LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 janvier 2011), que les époux X... ont assigné devant le tribunal d'instance les consorts Y... en bornage de leurs propriétés ; que ceux-ci les ont assignés devant le tribunal de grande instance en revendication de propriété d'une voie d'accès qu'ils auraient acquise par prescription ; que les époux X... les ont assignés devant ce même tribunal en démolition d'ouvrages empiétant sur leur fonds et restitution de la partie empiétée ; que, par jugement avant dire droit du 27 janvier 2004, le tribunal d'instance a désigné M. Z... en qualité d'expert et, par jugement du 19 juillet 2005, a sursis à statuer sur l'action en bornage jusqu'à ce que les demandes portées devant le tribunal de grande instance aient fait l'objet d'une décision définitive ; que, par jugement du 26 juillet 2006, confirmé par arrêt du 17 novembre 2008, le tribunal de grande instance a constaté la réalité de l'empiètement réalisé par les consorts Y... sur la propriété X... conformément au plan figurant en annexe du rapport d'expertise judiciaire, a rejeté le moyen tiré de la prescription acquisitive abrégée, rejeté la demande tendant à constater l'état d'enclave de la propriété Y... et ordonné la démolition des ouvrages édifiés par les consorts Y... sur la propriété X... ;
Attendu que, pour rejeter la demande formée par les époux X... de désignation d'un nouvel expert avec pour mission de proposer une ou plusieurs limites de propriété, implanter les bornes et dresser un procès-verbal de bornage après jugement, l'arrêt relève que la cour d'appel, dans l'arrêt du 17 novembre 2008, s'est expressément référée au plan établi par l'expert désigné dans le cadre de l'instance en bornage et à la ligne divisoire des fonds figurant sur ce plan et retient que l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt porte sur la réalité des empiétements constatés au regard de la ligne divisoire fixée par l'expert judiciaire et qu'une nouvelle décision ne peut remettre en cause cette ligne sans porter atteinte à cette autorité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 17 novembre 2008 n'avait pas, dans son dispositif, fixé les limites séparatives des fonds et ordonné l'implantation de bornes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... et les condamne à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour les époux X...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté que la ligne divisoire entre les fonds a été fixée par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans l'arrêt du 17 novembre 2008 aux points A et J figurant sur le plan en annexe au rapport d'expertise et D'AVOIR débouté les époux X... de toutes leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE « l'action en bornage et les actions dont était saisi le Tribunal de grande instance de Grasse sont toutes des actions de nature pétitoire ; que la constatation d'un empiètement ne peut être réalisée qu'au regard d'une ligne divisoire préalablement définie ; que, pour fixer la réalité des empiètements et rejeter les demandes relatives à la prescription acquisitive, le Tribunal de grande instance de Grasse et la cour se sont expressément référés au plan établi par l'expert Z..., désigné dans le cadre de l'instance en bornage qui fixe la ligne divisoire entre les fonds aux points A et J figurant sur son plan et détermine ainsi la nature et l'emprise des empiètements ; que, pour ordonner la démolition des ouvrages empiétant sur le fonds X..., la cour s'est référée à cette ligne divisoire et l'a d'ailleurs expressément indiqué dans l'arrêt confirmatif du 17 novembre 2008 ; que l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt porte donc sur la réalité des empiètements constatés au regard de la ligne divisoire fixée par l'expert André Z..., les démolitions ayant été ordonnées en considération de cette ligne ; qu'une nouvelle décision ne peut remettre en cause sans porter atteinte à cette autorité de chose jugée ; que les époux X... qui sollicitaient la démolition des ouvrages construits sur leurs fonds et la restitution de leur entière propriété devant le Tribunal de grande instance de Grasse et la Cour, ont pu soumettre à ces juridictions, les contestations qu'ils estimaient utiles sur la fixation de la ligne divisoire sur laquelle ils fondaient leur demande de démolition ; qu'en sollicitant devant la Cour, la confirmation du jugement du Tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions, ils ont nécessairement accepté la ligne divisoire telle qu'entérinée par ce tribunal et ils sont malvenus aujourd'hui à la contester ; que le tribunal d'instance saisi de l'action en bornage pour laquelle un sursis à statuer avait été ordonné le 19 juillet 2005 ne pouvait que constater que la ligne divisoire avait été entérinée par la Cour dans son arrêt du 17 novembre 2008 et elle ne pouvait qu'ordonner éventuellement l'implantation des bornes suivant ce plan ; que cette implantation n'est pas sollicitée devant la Cour ; que la décision du Tribunal de grande instance de Grasse du 23 mars 2010 ordonnant une nouvelle expertise pour fixer une ligne divisoire entre les points F et J porte nécessairement atteinte à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 17 novembre 2008 et doit être réformée » ;
1. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'il s'ensuit qu'une décision rendue sur une action en revendication de propriété n'a pas d'autorité de chose jugée sur l'action en bornage dont l'objet est différent ; qu'en retenant, pour écarter l'action en bornage formée par M. et Mme X..., que la juridiction du second degré s'était déjà prononcée sur la ligne divisoire entre les deux fonds pour statuer sur l'action en revendication formée par les consorts Y... et la réalité des empiètements par un arrêt du 17 novembre 2008 qui était donc revêtu de l'autorité de chose jugée, bien qu'elle n'ait pas fixé la ligne divisoire, ni procédé au bornage des fonds respectifs dans le dispositif de sa décision qui portait exclusivement sur l'action en revendication que M. et Mme X... avaient formée par voie reconventionnelle en réponse aux demandes en bornage de leurs voisins, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble l'article 646 du Code civil ;
2. ALORS QUE les motifs, seraient-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas autorité de chose jugée ; qu'en retenant, pour écarter l'action en bornage formée par M. et Mme X..., que la juridiction du second degré s'était déjà prononcée dans les motifs de sa décision sur la ligne divisoire entre les deux fonds pour statuer sur l'action en revendication formée par les consorts Y... et sur la réalité des empiètements par un arrêt du 17 novembre 2008 qui était donc revêtu de l'autorité de chose jugée, bien qu'elle n'ait pas fixé la ligne divisoire, ni procédé au bornage des fonds respectifs dans le dispositif de sa décision qui porte exclusivement sur l'action en revendication que M. et Mme X... avaient formée par voie reconventionnelle en réponse aux demandes en bornage de leurs voisins, la Cour d'appel a violé l'article 480 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës ; qu'il s'ensuit qu'une demande en bornage judiciaire n'est irrecevable que si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes ; qu'en se déterminant en considération de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 17 novembre 2008 qui, pour statuer sur les empiétements et l'action en revendication des consorts Y..., s'est nécessairement fondé sur la ligne divisoire fixée par l'expert Z..., bien qu'aucune borne n'ait été implantée, la Cour d'appel a violé l'article 646 du Code civil ;
4. ALORS QUE l'aveu au cours d'une instance précédente, même opposant les mêmes parties n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets ; qu'en décidant que M. et Mme X... avaient nécessairement accepté la ligne divisoire telle qu'arrêtée dans le jugement du 26 juillet 2006 dont ils avaient sollicité la confirmation, quand leur déclaration avait été faite au cours d'une instance précédente n'ayant pas le même objet, la Cour d'appel a violé l'article 1356 du Code civil.