LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., qui avait exercé la profession de masseur-kinésithérapeute du 1er avril 1971 au 31 décembre 1995, et avait été affilié à la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes dite CARPIMKO (la caisse), s'est vu opposer par cet organisme la déchéance de ses droits à retraite, dans le régime de base pour la période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1992, et dans le régime des praticiens conventionnés pour celle allant du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1992, les cotisations afférentes à ces périodes ayant été payées plus de cinq ans après leur exigibilité ; qu'estimant ne pas avoir été correctement informé des conséquences d'un paiement tardif qu'il expliquait par des difficultés personnelles et familiales, l'affilié a saisi une juridiction de sécurité sociale afin d'obtenir la prise en compte de ces années ;
Attendu que pour accueillir cette demande sur le fondement d'un manquement au devoir d'information préalable de la caisse, l'arrêt retient que ni les mises en demeure ni les contraintes délivrées pour obtenir le paiement de ces cotisations ne portaient mention d'une telle déchéance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces qui avaient été soumises à son appréciation qu'une telle mention figurait sur les mises en demeure, précédée de l'avertissement suivant : "Il est important de noter", la cour d'appel en a dénaturé la teneur et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande Me Y... ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la CARPIMKO ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers masseurs-kinésithérapeutes pédicures-podologues orthophonistes et orthoptistes.
IL EST FAIT grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la CARPIMKO devra valider la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1992 pour le régime de base et celle du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1992 pour le régime complémentaire pour le calcul des droits à la retraite de Monsieur X...
AUX MOTIFS QUE si par application de l'article R. 643-10 du Code de la sécurité sociale, en matière d'assurance vieillesse des professions libérales, lorsque les cotisations n'ont pas été acquittées dans le délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en considération pour le calcul de la pension de retraite, il n'en demeure pas moins que cette déchéance ne trouve à s'appliquer qu'autant que l'organisme d'assurance vieillesse rapporte la preuve de ce qu'elle avait rappelé à l'intéressé les conséquences attachées à la méconnaissance du délai maximum de paiement des cotisations, conformément à son devoir général d'information ; que l'assuré n'ayant pas été totalement informé de ses droits peut bénéficier d'une révision de sa pension, même après l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'un tel devoir d'information ne saurait être considéré comme satisfait par l'envoi de bulletins d'information à l'ensemble des adhérents dès lors notamment qu'il n'est pas établi que l'intéressé en a été effectivement destinataire, ce que conteste en l'espèce Monsieur X... ; qu'en outre l'information exigée est nécessairement préalable et ne peut pas intervenir postérieurement ou concomitamment à l'acquisition de la déchéance ; qu'ainsi les courriers envoyés les 2 juillet 1998 et 5 juin 2002 étaient inopérants à cet égard ; que, par ailleurs sans que cela ne soit contesté par la CARPIMKO, ni les mises en demeure ni les contraintes délivrées au fin de paiement des cotisations dont il s'agissait ne portaient mention d'une telle déchéance quinquennale ; qu'à défaut pour elle de rapporter la preuve d'une information effective préalable de son adhérent, il y avait lieu de considérer que c'était à tort que la CARPIMKO avait refusé de valider les droits de Monsieur X... sur les périodes considérées ; qu'en conséquence, il y avait lieu de faire droit à la demande de Monsieur X...
ALORS QUE, D'UNE PART, le devoir général d'information qui incombe à un organisme de sécurité sociale, en application de l'article R. 112-2 du Code de la sécurité sociale, est satisfait par l'envoi périodique à l'ensemble de ses assujettis de bulletins d'information, sans qu'il puisse être exigé que cette diffusion soit faite par lettre recommandée avec avis de réception ; qu'en l'espèce, la CARPIMKO avait justifié qu'à l'instar de tous ses adhérents, Monsieur X... avait été destinataire de sa revue trimestrielle qui, dans ses numéros de juillet 1985 (p. 7), de juin 1990 (p. 12) et d'octobre 1993 (p. 8), attirait l'attention des ressortissants de la caisse sur les déchéances encourues sur les droits à la retraite en cas de règlement tardif des cotisations ; et qu'en considérant que l'information ainsi diffusée n'était pas suffisante, et que la CARPIMKO n'établissait pas que Monsieur X... l'avait reçue, la cour d'appel a violé l'article R. 112-2 du Code de la sécurité sociale,
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, il résulte des mises en demeure adressées à Monsieur X... le 11 mars 1991, pour le paiement des cotisations de l'année 1989, le 10 mars 1992, pour le paiement des cotisations de l'année 1990, le 31 octobre 1991, pour le paiement des cotisations de l'année 1991 et 30 octobre 1992, pour le paiement des cotisations de 1992, qu'elles portaient toute la mention suivante : « Il est important de noter que : - le défaut de paiement des cotisations exigibles vous expose à la déchéance des garanties prévues par le régime d'assurance invalidité décès ; - le non-paiement de ces cotisations est de nature à vous priver du bénéfice de votre future retraite complémentaire ; - les cotisations acquittées plus de cinq ans après leur échéance ne sont plus attributives de droit dans le régime de base et le régime des praticiens conventionnés » ; et qu'en affirmant que les mises en demeure délivrées au fin de paiement des cotisations litigieuses ne portaient pas mention de la déchéance quinquennale, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des mises en demeure versées aux débats en violation de l'article 1134 du Code civil,
ALORS QU'ENFIN, et subsidiairement, l'éventuel manquement de la caisse à son obligation d'informer Monsieur X... de la déchéance encourue en cas de non-paiement des cotisations dont il était redevable dans le délai maximum de cinq ans ne pouvait donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice certainement causé par ce manquement, qui s'analysait au plus en la perte d'une chance de régulariser sa situation en temps utile ; que faute d'avoir constaté qu'il était certain que, complètement informé, Monsieur X... aurait payé ses cotisations dans ce délai, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision d'avoir écarté l'application de l'article R. 643-10 du Code de la sécurité sociale, et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.