2009 ne pouvait tenir lieu, de surseoir à statuer sur la demande de mainlevée des saisies jusqu'à décision du juge-commissaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités de liquidateur amiable de la société Cabinet X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. Y..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du juge de l'exécution en ce qu'il s'est déclaré compétent ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que l'article L.213-6 du Code de l'Organisation Judiciaire précise que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; qu'ainsi, le juge de l'exécution a le pouvoir de constater l'existence d'une compensation dès lors que la décision servant de fondement aux poursuites ne s'est pas prononcée sur la compensation des créances des parties ; qu'en l'espèce, la société GEOENERGIE prise en la personne de Maître Frédéric Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la dite société a fait pratiquer une saisie-attribution et une saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières le 27 octobre 2009 au préjudice de la société Cabinet X... en exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 2 juillet 2009 ; qu'il s'ensuit que l'exception de compensation invoquée par la société Cabinet X..., moyen de défense, s'inscrit dans le cadre de la contestation des dits actes d'exécution diligentés qui relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution, même si le créancier fait l'objet d'une procédure collective ; que de plus, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le jugement servant de fondement aux mesures d'exécutions querellées ne s'était pas prononcé sur la compensation des dettes réciproques des parties et qu'il pouvait, ainsi, sans remettre en cause la chose jugée par le juge du fond, se prononcer sur la compensation sollicitée ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Maître Frédéric Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GEOENERGIE ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' aux termes de l'article 42 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 repris par l'article 55 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur (...) » ; que l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ajoute que l'acte de saisie-attribution emporte attribution immédiate au profit du saisissant de la créance disponible entre les mains d'un tiers ; qu'en l'espèce, suivant un procès-verbal en date du 27 octobre 2009, la société GEOENERGIE, prise en la personne de Maître Frédéric Y... ès qualités de liquidateur judiciaire a fait pratiquer une saisie-attribution et une saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières au préjudice de la société CABINET X... afin d'obtenir le recouvrement d'une somme globale de 30.750,41 euros, en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 2 juillet 2009 qui a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, notamment : - condamné Monsieur X..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société CABINET X... à payer à la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités, la somme de 27.149,29 euros à titre de dommages et intérêts, - condamné Monsieur X..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société CABINET X... à payer à la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; que la société CABINET X... soulève la nullité de cette saisie-attribution et de cette saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières en raison de la compensation entre les dettes des parties ; qu'en premier lieu, l'exception de compensation étant un moyen de défense du débiteur, tout juge, y compris le juge de l'exécution peut la constater ; qu'en outre, en application de l'article 1290 du code civil, la compensation légale s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; qu'elle n'a dès lors pas à être constatée expressément dans un jugement pour avoir lieu ; que dès lors et contrairement à ce qui est allégué par la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités, le juge de l'exécution, qui ne peut modifier une décision de justice, est cependant compétent pour constater la compensation entre deux créances, même si cette demande de compensation n'a pas été formulée devant le juge initialement saisi ; que de même, il lui appartient de façon exclusive, à l'occasion de la contestation d'un acte d'exécution forcée, d'examiner l'exception tirée de la compensation et ce, même si le créancier fait l'objet d'une procédure collective ; qu'en conséquence, il convient de déclarer recevable la demande de la société CABINET X... et de rejeter l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de BOBIGNY soulevée par la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y..., ès qualités ;
ALORS QUE le juge-commissaire est seul compétent pour déterminer l'existence et le montant des créances qui ont leur origine antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en prononçant la compensation de la créance de la société Geoénergie, d'un montant de 30.750,41 euros, et celle de la société Cabinet X..., d'un montant de 160.000 euros, la cour d'appel s'est par làmême prononcée sur l'admission au passif de cette créance, dans son principe et son montant, que seul le juge-commissaire pouvait constater ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, 8, alinéa 2, du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 et L. 624-2 du code de commerce ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la compensation entre la créance de la société Cabinet X..., d'un montant de 16.000 euros, et celle de la société Geoénergie et Maître Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société, d'un montant de 30.750,41 euros, et d'avoir en conséquence déclaré nulle la saisie-attribution et la saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières pratiquées par procès-verbal du 27 octobre 2009 au préjudice de la société Cabinet X..., à la requête de la société Geoénergie et de Maître Y..., ès qualités ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 622-7 du Code de Commerce énonce que le jugement ouvrant la procédure de liquidation emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; que sont considérées comme connexes les créances réciproques prenant leur source dans une même convention, peu important que l'une des créances compensées soit née avant ou après le jugement d'ouverture ; qu'en outre, cet article n'impose aucune condition d'exigibilité et de liquidité de créance et ne distingue pas entre les différents créanciers, privilégiés ou non, que c'est à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de compensation invoquée par la société Cabinet X... et a prononcé la nullité des mesures d'exécutions querellées ; qu'en effet, la créance de la société GEOENERGIE et de Maître Frédéric Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la dite société résulte du jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 2 juillet 2009 qui a condamné Monsieur X..