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14/02/2012 | FRANCE | N°11-11750;11-13130

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2012, 11-11750 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Z 11-11. 750 formé par les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France et n° Z 11-13. 130 formé par la société Unibéton ;
Attendu que la société Unibéton, la société Cemex France gestion, qui vient aux droits de la société RMC France, qui venait elle-même aux droits de la société Béton de France, et la société Cemex béton Sud Est qui vient aux droits de la société Brignolaise de béton et d'agglomérés se sont pourvues en cassation contre un arrêt de la cour

d'appel de Paris qui, statuant comme cour de renvoi à la suite d'un arrêt de la Cour ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Z 11-11. 750 formé par les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France et n° Z 11-13. 130 formé par la société Unibéton ;
Attendu que la société Unibéton, la société Cemex France gestion, qui vient aux droits de la société RMC France, qui venait elle-même aux droits de la société Béton de France, et la société Cemex béton Sud Est qui vient aux droits de la société Brignolaise de béton et d'agglomérés se sont pourvues en cassation contre un arrêt de la cour d'appel de Paris qui, statuant comme cour de renvoi à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mars 2009, pourvoi n° 08-13. 767 et a., Bull. IV n° 29), a annulé la décision n° 97- D-39 du 17 juin 1997 du Conseil de la concurrence et statuant à nouveau, dit que la société Unibéton, la société Béton de France et la société Brignolaise de béton et d'agglomérés ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du code de commerce, et prononcé, en conséquence, des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces trois sociétés ;
Sur le pourvoi n° Z 11-11. 750 en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 13 janvier 2011 :
Attendu qu'aucun grief n'étant formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel le 13 janvier 2011, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt ;
Sur les pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 27 janvier 2011 :
Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 11-11. 750, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que pour dire que les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et prononcer une sanction pécuniaire contre chacune d'elles, l'arrêt relève que s'agissant du contrôle effectif contre l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents du 28 janvier 1994, ce contrôle exercé par elle n'implique pas de sa part une quelconque appréciation sur le bien fondé des griefs qui seraient plus tard articulés contre les entreprises visitées et pas davantage un préjugé sur les sanctions qui seraient prononcées contre les mêmes, qu'elle en déduit que ce contrôle est effectif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'examen de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visite et saisie par la même formation de jugement que celle appelée à statuer sur le bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° Z 11-11. 750 et la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° Z 11-13. 130, réunis :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que pour dire que les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et prononcer une sanction pécuniaire contre chacune d'elles, l'arrêt relève que le délai raisonnable dans lequel doit pouvoir être exercé le recours contre les visite et saisie de documents constitue une exigence qui protège directement et exclusivement les droits de l'entreprise qui a subi la visite domiciliaire, que dès lors, ce délai court sur la période qui débute le jour où est ouverte la voie de droit, en l'espèce le jour de la perquisition (7 février 1994), et le jour où le juge compétent est saisi pour statuer sur les mérites de la décision critiquée, c'est-à-dire, en l'espèce, la date de la requête visant le texte applicable soit quinze années ; qu'il retient que cependant et conformément à la finalité de l'exigence du respect d'un délai raisonnable, l'autorité d'enquête ne saurait voir ses prérogatives mises en péril par la survenance d'événements dont elle n'aurait pas maîtrisé le cours ; qu'il ajoute qu'à cet égard, le temps de la procédure proprement judiciaire jusqu'à l'ouverture d'un nouveau recours par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, soit de 1995 à 2008, doit être déduit du total de quinze années ; qu'il en conclut que le délai imposé aux requérantes pour obtenir un exercice effectif du recours de fait et de droit, a été de trois ans de sorte qu'il n'est pas déraisonnable ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 répondait, en l'espèce, aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention, dès lors que les sociétés en cause n'ont pu contester en fait et en droit l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents que quinze ans après l'exécution de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi n° Z 11-11. 750 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 13 janvier 2011 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Condamne le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le président de l'Autorité de la concurrence, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi n° Z 11-11. 750 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Cemex bétons Sud-Est et la société Cemex France gestion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche aux arrêts attaqués d'avoir après réouverture des débats rejeté le recours des sociétés CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETONS SUD-EST dirigé contre l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies du 28 janvier 1994, d'avoir dit que ces entreprises avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé une sanction de 4. 500. 000 € à l'encontre de la société CEMEX FRANCE GESTION et de 45. 000 € contre la société CEMEX BETONS SUD-EST ;
AUX MOTIFS QUE « Réouverture L'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence énonce « si l'autorisation de visite et saisie n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l'autorisation est ouvert devant la cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L 464-8 du code de commerce, hormis le cas des affaires ayant fait l'objet d'une décision irrévocable à la date de publication de la présente ordonnance » ; que l'article 5 IV alinéa 3 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence énonce : « lorsqu'est pendant devant la Cour de cassation un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris statuant dans le cadre de l'article L 464-8 du code de commerce, les parties ont la faculté de demander le renvoi à la cour d'appel de Paris pour l'examen d'un recours en contestation de l'autorisation de visite et saisie délivrée par le juge des libertés et de la détention » ; que la cour d'appel de Paris a examiné la présente affaire lors de son audience du 18 novembre 2010 ; que postérieurement à cette audience, dans des arrêts en date du 21 décembre 2010 (« affaire Société Canal Plus et autres c. France », requête n° 29408/ 08 ; « Affaire Compagnie des Gaz de Pétrole Primagaz c. France », requête n° 29613/ 08), la Cour Européenne des Droits de l'Homme …. Constate que la voie de recours prévue à l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du Code de Commerce, alors applicable, qui permettait à la requérante de faire contrôler la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie par le juge qui les avait lui même autorisées, ne garantissait pas à la requérante un contrôle juridictionnel effectif répondant aux exigences d'indépendance d'un tribunal posées par l'article 6 § 1 de la Convention. En effet, un contrôle des opérations effectué par le juge ayant autorisé les visites et saisies ne permettait pas un contrôle indépendant de la régularité de l'autorisation elle-même ; Que compte tenu de ces arrêts, le Président de la Chambre Régulation Economique de la Cour d'appel de Paris a, le 3 janvier 2011, informé les entreprises parties à l'instance, le Parquet Général, l'Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l'économie que la Cour se tenait prête à recevoir d'éventuelles notes en délibéré ou, si cela lui était demandé, à rouvrir les débats ; (….) II-Sur la validité des preuves utilisées dans la décision 2a- Sur la saisine de la DGCCRF : que s'agissant des procès-verbaux et de leurs annexes, les sociétés Unibéton et RMC font valoir que l'enquête a débuté par une dénonciation de M. X..., ancien salarié de la société Unimix-devenue par la suite Unibéton-qui s'est présenté spontanément aux services de la DGCCRF, le 5 juillet 1993, pour y effectuer une déclaration et remettre aux enquêteurs 44 documents, et que le 16 août 1993, les enquêteurs ont restitué à M. X...17 feuillets sur les 44 communiqués en « raison de leur appartenance présumée à la société Unimix " ; qu'elles estiment que la détention irrégulière de ces documents par les services d'enquête, qui ont pu les exploiter pendant plus d'un mois, a vicié la procédure ; Qu'elles ajoutent que, parmi les documents remis aux enquêteurs, figurait un document photocopié intitulé " Réunion de TABLE PACA ", qui était un faux en écriture puisque M. X...lui-même a reconnu dans un courrier au rapporteur, le 10 octobre 1996, que ce document, présenté comme des notes manuscrites prises au cours des réunions de répartition de marchés entre les 7 janvier 1993 et le 15 avril 1993, avait en réalité été reconstitué par lui-même, d'après son agenda personnel, le 5 juillet 1993, dans les locaux de la DGCCRF ; que la société Uni béton souligne aussi que les quatre cahiers à spirale qui ont été remis le même jour en photocopies, présentés comme des notes manuscrites personnelles prises par M. X...en temps réel, constituent plus vraisemblablement des documents rédigés après coup, en représailles au licenciement dont il venait de faire l'objet, et qu'en tout état de cause, l'ensemble de ces documents, s'ils ont été établis sur la base d'informations appartenant à la société Unimix, sont le résultat d'un vol ou d'un abus de confiance de sorte que leur remise à un tiers à l'insu de l'employeur caractérise ces délits ; Que les trois requérantes invoquent enfin la nullité des procès-verbaux dressés le 5 juillet 1993 par les enquêteurs pour recueillir les déclarations de M. X...au motif que ces deux procès-verbaux, l'un manuscrit, l'autre dactylographié, ne sont pas rigoureusement identiques et sont donc dénués de valeur probante ; que la société Cemex en déduit que la communication des documents remis à