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08/02/2012 | FRANCE | N°10-21198

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 février 2012, 10-21198


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2010), que M. X..., qui exploitait précédemment une entreprise, a été engagé en 2005 par la société Lyreco France en qualité de chef de vente ; qu'il a été licencié le 19 juin 2007 pour faute grave ; qu'invoquant avoir été élu en 2002 à Paris comme conseiller prud'homal, collège employeur, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement pour inobservation de son statut protecteur ;
Sur le pourvoi principa

l de l'employeur :
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Lyreco fait...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2010), que M. X..., qui exploitait précédemment une entreprise, a été engagé en 2005 par la société Lyreco France en qualité de chef de vente ; qu'il a été licencié le 19 juin 2007 pour faute grave ; qu'invoquant avoir été élu en 2002 à Paris comme conseiller prud'homal, collège employeur, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement pour inobservation de son statut protecteur ;
Sur le pourvoi principal de l'employeur :
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Lyreco fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de la condamner au paiement de diverses sommes au titre du licenciement illicite et de la violation du statut protecteur de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application du principe "fraus omnia corrumpit", un salarié ne peut se prévaloir de la protection conférée par la loi aux conseillers prud'homaux s'il est par ailleurs avéré que l'intéressé ne remplissait plus les conditions pour exercer une telle fonction, ce qui aurait normalement dû entraîner une démission de plein droit de sa part ; qu'en l'espèce, ayant constaté que M. X... avait été élu dans le collège employeur avant son embauche par la société Lyreco et que ce dernier aurait normalement dû démissionner de plein droit, en application des dispositions de l'article D. 1442-18 du code du travail, dès l'instant où il avait perdu cette qualité en cours de mandat, viole le texte susvisé, ensemble les articles L. 1442-19, L. 2411-1-17°, L. 2411-22 du code du travail et l'adage "la fraude corrompt tout", la cour d'appel qui décide néanmoins que M. X..., qui avait cumulé les réticences concernant sa qualité de conseiller prud'homal et la perte de ses fonctions, demeurait en droit d'opposer la protection légale attachée à son mandat de conseiller prud'homal à son employeur ;
2°/ que le contrat de travail s'exécute de bonne foi ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait été élu conseiller prud'homal dans le collège employeur au titre d'une activité qu'il exerçait avant son embauche par la société Lyreco et siégeait dans un conseil de prud'hommes situé dans un autre département que celui du siège de l'entreprise ; que M. X... s'était rendu à l'entretien préalable sans faire état de sa qualité de conseiller prud'homal acquise dans une circonscription électorale autre que celle où il travaillait, et avait attendu la notification de son licenciement pour reprocher ultérieurement (le 30 août 2007) à la société Lyreco une méconnaissance de son statut protecteur ; que la société Lyreco expliquait, sans être contredite, que M. X..., qui avait perdu la qualité pour exercer son mandat, n'avait jamais demandé à s'absenter tout au long de l'exécution de son contrat de travail pour siéger en qualité de conseiller prud'homal ; qu'en décidant néanmoins que M. X... était en droit de se prévaloir de la protection légale de son mandat de conseiller prud'homal pour solliciter la nullité de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-1 et L. 1442-19 du code du travail ;
3°/ que si la protection légale des conseillers prud'homaux est censée courir dès la proclamation des résultats, elle n'est opposable aux tiers que par l'effet des formalités de publicité ; qu'il était acquis aux débats qu'à la date de son élection, M. X... n'était pas le salarié de la société Lyreco ; qu'en application de l'article D. 1441-164 du code du travail, la liste des conseillers élus aux conseils de prud'hommes est publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du département ; qu'en l'espèce, si M. X... avait été élu aux élections des conseillers prud'homaux de Paris, il était employé dans un autre département (le Val-d'Oise) par une société dont le siège social se trouvait également dans un autre département (le Nord) et il résidait aussi dans un autre département (les Hauts-de-Seine) ; qu'il s'ensuit que viole le texte susvisé l'arrêt attaqué qui retient qu'en raison de la publication de son élection en qualité de conseiller prud'homal au recueil des actes administratifs de la préfecture de Paris et de la préfecture de police de cette ville, M. X... bénéficiait d'un statut protecteur opposable à la société Lyreco à la date de son licenciement ;