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société Cabinet X... à payer à ces derniers la somme de 27.149,29 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile ; que ce jugement a considéré que Monsieur X... a manqué à ses obligations contractuelles telles que résultant de l'article 5 alinéa 2 du contrat de cession de clientèle du 9 juin 2006 ; que la créance dont se prévaut Monsieur X..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société. Cabinet X... qui a été régulièrement déclarée au passif de la liquidation de la société GEOENERGIE à hauteur de la somme de 160.000 € correspond au solde restant dû par cette dernière du prix de la clientèle au titre du même contrat de cession du 9 juin 2006 ; que Maître Frédéric Y... es qualités de liquidateur judiciaire de la société GEOENERGIE ne peut utilement contester le caractère vraisemblable de la créance dès lors que même s'il a contesté la dite créance par courrier en date du 19 avril 2010 auprès du juge commissaire, cette instance en contestation n'interdit pas au créancier d'opposer la compensation et que surtout aux termes du jugement du 2 juillet 2009, le Tribunal de. Grande Instance a débouté la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... de leurs demandes tendant à prononcer la résolution du contrat de clientèle dont est issue cette créance en écartant les mêmes moyens développés par eux dans la lettre de contestation de déclaration de la dite créance ; qu'en conséquence, les créances des parties, bien que de nature différente sont connexes dès lors qu'elles sont réciproques et issues du même contrat ; qu'il y a donc lieu de faire application de la compensation énoncée à l'article précité ; que compte tenu du montant supérieur de la créance de Monsieur X..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société Cabinet X..., la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités n'étaient pas fondés à faire pratiquer les mesures d'exécution querellées ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' en second lieu, en application de l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure, emporte de plein droit l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; qu'or, les créances réciproques et certaines - mais non nécessairement liquides et exigibles -, qui sont liées par un même rapport de droit, tel un contrat synallagmatique, sont connexes ; qu'il résulte des motifs du jugement du tribunal de grande instance de Paris précité qu'une somme de 27.149,29 euros de dommages et intérêts a été allouée à la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités, en réparation du « préjudice caractérisé par la non rétrocession par le CABINET X..., dans les conditions de l'article 5 alinéa 2 du contrat de cession, de la somme de 27.149,29 euros au profit de la société GEOENERGIE au titre des règlements clients » ; qu'ainsi, la créance de la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y..., ès qualités, dont il n'est pas contesté qu'elle est certaine, liquide et exigible, résulte de la mauvaise exécution par la société CABINET X... du contrat de cession de clientèle conclu entre les parties le 9 juin 2006 ; que de son côté, la société CABINET X... soutient qu'elle est créancière de la société GEOENERGIE à hauteur de 160.000 euros au titre de cette même convention de cession de clientèle du 9 juin 2006, qui stipule que la clientèle attachée à l'activité d'ingénieur conseil et le bénéfice des contrats conclus ou en cours de négociation avec ladite clientèle est cédé par la société CABINET X... à la société GEOENERGIE, moyennant le prix de 250.000 euros payable comptant à concurrence de 90.000 euros au jour de la vente et à terme sans intérêt, à hauteur de 80.000 euros au 9 juin 2007 et de 80.000 euros au 9 juin 2008 ; que dès lors, la créance invoquée par la société CABINET X..., d'un montant de 160.000 euros, correspond au solde restant dû par la société GEOENERGIE (250.000 euros - 90.000 euros), en exécution du contrat de cession de clientèle du 9 juin 2006 ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est allégué par la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités, les créances des parties, bien que de nature différentes, sont connexes puisqu'elles sont réciproques et issues du même contrat ; que de même, si la créance de 160.000 euros de la société CABINET X... qui a été déclarée par cette dernière à la liquidation judiciaire par lettre du 22 mars 2007 a été contestée par la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités par lettre du 26 octobre 2007, il convient de relever que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 2 juillet 2009, qui était également saisi de la part de la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités d'une demande tendant à voir condamner la société CABINET X... à lui rembourser l'acompte de 90.000 euros versé le 9 juin 2006 et à prononcer la nullité du contrat de cession, a débouté la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités de ces demandes, en écartant les moyens développés par ces derniers, qui étaient les mêmes que ceux invoqués dans la lettre de contestation de la déclaration de créance ; qu'il s'en déduit a contrario que la créance déclarée par la société CABINET X..., qui avait effectivement un caractère litigieux suite au courrier de contestation du 26 octobre 2007, a perdu ce caractère depuis le jugement du 2 