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11/01/2012 | FRANCE | N°10-16657

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2012, 10-16657


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 du code du travail et L. 412-2 de ce même code alors applicable au litige ;
Attendu, selon ce dernier texte, qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de

discipline et de rupture du contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 du code du travail et L. 412-2 de ce même code alors applicable au litige ;
Attendu, selon ce dernier texte, qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la caisse régionale de crédit agricole Charente Périgord en octobre 1975, membre élue du comité d'entreprise depuis 1983, et occupant en dernier lieu les fonctions d'animateur gestion successions classe 2, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale affectant le déroulement de sa carrière ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande, l'arrêt retient que la référence à ses activités syndicales constitue un simple constat sans connotation péjorative et que les éléments de fait présentés par l'intéressée ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination syndicale ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la fiche d'évaluation de la salariée établie pour l'année 2005 indiquait que son absence de l'agence à raison de 50 % découlant de ses mandats rendait difficile l'exercice d'un poste de commercial, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole Charente Périgord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme X....
Il est reproché à la Cour d'appel d'avoir débouté Madame X... de ses demandes tendant à ce qu'il soit dit qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination dans son évolution de carrière en raison de son appartenance syndicale et à la condamnation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CHARENTE PERIGORD à dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme X... a exercé des mandats syndicaux à partir de 1983 où elle a été élue au comité d'entreprise. Depuis cette date, elle a occupé sans discontinuer ; que la salariée soutient qu'elle a été freinée dans son déroulement raison de son activité syndicale ; qu'à l'appui de cette allégation, elle produit un tableau comparatif retraçant son parcours professionnel au regard d'autres salariés de l'entreprise ; qu'il convient de vérifier si ces éléments comparatifs sont susceptibles d'établir une disparité de situation par rapport aux autres salariés de niveau de qualification et de compétence égales, effectuant le même travail et ayant une ancienneté comparable ;
QUE la caisse verse aux débats un panel de 41 salariés encore en poste dans l'entreprise en 2006 ; que pour chacun des agent, elle a retenu les indicateurs suivants: date d'entrée, diplôme à l'embauche , date de départ, coefficient à l'embauche, date de passage en classe 2 ; que Mme X... ne critique pas sérieusement les modalités d'élaboration de ce panel sauf à observer, à juste titre, que, contrairement au cas des autres salariés impliqués dans le présent litige, la caisse n'a pas fait figurer les rémunérations des intéressés aux différentes étapes de leur carrière ;
QUE des calculs opérés par la caisse, il ressort qu'en 2006, date de la saisine du conseil de prud'hommes, sur 41 salariés, 15 étaient en classe 1, 13 en classe 2, et 13 en classe 3 ; Mme X... se situe., donc, dans la catégorie minoritaire des 33% de salariés n'ayant pas accédé à la classe 2 au bout de trente ans d'ancienneté ;
QUE cette disparité de traitement ne s'explique pas par les notations de la salariée qui sont très positives, ni par ses qualifications professionnelles puisqu'elle était titulaire du baccalauréat à son entrée dans l'entreprise et a obtenu, en 1980, avec de bons résultats, le brevet professionnel de banque et plus tard, le diplôme de cartes IARD et assurances vie ; qu'il convient de relever, à cet égard, que sur les 20 salariés du panel recrutés au niveau du bac, seuls 8 dont Mme X... n'avaient pas atteints la classe 2 en 2006 ;
QUE toutefois, la progression de carrière au sein de la caisse est liée à un système de postulation ; que la salariée, hormis une candidature spontanée en 1985 qui a été satisfaite, n'a, en trente ans de carrière, postulé qu'une seule fois sur un poste de chargé de portefeuille ; que si une salariée moins expérimentée a été retenue sur ce poste, c'est en raison d'un profil qui a été jugé plus adapté par l'employeur que celui de Mme X... ; qu'en effet, cette salariée était titulaire d'un DUT et bénéficiait d'une excellente notation ;
QUE l'engagement syndical de la salariée n'est pas présenté en termes dévalorisant par ses supérieurs hiérarchiques qui notent, en 1995 et en 2005, qu'elle a un comportement professionnel responsable ; que l'observation mentionnée, en 2005, selon laquelle son absence de l'agence à raison de 50% découlant de ses mandats rend difficile l'exercice d'un poste de commercial est un simple constat sans connotation péjorative ;
QU'à la suite de l'accord d'entreprise signé le 28 juin 2007 sur l'égalité entre les hommes et les femmes, Mme X... a bénéficié d'un réajustement de sa rémunération ; que celle-ci a augmenté de 1.878 euros pour l'année 2007 et de 626 euros en 2008 et 2009, ce qui a représenté, au total, une hausse annuelle de 3.130 euros ; que ce rattrapage est la reconnaissance d'une inégalité de traitement en raison du sexe et non du fait d'une activité syndicale ;
QU'au vu de ce qui précède, la cour estime que les éléments de fait présentés par Mme X... ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination syndicale d'autant qu'ils ne sont corroborés par aucun fait ou témoignage de nature à accréditer les allégations du salarié.