4°/ que le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis ou ce qui est défendu par le droit applicable ; que la sécurité juridique est garantie par l'intelligibilité de la loi et donc par sa lisibilité et son accessibilité ; qu'en l'espèce, la publicité de l'élection de M. X... aux élections des conseillers prud'homaux de Paris, limitée au recueil des actes administratifs de la préfecture de Paris et de la préfecture de police de cette ville, rendait en fait impossible à la société Lyreco, dont le siège social se trouvait à Valenciennes (Nord) et qui employait dans le Val- d'Oise M. X... résidant dans les Hauts-de-Seine, de connaître par cette seule publicité la qualité de conseiller prud'homal de l'intéressé ; que M. X... reconnaissait lui-même cette situation dans ses conclusions en écrivant : "le régime posé par la loi… constitue avant tout une fiction juridique, bâtie sur le postulat intellectuellement admissible mais pratiquement illusoire que la simple publicité de la liste des conseillers élus au recueil des actes de la préfecture suffirait pour que chaque employeur puisse en avoir connaissance" ; qu'il s'ensuit qu'en refusant de tenir compte de ce que la publication au recueil des actes administratifs du département n'était pas aisément consultable pour toutes les personnes éventuellement concernées, eu égard à l'ampleur et aux modalités d'une telle diffusion, la cour d'appel a violé le principe de sécurité juridique et fait une fausse application de l'article D. 1441-164 du code du travail ;
Mais attendu que la protection du conseiller prud'homal s'applique à compter de la proclamation des résultats des élections, peu important l'ignorance par l'employeur de l'existence du mandat ; que seule une fraude du salarié peut le priver de la protection attachée à son mandat, le manquement à son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur ne pouvant avoir d'incidence que sur le montant de l'indemnisation due au titre de la violation de son statut protecteur ;
Et attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve versés aux débats, la cour d'appel a estimé que le comportement du salarié ne caractérisait pas une fraude ;
Que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature, à lui seul, à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le pourvoi incident du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à la cour d'appel de limiter son indemnisation pour violation du statut protecteur à une certaine somme, alors, selon le moyen, que le salarié protégé en sa qualité de conseiller prud'homal sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration a droit, à ce titre, à une somme forfaitaire égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son licenciement jusqu'à l'expiration de la période de la protection en cours, dans la limite de trente mois ; qu'en l'espèce, le salarié rappelait, sans aucun moment être contredit par l'employeur, qu'il avait été élu conseiller prud'homal le 11 décembre 2002, pour un mandat courant jusqu'en décembre 2008 et que sa protection, maintenue pendant six mois aux termes du mandat, courait donc jusqu'en juin 2009 ; qu'en effet, au visa de l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-603 du 24 juin 2004, relative aux mesures de simplification dans le domaine des élections prud'homales et prorogeant le mandat des conseillers prud'homaux jusqu'à la date des prochaines élections prud'homales générales devant avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2008, le décret n° 2007-1623 du 16 novembre 2007 fixant la date des prochaines élections prud'homales avait prévu que "le renouvellement général des conseillers prud'hommes, effectué en application de l'article L. 513-4 du code du travail, aura lieu le mercredi 3 décembre 2008", de sorte que le mandat de cinq ans courant initialement jusqu'en décembre 2007 avait été prorogé jusqu'en décembre 2008 et que la protection du salarié, maintenue pendant six mois au terme du mandat, expirait bien en juin 2009 comme il le soutenait ; que dès lors, en affirmant que la protection courait jusqu'au mois de juin 2008, la cour d'appel a violé l'ordonnance et le décret précités, ensemble l'article L. 2421-3 du code du travail ;