cette occasion est nulle, en particulier s'agissant d'un cahier bleu intitulé " LE MUY-SAINT RAPHAEL-FREJUS " communiqué en photocopie ; Qu'elles estiment en conséquence que ces irrégularités ont vicié l'ensemble de la procédure qui doit être entièrement annulée ; Mais considérant, en premier lieu, que la détention temporaire, par les services de la DGCCRF, des documents irrégulièrement produits n'a pu vicier la procédure dès lors que ces pièces n'ont pas été versées au dossier et qu'il n'est pas démontré qu'elles aient été utilisées, étant observé au demeurant que les enquêteurs étaient bien obligés d'en prendre connaissance pour en apprécier l'origine ; Considérant, en second lieu, qu'il résulte du procès-verbal du 5 juillet 1993, qui mentionne la remise de documents qualifiés de " copie de mes notes manuscrites prises au cours des réunions de répartition de marché entre le 7 janvier 1993 et le 15 avril 1993 " que M. X...n'a pas prétendu qu'il remettait l'original de ses notes, une telle déclaration n'excluant pas au contraire que les documents ainsi remis fussent la compilation de notes éparses prises sur une longue période ; qu'au demeurant, la force probatoire de tels documents, dont M. X...précisait être l'auteur, étant par principe sujette à discussion et à vérifications, ce qui a d'ailleurs été le cas en octobre 1996 puis tout au long de la procédure y compris devant la cour, l'infraction de faux ne pouvait être constituée ; que, de même, le fait pour M. X...d'avoir utilisé et recopié des notes personnelles prises au cours de son activité professionnelle ne relève pas des autres qualifications pénales invoquées par la société Unibéton dès lors qu'une telle transcription ne caractérise pas l'appropriation d'informations qui auraient été la propriété exclusive de l'employeur, ce qu'a d'ailleurs admis la société Unibéton elle-même en précisant devant le Conseil de la concurrence qu'elle avait déposé une plainte pour vol et abus de confiance pour ces faits le 19 juillet 1994 mais uniquement à propos des documents restitués le 16 août 1993 ; que chacun des deux procès-verbaux du 5 juillet 1993 est régulièrement signé des enquêteurs et des déclarants cependant que les différences qui les affectent, minimes, ne révèlent aucune divergence dans les déclarations qui y sont rapportées, s'agissant de l'inventaire des documents communiqués et de l'indication des lieux où d'autres documents pourraient être utilement cherchés, qui ne figurent que dans la version dactylographiée, ou encore de la précision, dans la marge du procès-verbal manuscrit, du nombre de mots et lignes rayés, qui du reste en atteste de plus fort l'authenticité ; qu'ainsi, chacun de ces procès-verbaux est valable ; Que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n'importe que l'un plutôt que l'autre ait été utilisé au soutien de la demande d'autorisation de visites domiciliaires dès lors que l'administration est libre de choisir les éléments qu'elle estime devoir présenter au soutien de sa demande d'autorisation, sous réserve que ce choix n'ait pas pour effet de tromper le président du tribunal, et qu'il n'est pas démontré que tel ait été le cas en l'espèce ; qu'en effet, la liste des documents annexés à la demande d'autorisation révèle que, contrairement à ce que soutient la société Cemex, le président du tribunal de grande instance de Marseille, non seulement a eu connaissance de certains procès-verbaux de l'enquête effectuée sur le fondement de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, mais encore disposait d'éléments de nature à justifier des investigations coercitives dans les locaux des entreprises suspectées de pratiques anticoncurrentielles, sans que la liste des lieux susceptibles d'abriter des éléments de preuve, fournie par M. X..., fût de nature à modifier son appréciation, ce qui au demeurant n'est pas soutenu ; 2b- Sur la régularité des actes de l'enquête : que la société Cemex critique les conditions de l'appréhension, par les enquêteurs, d'un agenda appartenant à M. Y..., agent commercial de la société Express Béton, au motif que, dès lors qu'il contenait des annotations personnelles, cet agenda constituait un document mixte insusceptible de communication sur le fondement de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 450-3 du code de commerce ; que le procès-verbal du 20 septembre 1993 relate que les enquêteurs ont demandé à M. Y...de présenter son agenda professionnel ; que la communication de cette pièce, dont le caractère professionnel n'est pas contesté, n'est pas irrégulière du seul fait qu'elle contenait quelques annotations d'ordre privé de M. Y..., d'autant qu'il n'est pas allégué que ces annotations, dont seule la société Cemex révèle la teneur, auraient été exploitées par les enquêteurs ; que, se fondant sur les attestations des intéressés établies postérieurement, la société RMC conteste la validité des opérations d'enquête menées le 20 septembre 1993 dans les locaux de la société Béton de France (RMC) à Marseille, en faisant valoir que :- les procès-verbaux d'audition, comme ceux de M. Vincent D..., agent commercial, de M. Louis B..., directeur de région, de M. Pierre C..., chef de secteur commercial, mentionnent par une phrase pré-imprimée que l'objet de l'enquête a été indiqué aux intéressés, alors que ces derniers ont attesté du contraire,- les enquêteurs n'ont pas demandé communication de documents précisément désignés mais ont procédé à une véritable fouille en demandant communication systématique de tous les documents (procès-verbaux concernant M. D... et M. René E..., M B...et M. Pierre C..., chef de secteur commercial),- les enquêteurs ont exigé l'ouverture de véhicules personnels à usage mixte dont ils se sont fait remettre le contenu (procès-verbal concernant M. D..., M. René E...et M. Jean F..., chef de secteur),- les enquêteurs ont retenu abusivement pendant plusieurs heures les personnes interrogées en leur interdisant de répondre au téléphone, même aux clients, et de sortir du bureau, en interdisant à leur supérieur hiérarchique d'assister aux vérifications, en les obligeant à annuler tous leurs rendez-vous professionnels,- ils n'ont pas respecté les droits de la défense qui interdisent d'obliger une personne à s'auto-accuser d'une infraction et l'enquête s'est déroulée sous la menace constante de poursuites correctionnelles pour opposition à fonctions,- certaines vérifications se sont déroulées en dehors des heures normales d'ouverture de l'entreprise,- si certains salariés ont signé les procès-verbaux sans émettre de réserve, c'est parce que les enquêteurs leur avaient signifié que le fait de signer ou non n'avait pas d'importance, certains procès-verbaux ont fait l'objet d'une rédaction tendancieuse, déloyale où incomplète (procès-verbal concernant M. D..., M. E...le 3 octobre 1993, M G...le 22 novembre 993),- le procès-verbal d'audition de M. H..., chef de secteur commercial, en date du 20 septembre 1993, est manifestement irrégulier, pour tous les motifs sus-énoncés ; que l'article 46 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986, devenu l'article L. 450-2 du code de commerce, dispose que les procès-verbaux d'enquête administrative valent jusqu'à preuve contraire ; qu'il s'ensuit que les seules allégations, émises postérieurement, des personnes concernées par les investigations relatées dans ces procès-verbaux ne suffisent pas à contredire les énonciations claires qui y sont portées, alors au surplus qu'elles les ont signés sans réserve ; que, contrairement à ce que soutient la société RMC, la déposition de M. I..., enquêteur à la DGCCRF, qui, à la demande du rapporteur, a fourni des explications sur les conditions de son intervention, ne saurait être considérée comme accréditant ces allégations du seul fait qu'elle ne les contredit pas formellement ; qu'il suit de là que doivent être écartés le moyen tiré du défaut d'information effectif de l'objet de l'enquête, celui tiré de fouilles systématiques-les procès-verbaux, qui n'en font nullement état, précisant au contraire que les intéressés ont remis les pièces qui leur avaient été demandées-ainsi que celui tiré d'une rédaction déloyale, incomplète ou tendancieuse, comme celui tiré des conditions prétendument contraignantes des auditions, les signataires n'ayant pas émis de réserves précises à cet égard, ce qu'en dépit des déclarations prétendues des enquêteurs quant à la portée d'un défaut de signature, au reste exactes, il leur était loisible de faire à la rubrique spécialement prévue au pied de ces procès-verbaux ; que, de même, le fait que les investigations, commencées à 10 heures le matin, se soient poursuivies sans interruption jusqu'aux environs de 15 heures, incluant l'heure du déjeuner pendant laquelle l'entreprise est fermée au public, ne traduit aucun excès de pouvoir dès lors qu'aucun texte ne l'interdit et que l'ampleur des investigations en cause le justifiait ; qu'enfin, les enquêteurs, qui ont le pouvoir d'accéder à tout moyen de transport à usage professionnel, n'ont pas commis d'irrégularité en se faisant ouvrir les véhicules, dont le caractère professionnel, fût-ce pour partie, n'est pas contesté, dès lors qu'il ne résulte pas du dossier qu'ils se soient fait communiquer à cette occasion des documents autres que professionnels ; qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité de l'enquête ne sont pas fondés et que celui pris de la prescription, qui en était la conséquence, ne l'est pas davantage ; 2c- sur l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie : que les sociétés CEMEX estiment que les documents communiqués au président du TGl de Marseille l'ont été de façon irrégulière et ont une origine douteuse ; que le Conseil a présenté au juge des documents tronqués, des pièces « reconstituées » et un dossier incomplet ; que la violation du principe du contradictoire et l'irrégularité des conditions d'obtention des documents lors de l'enquête administrative préalable aux opérations de visites et saisie ont eu pour conséquence la « contamination » de ces opérations de visites et saisies effectuées le 7 février 1994 dans les locaux des sociétés poursuivies ; que la nullité de l'enquête préalable aux visites ayant été écartée pour les motifs précédemment exposés, la thèse des sociétés requérantes ne peut qu'être écartée ; 2d- sur les visites et saisies : que les sociétés CEMEX avancent que les actes accomplis, notamment les visites domiciliaires et les saisies, sont irréguliers comme procédant d'une ordonnance les autorisant entachée de nullité ; qu'en effet, les entreprises n'ont pas disposé au moment où l'ordonnance d'autorisation a été rendue d'un recours effectif au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH et que la voie de recours nouvelle ouverte par l'article 5 IV al. 