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12/01/2012 | FRANCE | N°10-26637

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 janvier 2012, 10-26637


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., hospitalisée sur demande d'un tiers dans une clinique dépendant de l'Etablissement public de santé de Maison Blanche, du 26 juin au 23 juillet 2003, fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2010) d'avoir, à la suite de l'annulation des décisions d'admission et de maintien de l'hospitalisation par la juridiction administrative, tout en ayant déclaré l'établissement responsable à son égard pour l'avoir accueillie au vu d'un seul certificat médical con

trairement aux dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., hospitalisée sur demande d'un tiers dans une clinique dépendant de l'Etablissement public de santé de Maison Blanche, du 26 juin au 23 juillet 2003, fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2010) d'avoir, à la suite de l'annulation des décisions d'admission et de maintien de l'hospitalisation par la juridiction administrative, tout en ayant déclaré l'établissement responsable à son égard pour l'avoir accueillie au vu d'un seul certificat médical contrairement aux dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et ne l'avoir pas informée sur ses droits, limité son indemnisation à 7 500 euros, au titre de son préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que les préjudices subis du fait d'une hospitalisation d'office irrégulièrement ordonnée et du traitement subi sans consentement doivent être entièrement réparés ; qu'en l'espèce, pour écarter la preuve alléguée de ce que la mesure litigieuse aurait été la cause de troubles d'ordre psychologique, et rejeter toute réparation à ce titre, l'arrêt se fonde sur les différentes notes médicales qui ont émaillé l'hospitalisation de Mme X... à compter du 26 juin 2003 et retient que les troubles de comportement préexistaient à la mesure de placement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a cherché à tort à justifier la mesure de placement, a violé les articles 5-1 et 5-5 de la Convention européenne ou sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2°/ que les préjudices subis du fait d'une hospitalisation d'office irrégulièrement ordonnée et du traitement subi sans consentement doivent être entièrement réparés ; qu'en l'espèce, il était constant qu'après sa sortie, l'intéressée avait dû poursuivre un traitement, n'avait pu reprendre son travail et avait été mise en invalidité ; qu'en écartant tout lien de causalité entre la mesure de placement et les troubles qui l'ont suivie, la cour d'appel a violé les articles 5-1 et 5-5 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, contrairement à ce que soutient la première branche, n'a pas écarté la réparation du préjudice résultant des troubles psychologiques postérieurs au motif que la mesure était justifiée, a constaté que Mme X... présentait, à son arrivée, de graves troubles de comportement, que le motif de sa mise en invalidité en juillet 2003 n'était pas précisé, que le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris avait seulement relevé qu'elle était en arrêt-maladie depuis le 26 juin 2003 et que, contrairement aux dispositions du code du travail, elle n'avait fait l'objet en cinq ans d'aucune visite auprès du médecin du travail, lequel n'avait donc pu constater son inaptitude au travail, a pu en déduire que la poursuite d'un traitement après sa sortie ne pouvait constituer la preuve de ce que la mesure litigieuse aurait été la cause des troubles psychologiques et du préjudice professionnel subis postérieurement à l'hospitalisation ; qu'aucun des griefs n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir limité la réparation des préjudices subis du fait d'une mesure de placement irrégulièrement ordonnée au seul préjudice moral
AUX MOTIFS QUE
Considérant que l'annulation des décisions administratives est suffisante à consacrer, eu égard aux dispositions de l'article 5 de la convention européennes des droits de l'homme, l'atteinte à la liberté individuelle subie par Mme Odile X... et par conséquent le droit à indemnisation de celle-ci, peu important, contrairement à ce que soutient l'établissement public de santé de Maison Blanche les motifs de cette annulation et sans qu'il y ait lieu de rechercher si la mesure de placement était médicalement justifiée ; que le préjudice moral éprouvé par l'appelante en raison de la privation de liberté consécutive à un acte illégal est certain et doit donner lieu à réparation ;
Considérant que l'établissement public de santé de Maison Blanche a commis une faute en accueillant l'appelante au vu d'un seul certificat médical et ceci contrairement aux dispositions de l'article L 3212-1 du code de la santé publique qui prévoit que l'hospitalisation d'une personne à la demande d'un tiers ne peut intervenir que sur délivrance de deux certificats médicaux dont un établi par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant ladite personne, datant de moins de quinze jours, circonstancié et attestant d'une part que les troubles présentés rendent impossible le consentement de l'intéressé, d'autre part que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier ;