Mais attendu que le manquement d'un salarié à son obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur peut être pris en compte dans l'indemnisation due au titre de la violation de son statut protecteur ; que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié n'avait pas informé son employeur, notamment lors de l'entretien préalable à son licenciement, de l'existence du mandat qu'il avait acquis à l'occasion de ses fonctions antérieures, a pu estimer que le préjudice subi au titre de la violation de son statut protecteur était égal à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période initiale de son mandat ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Lyreco France, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société LYRECO FRANCE à payer à Monsieur X... les sommes de 1.930 euros au titre du salaire impayé durant la mise à pied, de 193 euros au titre des congés payés afférents, de 8.688 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 868 euros au titre des congés payés afférents, de 34.752 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, de 17.376 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite et de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' « il convient enfin de relever que M. Cyril X... n'avait pas l'obligation d'informer à son embauche la société LYRECO de sa qualité de conseiller prud'homme, une telle information étant sans incidence sur ses capacités à exercer les fonctions de chef des ventes au sein de l'agence du VAL D'OISE ; que, de même, il convient de souligner qu'à réception du courrier de M. Cyril X..., en date du 30 août 2007, faisant état de la connaissance par la société LYRECO de ses fonctions de conseiller prud'homme, cette société n'a élevé aucune contestation (notamment sur la réalité des fonctions toujours exercées) et n'a envisagé à aucun moment de renoncer au licenciement déjà prononcé, ce qui, en cas d'acceptation du salarié, aurait mis un terme au litige avant toute saisine de la juridiction prud'homale ; que si, lors de son embauche en 2005 par la société LYRECO en qualité de salarié, M. Cyril X... avait effectivement perdu en cours de mandat la qualité d'employeur en laquelle il avait été élu en 2002 dans le collège des employeurs et aurait dû en informer le procureur de la République et le président du conseil de prud'hommes conformément aux dispositions prévues par l'article D.1442-18 du Code du travail (M. Cyril X... invoquant simplement avoir informé oralement le président de la section commerce du conseil de prud'hommes de PARIS de la modification de sa qualité sans que cette information ait été suivie d'effet puisqu'il a continué à siéger dans la formation de la juridiction prud'homale au cours des années suivantes), pour autant l'absence de déclaration officielle de la perte de la qualité d'employeur qui normalement avait pour effet d'entraîner sa démission de plein droit ne peut être considérée comme constitutive d'une fraude dès lors qu'il n'est pas établi qu'à cette époque et compte tenu des bonnes relations avec son employeur il a sciemment agi dans le but d'obtenir les avantages d'une protection statutaire ; que M. Cyril X... n'était pas déchu de son mandat ni lors de son embauche ni à la date de son licenciement puisqu'aucune des procédures de démission prévues par l'article D.1442-18 n'avait été mise en oeuvre (déclaration suivie de démission de plein droit – procédure de démission prononcée par le tribunal de grande instance à défaut de déclaration) ; qu'enfin, il n'est pas établi que M. Cyril X... a volontairement trompé son employeur en ne l'informant pas de ses fonctions de conseiller prud'homme lors de l'introduction de la procédure de licenciement dès lors que celui-ci a toujours affirmé et l'a écrit dans son courrier du 30 août 2007 non contesté à cette époque par la société LYRECO, que son employeur avait connaissance de son statut protecteur ; qu'en conséquence, en application des dispositions prévues par les articles L.1442-19, L.2411-1-17° et L.2411-22 du Code du travail le licenciement de M. Cyril X... ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; que le licenciement de M. Cyril X... prononcé en méconnaissance de ces dispositions est donc nul et de nul effet ; que lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, la sanction de la méconnaissance du statut protecteur se traduit par le versement d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'aurait perçue le salarié depuis la date de son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours ; qu'ayant été élu conseiller prud'homme le 11 décembre 2002 pour un mandat de cinq ans courant jusqu'à la fin du mois de décembre 2001, la période de protection maintenue pendant les six mois au terme du mandat, courait donc jusqu'au mois de juin 2008. (application de l'article L.2411-22 du Code du travail) ; qu'ayant été licencié le 19 juin 2007, M. Cyril X... est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité égale à une année de salaire, soit la somme de 34.752 euros ; qu'en outre, le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur peut prétendre, en plus de l'indemnité pour violation de ce statut, non seulement à des indemnités de rupture (préavis et indemnité de licenciement) mais également à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L.1235-3 