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ne permet pas de satisfaire non plus à cette exigence ; Que la société CEMEX FRANCE GESTION comme la société UNIBETON soutiennent que : (1) L'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ne satisfait pas aux exigences de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de 1'Homme et des Libertés Fondamentales, à savoir un recours effectif au moment de l'autorisation de visites et saisies et devant un juge impartial : a) La non-conformité du texte de l'article L 450-4 du Code de commerce, dans sa version antérieure à celle de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2 008, aux exigences de l'article 6 § 1 de la CESDH ; b) La non-conformité de l'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence aux exigences de l'article 6 § 1 de la CESDH ; 2) L'Administration a fait preuve de déloyauté en présentant au juge, à l'appui de sa demande d'autorisation de visites et saisies, des documents tronqués, des pièces « reconstituées » et un dossier incomplet : a) L'Administration a fait preuve de déloyauté en présentant au juge, à l'appui de sa demande d'autorisation de visites et saisies du 27 janvier 1994 (Annexe 4 à la requête de l'Administration) une version tronquée du procès-verbal de déclaration et d'inventaire de documents communiqués de MM. X...et J...en date du 5 juillet 1993 qui a été établi en deux versions différentes ; b) L'Administration a fait preuve de déloyauté en présentant au juge, à l'appui de sa demande d'autorisation de visites et saisies du 27 janvier 1994, un document présenté comme original intitulé « réunions de tables PACA » annexé au procès-verbal de déclaration et d'inventaire de documents communiqués de MM. X...et J...en date du 5 juillet 1993 (feuillets 1, 2 et 3), et que Monsieur X...a reconnu le 10 octobre 1996 avoir « reconstitué » ; c) L'Administration a fait preuve de déloyauté en dissimulant au juge une grande partie de l'enquête préliminaire qu'elle avait réalisée, ce qui a eu pour effet de tromper le Président du Tribunal ; 3) L'ordonnance d'autorisation de visites et saisies en date du 28 janvier 1994 s'appuie sur des actes irréguliers ; qu'il est exact que les sociétés requérantes agissent au visa exprès de l'alinéa 2 de l'article 5, IV, de l'ordonnance du 13 novembre 2008, selon une requête distincte du renvoi opéré par la Cour de cassation et antérieur à lui ; Mais considérant (i) sur l'existence d'un recours approprié, que celle-ci s'apprécie de manière concrète et spéciale ; qu'en l'occurrence, elle est avérée dès lors que l'accessibilité de la voie de recours a été certaine, et qu'en plus d'un contrôle en fait et en droit de la régularité et du bien-fondé de la décision ayant prescrit la visite, le recours a fourni un redressement approprié, lequel implique la certitude d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse, dans un délai raisonnable ; Que, s'agissant de la certitude de la voie de recours, les entreprises requérantes ne peuvent affirmer qu'elles ont dû, pour obtenir un contrôle effectif de l'autorisation de visite et saisie par un juge du fond, attendre leur condamnation par le Conseil de la concurrence puis exercer un recours contre cette condamnation ; que l'incertitude du recours, au sens de l'arrêt de la Cour E. D. H. du 21 décembre 2010, s'entend de la situation dans laquelle seraient mises les entreprises requérantes du fait du régime transitoire résultant de l'ordonnance du 13 novembre 2008, si elles n'avaient pas exercé de recours au fond, ce qui ne correspond évidemment pas aux circonstances de la présente affaire ; Que s'agissant du redressement approprié, même si la seule voie de recours permise à l'époque par l'article L. 450-4 du code de commerce, à savoir le pourvoi en cassation, pouvait être regardée comme insuffisante pour assurer aux personnes concernées par de telles mesures un accès à un tribunal répondant aux exigences du procès équitable posées par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et cela nonobstant la possibilité de contester le déroulement des opérations devant le juge les ayant autorisées, la situation a changé depuis la réforme opérée par l'ordonnance ; qu'en effet, la Cour d'appel de Paris ou son Premier président, selon le cas, saisis du recours en contestation de l'autorisation de visite et de saisie prévu par l'article 5 paragraphe IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 sont tenues d'apprécier en fait et en droit la régularité de la décision du juge des libertés et de la détention-ou, en l'occurrence, du président du T. G. I.- au vu des éléments du dossier, ce qui constitue un contrôle juridictionnel effectif ; qu'au rebours de ce qu'avancent l'une des entreprises requérantes ainsi que l'Autorité de la concurrence, partie défenderesse devant la cour, il n'est plus exact (Corn. 23 nov. 2010, n° 09-72. 031) que la violation d'une formalité ou d'un délai puisse n'ouvrir droit qu'à des dommages et intérêts, ce qui renforce le caractère réel et approprié du « redressement » au sens de la jurisprudence européenne ; que le recours a pour suite, s'il aboutit à l'infirmation de la décision qui a autorisé la visite domiciliaire, de conduire à l'anéantissement des actes d'enquête réalisés en application de celle-ci, avec toutes les conséquences que cela pourra, en outre, comporter sur l'examen des griefs par le collège de l'Autorité ; Que s'agissant du contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse, outre que la cour d'appel est tenue d'examiner en fait et en droit la régularité de la décision du président du TGl au vu des éléments du dossier, avec toutes les conséquences possibles qui viennent d'être évoquées, ce contrôle n'implique pas de la part de cette cour d'appel une quelconque appréciation sur le bien-fondé des griefs qui seraient plus tard articulés contre les entreprises visitées, et pas davantage un préjugé sur les sanctions qui seraient fulminées contre les mêmes ; Quant au délai raisonnable, il s'agit d'une exigence qui protège directement et exclusivement les droits de l'entreprise qui a subi la visite domiciliaire ; que dès lors, ce délai court sur la période qui débute le jour où est ouvert la voie de droit, en l'espèce le jour de la perquisition (7 février 1994), et le jour où le juge compétent est saisi pour statuer sur les mérites de la décision critiquée, c'est-à-dire et en l'espèce la date de la requête visant le texte applicable et de la saisine sur renvoi de la Cour de cassation (mars 2009), soit quinze années ; que cependant, et conformément à la finalité sus-décrite de l'exigence du respect d'un délai raisonnable, l'autorité d'enquête ne saurait voir ses prérogatives mises en péril par la survenance d'événements dont elle n'aurait pas maîtrisé le cours ; qu'à cet égard, le temps de la procédure proprement judiciaire jusqu'à l'ouverture d'un nouveau recours par l'ordonnance susvisée, soit de 1995 à 2008, doit être déduit du total de quinze années ; que du tout, il faut conclure que le délai imposé aux requérantes pour obtenir un exercice effectif du recours de fait et de droit, a été de trois ans, ce que la Cour ne saurait estimer déraisonnable au vu de la difficulté du dossier ; qu'en somme, les sociétés requérantes ont disposé d'un recours conforme aux exigences de la Convention E. S. D. H., en l'occurrence d'un recours juridictionnel effectif dans un délai raisonnable ; qu'aucune annulation de l'autorisation des opérations de visite et saisie ne saurait donc être prononcée à ce titre ; Considérant (ii) sur la déloyauté de la requête présentée au président du TGI de Marseille, que le requérant n'était nullement tenu de produire à ce magistrat l'ensemble des éléments dont elle disposait, ou dont les sociétés CEMEX et UNIBETON croient qu'elle disposait, mais seulement ceux de nature à justifier les opérations de visite et saisie ; Qu'il revient donc au juge saisi de la demande d'effectuer de telles opérations, de vérifier non contradictoirement, selon le choix qu'a fait le législateur pour favoriser l'effet de surprise propre à la procédure sur requête, l'existence de présomptions d'une pratique anticoncurrentielle ; Qu'en l'espèce, le président du TGI de Marseille a vérifié la qualité juridique des requérants, a examiné les pièces produites et a motivé sa décision d'autoriser les visites et saisies ; en quoi, il a pleinement satisfait aux seules exigences de la loi ; Qu'il n'en serait autrement jugé que si les pièces présentées au président du TGI de Marseille s'avéraient avoir été obtenues illicitement, ou avoir été falsifiées ou tronquées ; qu'il a été jugé dans le présent arrêt que tel n'était pas le cas ; que les griefs avancés par les sociétés CEMEX et UNIBETON contre l'autorisation judiciaire de visite et saisie sont infondés ;
ALORS, D'UNE PART, QUE n'est pas « raisonnable » pour le justiciable, au regard de l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, le délai de 15 ans qui sépare la visite domiciliaire effectuée le 7 février 1994 de la reconnaissance du droit à un recours effectif résultant seulement de l'ordonnance du 13 novembre 2008 et ayant donné lieu à un renvoi par la Cour de cassation le 3 mars 2009 pour être examiné par la cour de PARIS le 27 janvier 2011, de sorte qu'en refusant de faire droit à la demande de la société CEMEX FRANCE GESTION l'autorisation de perquisition du 28 janvier 1994 ainsi que d'annuler les visites et saisies qu'elle avait subies à une époque où leurs droits n'étaient pas susceptibles d'être équitablement entendus, la cour de PARIS a violé ensemble le texte susvisé et par fausse application les mesures transitoires figurant dans l'article 5- IV de l'ordonnance susvisée ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme rend le justiciable créancier de la garantie édictée par ce texte et l'Etat débiteur de l'obligation correspondante ; qu'en décidant cependant de déduire du délai de 17 ans qui s'était écoulé entre la perquisition litigieuse et l'arrêt rendu un temps de 13 ans correspondant à la procédure judiciaire qui aurait « mis en péril » les prérogatives de l'autorité d'enquête par la survenance d'événements « dont elle n'avait pas la maîtrise », la cour de PARIS qui a interverti les droits des parties au regard du texte susvisé, l'a par là-même violé derechef ;
