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21/02/2012 | FRANCE | N°10-27907

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 février 2012, 10-27907


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 621-2 et L. 641-1 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que par un jugement du 6 avril 2009, la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée l'Aiglon (la Sarl) a été étendue à la société civile immobilière de La Sarrazine (la Sci) sur le fondement de la confusion des patrimoines ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt retient que la confusion des patrimoines a consisté pour la

Sci à ne pas exiger pendant plus de trois ans le paiement des loyers des murs qu'el...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 621-2 et L. 641-1 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que par un jugement du 6 avril 2009, la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée l'Aiglon (la Sarl) a été étendue à la société civile immobilière de La Sarrazine (la Sci) sur le fondement de la confusion des patrimoines ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt retient que la confusion des patrimoines a consisté pour la Sci à ne pas exiger pendant plus de trois ans le paiement des loyers des murs qu'elle avait mis à disposition de la Sarl, à attendre un an après le commandement de payer resté infructueux pour solliciter la constatation de la clause résolutoire et que si ces relations anormales n'ont pas enrichi la Sarl qui est toujours débitrice des loyers dus, elles ont permis une poursuite de l'exploitation manifestement déficitaire et la création d'un passif tant social que fiscal ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines entre la Sci et la Sarl, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Gautier Sohm, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la SCI de La Sarrazine.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté la confusion des patrimoines de la SCI DE LA SARRAZINE et de la SARL L'AIGLON et d'AVOIR, en conséquence, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SCI DE LA SARRAZINE, par extension de celle ouverte à l'encontre de la SARL L'AIGLON ; Fixe au 25/04/2006 la date de cessation des paiements, qui est celle de l'AIGLON ; Désigne Mr Philippe WESTRELIN, Juge-commissaire. Désigne Mr Emile BIASINI, Juge-commissaire suppléant, Désigne la SELARL GAUTHIER-SOHM – 80, Rte des Lucioles – Les Espaces de Sophia – Immeuble Delta – 06560 – VALBONNE SOPHIA-ANTIPOLIS, Liquidateur. Désigne conformément à l'Art. L 641-4 du Code de Commerce, Me Agnès VILATTE-FABRE – 14, Bld. Maréchal Leclerc – 06130 – GRASSE, Commissaire Priseur, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée, Dit et juge que le Liquidateur qui vient d'être nommé, devra établir dans le mois de sa désignation, un rapport sur la situation du débiteur, Fixe à 12 mois à compter de la présente décision, le délai pendant lequel le Liquidateur, devra établir la liste des créances déclarées. Fixe à 24 mois à compter de la présente décision, le délai au terme duquel la clôture de la Procédure devra être examinée par le Tribunal ;
AUX MOTIFS QU'EN « application de l'article L. 621-2 alinéa 2 du Code de commerce, une procédure collective peut être étendue à une ou plusieurs personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou fictivité de la personne morale ; qu'en l'espèce, le tribunal a parfaitement caractérisé la confusion de patrimoine entre la SARL L'AIGLON et la SCI LA SARRAZINE, dont la société de droit anglais EAGLE FINANCE LIMITED détenait respectivement 99 % et 90 % des parts, cette confusion ayant consisté pour la seconde à ne pas exiger pendant plus de trois ans le paiement des loyers des murs qu'elle avait mis à la disposition de la première et à attendre un an après un commandement de payer resté infructueux pour solliciter la constatation de la clause résolutoire affectant le bail commercial ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, cette constatation d'une confusion de patrimoine du fait de relations financières anormales peut être faite en l'espèce indépendamment d'un préjudice pour le débiteur, car si ces relations anormales n'ont pas enrichi la SARL L'AIGLON, qui est toujours débitrice des loyers dus, elles ont permis une poursuite de l'exploitation manifestement déficitaire et la création d'un important passif tant social que fiscal » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'IL « est constant que la SCI a fait preuve d'une bienveillance remarquable dans sa gestion locative puisque les loyers dus par la SARL L'Aiglon pour les années 2000 et 2001 qui s'élevaient à 122.525 € n'ont été réglés qu'en août 2002 (en plusieurs versements du 9 au 23 août) et que les loyers du dernier trimestre 2002 et des années suivantes 2003, 2004 et 2005 n'ont jamais été payés ; que pour pallier la défaillance du locataire, la SCI de la Sarrazine n'a engagé la procédure de recouvrement qu'en sollicitant son conseil en octobre 2005, puis en lui demandant de faire délivrer un commandement de payer, le 01/12/2005, suivi d'une assignation en référé le 24 janvier 2006 pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, alors que la créance totale de la SCI de la Sarrazine s'élevait alors, toutes causes confondues, à la somme de 273.648,66 € ; qu'il appert des termes de l'ordonnance de référé rendue le 12 avril 2006 que la SARL L'Aiglon n'était ni comparante, ni représentée à l'audience et qu'elle constatait la résiliation du bail commercial signé entre les parties, puis ordonnait l'expulsion du locataire ; qu'il s'évince des documents produits aux débats que l'associé Eagle Finance contrôlant à hauteur de 90 % le capital de la SARL, est le même que celui qui contrôle le capital de la SCI à hauteur de 99 % ce qui pouvait permettre