ET AUX MOTIFS ADOPTES, POUR PARTIE, DES PREMIERS JUGES, QU'en l'espèce, Madame X... compare son cursus professionnel à celui de 40 salariés qui auraient été engagés en même temps qu'elle, 29 d'entre eux étant en classe 2, ainsi que les collègues embauchés la même année mais restés au siège social ; qu'aucun élément n'est fourni permettant d'identifier ces 40 salariés et donc de faire une comparaison pertinente ; qu'en effet ce panel ne s'accompagne d'aucune explication sur les critères de choix retenus tant en ce qui concerne les éléments pris en compte lors de l'embauche, sa date, les diplômes de chacun ou a fortiori les particularités éventuelles des parcours professionnels tant en ce qui concerne les diplômes éventuellement passés, les postulations faites et la mobilités ; qu'il s'ensuit que le panel proposé n'offre aucune sécurité ni aucune fiabilité pour les comparaisons qui peuvent être faites ni par conséquent pour les conséquences qui peuvent en être déduites ;
QU'en réponse à cet argument, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Charente Périgord a d'une part repris le panel proposé par le salarié en le complétant avec les dates d'entrée, coefficient d'embauché, diplômes et dernier emploi occupé ; que la Caisse a également proposé un panel comparatif en sélectionnant tous les salariés embauchés en même temps, au même coefficient, dans la même filière avec des niveaux de diplôme équivalents ; qu'elle en a tiré des courbes permettant une comparaison avec l'évolution de la carrière du requérant ; qu'à raison de l'importance des données recherchées, recensées et retenues informatiquement, la Caisse a sollicité un huissier pour qu'il vérifie, par sondages, l'exactitude des éléments retenus servant à l'établissement de données comparatives. ; que les vérifications effectuées entre le 4 août et le 8 septembre 2008 ont conclu à la véracité des données retenues ; qu'en réponse à ces précisions apportées par la Caisse, qui supporte de ce fait la charge de la preuve, le salarié a émis des critiques de pure forme, s'étonnant du coût du constat et contestant les conclusions de la Caisse au motif que toute n'était pas vérifié ; que toutefois il n'est apporté, à l'appui de ces critiques, aucun élément précis concret et objectif permettant de tenir pour erronées ou incomplètes les vérifications effectuées par la Caisse et les conclusions qu'elle en tire ; qu'il s'ensuit qu'en ce qui concerne la charge de la preuve, le demandeur se montre totalement défaillant et l'évolution de son cursus professionnel sera en conséquence appréciée sur le fondement des indications données par l'employeur et non sérieusement contestées par le salarié ; qu'il se déduit des éléments comparatifs fournis en défense, et prenant en compte des situations identifiables et réellement comparables à celles du requérant, que ce dernier a connu une évolution de carrière qui se situe dans la moyenne des 70 % du personnel de la Caisse qui donnent normalement satisfaction et font globalement correctement ce qui est attendu d'eux ; que par ailleurs le comparatif de l'évolution de carrière avec les activités syndicales ne fait apparaître aucune anomalie ou décrochage pouvant permettre de faire un lien entre l'engagement syndical et le déroulement de carrière ; qu'en ce qui concerne le parcours professionnel de Madame X..., il apparaît que son coefficient a évolué normalement ; que sa candidature a été retenue en 1985 et elle a postulé comme chargée de portefeuille, sans succès, en août 1990 ; qu'en effet, le poste a été confié à une autre candidate qui disposait d'un potentiel et de qualification mieux adaptés au poste proposé, précision faite que Madame X... avait été avisée de ce que le poste en question avait suscité un nombre important de candidatures ; qu'en l'occurrence d'ailleurs, il n'est pas sans intérêt de relever que la personne choisie, décrite par la requérante comme sans expérience, faisait l'objet d'appréciation excellente, ses résultats étant jugés "surprenants" ; que par la suite, le déroulement de la carrière de Madame X... se fera normalement, les appréciations la concernant se situant dans la moyenne des 70 % du personnel de la Caisse dont les résultats et comportements sont considérés comme conformes à ce qui peut être attendu d'eux ;
QUE l'engagement militant de Madame X... n'est par ailleurs nullement stigmatisé ou présenté en termes dévalorisant ou pénalisant pour sa carrière ; qu'il est même observé qu'elle est responsable dans son engagement d'élue et dans l'exercice de son métier, et qu'elle sait foire la part des choses entre son engagement syndical et son implication sans réserve dans son travail ; que ses qualités professionnelles font que les objectifs sont atteints et il est mentionné qu'elle est au niveau des compétences requises dans le poste occupé ; qu'il est simplement observé, de manière quasiment mathématique et en termes neutres qu'il est difficile d'occuper un poste commercial avec un absentéisme voisin de 50 % ; qu'en outre les comparaisons faites avec des personnels en situation comparable à celle de Madame X... laissent apparaître un pourcentage proche de 70 %, ce qui signifie que le sort professionnel de Madame X... a été conforme à la norme indépendamment de toute activité syndicale, aucun décrochement ou anomalie ne pouvant être décelé dans l'évolution du cursus professionnel par rapport à l'engagement militant ;