QUE, de surcroît et subsidiairement prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 susvisé, la cour de PARIS qui considère que le délai de 13 ans correspondant à la procédure judiciaire ne saurait préjudicier à l'autorité de la Concurrence qui n'avait pas « la maîtrise des événements » tout en 1) annulant, elle-même, la décision du Conseil de la Concurrence du 17 juin 1997 ; 2) constatant que (p. 4) la Cour de cassation avait sanctionné les manquements de cette autorité au principe d'impartialité (arrêt du 9 octobre 2001) et avait ensuite reproché à la cour de PARIS d'avoir suivi les errements procéduraux et retenu les exceptions d'irrecevabilité proposées à tort par cette Autorité de la Concurrence (arrêts des 27 septembre 2005 et 25 mars 2008), ce dont il résulte que la longueur de la procédure judiciaire est directement imputable aux autorités de l'Etat ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le recours contre une autorisation de visite et saisie, prévu par les mesures transitoires de l'article 5- IV alinéa 3 de l'ordonnance du 13 novembre 2008 qui se borne à permettre à la cour de PARIS d'examiner, a posteriori seulement, la contestation de l'autorisation de visite, est dépourvu de caractère effectif et ne correspond pas à un redressement approprié des droits qui ont été méconnus sous l'empire de la législation précédemment en vigueur en ce qu'il laisse la partie visitée dépourvue des garanties fondamentales qu'aurait constituées l'assistance d'un conseil et la possibilité de s'adresser, en temps utile pour contester le déroulement des opérations de visite, à un juge étranger à l'autorisation litigieuse ; qu'en décidant cependant de faire application de ce texte, la cour d'appel méconnaît à nouveau les exigences du procès équitable et l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;
ALORS, ENFIN, QUE ne correspond pas à un contrôle impartial des irrégularités alléguées à l'encontre de l'instruction préalable et de l'autorisation de perquisition, la saisine d'un juge appelé à trancher en même temps le fond et qui a ainsi déjà une pleine connaissance des griefs notifiés et de l'aboutissement de ces poursuites, de sorte qu'en se bornant à faire application des dispositions inappropriées de l'article 5- IV alinéa 3 de l'ordonnance du 13 novembre 2008 au motif inopérant que « ce contrôle n'implique pas de la cour d'appel une quelconque appréciation sur le bien fondé des griefs qui seraient plus tard articulés contre l'entreprise visitée et pas davantage un préjugé des sanctions » (arrêt p. 17 al. 4) la cour de PARIS a violé l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;
Qu'il en est d'autant plus ainsi que, non seulement la cour d'appel, statuant après trois renvois de cassation, ne pouvait ignorer les condamnations provisoires prononcées par cette même juridiction, mais qu'encore elle a, dans la présente instance, tenu l'audience sur le fond le 18 novembre 2010 avant d'évoquer la régularité des actes préalables d'enquête et d'autorisation de perquisition, le 20 janvier suivant.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué du 27 janvier 2011 d'avoir rejeté le recours des sociétés CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETONS SUD-EST dirigé contre l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies du 28 janvier 1994, d'avoir dit que ces entreprises avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé une sanction de 4. 500. 000 € à l'encontre de la société CEMEX FRANCE GESTION et de 45. 000 € contre la société CEMEX BETONS SUD-EST ;
AUX MOTIFS QU'« en conséquence de l'annulation prononcée sur le fondement de l'article 6-1 de la Convention ESDH, la cour est tenue, par application des dispositions des articles 1. 464-8 du Code de commerce, 561 et 562 du Code de procédure civile, de statuer, en fait et en droit, sur les demandes des parties tendant à l'annulation de l'enquête et de l'instruction ayant conduit à la décision annulée, puis, le cas échéant, sur les griefs notifiés ; 1E Sur l'impartialité du rapporteur que la société CEMEX FRANCE GESTION expose que la Cour d'appel ne pourrait trouver au dossier des éléments de nature à fonder sa décision car la procédure d'instruction antérieure à la décision est irrégulière, le principe d'impartialité édicté par l'article 6 § 1 de la CESDH n'ayant pas été respecté par le Rapporteur du Conseil de la concurrence ; qu'en effet (1), le Rapporteur qui a instruit la procédure au fond devant le Conseil de la concurrence avait auparavant instruit, dans la même affaire, la procédure ayant conduit à la décision n° 94- MC- I0 du Conseil de la concurrence, dont la Cour de Cassation a jugé qu'elle était constitutive d'un pré-jugement ; que (2) le principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement n'a pas été respecté et la procédure contentieuse ne s'est pas déroulée dans le respect du contradictoire et des droits de la défense, car avant d'instruire l'affaire au fond, le Rapporteur avait auparavant assisté aux délibérés de la décision de mesures conservatoires N° 94- MC-10 en date du 14 septembre 1994 et de la décision de vérification du respect de l'injonction n° 95- D-82 en date du 12 décembre 1995 ; que la société Unibeton expose que le rapporteur doit être impartial ; Que tout rapporteur doit avoir à l'esprit que le rapport pèsera de manière décisive dans la délibération finale, comme l'énonce la Première chambre ci vile de la Cour de cassation en matière de procédures ordinales ; Qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque le rapporteur a, comme il était vrai à l'époque et il a été vrai en l'espèce, vocation à assister au délibéré ; que si l'impartialité du rapporteur repose sur les actes et l'attitude de ce dernier et pas seulement sur les initiatives des parties, l'appréciation de cette vertu ne saurait se faire que concrètement, en contemplation du respect effectif des droits de la défense ; Que s'il ne suffit pas que les parties aient pu, à partir de la notification des griefs, consulter le dossier, demander l'audition de témoins à décharge, présenter des observations sur les griefs puis sur le rapport et s'exprimer oralement au cours des débats en séance, comme l'impose l'article L 463-1 du code de commerce, cependant, et en l'espèce, il résulte des explications données dans la Décision et devant la cour d'appel, que le rapporteur avait assisté au délibéré sur les mesures conservatoires mais n'avait ensuite fait qu'user des prérogatives qu'il tient de l'article devenu L 450-6 du code de commerce, en définissant les orientations de l'enquête, accomplie concrètement et pour l'essentiel par l'administration sous le contrôle désintéressé du rapporteur, en se tenant informé du déroulement de cette enquête, en appréciant lui-même et objectivement l'utilité d'actes supplémentaires, en examinant souverainement mais objectivement les propositions formulées par les entreprises mises en cause, lesquelles sont hors d'état d'invoquer précisément un refus significatif d'acte d'instruction ou toute autre manoeuvre tendant à évincer les droits desdites entreprises ; Que de même, si le rapporteur doit donner à voir son impartialité, se donner les moyens de clore éventuellement son instruction sans suite et ne prendre parti que lorsque la loi l'exige de lui à la fin de son instruction, cependant, et en l'espèce, les parties se contentent de déplorer un risque de confusion entre instruction et jugement préalables sur des mesures de contrôle ou conservatoires, et instruction au fond ; qu'il n'est apporté à la cour d'appel aucune démonstration que les parties aient eu des raisons de s'inquiéter de l'attitude du rapporteur et qu'il n'est pas davantage invoqué devant ladite cour que les entreprises poursuivies aient manifesté une crainte à ce sujet jusqu'au renvoi de cassation décidé le 3 mars 2009 ; qu'en somme, le grief manque en fait et la nullité de la Décision n'est pas encourue de ce troisième chef » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se référant « aux explications données » dans la Décision du Conseil de la Concurrence sur l'impartialité du Rapporteur, la cour de PARIS perd de vue la nullité de cette Décision qu'elle a elle-même prononcée et en méconnaît les effets en violation des articles 542 et 561 du Code de Procédure Civile ainsi que de l'article L. 464-7 du Code de commerce ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à décider que la nullité de la Décision du Conseil de la Concurrence ne serait pas encourue pour défaut d'impartialité du Rapporteur tandis qu'il lui était demandé de vérifier si ce défaut d'impartialité ne lui interdisait pas de retenir les faits recueillis au cours de l'instruction dans le cadre de l'appréciation à laquelle elle devait, elle-même, procéder, la cour de PARIS a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile et de l'article L. 464-7 du Code de commerce ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE loin de se contenter de déplorer une simple confusion des organes d'instruction et de jugement, la société exposante caractérisait sa crainte légitime d'un défaut d'impartialité de M. K...par la circonstance précise qu'il avait fait deux rapports à l'occasion des décisions 94- MC 10 du 14 septembre 1994 et 95- D 82 du 12 décembre 1995, qui comportaient une appréciation défavorable sur la prétendue illicéité des pratiques reprochées à CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETON SUD-EST et constituaient des pré-jugements, avant de notifier les griefs et d'établir le rapport sur le fond, de sorte qu'en refusant d'admettre que les conditions d'impartialité requises par l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ne pouvaient plus être objectivement satisfaites, la cour de PARIS a, par là-même, violé le texte susvisé ;