que l'intimé argue de ce que lors de son arrivée Mme Odile X... se trouvait dans un état de somnolence ne permettant pas un examen psychiatrique immédiat ;que pour autant cette situation ne constitue pas une cause de péril imminent, seul cas permettant de déroger à titre exceptionnel aux exigences posées par l'article 3212-1 ;
Considérant qu'il est par ailleurs reproché à l'établissement public de santé de Maison Blanche de n'avoir pas respecté son devoir d'information sur la situation juridique et les droits de la patiente hospitalisée, celle-ci ayant la possibilité d'exercer un recours contre la décision de placement dont elle a fait l'objet et ceci contrairement aux dispositions des articles L 3211-3 et L 3211-12 du code de la santé publique ;que l'intimé ne conteste pas ce manquement, se limitant à soutenir que Mme Odile X... ne peut justifier d'aucun grief ;que néanmoins le non respect de ces dispositions qui participent directement à la protection de la liberté individuelle est de nature à générer un préjudice moral dont Mme Odile X... est fondée à obtenir l'indemnisation ;
Considérant en revanche que l'appelante échoue à démontrer que son hospitalisation serait à l'origine d'une grave dépression ainsi que des périodes d'alcoolisation, qu'elle aurait entraîné des pertes de revenus d'ordre professionnel, ainsi que son placement en invalidité;
qu'en effet les différentes notes médicales qui ont émaillé l'hospitalisation de l'appelante à compter du 26 juin 2003 démontrent que celle-ci présentait à son arrivée dans l'établissement de santé un état délirant persécutif avec des idées de suicide, un isolement social et affectif, une insomnie massive et une perte de poids, que l'état de santé s'est amélioré sous l'effet des traitements administrés dont il est précisé (note du 15 juillet 2003) que Mme Odile X... a fini par les accepter, ce que celle-ci conteste vainement aujourd'hui ;que c'est donc à juste titre que l'établissement public de santé de Maison Blanche fait valoir que les troubles de comportement préexistaient à la mesure de placement ;que dans ces conditions la poursuite d'un traitement après sa sortie ne peut constituer la preuve de ce que la mesure litigieuse aurait été la cause de troubles d'ordre psychologiques; que le document (cote 16) produit aux débats mentionnant "alcoolisme majeur suite à un internement abusif en psychiatrie", faute d'être circonstancié, ne peut ainsi par son laconisme, constituer un élément de preuve crédible ;
Considérant qu'en ce qui concerne le préjudice professionnel allégué, la mise en invalidité de l'intéressée en juillet 2003, sans que le motif ne soit alors précisé, ne peut également dans les circonstances qui viennent d'être constatées, être rattachée à la mesure d'hospitalisation en cause ;qu'il en est de même du jugement rendu le 23 mars 2009 par le conseil des prud'hommes de Paris qui, saisi par Mme Odile X... le 11 février 2008, a seulement relevé que celle-ci était en arrêt de maladie depuis le 26 juin 2003 et s'est prononcé sur le fait que contrairement aux dispositions du code du travail elle n'avait fait l'objet en cinq ans d'aucune visite auprès du médecin du travail de sorte que celui-ci n'a pu constater son aptitude ou inaptitude au travail ;qu'enfin pas davantage n'est démontré le lien de causalité entre la mesure de placement et le refus opposé par la MACIF, le 4 décembre 2003, de donner une suite favorable à la demande de Mme Odile X... de souscrire un contrat de prévoyance individuel ;
Considérant que dans ces conditions seul le préjudice moral éprouvé par l'appelante tel qu'il a été précédemment caractérisé ouvre droit à son profit à une indemnisation dont le montant a justement été apprécié par le tribunal à la somme de 7500 euros ;
ALORS QUE les préjudices subis du fait d'une hospitalisation d'office irrégulièrement ordonnée et du traitement subi sans consentement doivent être entièrement réparés ; qu'en l'espèce, pour écarter la preuve alléguée de ce que la mesure litigieuse aurait été la cause de troubles d'ordre psychologiques, et rejeter toute réparation à ce titre, l'arrêt se fonde sur les différentes notes médicales qui ont émaillé l'hospitalisation de l'appelante à compter du 26 juin 2003 et retient que les troubles de comportement préexistaient à la mesure de placement ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel, qui a cherché à tort à justifier la mesure de placement, a violé les articles 5-1 et 5-5 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE les préjudices subis du fait d'une hospitalisation d'office irrégulièrement ordonnée et du traitement subi sans consentement doivent être entièrement réparés ; qu'en l'espèce il était constant qu'après sa sortie, l'intéressée avait dû poursuivre un traitement, n'avait pu reprendre son travail et avait été mise en invalidité ; qu'en écartant tout lien de causalité entre la mesure de placement et les troubles qui l'ont suivie, la cour d'appel a violé les articles 5-1 et 5-5 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1382 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-26637
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jan. 2012, pourvoi n°10-26637


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26637
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