du Code du travail, c'est-à-dire à six mois de salaire minimum » ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QU' en application du principe « fraus omnia corrumpit », un salarié ne peut se prévaloir de la protection conférée par la loi aux conseillers prud'hommes s'il est par ailleurs avéré que l'intéressé ne remplissait plus les conditions pour exercer une telle fonction, ce qui aurait normalement dû entraîner une démission de plein droit de sa part ; qu'en l'espèce, ayant constaté que Monsieur X... avait été élu dans le collège employeur avant son embauche par la Société LYRECO et que ce dernier aurait normalement dû démissionner de plein droit, en application des dispositions de l'article D.1442-18 du Code du travail, dès l'instant où il avait perdu cette qualité en cours de mandat, viole le texte susvisé, ensemble les articles L.1442-19, L.2411-1-17°, L.2411-22 du Code du travail et l'adage « la fraude corrompt tout », la cour d'appel qui décide néanmoins que Monsieur X..., qui avait cumulé les réticences concernant sa qualité de Conseiller prud'hommes et la perte de ses fonctions, demeurait en droit d'opposer la protection légale attachée à son mandat de conseiller prud'homme à son employeur ;
ALORS, DE DEUXIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE le contrat de travail s'exécute de bonne foi ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... avait été élu conseiller prud'homme dans le collège employeur au titre d'une activité qu'il exerçait avant son embauche par la Société LYRECO et siégeait dans un conseil de prud'hommes situé dans un autre département que celui du siège de l'entreprise ; que Monsieur X... s'était rendu à l'entretien préalable sans faire état de sa qualité de conseiller prud'homme acquise dans une circonscription électorale autre que celle où il travaillait, et avait attendu la notification de son licenciement pour reprocher ultérieurement (le 30 août 2007) à la Société LYRECO une méconnaissance de son statut protecteur ; que la Société LYRECO expliquait, sans être contredite, que Monsieur X..., qui avait perdu la qualité pour exercer son mandat, n'avait jamais demandé à s'absenter tout au long de l'exécution de son contrat de travail pour siéger en qualité de conseiller prud'homme ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur X... était en droit de se prévaloir de la protection légale de son mandat de conseiller prud'homme pour solliciter la nullité de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L.1222-1 et L.1442-19 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE si la protection légale des conseillers prud'hommes est censée courir dès la proclamation des résultats, elle n'est opposable aux tiers que par l'effet des formalités de publicité ; qu'il était acquis aux débats qu'à la date de son élection, Monsieur X... n'était pas le salarié de la Société LYRECO ;qu'en application de l'article D.1441-164 du Code du travail, la liste des conseillers élus aux conseils de prud'hommes est publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du département ; qu'en l'espèce, si Monsieur X... avait été élu aux élections des conseillers prud'hommes de PARIS, il était employé dans un autre département (le VAL D'OISE) par une société dont le siège social se trouvait également dans un autre département (le NORD) et il résidait aussi dans un autre département (les HAUTS DE SEINE) ; qu'il s'ensuit que viole le texte susvisé l'arrêt attaqué qui retient qu'en raison de la publication de son élection en qualité de conseiller prud'homme au recueil des actes administratifs de la préfecture de PARIS et de la préfecture de police de cette ville, Monsieur X... bénéficiait d'un statut protecteur opposable à la société LYRECO à la date de son licenciement ;
ALORS, ENFIN, QUE le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis ou ce qui est défendu par le droit applicable ; que la sécurité juridique est garantie par l'intelligibilité de la loi et donc par sa lisibilité et son accessibilité ; qu'en l'espèce, la publicité de l'élection de Monsieur X... aux élections des conseillers prud'hommes de PARIS, limitée au recueil des actes administratifs de la préfecture de PARIS et de la préfecture de police de cette ville, rendait en fait impossible à la société LYRECO, dont le siège social se trouvait à VALENCIENNES (NORD) et qui employait dans le VAL D'OISE Monsieur X... résidant dans les HAUTS DE SEINE, de connaître par cette seule publicité la qualité de conseiller prud'hommes de l'intéressé ; que Monsieur X... reconnaissait lui-même cette situation dans ses conclusions en écrivant : « le régime posé par la loi… constitue avant tout une fiction juridique, bâtie sur le postulat intellectuellement admissible mais pratiquement illusoire que la simple publicité de la liste des conseillers