LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2010), que M. X... a été engagé à compter du 18 novembre 1989 par la société Progestim, aux droits de laquelle vient la société Dauchez, en qualité de gardien-huissier d'un immeuble à usage de bureaux confié en gestion à son employeur par la société Immobilière France ; que son contrat de travail a été transféré le 24 janvier 2003 à la société Dauchez services, filiale de la société Dauchez chargée d'assurer l'entretien et le gardiennage de cet immeuble ; que le 1er juillet 2006 le propriétaire de l'immeuble en a confié la gestion à la société Altys gestion, aux droits de laquelle est désormais la société Telmma, laquelle a confié les activités d'accueil et de gardiennage à deux sociétés différentes ; que la société Altys gestion ayant refusé de reprendre les contrats de travail des cinq salariés affectés au gardiennage et à l'accueil de l'immeuble, dont celui de M. X..., ce dernier a été licencié pour motif économique par lettre du 29 juillet 2006 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Dauchez gestion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que si la perte d'un marché n'entraîne pas, en elle-même, l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail, il en va autrement lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est maintenue ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le marché de la gestion globale de l'immeuble de bureaux situé 17 avenue Matignon confié à la société Dauchez administrateur de biens, incluant l'activité de sécurité et de gardiennage exécuté par la SAS Dauchez services employeur de M. X..., a été attribué à la société Altys gestion à compter de 1er juillet 2006 ; qu'il résulte encore des constatations de l'arrêt que la poursuite de l'activité de sécurité et de gardiennage exécutée par la SAS Dauchez services a alors été confiée par la société Altys gestion, à une société tierce ; qu'en déduisant du seul fait que Monsieur X... n'était pas salarié de la société Dauchez administrateur de biens, dont la perte de marché au profit de la société Altys gestion avait entraîné la cessation de l'activité de sécurité et gardiennage du 17 avenue Matignon jusqu'alors exercée par la société Dauchez services, la conséquence que la perte du marché n'entraînait pas l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail, sans rechercher si l'exécution du marché de la gestion globale de l'immeuble de bureaux situé 17 avenue Matignon s'accompagnait du transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre dont l'identité est maintenue, en l'espèce l'activité de sécurité et de gardiennage jusqu'alors exécutée par la SAS Dauchez services, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Altys gestion n'avait pas repris l'activité d'entretien et de gardiennage de la société Dauchez services, la cour d'appel en a justement déduit que le contrat de travail de M.Salami n'avait pu être transféré à la société Altys par application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Dauchez gestion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que
si la perte d'un marché ne constitue pas en elle-même une cause de licenciement, l'impossibilité avérée de proposer au salarié un changement d'affectation rendu nécessaire par cette perte, constitue un motif réel et sérieux de licenciement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la lettre de licenciement de M. X... énonçait que "la réorganisation à laquelle nous sommes obligés de procéder du fait de la perte du mandat de gestion entraîne par conséquent la suppression de tous les postes sur le site du 17 avenue Matignon - Paris 8e et nous a placé dans l'impossibilité de poursuivre votre contrat de travail, ne disposant pas de poste à pourvoir. Nous avons donc recherché un éventuel reclassement auprès de nos interlocuteurs extérieurs habituels, toutefois nous n'avons malheureusement pas pu parvenir à votre reclassement" ; qu'ainsi la lettre de licenciement faisait état de la suppression de poste consécutive à la perte de marché et de l'impossibilité de reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en décidant cependant que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que la suppression d'un emploi à la suite de la perte d'un marché ne constitue pas, à elle seule, une cause économique de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dauchez services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Dauchez services et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour la société Dauchez services.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS Dauchez Services à payer à M. X... la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui payer ainsi qu'à la société Altys Gestion celle de 2.000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE M. X... dirige son action à l'encontre de la SAS Dauchez Services, son employeur depuis le mois de janvier 2003 qui l'a licencié ; qu'en défense, et à titre principal, la SAS Dauchez Services soutient en définitive que la rupture du contrat de travail de M. X... ne peut lui être imputée, dans la mesure où la société Altys Gestion, désormais la société Telmma, en est responsable pour avoir, en violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, refusé de reprendre le contrat de travail de M. X... à l'occasion du transfert de l'entité économique autonome que constitue l'activité de sécurité et de gardiennage de l'immeuble du 17 avenue Matignon ; que cependant les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail s'appliquent en cas de transfert d'une entité économique autonome, constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu'en l'espèce, la SA Dauchez administrateurs de biens, et non la SAS Dauchez Services sa filiale, était en charge du mandat de gestion de l'immeuble dont s'agit jusqu'au 1er juillet 2006, date à laquelle ce marché a été attribué à la société Altys Gestion ; que ce mandat de gestion n'était pas circonscrit à l'entretien et au gardiennage de l'immeuble ; qu'en témoigne l'article 1er de la convention passée le 11 juin 2003 énonçant les missions confiées à la SA Dauchez administrateurs de biens : "la gestion locative de l'immeuble, la gestion