LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2010), que M. X... et Mme Y... ont souscrit les 21 et 22 décembre 1999 des contrats d'assurance sur la vie auprès de la société Cardif assurances vie (l'assureur) ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 avril 2005 ils ont exercé leur faculté de renonciation à ces contrats, en faisant valoir que les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances n'avaient pas été respectées ; que l'assureur ayant refusé de faire droit à leurs demandes, M. X... et Mme Y... l'ont assigné en remboursement de l'intégralité des sommes investies et en dommages-intérêts ; que l'assureur a formé une demande reconventionnelle en réparation du préjudice subi pour exercice abusif du droit d'agir en justice ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et le second moyen, pris en sa première branche, réunis, tels que reproduits en annexe :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la note d'information prévue par l'article L. 132-5-1 du code des assurances est nécessairement distincte des conditions générales qui constituent le contrat lui-même ; que les confondre priverait le candidat à la souscription de l'information précontractuelle légalement prévue ; qu'ainsi la seule remise par la société Cardif de "conditions générales valant note d'information" ne répond pas aux exigences de ce texte ; que l'omission de la remise d'une notice d'information entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu au premier alinéa du même article ; que l'exercice par les assurés de leur faculté d'arbitrage au cours de la vie de leurs contrats ne saurait s'analyser ni en une impossibilité juridique ni en une renonciation à se prévaloir de leur faculté de renonciation ; qu'en effet, une renonciation à un droit ne se présume pas et ne pourrait résulter que d'actes non équivoques manifestant la volonté de renoncer ; qu'au cas particulier la renonciation au bénéfice du formalisme protecteur et d'ordre public énoncé à l'article L. 132-5-1 du même code n'était pas possible, puisque ce droit n'avait pas pris naissance au moment où est intervenue la renonciation ; que cette faculté de renonciation ouverte de plein droit au souscripteur pour sanctionner le défaut de remise par l'assureur des documents visés par ce texte est totalement indépendante de l'exécution du contrat ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations la cour d'appel a exactement décidé que l'exercice de ce droit de renonciation, qui est un droit discrétionnaire et d'ordre public, ne pouvait être sanctionné sur le terrain de la mauvaise foi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs du pourvoi ne sont pas de nature à permettre son admission ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cardif assurances vie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cardif assurances vie ; la condamne à payer à M. X... la somme de 1 250 euros et la même somme à Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils pour la société Cardif assurances vie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société CARDIF ASSURANCES
AUX MOTIFS QUE
Considérant que pour s'opposer à la faculté de renonciation exercée par M. X... et Mme Y..., la société CARDIF ASSURANCE VIE soutient, en premier lieu, qu'elle a satisfait à son obligation précontractuelle d'information telle que visée aux articles L 132-5-1 et A 132-4 du Code des assurances, lesquels doivent être interprétés à la lumière de l'article 36 de la Directive communautaire n° 92/96 du Parlement et du Conseil du 5 novembre 2005, en remettant à ses clients un seul document intitulé "Conditions générales valant note d'information"; qu'elle estime qu'elle n'a fait en cela que suivre l'accord des associations de consommateurs et de l'autorité de tutelle des compagnies d'assurance ; …… (que) la seule remise par la société CARDIF ASSURANCE VIE de "Conditions générales valant note d'information "ne répond pas aux exigences de l'article L132-5-1 du Code des assurances ; que l'omission de la remise d'une notice d'information entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu au premier alinéa dudit article ;Que cette prorogation du délai de renonciation et la restitution en cas de renonciation de l'intégralité des sommes versées par les souscripteurs sont conformes, contrairement à ce que soutient l'appelante, à la finalité de la directive communautaire qui est de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins;Que la violation de la société CARDIF ASSURANCE VIE tirée de l'absence de la remise de la notice d'information conduit appliquer la sanction prévue, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens invoqués relatifs au contenu même de l'information; que M. X... et Mme Y... sont donc fondés à exercer leur faculté de renonciation, que le jugement sera confirmé de ce chef;
Considérant que la société CARDIF ASSURANCE VIE soulève, en second lieu, une impossibilité juridique pour les consorts X...
