LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 14 septembre 2010), que les époux X..., ont recueilli dans la succession de Mme Y... un immeuble de quatre étages avec cave, le rez-de-chaussée se composant d'un local commercial, qui occupe la parcelle BR 446, et de la moitié indivise d'un couloir de circulation, cadastré BR 445, desservant les parcelles voisines, propriété des consorts Z...- A... également propriétaires de l'autre moitié indivise du couloir ; que les époux X... sont convenus avec les consorts Z...- A... de faire établir un état descriptif de division en volume de la parcelle BR 445 par un géomètre expert, puis ont assigné ceux-ci en homologation de l'état descriptif établi par l'expert ;
Attendu que les consorts Z...- A... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'en énonçant, pour écarter le moyen des consorts Z...- A... pris d'une restriction de leurs droits indivis sur la parcelle litigieuse, que " l'état descriptif proposé par M. B..., en ce qu'il divise l'immeuble en considération de deux régimes de propriété qui s'y appliquent, se borne à constater une situation juridique existante " et par motifs adoptés " que l'état descriptif de division en volumes de la parcelle BR 445 (…) correspond parfaitement aux droits et obligations de chacun des propriétaires " pour cependant déclarer que " la destination de la fraction indivise de l'immeuble, qualifiée de passage commun, implique nécessairement la reconnaissance, au profit de chacun des propriétaires indivis-dont les fonds sont réciproquement servant et dominant-d'un droit de passage sur la partie indivise de l'autre ", amalgamant ainsi une notion de droit personnel (le droit de passage) à des droits réels antagonistes (servitude et propriété indivise), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 555, 1134 et 637 et suivants du code civil ;
2°/ qu'en se contentant d'affirmer l'inopérance du moyen des consorts Z...- A... pris de ce que le juge n'a " pas le pouvoir de les contraindre à consentir une servitude conventionnelle de passage ", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres énonciations selon lesquelles " la destination de la fraction indivise de l'immeuble, qualifiée de passage commun, implique nécessairement la reconnaissance, au profit de chacun des propriétaires indivis-dont les fonds sont réciproquement servant et dominant-d'un droit de passage sur la partie indivise de l'autre ", les notions de fonds servants et dominants se rattachant nécessairement à la constitution d'une servitude, laquelle ne figure pas dans les actes de propriété des parties ; que ce faisant, la cour d'appel a violé les articles 555, 637, 691 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;
3°/ qu'en déclarant, au visa exprès de la pièce n° 6 produite par les époux X... que le géomètre-expert B... ayant dressé l'état descriptif de division aurait été " missionné et rémunéré par les deux parties ", la cour d'appel a dénaturé ladite pièce constituée par une lettre adressée par M. C..., notaire des époux X..., au cabinet de géomètre Topoliger (au demeurant sans mention de M. B..., dans laquelle, en réponse à leur télécopie du 17 mars, l'officier ministériel " confirme l'accord des consorts X... pour le devis que vous nous avez adressé " ; que dès lors, la cour d'appel a dénaturé la lettre litigieuse, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en tout état de cause, conformément aux principes régissant le droit de la preuve, les juges ne peuvent se fonder sur un document émanant du demandeur en preuve ou de son mandataire ; qu'en fondant sa décision sur le visa d'une pièce émanant du notaire intervenant pour le seul compte des époux X..., dont au surcroît aucun des termes ne laissaient entendre que le géomètre expert aurait été missionné et rémunéré conjointement par les époux X... et les consorts Z...- A..., hypothèse au demeurant non corroborée par le moindre élément de preuve extrinsèque, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ que les consorts Z...- A... contestaient l'utilité de l'état descriptif de division dont la rédaction laissait incertaines tant les modalités d'entretien et de réparation du corridor que les modalités de résolution des difficultés qui ne manqueraient pas de surgir pour la mise en place de certaines canalisations, le document renfermant en lui-même création de servitudes de canalisations sans envisager la situation de l'immeuble en son entier ; qu'en confirmant le jugement déféré en ce qu'il avait affirmé que l'état descriptif procédait de " la nécessité de délimiter les droits de chaque copropriétaire ", sans répondre au moyen des consorts Z...- A..., sur les lacunes et incertitudes dudit document, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en se bornant à postuler la neutralité de l'état descriptif de division, sans caractériser celle-ci au regard de la conciliation nécessaire des titres des parties, tant au regard de la propriété indivise du corridor que de la gestion de cet espace et de ses répercussions éventuelles sur les droits réels des autres propriétaires de l'ensemble immobilier, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard des articles 555 et 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit, d'une part, que l'état descriptif proposé par M. B..., en ce qu'il divisait l'immeuble en considération de deux régimes de propriété qui s'y appliquent, se bornait à constater une situation juridique existante pour la transposer, avec exactitude, sur un support juridique publiable à la conservation des hypothèques en application de l'article 71 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 et, d'autre part, que la destination de la fraction indivise de l'immeuble, qualifiée de passage commun, impliquait nécessairement, au profit de chacun des propriétaires indivis, un droit de passage, la cour d'appel, répondant aux conclusions, et abstraction faite de motifs surabondants en a exactement déduit que l'état descriptif de division en volumes ne restreignait ni ne modifiait la consistance des droits réels des consorts Z...