LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° F 10-23. 528 et M 10-24. 545, qui sont connexes ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Mutuelle des Instituteurs de France, dont la présence en appel est nécessaire ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi de M. X... :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est devenu paraplégique à la suite d'une chute dont il a été victime alors qu'il descendait une voie d'escalade sur un mur artificiel appartenant à l'association Club " La Cordée perrosienne " et qu'il était assuré au sol par M. Y... ; qu'il a fait assigner en réparation de son préjudice corporel l'association Club " La Cordée perrosienne ", les sociétés Zurich insurance public limited (Zurich) et Generali assurances IARD (Generali), assureurs de cette dernière, ainsi que la Mutuelle assurances des instituteurs de France, assureur de l'association sportive universitaire de Lannion dont lui et M. Y... étaient adhérents, et la Mutuelle des étudiants de Bretagne Atlantique ; que la société Generali a fait assigner en garantie M. Y... et la Fédération française de sport universitaire ; que la Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor (la CPAM des Côtes d'Armor) est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'association Club " La Cordée perrosienne ", de la société Zurich et de la société Generali à réparer ses préjudices, l'arrêt, après avoir relevé que M. X..., licencié de la Fédération française de la montagne et de l'escalade, n'avait pas souhaité solliciter une formation et s'était mis à pratiquer l'escalade avec M. Y... de façon libre, en dehors de tout encadrement, énonce que l'obligation de sécurité du moniteur n'existe que pendant une formation, et non lorsque la personne exerce librement l'escalade dans une salle et sur un mur mis à la disposition de tous les sportifs membres du club ou assimilés, et retient que l'association sportive n'a commis aucun manquement à une obligation quelconque de surveillance et d'information susceptible d'engager sa responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'association sportive est tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi de M. X... ni sur le moyen unique du pourvoi de la CPAM des Côtes d'Armor :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne l'association Club " La Cordée perrosienne ", la société Zurich insurance public limited et la société Generali assurances IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Club " La Cordée perrosienne ", la société Zurich insurance public limited et la société Generali assurances IARD à payer à M. X... la somme totale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° F 10-23. 528 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Cyril X... de sa demande tendant à la condamnation in solidum du club « LA CORDEE PERROSIENNE », de la société ZURICH et de la société GENERALI à réparer ses préjudices ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte de la déclaration de Monsieur Z... auprès de la gendarmerie que « vers 20h30 le 15 octobre 2001, les étudiants de l'ENSAT se sont présentés à la salle et, qu'une fois équipé, Monsieur B... a proposé une formation aux étudiants non initiés, et qu'aucun d'entre eux ne s'est présenté et qu'ils ont choisi des postes non occupés et ont commencé à grimper » ; que cette déclaration confirme celle de Monsieur B..., qui relate que « les étudiants de l'ENSAT sont arrivés en groupe et qu'il a repéré une ancienne adhérente étudiante et lui a fait part qu'il faisait une formation en lui demandant de voir auprès de ses camarades si l'un d'entre eux avait besoin d'une formation, que la jeune fille ne lui a pas fait savoir que l'un d'entre eux avait besoin d'une formation » ; qu'il résulte de cette relation des fait que Monsieur X..., qui avait déjà été inscrit dans un club d'escalade et était licencié de la FEDERATION FRANCAISE DE LA MONTAGNE ET DE L'ESCALADE, n'a pas souhaité solliciter une formation et s'est mis à pratiquer l'escalade avec Monsieur Y... de façon libre, en dehors de tout encadrement ; qu'ainsi, il ne saurait être reproché au club d'avoir manqué à une obligation quelconque de surveillance et d'information dès lors que l'obligation de sécurité du moniteur n'existe que pendant une formation et non lorsque la personne exerce librement l'escalade dans une salle et sur un mur mis à la disposition de tous les sportifs membres du club ou assimilés, qu'il ne saurait en effet être imposé à un adulte, au surplus licencié de la FFME et déjà expérimenté de subir une formation qu'il décline, que ce faisant, le club n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité » (arrêt p. 5) ;
1/ ALORS QU'il existe à la charge de l'association sportive une obligation de prudence et de diligence dans l'organisation et la surveillance de l'activité qu'elle gère et des installations qu'elle met à disposition des sportifs ; qu'elle doit notamment s'assurer que les participants à une activité exercée dans ses installations disposent des connaissances nécessaires à la libre pratique de cette activité en toute sécurité ; que cette obligation est la même que le participant exerce son activité dans le cadre d'une formation ou qu'il la pratique librement dans les locaux mis à sa disposition par l'association ; qu'en affirmant que l'association sportive n'était tenue d'aucune obligation de surveillance, d'information et de sécurité lorsque le participant exerçait librement l'escalade dans ses locaux et sur ses installations, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que Monsieur B..., président du club, avait déclaré avoir repéré une étudiante au sein du groupe d'étudiants de Monsieur X..., qui était une ancienne adhérente du club, qu'il lui avait fait part de ce qu'il organisait une formation et qu'il lui avait demandé de voir auprès de ses camarades si l'un d'entre eux avait besoin d'une formation ; qu'en constatant que « la jeune fille ne lui avait pas fait savoir que l'un d'entre eux avait besoin d'une formation », pour en déduire que Monsieur X... aurait décliné la formation avant de pratiquer l'escalade de façon libre, et exonérer le club de toute responsabilité, quand l'absence de toute réponse de la part de l'étudiante ne pouvait établir que la proposition de formation aurait effectivement été relayée aux étudiants et que Monsieur B... se serait assuré d'une réponse négative des participants, la cour d'appel a n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil ;