Y... de renoncer aux contrats du fait de leur modification résultant des nombreux arbitrages effectués au cours de leur exécution ;Mais considérant que l'exercice par ces derniers de leur faculté d'arbitrage au cours de la vie de leurs contrats ne saurait s'analyser ni en une impossibilité juridique ou ni en une renonciation à se prévaloir de leur faculté de renonciation; qu'en effet, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne pourrait résulter que d'actes non équivoques manifestant la volonté de renoncer; qu'au cas particulier la renonciation au bénéfice du formalisme protecteur et d'ordre public énoncé à l'article L 132-5-1 du Code des assurances n'était pas possible puisque ce droit n'avait pas pris naissance au moment où est intervenue la renonciation ;Que cette faculté de renonciation ouverte de plein droit au souscripteur par l'article précité pour sanctionner le défaut de remise par l'assureur des documents visés par ce texte est totalement indépendante de l'exécution du contrat; qu'ainsi la faculté d'arbitrage, qui est un acte de gestion en l'espèce exercée par la société UBS, ne met pas fin au contrat et les arbitrages n'ont été exercés qu'antérieurement à la faculté de renoncer; que la société CARDIF ASSURANCE VIE, qui ne vise aucun texte, n'explique pas au demeurant pourquoi les actes d'arbitrages constitueraient une impossibilité juridique d'invoquer la faculté de renonciation ;
ALORS QUE la prorogation du délai de rétraction d'un contrat d'assurance sur la vie par hypothèse en cours d'exécution, est distincte de la faculté de rétractation elle-même, et constitue la sanction d'un défaut d'information ; que cette sanction est détournée de son but lorsque le souscripteur a montré par son comportement qu'il a parfaitement compris les ressorts du contrat qu'il a souscrit, notamment en procédant à des rachats ou à des arbitrages, et qu'il est seulement mécontent de l'évolution de son capital ; qu'en se prononçant par des motifs inopérants tirés de la seule faculté de rétractation, sans rechercher si l'exercice par les souscripteurs de leur faculté d'arbitrage au cours de la vie de leurs contrats ne les privait pas de la prorogation du délai de rétractation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 132-5-1 du code des assurances ;
ALORS QUE la faculté de renoncer au contrat d'assurance sur la vie en cours d'exécution est ouverte aux souscripteurs dès la souscription, lorsqu'il est établi que l'assureur a manqué à son obligation d'information, à la différence du délai de réflexion qui lui n'est ouvert qu'un fois délivrée l'information requise ; qu'il est donc parfaitement possible d'y renoncer ; qu'en affirmant qu'une telle renonciation était impossible pour refuser de rechercher comme elle y était invitée si par leur comportement les souscripteurs n'avaient pas implicitement renoncé au bénéfice de la prorogation du délai de rétractation, sanction ouverte dès la souscription du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 132-5-1 du code des assurances ;
ALORS QUE faute pour le législateur d'avoir édicté avec précision les conditions de mise en oeuvre du droit de rétractation qu'il institue au profit du souscripteur, les dispositions de l'article L 132-5-1 du code des assurances portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en ce qu'elles instituent une sanction automatique, qui ne répond pas aux exigences de proportionnalité et d'individualisation des peines, aux exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, du principe de stabilité des contrats et de la liberté contractuelle découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et surtout de la garantie des droits proclamée par son article 16, et de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable en la cause par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, entraînera la perte de fondement juridique de la décision attaquée fondée sur ce texte
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CARDIF ASSURANCES de son action en responsabilité contre Monsieur X... et Madame Y...
