LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Papeteries de Gascogne, devenue Gascogne Paper, a confié à la société d'Experts en tarification de l'énergie une mission de conciliation sur ses relations avec la société EDF ; qu'un différend étant survenu entre les parties, la société Gascogne Paper a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage prévue à la clause compromissoire, les arbitres ayant reçu mission de statuer en amiable composition et en dernier ressort ; que le tribunal arbitral présidé par M. X..., avocat, a, par sentence du 8 février 2009, condamné la société d'Experts en tarification de l'énergie à payer à la société Gascogne Paper la somme de 72 384, 62 euros ; que l'arrêt a rejeté le recours en annulation de la sentence ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1484 2° du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 13 janvier 2011 ;
Attendu que, pour rejeter le recours en annulation, l'arrêt retient que la circonstance, à la supposer établie, que le président du tribunal arbitral ait été appelé à défendre les intérêts de la société EDF dans diverses instances judiciaires ne pouvait permettre de retenir à son encontre un manquement à l'impartialité, dès lors que la société EDF n'était ni partie au litige ni en opposition d'intérêts avec la société d'Experts en tarification de l'énergie, de sorte que la composition du tribunal arbitral était régulière ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que M. X... ait été le conseil de la société EDF n'était pas contestée et qu'il appartenait à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'être regardée comme affectant son impartialité afin de permettre à la partie d'exercer, à bref délai, s'il y a lieu, son droit de récusation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1474 et 1484 3° du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret du 13 janvier 2011 ;
Attendu que, pour rejeter le recours en annulation, l'arrêt retient que les parties ayant développé devant les arbitres une argumentation essentiellement juridique ne peuvent leur faire grief d'avoir statué sur ces fondements, que le tribunal arbitral se prononçant comme amiable compositeur a la faculté, et non l'obligation, de juger en équité, et qu'il n'est pas établi que la solution adoptée ne soit pas conforme à l'équité, de sorte que le tribunal a respecté sa mission ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le tribunal arbitral, auquel les parties avaient conféré mission de statuer comme amiable compositeur, devait faire ressortir dans sa sentence qu'il avait pris en compte l'équité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Gascogne Paper aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gascogne Paper et la condamne à payer à la société d'Experts en tarification de l'énergie la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société d'Experts en tarification de l'énergie.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence arbitrale du 8 février 2008 formé par la société EXPERTS EN TARIFICATION DE L'ENERGIE et dit que cette sentence serait exécutoire de plein droit,
AUX MOTIFS QU'" il résulte de la lecture de l'acte de mission signé par les parties en vue de la mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage dans le litige les opposant que la constitution du tribunal arbitral a prévu la désignation de trois arbitres :
- le Bâtonnier Y... désigné par les Papeteries de Gascogne,
- le Bâtonnier Z... désigné par la société ETE,
- le Bâtonnier X... désigné par le comité de désignation des arbitres de centre d'arbitrage BORDEAUX AQUITAINE.
Si la société ETE remet en cause l'indépendance de M. le Bâtonnier X..., il y a lieu de relever en préambule qu'il a été choisi par le centre d'arbitrage BORDEAUX AQUITAINE organisme indépendant des parties qui ne sont pas opposées à sa désignation.
La seule circonstance, à la suppose établie, que M. le Bâtonnier X... ait été appelé à défendre les intérêts en justice d'EDF dans diverses instances judiciaires ne peut fonder la possibilité de retenir à son encontre un manquement à l'impartialité dans le cadre de l'examen du litige qui lui était soumis.
Il apparaît en effet qu'EDF n'est pas partie au litige opposait l'appelante et l'intimée. En outre, si les missions dévolues à la société ETE, comme c'était d'ailleurs le cas de celle qui lui a été confiée par la société GASCOGNE PAPER, qui impartissent un rôle de négociatrice au titre de la tarification de l'énergie auprès d'EDF, ladite société ne justifie nullement d'une opposition d'intérêts avec cet organisme auprès duquel elle intervient dans le cadre de négociations librement consenties selon les lois du marché et la réglementation en vigueur.
Dès lors l'indépendance de M. le Bâtonnier X... en qualité d'arbitre ne peut être valablement remise en cause et partant le caractère régulier de la composition du tribunal arbitral.
Sur le respect par le tribunal arbitral du contenu de la mission qui lui a été conférée.
Aux termes de la mission qui lui était dévolue, le tribunal arbitral devait conduire " la procédure de manière équitable et impartiale ".
Il ressort de la lecture de la sentence arbitrale du 8 février 2008 que les arbitres pour fonder leur décision, se sont appuyés sur l'analyse du contrat liant les parties retenant à la fois le contexte de la signature de ce dernier au regard du rôle de chacune des parties signataires mais également la portée de ce dernier et les obligations réciproques créées entre les partenaires.
S'il est incontestable qu'au titre de la motivation de la sentence arbitrale le tribunal arbitral a opéré une analyse juridique de la convention liant les parties en retenant à la charge de la société ETE une obligation de résultat dont elle ne rapportait pas la preuve de l'avoir intégralement exécutée, il apparaît qu'il a été conduit à opérer de la sorte pour répondre aux argumentations développées devant lui expressément fondées en ce qui concerne la société ETE sur le visa des articles 1134 et 1135 du code civil et pour la société GASCOGNE PAPER sur le visa des articles 1442 et suivants du code de procédure civile et 1154 du code civil aux termes des mémoires qu'elles ont déposés.
Dès lors que l'amiable compositeur a la faculté et non l'obligation de juger en équité, les parties qui ont développé devant lui une argumentation essentiellement juridique ne sauraient lui faire grief d'avoir statué sur ces fondements étant souligné par ailleurs qu'il n'est invoqué et a fortiori établi aucun grief démontrant que la solution adoptée ne soit pas en outre conforme à l'équité.
Dès lors il ne peut y avoir lieu de considérer que le tribunal arbitral n'avait pas respecté le contenu de la mission qui lui avait été conférée "
ALORS D'UNE PART QUE l'arbitre qui suppose en sa personne une cause de récusation doit en informer les parties et ne peut, en ce cas, accepter sa mission qu'avec leur accord ; qu'en l'espèce, la société d'EXPERTS EN TARIFICATION DE L'ENERGIE a fait valoir, au soutien de son recours en annulation, qu'elle était, dans le cadre de son activité, en opposition permanente avec la société EDF, que la société GASCOGNE PAPER avait, comme par hasard trouvé un accord avec la société EDF pendant son intervention et au cours de la mission litigieuse et que le Bâtonnier X..., membre du tribunal arbitral, n'avait pas révélé la cause de récusation consistant dans le fait qu'il était le conseil habituel de la société EDF de sorte qu'en relevant, pour retenir la régularité de la composition du tribunal arbitral, que le Bâtonnier X... avait été désigné par un organisme indépendant des parties, que sa qualité de conseil d'EDF ne pouvait fonder un manquement à l'impartialité et que la société d'EXPERTS EN TARIFICATION DE L'ENERGIE n'établissait pas une opposition d'intérêts avec EDF, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des anciens articles 1452 et 1484 du Code de procédure civile,
ALORS D'AUTRE PART QUE l'arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit à moins que, dans la convention d'arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission de statuer comme amiable compositeur de sorte que la Cour d'appel qui, après avoir constaté que le tribunal arbitral, statuant comme amiable compositeur, s'était prononcé par la seule référence aux règles de droit, a retenu que " l'amiable compositeur a la faculté et non l'obligation de juger en équité ", a violé les anciens articles 1474 et 1484 du Code de procédure civile.