3/ ALORS QU'en écartant la responsabilité de l'association sportive sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de ce dernier (p. 9), si, outre la nécessité de dispenser une formation élémentaire aux étudiants, l'association sportive n'aurait pas dû également demander aux jeunes gens de faire une démonstration pour s'assurer de leur niveau de connaissances et de pratique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4/ ALORS QU'en se bornant à relever, pour écarter toute responsabilité de l'association sportive, que Monsieur X... aurait décliné toute formation et qu'il aurait déjà été expérimenté, sans rechercher si le club s'était assuré des connaissances et de la pratique de son binôme, Monsieur Y..., qui était chargé d'assurer Monsieur X... au sol, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
Moyen produit au pourvoi n° M 10-24. 545 par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Côtes d'Armor.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la CPAM des Côtes d'Armor de ses demandes de condamnation in solidum du Club « La Cordée perrosienne », de la société Zurich Insurance et de la compagnie Generali ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la déclaration de M. Z... auprès de la gendarmerie que « vers 20h30 le 15 octobre 2001, les étudiants de l'ENSAT se sont présentés à la salle et, qu'une fois équipés, M. B... a proposé une formation aux étudiants non initiés, et qu'aucun d'entre eux ne s'est présenté et qu'ils ont choisi des postes non occupés et ont commencé à grimper » ; que cette déclaration confirme celle de M. B..., qui relate que « les étudiants de l'ENSAT sont arrivés en groupe et qu'il a repéré une ancienne adhérente étudiante et lui a fait part qu'il faisait une formation en lui demandant de voir auprès de ses camarades si l'un d'entre eux avait besoin d'une formation, que la jeune fille ne lui a pas fait savoir que l'un d'entre eux avait besoin d'une formation » ; qu'il résulte de cette relation des fait que M. X..., qui avait déjà été inscrit dans un club d'escalade et était licencié de la Fédération française de la Montagne et de l'Escalade, n'a pas souhaité solliciter une formation et s'est mis à pratiquer l'escalade avec M. Y... de façon libre, en dehors de tout encadrement ; qu'il ne saurait être reproché au Club d'avoir manqué à une obligation quelconque de surveillance et d'information dès lors que l'obligation de sécurité du moniteur n'existe que pendant une formation et non lorsque la personne exerce librement l'escalade dans une salle et sur un mur mis à la disposition de tous les sportifs membres du club ou assimilés, qu'il ne saurait, en effet, être imposé à un adulte, au surplus licencié de la FFME et déjà expérimenté, de subir une formation qu'il décline, que, ce faisant, le Club n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'obligation de sécurité à laquelle est tenue l'association sportive à l'égard des participants doit être appréciée avec d'autant plus de rigueur que le sport pratiqué est dangereux ; qu'elle doit les interroger sur leur état physique et psychologique et leurs capacités techniques à exercer un tel sport avant de leur permettre d'escalader un mur de plus de 7 mètres ; que la cour d'appel qui a affirmé que l'obligation de sécurité n'existe que pendant la formation a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les diligences requises pour l'exercice d'un sport dangereux dans les locaux d'un club ne sont pas limitées par la réglementation fixée par les instances sportives ; que l'obligation de sécurité à laquelle est tenue le club sportif lui impose de surveiller l'exercice de l'escalade libre pratiquée par un participant inconnu du moniteur présent sur les lieux, de sorte qu'en affirmant que le club n'avait pas manqué à une obligation de surveillance dès lors que M. X... exerçait librement l'escalade sur un mur mis à sa disposition, la cour d'appel a encore violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, ENCORE, QUE le soir de l'accident, un seul moniteur, M. B..., était présent au club pour dispenser une formation pour débutants ; que ce défaut d'encadrement, souligné par les conclusions de confirmation du jugement de la CPAM et de M. X..., constitue un manquement à la sécurité que le club est tenu d'assurer à tous les sportifs exerçant dans ses locaux ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu à ce chef de conclusions a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE selon le règlement intérieur du club, la seule séance d'escalade libre a lieu le dimanche matin et doit être surveillée ; que M. B... a accepté que M. X... et son co-équipier pratiquent l'escalade libre en dehors des séances autorisées et sans surveillance ; que la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération tous les éléments de fait non contestés et librement débattus, constitutifs d'un manquement à l'obligation de sécurité du club, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.