QUE le rattrapage dont a bénéficié Madame X... à la suite de l'accord du 28 juin 2007 n'est pas d'une mesure propre à la seule Madame X... et fondée sur une quelconque activité syndicale dès lors que le rattrapage intervenu à la suite d'un accord collectif unanimement signé a eu pour vocation de compenser certains différentiels d' évolution entre les hommes et les femmes ; que Madame X... a bénéficié de ce dispositif dès lors que les écarts ont pu être relevés la concernant, sauf qu'elle n' a pas été la seule dans ce cas et que les écarts ainsi observés n'ont aucun lien d'établi avec ses activités syndicales ;
QU'il résulte de tout ce qui précède que Madame X... n'apporte pas la preuve qui lui incombe que, d'une part, son cursus a été différent de celui des 70% des salariés du Crédit Agricole placés dans une situation comparable à la sienne, ni d'autre part, par conséquent et a fortiori que ses engagements syndicaux aient eu une quelconque répercussion sur sa carrière ;
ALORS, D'UNE PART, QUE s'il appartient au salarié qui se dit lésé par une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de la caractériser, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments étrangers à toute discrimination justifiant la situation dont se plaint le salarié ; qu'en relevant successivement, pour débouter Madame X... de ses demandes, d'une part, qu'il résultait des calculs opérés par l'employeur que Madame X... se situait dans la catégorie minoritaire des 33% des salariés n'ayant pas accédé à la classe 2 au bout de trente années d'ancienneté, ce qui constituait une disparité de traitement qui ne s'expliquait pas par les notations de la salariée qui étaient très positives, ni par ses qualifications professionnelles puisqu'elle était titulaire du baccalauréat à son entrée dans l'entreprise et a obtenu, en 1980, avec de bons résultats, le brevet professionnel de banque et plus tard le diplôme de cartes IARD et assurances vie, et, d'autre part, que les éléments de fait présentés par Madame X... ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination syndicale, d'autant qu'ils n'étaient corroborés par aucun fait ou témoignage de nature à accréditer les allégations « du salarié » (sic), la Cour d'appel a violé les articles L.2145-5, L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en écartant la demande de la salariée motif pris que la progression de carrière au sein de la caisse est liée à un système de postulation et que la salariée n'avait postulé qu'une seule fois sur le poste de chargé de portefeuille, tout en relevant que Madame X... avait fait l'objet d'une disparité de traitement qui ne s'expliquait pas par ses notations qui avaient été très positives, ni par ses qualifications professionnelles puisqu'elle était titulaire du baccalauréat à son entrée dans l'entreprise et avait obtenu, en 1980, avec de bons résultats, le brevet professionnel de banque et plus tard le diplôme de cartes IARD et assurances vie, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L.2145-5, L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail ;
ALORS EN OUTRE QU'en retenant à l'encontre de Madame X... que la progression de carrière au sein de la caisse était lié à un système de postulation et qu'elle n'avait en trente ans de carrière postulé qu'une fois sur un poste de chargé de portefeuille, sans répondre aux conclusions de Madame X... faisant valoir que la procédure de postulation sur une liste ouverte était une pratique récente au CREDIT AGRICOLE et qu'auparavant les promotions résultaient l'initiative du supérieur hiérarchique direct qui proposait le salarié à l'avancement ou d'une candidature spontanée de l'intéressé éventuellement appuyée par son supérieur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS ENFIN QUE la Cour d'appel, qui a relevé qu'une ou plusieurs observations dont Madame X... faisait l'objet faisaient mention de ce que son absence de l'agence à raison de 50% découlant de ses mandats rendait difficile l'exercice d'un poste de commercial, ce qui laissait supposer l'existence d'une discrimination syndicale, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article L.1134-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-16657
Date de la décision : 11/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jan. 2012, pourvoi n°10-16657


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.16657
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