AUX MOTIFS PROPRES QUE La société CARDIF ASSURANCE VIE se prévaut, en troisième lieu, du défaut de loyauté contractuelle de M. X... et Mme Y... qui doit être sanctionné par l'allocation à son profit de dommages et intérêts; qu'elle fait valoir que ceux-ci tentent de lui faire supporter les conséquences de leurs décisions de gestion en détournant de sa finalité le droit de renonciation ; qu'elle estime que ce droit de renonciation exercé après le délai légal de 30 jours n'est pas un droit absolu et que le juge peut en sanctionner l'exercice abusif sur le fondement de l'article 1134 du Code civil ; Mais considérant que la société CARDIF ASSURANCE VIE ne fait que réitérer devant la Cour, sous une forme nouvelle mais sans justifications utiles, les moyens développés devant les premiers juges, qui y ont répondu après avoir exactement apprécié les éléments qui leur étaient soumis par des motifs pertinents, que la Cour adopte ;Qu'il convient seulement d'ajouter que l'exercice du droit de renonciation visé à l'article L 132-5-1 du code des assurances, qui est un droit discrétionnaire et d'ordre public, ne saurait être sanctionné, comme le prétend l'assureur, sur le terrain de la mauvaise foi ; que la loi ne fait pas de distinction entre les droits discrétionnaires, qui seraient susceptibles d'engager la responsabilité de celui qui l'invoque et des droits absolus, pour lesquels la responsabilité du titulaire ne pourrait jamais être mise en cause ; que le caractère discrétionnaire du droit de renonciation visant à assurer l'efficacité du mécanisme protecteur instauré par le législateur aux termes de l'article L 132-5-1 du code des assurances, il ne saurait être fait application de la théorie de l'abus de droit, sauf à vider ce droit de toute utilité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société CARDIF ASSURANCES ne saurait invoquer les dispositions générales de l'article 1134 du code civil sur l'exécution de bonne foi des contrats pour faire échec à l'article L 132-5-1 qui est d'ordre public et a pour finalité de contraindre l'assureur à délivrer au candidat à l'assurance une information loyale et complète, cette obligation d'information étant assortie d'une sanction automatique dont l'application n'est pas subordonnée aux circonstances particulières de l'espèce ; par conséquent, l'exercice de la faculté de renonciation prorogée de plein droit étant discrétionnaire pour l'assuré dont la preuve de la bonne foi n'est pas requise, la société CARDIF ASSURANCES sera déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;
ALORS QUE tout droit, fut-il discrétionnaire, est susceptible d'abus ou de détournement, et partant d'engager la responsabilité de celui qui l'exerce ; que le droit de rétractation du souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie en raison du manquement de l'assureur à son obligation précontractuelle d'information, faute d'exception textuelle, doit donc également être exercé de bonne foi, la mauvaise foi dans l'exercice de ce droit étant susceptible de priver le titulaire du bénéfice attendu ; qu'en refusant par principe de contrôler que l'exercice du droit en cause était, en l'espèce, bien conforme aux finalités de la loi, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable.
ALORS QU'à supposer que le caractère discrétionnaire du droit de renonciation visant à assurer l'efficacité du mécanisme protecteur instauré par le législateur aux termes de l'article L 132-5-1 du code des assurances, empêche qu'il soit fait application de la théorie de l'abus de droit, sauf à vider ce droit de toute utilité, ou que l'obligation d'information étant assortie d'une sanction automatique dont l'application n'est pas subordonnée aux circonstances particulières de l'espèce, l'exercice de la faculté de renonciation prorogée de plein droit soit discrétionnaire pour l'assuré dont la preuve de la bonne foi n'est pas requise, les dispositions de l'article L 132-5-1 du code des assurances ainsi conçues portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en ce qu'elles instituent une sanction automatique, qui ne répond pas aux exigences de proportionnalité et d'individualisation des peines, aux exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, du principe de stabilité des contrats et de la liberté contractuelle découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et surtout de la garantie des droits proclamée par son article 16, et de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable en la cause par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, entraînera la perte de fondement juridique de la décision attaquée fondée sur ce texte.