élus au recueil des actes de la préfecture suffirait pour que chaque employeur puisse en avoir connaissance » (conclusions du salarié, p. 16) ; qu'il s'ensuit qu'en refusant de tenir compte de ce que la publication au recueil des actes administratifs du département n'était pas aisément consultable pour toutes les personnes éventuellement concernées, eu égard à l'ampleur et aux modalités d'une telle diffusion, la Cour d'appel a violé le principe de sécurité juridique et fait une fausse application de l'article D.1441-164 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'illégalité, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à question préjudicielle et à sursis à statuer dans l'attente de la saisine par les parties de la juridiction administrative, et D'AVOIR condamné la société LYRECO FRANCE à payer à Monsieur X... les sommes de 1.930 euros au titre du salaire impayé durant la mise à pied, de 193 euros au titre des congés payés afférents, de 8.688 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 868 euros au titre des congés payés afférents, de 34.752 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, de 17.376 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite et de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la société LYRECO fait observer tout d'abord que la solution du présent litige nécessite que le juge administratif soit interrogé sur la validité du mode de publicité prévu par l'article D.1441-164 du Code du travail (ancien article R.513—107-1) au regard du principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité des normes et du principe de sécurité juridique pour le cas où il serait jugé que M. Cyril X... devrait bénéficier du statut de salarié protégé en sa qualité de conseiller prud'homme ; que l'article R.513-107-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 92-229 du 12 mars 1992 modifiant le chapitre III du titre Ier du livre V du Code du travail et relatif à l'élection des conseillers prud'hommes, devenu l'article D.1441-164 du Code du travail après la recodification issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 relative à partie réglementaire, a prévu que la liste des conseillers prud'hommes élus aux conseils de prud'hommes était publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du département et qu'elle pouvait être consultée en préfecture ; qu'il est établi que la liste des élus au conseil de prud'hommes de Paris au titre des élections prud'homales du 11 décembre 2002 a bien été publiée le 13 décembre 2002 au recueil des actes administratifs de la préfecture de Paris et de la préfecture de police et que M. Cyril X... figure bien sur la liste ainsi publiée dans le collège des employeurs et dans la section commerce ; qu'ainsi cette publicité rendait l'élection de M. Cyril X... opposable à la société LYRECO ; que le décret initial fixant les modalités de publication des élections des conseillers prud'hommes, décret n° 92-229 du 12 mars 1992, a ét é pris après avis du Conseil constitutionnel en date du 13 juin 1991 relatif à la nature juridique de certaines dispositions de l'article L.513-3 du Code du travail (s'agissant de l'établissement des listes électorales lors des élections des conseillers prud'hommes) et avis du Conseil d'Etat ; que, par suite de la recodification reprenant les mêmes modalités, l'article D.1441-164 du Code du travail issu de la rédaction du décret 2008-244 du 7 mars 2008 n'a pas été soumis à de nouveaux avis du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat ; que le choix d'une publicité restreinte des élus aux conseils de prud'hommes a donc été maintenu en 2008 dans les mêmes termes qu'en 1992 et ce malgré les observations de la Cour de cassation dans ses rapports annuels de 2007 et 2008 ; qu'il faut déduire qu'elle est la seule susceptible d'être envisagée et qu'elle est suffisante tant pour garantir aux employeurs concernés une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables que pour garantir à ces mêmes employeurs une sécurité juridique au regard des décisions qu'ils sont susceptibles de prendre dans l'exercice des relations avec leurs salariés notamment en cas d'introduction de procédures disciplinaires pouvant aller jusqu'à la rupture des contrats de travail ; qu'en l'état de ces éléments, l'exception d'illégalité soulevée par la société LYRECO ne présente pas un caractère sérieux imposant un sursis à statuer aux fins de permettre à la juridiction administrative de contrôler la légalité des dispositions réglementaires précitées » ;