juillet 2009, qui a écarté les motifs de la contestation et a ainsi donné un caractère certain à la créance de 160.000 euros de la société CABINET X..., même si celle-ci n'a pas été formellement fixée par le tribunal, ce qui n'est au demeurant pas obligatoire dans le cadre d'une demande de constatation de compensation ; qu'en outre, cette créance, qui est liquide, est exigible en ce qu'il était stipulé dans le contrat qu'un premier acompte de 80.000 euros devait être réglé le 9 juin 2007, tandis que le second du même montant devait intervenir le 9 juin 2008 ; que dès lors, la créance de la société CABINET X..., d'un montant de 160.000 euros, dont il a été démontré qu'elle est connexe à celle de la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités, a un caractère certain, liquide et exigible ; qu'enfin, l'interdiction de payer toute créance après le jugement ouvrant la procédure collective, ne fait pas obstacle au paiement par compensation de créances connexes, peu important que la condition de réciprocité ne soit remplie que postérieurement à ce jugement ; qu'en conséquence, la circonstance que la créance de la société CABINET X... soit antérieure au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et celle de la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités postérieure, n'est pas de nature à faire obstacle au paiement par voie de compensation, la loi apportant en cette matière une exception au principe d'égalité des créanciers ; que de l'ensemble de ces constatations, il résulte qu'il est satisfait aux conditions nécessaires à la compensation entre la créance détenue par la société CABINET X... et celle détenue par la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités ; qu'en conséquence, et compte tenu du montant supérieur de la créance de la société CABINET X... (160.000 euros), il convient de constater que celle de la société GEOENERGIE et Maître Frédéric Y... ès qualités (30.750,41 euros) a été entièrement payée, de sorte qu'ils n'étaient pas fondés à faire pratiquer une saisie-attribution ; qu'en conséquence, il convient d'en prononcer l'annulation, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres moyens ;
1°) ALORS QUE la juridiction qui n'est pas compétente pour déterminer la réalité et le montant de la créance déclarée et contestée peut seulement se prononcer sur le principe de la compensation lorsque la créance apparaît suffisamment vraisemblable mais doit surseoir à statuer jusqu'à ce que le jugecommissaire ait lui-même statué sur l'admission de la créance ; qu'en ordonnant la compensation des sommes de 160.000 euros et 30.750,41 euros et l'extinction de la dette de Monsieur X..., ès qualités, sans surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge-commissaire se soit prononcé sur l'admission de la créance la société Cabinet X..., la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce ;
2°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU' en retenant que la créance était vraisemblable, parce que les moyens développés et rejetés par le tribunal de grande instance le 2 juillet 2009 étaient identiques à ceux présentés par Maître Y... dans son courrier de contestation de déclaration de créance à la procédure collective, sans rechercher si les manquements contractuels constatés à l'encontre de la société Cabinet X..., relatifs à la non rétrocession d'honoraires et à la facturation indue de services, n'étaient pas de nature à démontrer le bien-fondé des nouveaux griefs soulevés par Maître Y..., relatifs au défaut d'assistance de Monsieur X... pour le transfert des contrats et à l'absence de véritable contrepartie du prix de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce ;
3°) ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE seules les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective peuvent être concernées par le mécanisme de la compensation de dettes connexes ; qu'en prononçant la compensation de la créance détenue de la société Cabinet X... d'un montant de 160.000 euros, antérieure au jugement d'ouverture de la société Geoénergie, et de celle détenue par la société Geoénergie, d'un montant de 30.750,41 euros, postérieure au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce ;
4°) ALORS ENFIN, ET A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, QUE la question de savoir si l'article L. 622-7 du Code de commerce, en ce qu'il permet la compensation de créances antérieures et postérieures à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité et selon des règles spécifiques au droit français des procédures collectives, sensiblement différentes du régime de droit commun prévu par le code civil français, est conforme aux dispositions de l'article 6 du Règlement CE n°1346/2000 du 29 mai 2000, qui prévoit que « l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur, lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable », impose une interprétation du Règlement précité ; qu'en conséquence et par application de l'article 267, deuxième alinéa, du Traité sur l'Union Européenne, la Cour de cassation renverra ladite question à la Cour de justice de l'Union Européenne.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-18027
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Période d'observation - Interdiction des paiements - Exceptions - Compensation des créances connexes - Exception soulevée avant la vérification des créances - Office du juge de l'exécution - Détermination

N'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, une cour d'appel à qu'il appartenait, après avoir constaté le principe de la compensation en raison de la vraisemblance de la créance d'une société et l'absence de décision d'admission de cette créance contestée, de surseoir à statuer sur la demande de mainlevée des saisies jusqu'à décision du juge-commissaire


Références :

article L. 622-7 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 fév. 2012, pourvoi n°11-18027, Bull. civ. 2012, IV, n° 44
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 44

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Rémery
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18027
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