QUE, de même, le fait que le Rapporteur n'ait fait qu'user des prérogatives que lui confère l'article L. 450-6 du Code de commerce, après avoir par deux fois assisté au délibéré sur les mesures conservatoires ne saurait interdire à la partie poursuivie de considérer que M. K...a pu ensuite orienter les poursuites en fonction des éléments qu'il avait recueillis en ces occasions au mépris du principe du procès équitable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué du 27 janvier 2011 d'avoir rejeté le recours des sociétés CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETONS SUD-EST dirigé contre l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies du 28 janvier 1994, d'avoir dit que ces entreprises avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé une sanction de 4. 500. 000 € à l'encontre de la société CEMEX FRANCE GESTION et de 45. 000 € contre la société CEMEX BETONS SUD-EST ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les sanctions : que s'il est admis que la durée de la procédure est un facteur d'atténuation de la sanction, cette dernière s'apprécie au jour de la décision et non au jour de la saisine de la Cour ; qu'en l'espèce, saisie en 1994 de faits remontant à 1993, le Conseil a tranché en 1997, ce qui ne peut être considéré comme une durée longue dans le cas d'une pratique anticoncurrentielle assez complexe, dont l'instruction a nécessité le recours à des visites domiciliaires » (p. 31 al. 4) ; 4b- Sur la gravité des pratiques (…) que si la loi, qui ignore les classifications de ce type, n'autorise pas la cour à classer les pratiques comme « particulièrement » ou « très » ou « parmi les plus) } graves, il n'en demeure pas moins et que les arguments développés par les sociétés Cemex France Gestion, Cemex Sud-Est Beton et Unibéton, censées constituer des circonstances atténuantes ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse du Conseil de la concurrence (dorénavant l'Autorité de la concurrence) ; Qu'ainsi, les pratiques en cause ont eu une emprise significative sur les marchés du béton prêt à l'emploi concernés notamment en raison de l'appartenance de certaines entreprises en cause à des groupes multinationaux ; Que ces groupes étaient fournisseurs de ciments et de granulats pour l'activité du béton prêt à l'emploi, laquelle se caractérise par sa forte dépendance aux variations de l'activité du bâtiment et les travaux publics ; Que la gravité des pratiques s'apprécie, en outre, au regard de la particularité des pratiques consistant ici d'abord à se concerter afin de se répartir à l'avance les marchés du béton prêt à l'emploi sur une aire géographique étendue ; Qu'il s'est agi de maintenir des prix artificiellement élevés ; Que les opérateurs fautifs n'ont pas hésité à fausser les consultations préalablement organisées par les entreprises en demande ; Que ces mêmes comportements ont conduit à interdire ou à limiter l'accès du marché à un concurrent nouvellement entré, lequel menaçait la pérennité de l'entente, en pratiquant des prix de prédation ; Que ces pratiques sont en somme caractérisées, quant à leur principe et leur gravité, par la tromperie mise en oeuvre à l'égard des maîtres d'oeuvre publics et privés sur la réalité et l'étendue de la concurrence en altérant ainsi l'indépendance des offres et éliminant la concurrence par les prix sur les marchés concernés ; par la malignité des mécanismes d'éviction mis en place par leurs auteurs ; par le caractère dissuasif pouvant revêtir de telles pratiques vis à vis d'autres entreprises extérieures à l'entente qui seraient tentées de s'implanter sur le marché ou sur des marchés géographiquement voisins ; qu'en outre, si la durée brève d'une pratique est un critère à prendre en compte pour atténuer la gravité du manquement, la durée pertinente n'est toutefois pas la durée du déroulement des appels d'offres eux-mêmes mais la durée de leur exécution pendant laquelle sont ressentis les effets sur le marché ; qu'en l'espèce, les pratiques anticoncurrentielles ont donc duré deux années ; Que la gravité des pratiques anticoncurrentielles en cause est encore accrue eu égard à leur valeur d'exemple, de telles pratiques étant ressenties comme banales et régulières par les acteurs du secteur ; Que de ce qui précède, il ressort que la gravité des pratiques ayant définitivement faussé le jeu de la concurrence sur les marchés concernés a, à juste titre, été caractérisée par le Conseil ; 4C- Sur le dommage à l'économie : (…) que le dommage à l'économie s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause et notamment en fonction de l'étendue des marchés affectés par les pratiques anticoncurrentielles, de la durée et des effets conjoncturels et structurels de ces pratiques ; Que le dommage à l'économie est d'une indéniable importance en l'espèce, contrairement aux assertions des entreprises condamnées, en raison des spécificités du marché puisque les pratiques portaient sur un matériau indispensable dans le bâtiment et les travaux publics pour lequel il n'existait, à l'époque, ni substitut ni fournisseurs alternatifs en raison des contraintes de proximité, et qu'elles ont lésé les entreprises de gros oeuvre qui n'étaient pas en mesure de faire fonctionner des centrales de chantier dans des conditions d'efficacité et de coût comparable ; Qu'en outre, ces pratiques de concertations, qui ont permis le maintien des prix à un niveau globalement élevé, en dépit de la baisse générale, entre 1990 et 1993, de la production accompagnée du maintien des capacité de production, soulignée par la société Unibéton, ont affecté six marchés géographiques dans les départements des Bouches du Rhône, du Var, du Vaucluse et Alpes Maritimes ; Que ces pratiques anticoncurrentielles ont affecté de manière directe les prix, par le maintien, pendant toute la durée de leur exécution, de prix artificiellement élevés et par la suite (et afin d'évincer la concurrence qui menaçait la pérennité de l'entente) de prix de prédation dont les maîtres d'ouvrage publics ou privés et les entreprises de gros oeuvre, qui ont eu recours à ces entreprises, ont été victimes ; Que la SNBT a souffert des pratiques de prix prédateurs qui la visaient puisque les résultats d'exploitation de cette société d'octobre 1993 à juillet 1994 traduisent une perte de plus de 100 000 F alors qu'était constatée au même moment une augmentation de la demande dans le Var ; qu'en outre, l'Autorité de la concurrence (auparavant le Conseil de la concurrence) objecte à juste titre dans ses observations que les chiffres avancés par les requérantes, révélateurs selon elles d'une entreprise en pleine expansion qui aurait été cédée dans d'excellentes conditions en avril 1997, ne sont pas pertinents car la SNBT produisait également des éléments préfabriqués et exploitait une autre centrale à La Ciotat, et qu'en tout état de cause, les pratiques avaient cessé dès la fin de l'année 1994, lorsque les mesures conservatoires ont été appliquées ; Qu'il ressort, par ailleurs, des déclarations convergentes de plusieurs exploitants de sociétés de béton prêt à l'emploi intervenant sur différents marchés géographiques que ces entreprises dont il est établi qu'elles se trouvaient en entente de répartition de marché en début d'année 1993 ont adopté, à partir du mois d'octobre 1993, une stratégie de prix bas visant à limiter systématiquement l'accès aux marchés des nouveaux entrants ; que la menace d'éviction et la réalité de cette éviction a incontestablement affaibli la capacité concurrentielle de ces derniers ; ces barrières construites contre les nouveaux concurrents caractérisent un trouble persistant à la concurrence ; Qu'en somme, le Conseil a effectué une analyse adéquate de l'importance du dommage à l'économie, a répondu aux arguments des entreprises sur ce point et a adopté, ainsi qu'il sera dit, des sanctions modérées, en corrélation avec son appréciation tempérée du dommage » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le dispositif de l'arrêt présentement attaqué ayant annulé la décision n° 97- D-39 du Conseil de la Concurrence, viole l'article L. 464-8 du Code de commerce et méconnaît la théorie des nullités, la cour d'appel qui fait cependant état de cette décision pour décider (p. 31 al. 5) que la procédure n'aurait duré que de 1993 à 1997 ce qui ne justifierait pas une atténuation des sanctions ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE méconnaît le principe du procès équitable imposé par l'article 6 § 1 de la C. E. S. D. H. ainsi que la théorie des nullités, la cour d'appel qui, ayant annulé la décision n° 97- D-39 du Conseil de la Concurrence pour défaut d'impartialité, s'y réfère cependant pour 1) tenir compte des « explications » dudit Conseil (p. 12 al. 4), 2) mesurer l'incidence de la durée de la procédure sur les sanctions (p. 31 al. 4), 3) opposer aux circonstances atténuantes invoquées par les sociétés CEMEX « l'analyse du Conseil de la Concurrence » (p. 31 al. 8), 4) caractériser la gravité des pratiques (p. 32 al. 8), 5) adopter la réponse du Conseil aux arguments concernant l'absence de dommage à l'économie (p. 33 al. 5 et al. 7), 6) confirmer le montant des « sanctions modérées » et mêmes « clémentes » prononcées par l'Autorité de la Concurrence (p. 34 al. 2 et 4) ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en se bornant à affirmer pour caractériser la prétendue gravité des faits que la société SNBT aurait été victime de prix prédateurs au motif que son résultat d'exploitation avait chuté de 100. 000 francs en 1993, sans s'expliquer sur les conclusions de la société CEMEX FRANCE GESTION qui faisaient valoir que cette donnée comptable était insignifiante par rapport à la progression de 188 % du chiffre d'affaires et de 146 % de la marge brute (déclaration de saisine du 16 mars 2010 p. 93 et s. et réplique p. 72 et s.) et que, loin d'être une « proie », cette centrale de béton avait été revendue rapidement par ses promoteurs à un « bon prix » de 2. 000. 000 de francs, la cour de PARIS a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en laissant dépourvues de réponse les conclusions de la société CEMEX FRANCE GESTION (déclaration de saisine, p. 99) et celles de la société CEMEX BETONS SUD-EST (déclaration de saisine, p. 42) qui soutenaient que la SNTB disposant d'un avantage concurrentiel déterminant en s'approvisionnant avec du ciment étranger, avait « pris l'initiative » de déclencher une guerre des prix, ce qui était de nature à atténuer la gravité des faits incriminés et le dommage causé à l'économie, la cour de PARIS a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code du commerce. Moyens produits au pourvoi n° Z 11-13. 130 par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Unibéton.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Unibéton a enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé, en conséquence, la sanction pécuniaire de 6 000 000 d'euros contre la société Unibéton ;