technique et notamment l'entretien et la conservation de l'immeuble, la gestion administrative de l'immeuble, la gestion financière et comptable de l'immeuble, le cas échéant, la prise en compte des obligations résultant d'un contrat de prêt conclu par le mandant dans le cadre d'un financement de tout ou partie de l'immeuble ou de travaux" ; qu'il est acquis au débat que la SA Dauchez administrateurs de biens a perdu ce marché qui a été attribué à un concurrent, la société Altys Gestion ; que la société Telmma observe ainsi avec pertinence que la société Altys Gestion n'a pas succédé à la SAS Dauchez Services, mais à la SA Dauchez administrateurs de biens, laquelle n'est pas partie à l'instance ; que la SAS Dauchez Services ne peut donc utilement soutenir que la société Altys Gestion a repris son "activité d'entretien et de gardiennage" ; et qu'en définitive la SA Dauchez administrateurs de biens a exploité le marché dont elle était titulaire en faisant le choix de confier à l'une de ses filiales, la SAS Dauchez Services, ayant pour activité "la formation, le recrutement et d'une manière générale la gestion du personnel d'entretien et de gardiennage d'immeubles ou ensembles immobiliers ainsi que les abords et dépendances", la fourniture du personnel nécessaire pour assurer les prestations de gardiennage et d'entretien de l'immeuble ; que, contractuellement chargée à l'instar de son prédécesseur de "négocier, de conclure et de résilier les contrats de services afférents à la fourniture des prestations d'accueil, d'entretien et de gardiennage de l'immeuble", la société Altys Gestion a pu décider d'exploiter ce marché à l'aide de moyens différents que ceux dont usait la SA Dauchez administrateurs de biens, en s'adressant à la société Pénélope s'agissant de l'activité d'accueil et à la société Aft s'agissant de celle de gardiennage ;
ALORS QUE si la perte d'un marché n'entraîne pas, en elle-même, l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail, il en va autrement lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est maintenue ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le marché de la gestion globale de l'immeuble de bureaux situé 17 avenue Matignon confié à la Société Dauchez administrateur de biens, incluant l'activité de sécurité et de gardiennage exécuté par la SAS Dauchez Services employeur de M. X..., a été attribué à la société Altys Gestion à compter de 1er juillet 2006 ; qu'il résulte encore des constatations de l'arrêt que la poursuite de l'activité de sécurité et de gardiennage exécutée par la SAS Dauchez Services a alors été confiée par la société Altys Gestion, à une société tierce ; qu'en déduisant du seul fait que Monsieur X... n'était pas salarié de la société Dauchez administrateur de biens, dont la perte de marché au profit de la société Altys Gestion avait entraîné la cessation de l'activité de sécurité et gardiennage du 17 avenue Matignon jusqu'alors exercée par la société Dauchez Services, la conséquence que la perte du marché n'entraînait pas l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail, sans rechercher si l'exécution du marché de la gestion globale de l'immeuble de bureaux situé 17 avenue Matignon s'accompagnait du transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre dont l'identité est maintenue, en l'espèce l'activité de sécurité et de gardiennage jusqu'alors exécutée par la SAS Dauchez services, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS Dauchez Services à payer à M. X... la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que celle de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE la SAS Dauchez Services a notifié son licenciement à M. X... par une lettre du 29 juillet 2006 aux termes de laquelle elle indiquait notamment : « La réorganisation à laquelle nous sommes obligés de procéder du fait de la perte du mandat de gestion entraîne par conséquent la suppression de tous les postes sur le site du 17 avenue Matignon - Paris 8ème et nous a placé dans l'impossibilité de poursuivre votre contrat de travail, ne disposant pas de poste à pourvoir. Nous avons donc recherché un éventuel reclassement auprès de nos interlocuteurs extérieurs habituels, toutefois nous n'avons malheureusement pas pu parvenir à votre reclassement. » ; que la SAS Dauchez Services prétend combattre le moyen pris de ce que la lettre de rupture est insuffisamment motivée ; mais que la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner celle des raisons économiques prévues par la loi invoquée par l'employeur et son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié ; qu'à défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; et qu'en l'espèce la lettre de licenciement n'énonce aucune des raisons économiques prévues par la loi, l'employeur se bornant à faire état de la nécessité de procéder à une réorganisation du fait de la perte du mandat de gestion et de la suppression corrélative de tous les postes sur le site du 17 avenue Matignon ; qu'en application de l'article 1232-6 du code du travail, il s'ensuit que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE si la perte d'un marché ne constitue pas en elle-même une cause de licenciement, l'impossibilité avérée de proposer au salarié un changement d'affectation rendu nécessaire par cette perte, constitue un motif réel et sérieux de licenciement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la lettre de licenciement de M. X... énonçait que « la réorganisation à laquelle nous sommes obligés de procéder du fait de la perte du mandat de gestion entraîne par conséquent la suppression de tous les postes sur le site du 17 avenue Matignon - Paris 8ème et nous a placé dans l'impossibilité de poursuivre votre contrat de travail, ne disposant pas de poste à pourvoir. Nous avons donc recherché un éventuel reclassement auprès de nos interlocuteurs extérieurs habituels, toutefois nous n'avons malheureusement pas pu parvenir à votre reclassement » ; qu'ainsi la lettre de licenciement faisait état de la suppression de poste consécutive à la perte de marché et de l'impossibilité de reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en décidant cependant que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail.