LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les règles qui gouvernent l'excès de pouvoir, ensemble l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009 ;
Attendu que s'il appartient au bâtonnier de régler les différends existant entre avocats il revient à la seule juridiction saisie de décider, en cas de contestation, des pièces pouvant être produites devant elle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Karine X..., avocate au barreau de Lyon, collaboratrice de Mme Y..., avocate au même barreau, étant décédée le 23 septembre 2008 au sortir d'une audience, M. Z..., son compagnon, a chargé M. A..., avocat au barreau de Paris, de rechercher la responsabilité de Mme Y... ; que le bâtonnier du barreau de Paris et celui du barreau de Lyon étant en désaccord sur la possibilité pour M. A... de produire à cette occasion deux lettres échangées entre avocats dans l'affaire plaidée le 23 septembre 2008, portant la mention " officielle ", ils sont convenus de recourir à l'arbitrage du bâtonnier du barreau de Montpellier, lequel par sentence du 22 octobre 2009 a dit que M. A... devait retirer lesdites lettres de la plainte pénale ; que ce dernier a alors formé un recours en annulation de cette sentence ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable le recours de M. A..., l'arrêt retient que n'étant pas partie à la procédure arbitrale, ce dernier n'a pas qualité pour former un recours en annulation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation de la sentence qu'appelait nécessairement l'excès de pouvoir qui l'entachait, ouvrait la voie de ce recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 août 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire :
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare recevable le recours de M. A... ;
Annule la sentence du 22 octobre 2009 ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour M. A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le recours exercé par Maître Eric A... contre la décision du 22 octobre 2009 du Bâtonnier de l'ordre des avocats de MONTPELLIER irrecevable,
AUX MOTIFS QUE « sur le recours en nullité formé par Maître A... Le tiers arbitre a été saisi à la demande conjointe des Bâtonniers de PARIS et LYON en application de la convention du 28 novembre 2008 signée entre la Conférence des Bâtonniers de FRANCE et D'OUTRE-MER et le Barreau de PARIS pour trancher une difficulté d'ordre déontologique sur laquelle ils étaient en désaccord ; n'étant pas partie à cette procédure arbitrale, Monsieur Eric A... n'a pas qualité pour former un recours en annulation à l'encontre de la décision rendue par l'arbitre le 22 octobre 2009 ; en conséquence, son recours est irrecevable ; » (arrêt p. 4)
ALORS QUE toute personne a droit à un accès au juge pour défendre les droits qui lui sont reconnus ou contester les obligations qui sont mises à sa charge ; qu'en déclarant irrecevable, au seul motif qu'il n'avait pas été partie à la procédure ayant abouti à celle-ci, le recours formé par Maître A... contre la décision du 22 octobre 2009 du Bâtonnier de l'ordre des avocats de MONTPELLIER, qui, saisi en qualité de tiers arbitre par les Bâtonniers du Barreau de PARIS et du Barreau de LYON pour « prendre une décision dans le litige opposant Maître Eric A... à Maître Y... », a dit que Maître A... devait retirer de la plainte pénale les lettres officielles écrites par Maître Pascale Y... à Maître C..., la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le droit fondamental d'accès au juge.
SECOND MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Maître A... à verser au Barreau des avocats de MONTPELLIER, pris en la personne de son Bâtonnier en exercice Mme Laetitia D..., la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE « sur l'intervention du Barreau de MONTPELLIER, Maître Eric A... ne saurait valablement invoquer l'irrecevabilité de l'intervention du Barreau des avocats de MONTPELLIER représenté par son Bâtonnier en exercice alors que c'est lui-même qui a pris l'initiative de l'attraire à l'instance ; il peut donc légitimement faire valoir son point de vue et demander l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a été amené à exposer ; »
ALORS QUE nul ne pouvant être à la fois juge et partie, l'arbitre qui exerce une fonction juridictionnelle n'est pas recevable à intervenir devant le juge chargé de statuer sur le recours exercé contre sa sentence pour réclamer la condamnation de l'auteur du recours à lui verser une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en condamnant Maître A... à payer au Barreau de MONTPELLIER, pris en la personne de son Bâtonnier en exercice Maître Laetitia D..., une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, quand Maître D... était l'auteur de la sentence arbitrale frappée de recours par Maître A..., la Cour d'appel a violé ensemble le principe selon lequel nul ne peut être à la fois juge et partie et l'article 700 du Code de procédure civile.