une accélération de la procédure alors qu'elle a été différée longtemps ; d'où il suit que le Tribunal constate que la SCI a, sans contrepartie de la part de la SARL L'Aiglon, volontairement négligé de recouvrer les loyers, ce qui témoigne d'une gestion anormale des flux entre les sociétés en cause visant à favoriser les intérêts de l'une au détriment des intérêts de l'autre ; que cette situation caractérise des relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines et qu'en outre l'absence de la SARL L'Aiglon à l'audience démontre son absence d'autonomie par rapport à la SCI de la Sarrazine, son entière dépendance par rapport à elle et l'imbrication de ces deux sociétés ; qu'enfin, l'ordonnance de référé signifiée à la SARL L'Aiglon le 5 mai lui précisait qu'elle pouvait interjeter appel dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'acte, soit le 20 mai au plus tard ; qu'à cette date, le jugement prononçant le redressement judiciaire de la société L'Aiglon avait été rendu depuis 5 jours, qu'il eût donc été possible pour le mandataire judiciaire d'interjeter appel de l'ordonnance rendue mais qu'il ressort des moyens développés à la barre par le demandeur, sans être contredit par le défendeur, que le mandataire judiciaire n'avait pas été informé de la signification de cette ordonnance, ce qui lui interdisait effectivement d'interjeter appel ; qu'il s'ensuit que le Tribunal conclut qu'il n'était pas dans l'intérêt de la SCI de modifier quoi que ce soit à la situation, et que son inertie a eu pour conséquence de soustraire le fonds de commerce à la procédure collective alors qu'il représentait un élément permettant de désintéresser les créanciers de la SARL L'Aiglon ; qu'au vu des éléments qui précèdent, le Tribunal constate la confusion des patrimoines des deux sociétés » ;
1. ALORS QUE la confusion des patrimoines de deux sociétés ne peut résulter que d'un état d'imbrication inextricable de leurs comptes ou de l'existence de relations financières anormales en tant qu'elles ont appauvri sans justification économique la société débitrice au détriment de ses propres créanciers ; qu'ainsi, la seule abstention, même prolongée, d'une société civile immobilière à poursuivre en justice le recouvrement de sa créance de loyers contre la société débitrice n'est pas de nature à caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de leurs patrimoines, dès lors qu'il n'en résulte, pour la société débitrice, aucun appauvrissement injustifié ayant diminué le gage de ses créanciers ; que, pour étendre la procédure de liquidation judiciaire de la SARL L'Aiglon à la SCI de la Sarrazine, la Cour d'appel a néanmoins énoncé que l'inertie dont la SCI avait fait preuve, en s'abstenant d'exiger pendant trois ans les loyers dus par la SARL, puis en mettant en oeuvre tardivement la clause résolutoire du bail commercial, caractérisait des relations financières anormales révélant une confusion de leurs patrimoines et qu'il importait peu que cette inertie n'ait pas porté préjudice à la SARL débitrice, dès lors qu'elle avait permis la poursuite d'une exploitation manifestement déficitaire génératrice d'un important passif social et fiscal ; qu'en se prononçant de la sorte, la Cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en responsabilité civile fondée sur un soutien abusif procuré à la société débitrice, mais d'une demande d'extension de la procédure collective à une société tierce, a violé l'article L. 621-2 alinéa 2 du Code de commerce, ensemble l'article 1er du Premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme.
2. ALORS, en outre, QUE le simple fait, pour la société titulaire d'un bail commercial, de ne pas avoir résisté à la demande judiciaire du bailleur tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial en raison de loyers demeurés impayés ne peut caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines, à moins de constater que la société débitrice ait sciemment négligé de faire valoir des moyens sérieux de nature à faire échec à une telle demande ; que, pour étendre la procédure de liquidation judiciaire de la SARL L'Aiglon à la SCI de la Sarrazine, la Cour d'appel, après avoir constaté que la SARL avait laissé s'accumuler les loyers impayés pendant plus de trois ans pour une somme de 273.648,66 € et qu'une ordonnance de référé antérieure au jugement d'ouverture de son redressement judiciaire avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire, a énoncé, par motifs adoptés, que la SARL n'avait ni résisté à la demande judiciaire de la SCI de la Sarrazine tendant à faire constater la résolution du bail, ni informé le mandataire de justice désigné depuis cette ordonnance de sa faculté d'en relever appel, et qu'ainsi, cette inertie, justifiée par l'existence d'un actionnaire commun, avait eu pour conséquence de soustraire le fonds de commerce à la procédure collective alors qu'il représentait un élément permettant de désintéresser les créanciers de la SARL ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que l'action de la SCI tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail ne caractérisait que l'exercice normal de ses prérogatives de bailleur impayé, la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que la SARL défenderesse aurait disposé de moyens de défense sérieux pour s'opposer au jeu de la clause résolutoire, s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une confusion des patrimoines de ces deux sociétés, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 alinéa 2 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-27907
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 fév. 2012, pourvoi n°10-27907


Composition du Tribunal
Président : M. Gérard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27907
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