- A..., et n'avait pas pour effet de modifier le régime juridique de la fraction indivise de l'immeuble ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z...- A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Z...- A... à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ; rejette les demandes des consorts Z...- A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour les consorts Z...- A...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir homologué l'état descriptif de division en volumes établi par Monsieur B..., géomètre-expert, en date du 22 novembre 2007, modifié le 6 juin 2008, emportant division en volumes de la parcelle cadastrée section BR n° 445, sur la commune d'ANGERS, 9 place du Pilori et dit que la décision serait publiée à la Conservation des Hypothèques d'ANGERS ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'état descriptif de division litigieux a pour assiette la partie de l'immeuble bâti occupant la parcelle BR 445, et pour objet sa division en deux volumes verticaux distincts, comprenant : d'une part, le corridor situé en rez-de-chaussée du bâtiment, désigné comme le volume 1 ; d'autre part, la partie superposée de la cave et des étages, désignée comme le volume 2 ; qu'il convient d'observer, en premier lieu, que cette division en volume ne restreint ni ne modifie la consistance des droits réels des consorts Z...- A... sur la parcelle BR 455, que les titres respectifs limitent expressément à la propriété indivise du corridor du rez-de-chaussée ; qu'ainsi, l'état descriptif proposé par M. B..., en ce qu'il divise l'immeuble en considération de deux régimes de propriété qui s'y appliquent, se borne à constater une situation juridique existante, pour la transposer, avec exactitude, sur un support publiable à la Conservation des Hypothèques en application de l'article 71 du décret n° 55-1350 du 14octobre 1955 ; que le moyen pris par les appelants d'une éventuelle restriction de leurs droits indivis sur la parcelle divisée, manque donc en fait ; Qu'ensuite la destination de la fraction indivise de l'immeuble, qualifiée de passage commun, implique nécessairement la reconnaissance, au profit de chacun des propriétaires indivis – dont les fonds sont réciproquement servant et dominant – d'un droit de passage sur la partie indivise de l'autre ; que, là encore, l'état descriptif de division établi par le géomètre expert, dont il convient de rappeler qu'il a été missionné et rémunéré par les deux parties (pièce des consorts X... n° 6) se borne, lorsqu'il énonce les droits de passage réciproques que se doivent les propriétaires indivis du corridor, à constater les droits réels existant, tels qu'ils résultent de la configuration des lieux ; qu'il s'ensuit que le moyen pris par les appelants de ce que le juge judiciaire n'aurait pas le pouvoir de les contraindre à consentir une servitude conventionnelle de passage doit être écarté comme inopérant ;
QU'enfin, l'article 4, § A de l'état descriptif de division, mentionne expressément que les volumes ainsi créés ne supportent aucune partie commune et échappent, par conséquent, à l'application de l'article 1er de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 ; qu'il précise encore que la structure juridique ainsi créée constitue ‘ une organisation différente'au sens de l'article 2 de ce texte ; que, faisant abstraction de cette clause, les consorts Z...- A... persistent à s'opposer à l'homologation du document au motif qu'il ne règlerait pas les modalités de gestion du couloir, et n'aborderait pas les obligations d'entretien régulier et de rénovation de cette partie de l'immeuble ; que ce moyen procède d'une confusion entre la portée de l'état descriptif de division litigieux, qui n'a pas pour effet de modifier le régime juridique de la fraction indivise de l'immeuble, et celle d'un état descriptif intégré à un règlement de copropriété, en application de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965, dont l'effet est de soumettre les lots qu'il crée au régime de la copropriété ; qu'il est aussi inopérant que le précédent ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il apparaît que la transcription actuelle des droits des parties est inadaptée et imprécise s'agissant d'un immeuble de 3 étages avec sous-sol, bâti sur la parcelle BR 445 dont seule une partie limitée (couloir) est en indivision ; que compte tenu de ces éléments, la nécessité de délimiter les droits de chaque copropriétaire au travers d'un nouvel état descriptif de division en volumes est évidente ; que l'action des époux X..., ayant pour but de préciser les droits réels des parties sur la parcelle cadastrée BR 445 sous des numéros de volumes différents selon qu'il s'agisse du couloir