ALORS, D'UNE PART, QU' en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas aux tribunaux judiciaires d'apprécier la légalité des actes administratifs réglementaires ; qu'il résulte de l'article D.1441-164 du Code du travail que la publicité de la liste des élus aux conseils de prud'hommes est limitée au recueil des actes administratifs de la préfecture du département ; que le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis ou ce qui est défendu par le droit applicable ; que le Conseil d'Etat précise que la sécurité juridique est garantie par l'intelligibilité de la loi et donc par sa lisibilité et son accessibilité et que le Conseil Constitutionnel reconnaît une valeur constitutionnelle à l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que la Cour de cassation relève que le respect par l'employeur des dispositions relatives au licenciement des salariés protégés peut s'avérer difficile en pratique s'il ignore que le salarié qu'il licencie est protégé en qualité de candidat aux fonctions de conseiller prud'homme, de conseiller prud'homme en fonction ou d'ancien conseiller prud'homme ; que la société LYRECO faisait valoir que cette publicité limitée à un département de la liste des conseillers prud'hommes ne permet pas d'assurer la sécurité juridique des employeurs des autres départements et invoquait l'illégalité de ce fait des dispositions de l'article D.1441-164 du Code du travail (conclusions, p. 2 et suivantes) ; que viole le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III, la cour d'appel qui décide que l'exception d'illégalité soulevée par la société exposante ne présente pas un caractère sérieux, en procédant de la sorte à une appréciation de la validité et de la légalité des dispositions susvisées du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET DE TOUTES FACONS, QU'en affirmant que la légalité de l'article D.1441-164 issu du décret du 12 mars 1992 résulterait d'un avis antérieur du Conseil Constitutionnel relatif, non à la publication de la liste des conseillers élus, mais à des dispositions légales concernant la publication des listes électorales, la Cour de VERSAILLES s'est déterminée par des motifs manifestement erronés et inopérants en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le fait que le décret du 12 mars 1992 ait été pris après un avis du Conseil d'Etat n'a ni pour effet ni pour effet de le rendre inattaquable au contentieux, de sorte qu'en refusant de reconnaître l'existence d'une question préjudicielle en raison de ce que le texte susvisé serait un décret en Conseil d'Etat, la Cour de VERSAILLES a violé les articles R.421-1 et 49 du Code de Procédure Civile.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi incident
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 34.752 euros l'indemnité due au salarié pour violation du statut protecteur.
AUX MOTIFS QU'«ayant été élu conseiller prud'homme le 11 décembre 2002 pour un mandat de cinq ans courant jusqu'à la fin du mois de décembre 2007, la période de protection maintenue pendant les six mois au terme du mandat, courait donc jusqu'au mois de juin 2008 (application de l'article L.2411-22 du code du travail)».
ALORS QUE le salarié protégé en sa qualité de conseiller prud'homme sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration a droit, à ce titre, à une somme forfaitaire égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son licenciement jusqu'à l'expiration de la période de la protection en cours, dans la limite de 30 mois ; qu'en l'espèce, le salarié rappelait, sans aucun moment être contredit par l'employeur, qu'il avait été élu conseiller prud'homme le 11 décembre 2002, pour un mandat courant jusqu'en décembre 2008 et que sa protection, maintenue pendant six mois aux terme du mandat, courait donc jusqu'en juin 2009 (cf conclusions p.22) ;qu'en effet, au visa de l'article 8 de l'ordonnance n°2004-603 du 24 juin 2004, relative aux mesures de simplification dans le domaine des élections prud'homales et prorogeant le mandat des conseillers prud'hommes jusqu'à la date des prochaines élections prud'homales générales devant avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2008, le décret n°2007-1623 du 16 novembre 2007 fixant la date des prochaines élections prud'homales avait prévu que « le renouvellement général des conseillers prud'hommes, effectué en application de l'article L.513-4 du code du travail, aura lieu le mercredi 3 décembre 2008 », de sorte que le mandat de cinq ans courant initialement jusqu'en décembre 2007 avait été prorogé jusqu'en décembre 2008 et que la protection du salarié, maintenue pendant six mois au terme du mandat, expirait bien en juin 2009 comme il le soutenait ; que dès lors, en affirmant que la protection courait jusqu'au mois de juin 2008, la Cour d'appel a violé l'ordonnance et le décret précités, ensemble l'article L.2421-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-21198
Date de la décision : 08/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 fév. 2012, pourvoi n°10-21198


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.21198
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