AUX MOTIFS QUE « la société CEMEX FRANCE GESTION expose que la Cour d'appel ne pourrait trouver au dossier des éléments de nature à fonder sa décision car la procédure d'instruction antérieure à la décision est irrégulière, le principe d'impartialité édicté par l'article 6 § 1 de la CESDH n'ayant pas été respecté par le Rapporteur du Conseil de la concurrence ; qu'en effet (1), le Rapporteur qui a instruit la procédure au fond devant le Conseil de la concurrence avait auparavant instruit, dans la même affaire, la procédure ayant conduit à la décision n° 94- MC-10 du Conseil de la concurrence, dont la Cour de cassation a jugé qu'elle était constitutive d'un pré-jugement ; que (2) le principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement n'a pas été respecté et la procédure contentieuse ne s'est pas déroulé dans le respect du contradictoire et des droits de la défense, car avant d'instruire l'affaire au fond, le Rapporteur avait auparavant assisté aux délibérés de la décision de mesures conservatoires n° 94- MC-10 en date du 14 septembre 1994 et de la décision de vérification du respect de l'injonction n° 95- D-82 en date du 12 décembre 1995 ; que la société Unibéton expose que le rapporteur doit être impartial ; que tout rapporteur doit avoir à l'esprit que le rapport pèsera de manière décisive dans la délibération finale, comme l'énonce la Première chambre civile de la Cour en matière de procédures ordinales ; qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque le rapporteur a, comme il était vrai à l'époque et il a été vrai en l'espèce, vocation à assister au délibéré ; Mais si l'impartialité du rapporteur repose sur les actes et l'attitude de ce dernier et pas seulement sur les initiatives des parties, l'appréciation de cette vertu ne saurait se faire que concrètement, en contemplation du respect effectif des droits de la défense ; que s'il ne suffit pas que les parties aient pu, à partir de la notification des griefs, consulter le dossier, demander l'audition de témoins à décharge, présenter des observations sur les griefs puis sur le rapport et s'exprimer oralement au cours des débats en séance, comme l'impose l'article L. 463-1 du code de commerce, cependant, et en l'espèce, il résulte des explications données dans la Décision (du Conseil de la concurrence) et devant la cour d'appel, que le rapporteur avait assisté au délibéré sur les mesures conservatoires mais n'avait ensuite fait qu'user des prérogatives qu'il tient de l'article devenu L. 450-6 du code de commerce, en définissant les orientations de l'enquête, accomplie concrètement et pour l'essentiel par l'administration sous le contrôle désintéressé du rapporteur, en se tenant informé du déroulement de cette enquête, en appréciant lui-même et objectivement l'utilité d'actes supplémentaires, en examinant souverainement mais objectivement les propositions formulées par les entreprises mises en cause, lesquelles sont hors d'état d'invoquer précisément un refus significatif d'acte d'instruction ou toute autre manoeuvre tendant à évincer les droits desdites entreprises ; que de même, si le rapporteur doit donner à voir son impartialité, se donner les moyens de clore éventuellement son instruction sans suite et ne prendre parti que lorsque la loi l'exige de lui à la fin de son instruction, cependant, et en l'espèce, les parties se contentent de déplorer un risque de confusion entre instruction et jugement préalables sur des mesures de contrôle ou conservatoires, et instruction au fond ; qu'il n'est apporté à la cour d'appel aucune démonstration que les parties aient eu des raisons de s'inquiéter de l'attitude du rapporteur et qu'il n'est pas davantage invoqué devant ladite cour que les entreprises poursuivies aient manifesté une crainte à ce sujet jusqu'au renvoi de cassation décidé le 3 mars 2009 ; qu'en somme, le grief manque en fait et la nullité de la Décision n'est pas encourue de ce troisième chef ; Sur les visites et saisies ; que les sociétés CEMEX avancent que les actes accomplis, notamment les visites domiciliaires et les saisies, sont irréguliers comme procédant d'une ordonnance les autorisant entachée de nullité ; qu'en effet, les entreprises n'ont pas disposé au moment où l'ordonnance d'autorisation a été rendue d'un recours effectif au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH et que la voie de recours nouvelle ouverte par l'article 5 IV al. 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ne permet pas de satisfaire non plus à cette exigence ; que la société CEMEX FRANCE GESTION comme la société UNIBETON soutiennent que : (1) l'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ne satisfait pas aux exigences de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, à savoir un recours effectif au moment de l'autorisation de visites et saisies devant un juge impartial : a) la non-conformité du texte de l'article L 450-4 du Code du commerce, dans sa version antérieure à celle de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, aux exigences de l'article 6 § 1 de la CESDH ; b) la non-conformité de l'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence aux exigences de l'article 6 § de la CESDH ; 2) l'Administration a fait preuve de déloyauté en présentant au juge, à l'appui de sa demande d'autorisation de visites et saisies, des documents tronqués, des pièces « reconstituées » et un dossier incomplet : a) l'Administration a fait preuve de déloyauté en présentant au juge, à l'appui de sa demande d'autorisation de visites et saisies du 27 janvier 1994 (Annexe 4 à la requête de l'Administration) une version tronquée du procès-verbal de déclaration et d'inventaire de documents communiqués de MM. X...et J...en date du 5 juillet 1993 qui a été établi en deux versions différentes ; b) l'Administration a fait preuve de déloyauté en présentant au juge, à l'appui de sa demande d'autorisation de visites et saisies du 27 janvier 1994, un document présenté comme original intitulé " réunions de tables PACA " annexé au procès-verbal de déclaration et d'inventaire de documents communiqués de MM. X...et J...en date du 5 juillet 1993 (feuillets 1, 2 et 3), et que Monsieur X...a reconnu le 10 octobre 1996 avoir « reconstitué » ; c) l'Administration a fait preuve de déloyauté en dissimulant au juge une grande partie de l'enquête préliminaire qu'elle avait réalisée, ce qui a eu pour effet de tromper le Président du Tribunal ; 3) l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies en date du 28 janvier 1994 s'appuie sur des actes irréguliers ; qu'il est exact que les sociétés requérantes agissent au visa exprès de l'alinéa 2 de l'article 5, IV, de l'ordonnance du 13 novembre 2008, selon une requête distincte du renvoi opéré par la Cour de cassation et antérieur à lui ; mais (i) sur l'existence d'un recours approprié, que celle-ci s'apprécie de manière concrète et spéciale ; qu'en l'occurrence, elle est avérée dès lors que l'accessibilité de la voie de recours a été certaine, et qu'en plus d'un contrôle en fait et en droit de la régularité et du bien-fondé de la décision ayant prescrit la visite, le recours a fourni un redressement, lequel implique la certitude d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse, dans un délai raisonnable ; que, s'agissant de la certitude de la voie de recours, les entreprises requérantes ne peuvent affirmer qu'elles ont dû, pour obtenir un contrôle effectif de l'autorisation de visite et saisie par un juge du fond, attendre leur condamnation par le Conseil de la concurrence puis exercer un recours contre cette condamnation ; que l'incertitude du recours, au sens de l'arrêt de la Cour E. D. H du 21 décembre 2010, s'entend de la situation dans laquelle seraient mises les entreprises requérantes du fait du régime transitoire résultant de l'ordonnance du 13 novembre 2008, si elles n'avaient pas exercé de recours au fond, ce qui ne correspond évidemment pas aux circonstances de la présente affaire ; que s'agissant du redressement approprié, même si la seule voie de recours permise à l'époque par l'article L. 450-4 du code de commerce, à savoir le pourvoi en cassation, pouvait être regardée comme insuffisante pour assurer aux personnes concernées par de telles mesures un accès à un tribunal répondant aux exigences du procès équitable posées par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et cela nonobstant la possibilité de contester le déroulement des opérations devant le juge les ayant autorisées, la situation a changé depuis la réforme opérée par l'ordonnance ; qu'en effet, la Cour d'appel de Paris ou son Premier président, selon le cas, saisis du recours en contestation de l'autorisation de visite et de saisie prévu par l'article 5 paragraphe IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 sont tenues d'apprécier en fait et en droit la régularité de la décision du juge des libertés et de la détention – ou, en l'occurrence, du président du T. G. I. – au vu des éléments du dossier, ce qui constitue un contrôle juridictionnel effectif ; qu'au rebours de ce qu'avancent l'une des entreprises requérantes ainsi que l'Autorité de la concurrence, partie défenderesse devant la cour, il n'est plus exact (Com. 23 nov. 2010, n° 09-72. 031) que la violation d'une formalité ou d'un délai puisse n'ouvrir droit qu'à des dommages et intérêts, ce qui renforce le caractère réel et approprié du « redressement » au sens de la jurisprudence européenne ; que le recours a pour suite, s'il aboutit à l'infirmation de la décision qui a autorisé la visite domiciliaire, de conduire à l'anéantissement des actes d'enquête réalisés en application de celle-ci, avec toutes les conséquences que cela pourra, en outre, comporter sur l'examen des griefs par le collège de l'Autorité ; que s'agissant du contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse, outre que la cour d'appel est tenue d'examiner en fait et en droit la régularité de la décision du président du TGI au vu des éléments du dossier, avec toutes les conséquences possibles qui viennent d'être évoquées, ce contrôle n'implique pas de la part de cette cour d'appel une quelconque appréciation sur le bien-fondé des griefs qui seraient plus tard articulés contre les entreprises visitées, et pas davantage un préjugé sur les sanctions qui seraient fulminées contre les mêmes ; quant au délai raisonnable, il s'agit d'une exigence qui protège directement et exclusivement les droits de l'entreprise qui a subi la visite domiciliaire ; que dès lors, ce délai court sur la période qui débute le jour où est ouvert la voie de droit, en l'espèce le jour de la perquisition (7 février 1994), et le jour où le juge compétent est saisi pour statuer sur les mérites de la décision critiquée, c'est-à-dire et en l'espèce la date de la requête visant le texte applicable et de la saisine sur renvoi de la Cour de cassation (mars 2009), soit quinze années ; que cependant, et conformément à la finalité sus-décrite de l'exigence du respect d'un délai raisonnable, l'autorité d'enquête ne saurait voir ses prérogatives mises en péril par la survenance d'événements dont elle n'aurait pas maîtrisé le cours ; qu'à cet égard, le temps de la procédure proprement judiciaire jusqu'à l'ouverture d'un nouveau recours par l'ordonnance susvisée, soit de 1995 à 2008, doit être déduit du total de quinze années ; que du tout, il faut conclure que le délai imposé aux requérantes pour obtenir un exercice effectif du recours de fait et de droit, a été de trois ans, ce que la Cour ne saurait estimer déraisonnable au vu de la difficulté du dossier ; qu'en somme, les sociétés requérantes ont disposé d'un recours conforme eux exigences de la Convention E. S. D. H., en l'occurrence d'un recours juridictionnel effectif dans un délai raisonnable ; qu'aucune annulation de l'autorisation des opérations de visite et saisie ne saurait donc être prononcée à ce titre ; (ii) sur la déloyauté de la requête présentée au président du TGI de Marseille, que le requérant n'était nullement tenu de produire à ce magistrat l'ensemble des éléments dont elle disposait, ou dont les sociétés CEMEX et UNIBETON croient qu'elle disposait, mais seulement ceux de nature à justifier les opérations de visite et saisie ; qu'il revient donc au juge saisi de la demande d'effectuer de telles opérations, de vérifier non contradictoirement, selon le choix qu'a fait le législateur pour favoriser l'effet de surprise propre à la procédure sur requête, l'existence de présomptions d'une pratique anticoncurrentielle ; qu'en l'espèce, le président du TGI de Marseille a vérifié la qualité juridique des requérants, a examiné les pièces produites et a motivé sa décision d'autoriser les visites et saisies ; en quoi, il a pleinement satisfait aux seules exigences de la loi ; qu'il n'en serait autrement jugé que si les pièces présentées au président du TGI de Marseille s'avéraient avoir été obtenues illicitement, ou avoir été falsifiées ou tronquées ; qu'il a été jugé dans le présent arrêt que tel n'était pas le cas ; que par conséquent, les griefs avancés par les sociétés CEMEX et UNIBETON contre l'autorisation judiciaire de visite et saisie sont infondés » ;

1) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que le principe d'impartialité s'applique au rapporteur auprès de l'Autorité de la concurrence ; que ce principe, s'appréciant selon une démarche objective, interdit qu'un membre du Conseil de la concurrence qui a participé à un pré-jugement sur la culpabilité des entreprises mises en cause, en prononçant des mesures conservatoires, soit désigné comme rapporteur pour instruire l'affaire ; qu'en l'espèce, il est établi que le rapporteur qui a instruit la procédure au fond devant le Conseil de la concurrence avait auparavant instruit la procédure et assisté aux délibérés ayant conduit, dans la même affaire, à la décision prononçant des mesures conservatoires, dont la Cour de cassation a jugé qu'elle était constitutive d'un pré-jugement ; qu'en décidant néanmoins que le rapporteur était impartial et que la procédure d'instruction au fond était, par conséquent, régulière, la Cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2) ALORS QUE toute personne soumise à une mesure de visite et saisie domiciliaires, doit pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision autorisant les visite et saisie ; que pour être effectif, le recours permettant le contrôle juridictionnel doit pouvoir être exercé dans un délai raisonnable ; que le délai raisonnable s'apprécie in globo, c'est-à-dire au regard de l'ensemble de la procédure prise dans tous ses développements ; qu'en l'espèce, la nouvelle voie de recours contre l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie n'a été ouverte que par l'ordonnance du 13 novembre 2008, c'est-à-dire quinze ans après la décision du juge des libertés et de la détention rendue le 28 janvier 1994 ; que, dès lors, en déduisant la période de la « procédure judiciaire » pour ne retenir qu'un délai de trois ans et qualifier ce délai de « raisonnable », cependant que pendant toute cette période, la société Unibéton n'avait pas disposé d'un recours effectif contre la décision ayant autorisé les visites et saisies, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 6-1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé une sanction pécuniaire de 6 000 000 d'euros contre la société Unibéton ;
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicable en la cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné, elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction, et le montant de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos ; que les sociétés Cemex France Gestion, Cemex Sud-Est Beton et Unibéton contestent la sanction pécuniaire infligée à chacune d'elles car disproportionnées au regard de l'absence de gravité des faits, de l'absence de dommage causé à l'économie et enfin de l'absence de prise en considération de leur situation individuelle ; mais que si la loi, qui ignore les classifications de ce type, n'autorise pas la cour à classer les pratiques comme " particulièrement " ou " très " ou " parmi les plus " graves, il n'en demeure pas moins et que les arguments développés par les sociétés Cemex France Gestion, Cemex Sud-Est Beton et Unibéton, censées constituer des circonstances atténuantes ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse du Conseil de la concurrence (dorénavant l'Autorité de la concurrence) ; qu'ainsi, les pratiques en cause ont eu une emprise significative sur les marchés du béton prêt à l'emploi concernés notamment en raison de l'appartenance de certaines entreprises en cause à des groupes multinationaux ; que ces groupes étaient fournisseurs de ciments et de granulats pour l'activité du béton prêt à l'emploi, laquelle se caractérise par sa forte dépendance aux variations de l'activité du bâtiment et les travaux publics ; que la gravité des pratiques s'apprécie, en outre, au regard de la particularité des pratiques consistant ici d'abord à se concerter afin de se répartir à l'avance les marchés du béton prêt à l'emploi sur une aire géographique étendue ; qu'il s'est agi de maintenir des prix artificiellement élevés ; que les opérateurs fautifs n'ont pas hésité à fausser les consultations préalablement organisées par les entreprises en demande ; que ces mêmes comportements ont conduit à interdire ou à limiter l'accès du marché à un concurrent nouvellement entré, lequel menaçait la pérennité de l'entente, en pratiquant des prix de prédation ; que ces pratiques sont en somme caractérisées, quant à leur principe et leur gravité, par la tromperie mise en oeuvre à l'égard des maîtres d'oeuvre publics et privés sur la réalité et l'étendue de la concurrence en altérant ainsi l'indépendance des offres et éliminant la concurrence par les prix sur les marchés concernés ; par la malignité des mécanismes d'éviction mis en place par leurs auteurs ; par le caractère dissuasif pouvant revêtir de telles pratiques vis-à-vis d'autres entreprises extérieures à l'entente qui seraient tentées de s'implanter sur le marché ou sur des marchés géographiquement voisins ; qu'en outre, si la durée brève d'une pratique est un critère à prendre en compte pour atténuer la gravité du manquement, la durée pertinente n'est toutefois pas la durée du déroulement des appels d'offres eux-mêmes mais la durée de leur exécution pendant laquelle sont ressentis les effets sur le marché ; qu'en l'espèce, les pratiques anticoncurrentielles ont donc duré deux années ; que la gravité des pratiques anticoncurrentielles en cause est encore accrue eu égard à leur valeur d'exemple, de telles pratiques étant ressenties comme banales et régulières par les acteurs du secteur ; que de ce qui précède, il ressort que la gravité des pratiques ayant définitivement faussé le jeu de la concurrence sur les marchés concernés a, à juste titre, été caractérisée par le Conseil ; que la société CEMEX FRANCE GESTION avance que le Conseil, dans la Décision critiquée, a procédé par pures affirmations, alors que le béton prêt à l'emploi entre pour une faible part dans le coût des ouvrages d'art ou des bâtiments et qu'il a une faible incidence sur le coût total ; qu'en outre, le marché concerné est fortement concurrentiel, l'entrée et la sortie en sont faciles, il n'y a pas d'économies d'échelle et l'information sur les prix est largement diffusée ; qu'en somme, et conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, dès à présent appliqué par la cour d'appel en diverses espèces, le dommage causé par ces pratiques à l'économie ne saurait être présumé comme l'a fait la décision critiquée ; que la société CEMEX BETON SUD EST ajoute que le seul marché concerné pour elle est celui de l'Est du Var, en sorte que le dommage à l'économie n'a pas été démontré par le Conseil ; que la société UNIBETON estime que les marchés concernés étaient purement locaux, ne concernaient d'ailleurs pas tous UNIBETON, que beaucoup d'opérateurs indépendants subsistaient sur lesdits marchés, qu'une forte récession a marqué la période d'imputation des pratiques, au point que la baisse des prix a été notable ; mais que le dommage à l'économie s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause et notamment en fonction de l'étendue des marchés affectés par les pratiques anticoncurrentielles, de la durée et des effets conjoncturels et structurels de ces pratiques ; que le dommage à l'économie est d'une indéniable importance en l'espèce, contrairement aux assertions des entreprises condamnées, en raison des spécificités du marché puisque les pratiques portaient sur un matériau indispensable dans le bâtiment et les travaux publics pour lequel il n'existait, à l'époque, ni substitut ni fournisseurs alternatifs en raison des contraintes de proximité, et qu'elles ont lésé les entreprises de gros oeuvre qui n'étaient pas en mesure de faire fonctionner des centrales de chantier dans des conditions d'efficacité et de coût comparable ; qu'en outre, ces pratiques de concertations, qui ont permis le maintien des prix à un niveau globalement élevé, en dépit de la baisse générale, entre 1990 et 1993, de la production accompagnée du maintien des capacités de production, soulignée par la société Unibéton, ont affecté six marchés géographiques dans les départements des Bouches du Rhône, du Var, du Vaucluse et Alpes Maritimes ; que ces pratiques anticoncurrentielles ont affecté de manière directe les prix, par le maintien, pendant toute la durée de leur exécution, de prix artificiellement élevés et par la suite (et afin d'évincer la concurrence qui menaçait la pérennité de l'entente) de prix de prédation dont les maîtres d'ouvrage publics et privés et les entreprises de gros oeuvre, qui ont eu recours à ces entreprises, ont été victimes ; que la SNBT a souffert des pratiques de prix prédateurs qui la visaient puisque les résultats d'exploitation de cette société d'octobre 1993 à juillet 1994 traduisent une perte de plus de 100 000 F alors qu'était constatée au même moment une augmentation de la demande dans le Var ; qu'en outre, l'Autorité de la concurrence (auparavant le Conseil de la concurrence) objecte à juste titre dans ses observations que les chiffres avancés par les requérantes, révélateurs selon elles d'une entreprise