commun ou du reste de l'immeuble est, en conséquence, recevable et bien fondée ; que Messieurs Z... et A... ne justifient en rien que la nouvelle retranscription de leurs droits réels sur le couloir commun leur est préjudiciable ; qu'en effet, ils ne sauraient utilement revendiquer de droit ou de servitude sur la cave, en sous-sol, figurant sur le même numéro cadastral BR 445, que le couloir commun ; que les modalités de gestion du volume n° 1 (couloir) ne suscitent aucune difficulté particulière ni litige actuel ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point au regard des règles habituelles en matière de propriété indivise ; qu'il s'ensuit que l'état descriptif de division en volumes de la parcelle BR 445, selon projet daté du 22 novembre 2007 modifié le 6 juin 2008, correspond parfaitement aux droits et obligations de chacun des propriétaires ;
1/ ALORS QUE en énonçant, pour écarter le moyen des consorts Z...- A... pris d'une restriction de leurs droits indivis sur la parcelle litigieuse, que « l'état descriptif proposé par M. B..., en ce qu'il divise l'immeuble en considération de deux régimes de propriété qui s'y appliquent, se borne à constater une situation juridique existante » et par motifs adoptés « que l'état descriptif de division en volumes de la parcelle BR 445 (…) correspond parfaitement aux droits et obligations de chacun des propriétaires » pour cependant déclarer que « la destination de la fraction indivise de l'immeuble, qualifiée de passage commun, implique nécessairement la reconnaissance, au profit de chacun des propriétaires indivis – dont les fonds sont réciproquement servant et dominant – d'un droit de passage sur la partie indivise de l'autre », amalgamant ainsi une notion de droit personnel (le droit de passage) à des droits réels antagonistes (servitude et propriété indivise), la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 555, 1134 et 637 et suivants du Code civil ;
2/ ALORS QUE en se contentant d'affirmer l'inopérance du moyen des consorts Z... et A..., pris de ce que le juge n'a « pas le pouvoir de les contraindre à consentir une servitude conventionnelle de passage », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres énonciations selon lesquelles « la destination de la fraction indivise de l'immeuble, qualifiée de passage commun, implique nécessairement la reconnaissance, au profit de chacun des propriétaires indivis – dont les fonds sont réciproquement servant et dominant – d'un droit de passage sur la partie indivise de l'autre », les notions de fonds servants et dominants se rattachant nécessairement à la constitution d'une servitude, laquelle ne figure pas dans les actes de propriété des parties ; que ce faisant, la Cour d'appel a violé les articles 555, 637, 691 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;
3/ ALORS QU'en déclarant, au visa exprès de la pièce n° 6 produite par les époux X..., que le géomètre-expert B... ayant dressé l'état descriptif de division aurait été « missionné et rémunéré par les deux parties », la Cour d'appel a dénaturé ladite pièce constituée par une lettre adressée par Maître C..., notaire des époux X..., au cabinet de géomètres TOPOLIGER (au demeurant sans mention de M. B..., dans laquelle, en réponse à leur télécopie du 17 mars, l'officier ministériel « confirme l'accord des Consorts X... pour le devis que vous nous avez adressé » ; que dès lors, la Cour d'appel a dénaturé la lettre litigieuse, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
4/ ALORS en tout état de cause QUE conformément aux principes régissant le droit de la preuve, les juges ne peuvent se fonder sur un document émanant du demandeur en preuve ou de son mandataire ; qu'en fondant sa décision sur le visa d'une pièce émanant du notaire intervenant pour le seul compte des époux X..., dont au surcroît aucun des termes de laissaient entendre que le géomètre expert aurait été missionné et rémunéré conjointement par les époux X... et les consorts Z... et A..., hypothèse au demeurant non corroborée par le moindre élément de preuve extrinsèque, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
5/ ALORS QUE les consorts Z...- A... contestaient l'utilité de l'état descriptif de division (conclusions, p. 8, § 7) dont la rédaction laissait incertaines tant les modalités d'entretien et de réparation du corridor que les modalités de résolution des difficultés qui ne manqueraient pas de surgir pour la mise en place de certaines canalisations, le document renfermant en lui-même création de servitudes de canalisations sans envisager la situation de l'immeuble en son entier (ibid, p. 9, in limine) ; qu'en confirmant le jugement déféré en ce qu'il avait affirmé que l'état descriptif procédait de « la nécessité de délimiter les droits de chaque copropriétaire », sans répondre au moyen des consorts Z...
A... sur les lacunes et incertitudes dudit document, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
6/ ALORS QU'en se bornant à postuler la neutralité de l'état descriptif de division, sans caractériser celle-ci au regard de la conciliation nécessaire des titres des parties, tant au regard de la propriété indivise du corridor que de la gestion de cet espace et de ses répercussions éventuelles sur les droits réels des autres propriétaires de l'ensemble immobilier, la Cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard des articles 555 et 1134 du Code civil.