en pleine expansion qui aurait été cédée dans d'excellentes conditions en avril 1997, ne sont pas pertinents car la SNBT produisait également des éléments préfabriqués et exploitait une autre centrale à La Ciotat, et qu'en tout état de cause, les pratiques avaient cessé dès la fin de l'année 1994, lorsque les mesures conservatoires ont été appliquées ; qu'il ressort, par ailleurs, des déclarations convergentes de plusieurs exploitants de sociétés de béton prêt à l'emploi intervenant sur différents marchés géographiques que ces entreprises dont il est établi qu'elles se trouvaient en entente de répartition de marché en début d'année 1993 ont adopté, à partir du mois d'octobre 1993, une stratégie de prix bas visant à limiter systématiquement l'accès aux marchés des nouveaux entrants ; que la menace d'éviction et la réalité de cette éviction a incontestablement affaibli la capacité concurrentielle de ces derniers ; ces barrières construites contre les nouveaux concurrents caractérisent un trouble persistant à la concurrence ; qu'en somme, le Conseil a effectué une analyse adéquate de l'importance du dommage à l'économie, a répondu aux arguments des entreprises sur ce point et a adopté, ainsi qu'il sera dit, des sanctions modérées, en corrélation avec son appréciation tempérée du dommage ; que la société CEMEX FRANCE GESTION conteste le mode de calcul de la sanction pécuniaire au motif qu'il aurait donné lieu à une inégalité de traitement au détriment de la société Béton de France de par la référence à son chiffre d'affaires global, incluant ses activités non liées à la production de béton prêt à l'emploi dans le sud-est, alors que les autres sociétés sanctionnées, pour la plupart filiales locales de grands groupes, ont été sanctionnées par rapport à leur chiffre d'affaires propre et non celui de leur groupe ; mais que comme celles prononcées à l'encontre de chacune des entreprises mises en cause, la sanction infligée à Béton de France a été déterminée conformément aux dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicable ; qu'ainsi, la société Béton de France (société Cemex France Gestion), qui était, à l'époque des faits, présente sur le marché national, a participé à des concertations de répartition de marchés locaux de Toulon – et plus spécifiquement à l'occasion des consultations organisées pour la construction de la traversée souterraine-, de Nice, d'Avignon et d'Aix-en-Provence, comme sur l'ensemble du marché régional, le tout au cours de l'année 1993 ; qu'elle a également activement contribué aux pratiques d'éviction de la SNBT du marché local de Toulon ; qu'elle a réalisé en France, au cours de l'exercice 1996, un chiffre d'affaires hors taxes de 1 023 378 987 F ; qu'eu égard à ces éléments, la sanction de 4 500 000 euros apparaît clémente ; que la société Unibéton, également présente dans le secteur du béton prêt à l'emploi sur le plan national, s'est livrée à des pratiques de répartition de marchés au cours de l'année 1993 sur les marchés locaux de Toulon-et plus spécifiquement à l'occasion des consultations organisées pour la construction de la traversée souterraine d'Avignon, de Cavaillon, d'Aix-en-Provence et de l'Est du département du Var ; qu'elle a contribué activement aux pratiques de prédation visant la SNBT ; qu'elle a réalisé en France au cours de l'exercice 1996, un chiffre d'affaires hors taxes de 1 506 720 138 F ; qu'eu égard à ces éléments, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la durée de la procédure, la sanction pécuniaire de 6 000 000 euros apparaît clémente ; que la société Brignolaise de béton et d'agglomérations (société Cemex Béton Sud Est), qui appartenait pour moitié à la société Béton de France, s'est livrée à des pratiques de concertation au cours de l'année 1993 sur le marché local du béton prêt à l'emploi de l'Est du département du Var (zone Le Muy-Saint Raphaël-Fréjus) ; qu'elle a réalisé, au cours de l'exercice 1996, un chiffre d'affaires hors taxes de 20 445 028 F ; qu'en tenant compte de ces éléments, il convient de lui infliger une sanction pécuniaire de 45 000 euros apparaît clémente et, puisqu'elle ne dépasse pas en pourcentage la moitié des sanctions de Béton de France et Unibéton, parfaitement proportionnée » ;
1) ALORS QU'après avoir annulé la décision du Conseil de la concurrence, la Cour d'appel est tenue de statuer en fait et en droit sur les griefs notifiés ; qu'il en découle que, pour apprécier la sanction pécuniaire, la Cour d'appel ne peut pas se référer à la motivation de la décision annulée ; qu'en retenant que « la gravité des pratiques (…) a, à juste titre, été caractérisée par le Conseil » et « qu'en somme, le Conseil a effectué une analyse adéquate de l'importance du dommage à l'économie, a répondu aux arguments des entreprises sur ce point et a adopté, ainsi qu'il sera dit, des sanctions modérées, en corrélation avec son appréciation tempérée du dommage », cependant qu'elle a annulé la décision du Conseil de la concurrence, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L. 464-8 du Code de commerce, 561 et 562 du Code de procédure civile ;
2) ALORS QUE les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; que la proportionnalité de la sanction doit être appréciée concrètement par référence à des éléments particuliers du cas d'espèce ; qu'en l'espèce, pour prononcer une sanction de 6 000 0000 d'euros à l'encontre de la société Unibéton, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer l'existence d'une « emprise significative » des pratiques sur les marchés du béton prêt à l'emploi, d'une « forte dépendance » de l'activité du béton prêt à l'emploi « aux variations de l'activité du bâtiment et les travaux publics », d'une concertation portant sur la répartition des marchés du béton prêt à l'emploi « sur une aire géographique étendue », d'une pratique conduisant à « maintenir des prix artificiellement élevés », d'une « malignité » dans les « mécanismes d'éviction mis en place » et d'une participation active de la société Unibéton à la prétendue infraction ; qu'en se déterminant par ces motifs, évoquant d'une manière générale les effets d'une concertation en cas d'appel d'offres, motifs impropres à établir l'appréciation concrète de la proportionnalité de la sanction prononcée à la gravité des faits reprochés et à la situation de la société Unibéton, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicable en la cause ;
3) ALORS QUE la durée brève d'une pratique est un critère à prendre en compte pour atténuer la gravité de l'infraction ; que cette durée s'apprécie en fonction du caractère instantané ou continu d'une pratique et non au regard des effets de celle-ci ; qu'en retenant, en l'espèce, que « la durée pertinente n'est toutefois pas la durée du déroulement des appels d'offres eux-mêmes mais la durée de leur exécution pendant laquelle sont ressentis les effets sur le marché », pour en déduire que les pratiques anticoncurrentielles reprochées à aux entreprises auraient duré deux années, sans caractériser la réitération après les faits ni la persistance d'une volonté anticoncurrentielle des entreprises, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicable ;
4) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant en l'espèce, d'une part, que « ces pratiques anticoncurrentielles ont affecté de manière directe les prix, par le maintien, pendant toute la durée de leur exécution, de prix artificiellement élevés » et, d'autre part que « ces entreprises (…) ont adopté, à partir du mois d'octobre 1993, une stratégie de prix bas visant à limiter systématiquement l'accès aux marchés des nouveaux entrants », la cour d'appel s'est contredite et, par là même, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5) ALORS QUE les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées au dommage causé à l'économie ; que le dommage à l'économie est distinct du préjudice financier éventuellement subi par la victime directe de l'entente ; qu'en tenant compte de la perte financière qu'avait subie la prétendue victime des pratiques de prix prédateurs, la Cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser le dommage à l'économie et, par là même, privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicable ;
6) ALORS QUE les sanctions pécuniaires doivent être déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'à ce titre, les bases d'évaluation ne doivent ni apparaître stéréotypées ni ignorer les éléments favorables à l'entreprise en cause ; qu'en l'espèce, en ne retenant que des bases d'individualisation exclusivement défavorables à la société Unibéton, sans s'expliquer sur les facteurs atténuants tenant à son rôle secondaire sur le marché et dans les pratiques reprochées, à la part restreinte de son activité sur les marchés locaux concernés par rapport à son activité totale dans les trois départements concernés et à la durée brève de l'infraction, facteurs que la société Unibéton invoquait dans ses conclusions (pp. 39 et 46), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-11750;11-13130
Date de la décision : 14/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Pouvoirs d'enquête - Visites domiciliaires - Article 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 - Recours effectif en fait et en droit - Délai raisonnable - Défaut - Violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Sont impropres à établir qu'un recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 répondait, en l'espèce, aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les sociétés en cause n'ont pu contester en fait et en droit l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents que quinze ans après l'exécution de celles-ci, les motifs par lesquels la cour d'appel retient que l'autorité d'enquête ne pouvant voir ses prérogatives mises en péril par la survenance d'évènements dont elle n'aurait pas maîtrisé le cours il convient de déduire le temps de la procédure proprement judiciaire jusqu'à l'ouverture d'un nouveau recours contre l'ordonnance et saisie du temps écoulé entre le jour où cette ordonnance a été rendue et celui où le recours a été rendu possible


Références :

Sur le numéro 1 : article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 janvier 2011

Sur le n° 1 : Dans le même sens que :Com., 21 juin 2011, pourvoi n° 09-67793, Bull. 2011, IV, n° 101 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2012, pourvoi n°11-11750;11-13130, Bull. civ. 2012, IV, n° 32
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 32

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Michel-Amsellem
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11750
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