La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2011 | FRANCE | N°10-25277

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2011, 10-25277


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en seconde branche :

Vu les articles L. 411-4 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sew-Eurodrive, qui a déposé le 4 juin 2002, en langue allemande, le brevet européen n° 1 281 883 lequel lui a été délivré par l'Office européen des brevets le 14 janvier 2009, a voulu en déposer une traduction en français à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ; que le directeur général de l'INPI

a refusé de recevoir cette traduction ;
Attendu que pour se déclarer incompétente pou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en seconde branche :

Vu les articles L. 411-4 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sew-Eurodrive, qui a déposé le 4 juin 2002, en langue allemande, le brevet européen n° 1 281 883 lequel lui a été délivré par l'Office européen des brevets le 14 janvier 2009, a voulu en déposer une traduction en français à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ; que le directeur général de l'INPI a refusé de recevoir cette traduction ;
Attendu que pour se déclarer incompétente pour statuer sur le recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI, l'arrêt [de la cour d'appel] retient, qu'en vertu des dispositions applicables, le dépôt d'une traduction d'un brevet européen est désormais sans lien avec la délivrance ou le maintien du titre de propriété industrielle et que la demande de la société Sew-Eurodrive n'a pas pour objet de permettre la délivrance ou d'assurer le maintien de son titre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la compétence de la juridiction judiciaire ne se limite pas aux seuls recours contre les décisions du directeur général de l'INPI ayant une incidence directe sur la délivrance ou le maintien des titres de propriété industrielle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt (n° RG 09/20020) rendu le 26 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Sew-Eurodrive Gmbh et Co Kg.
Il est fait grief à la Cour d'appel de s'être déclaré incompétente pour statuer sur le recours formé par la société SEW-EURODRIVE contre la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 20 mai 2009 refusant le dépôt de la traduction française complète du brevet européen n° 1 281 883 déposée le 9 février 2009, et d'avoir, en conséquence, renvoyé la société SEW EURODRIVE à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle que les cours d'appel connaissent des recours, formés contre les décisions que prend le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle « à l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle » ; que l'article R. 411-19 précise les règles de compétence territoriale des cours d'appel appelées à connaître « des recours formés contre les décisions du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres de propriété industrielle » ; qu'il suit de là que, pour déterminer si la cour est compétente pour connaître du recours, comme le prétendent le ministère public et la société SEW-EURODRlVE, ou ne l'est pas, ainsi que le soutient l'INPI, il y a lieu de rechercher si la décision de refuser de porter la traduction au registre national des brevets comme le souhaitait la société brevetée a été prise « à l'occasion de » ou « en matière » de délivrance de brevet ; que la société SEW EURODRIVE (page 4, alinéas 3 et 4 de son dernier mémoire) admet, pour sa part, que les dispositions des articles L, 614-7 et suivants du code de la propriété intellectuelle qui se référaient à l'exigence d'une traduction en langue française ont été abrogées par la loi du 17 (en réalité 29) octobre 2007 qui a autorisé la ratification du protocole de Londres, de sorte que le dépôt d'une traduction n'est plus obligatoire pour que le brevet européen produise ses effets en France dès la publication de sa délivrance; qu'en effet, l'article 65, paragraphe 1, de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens dispose : « Tout Etat contractant peut prescrire, lorsque le texte dans lequel l'Office européen des brevets envisage de délivrer un brevet européen pour cet Etat ou de maintenir pour ledit Etat un brevet européen sous sa forme modifiée n'est pas rédigé dans une des langues officielles de l'Etat considéré, que le demandeur ou le titulaire du brevet doit fournir au service central de la propriété industrielle une traduction de ce texte dans l'une de ces langues officielles » ; que la loi française a usé de cette possibilité dans l'article 614-7 du Code de la propriété intellectuelle, lequel, dans sa rédaction antérieure à la loi du 29 octobre 2007, disposait : « Lorsque le texte, dans lequel l'Office européen des brevets créé par la convention de Munich délivre un brevet européen ou maintient un tel brevet dans une forme modifiée, n'est pas rédigé en français, le titulaire du brevet doit fournir à l'Institut national de la propriété industrielle une traduction de ce texte … faute de satisfaire à cette obligation, le brevet est sans effet » ; que ces dispositions établissaient ainsi un rapport direct et nécessaire entre le dépôt d'une traduction française et les effets, sur le territoire national, du brevet délivré ; mais que le texte, précédemment reproduit, de l'article 65, paragraphe 1, de la convention de Munich, s'il offre aux Etats la possibilité d'imposer au demandeur ou titulaire du brevet la fourniture d'une traduction, comporte implicitement, mais nécessairement, la faculté de renoncer à cette exigence ; que l'accord de Londres, qui dispose, dans son article 1er : « Tout Etat partie au présent accord ayant une langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'Office européen des brevets renonce aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 5, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen », en vigueur en France à compter du 1er mai 2008, a rendu obligatoire la renonciation à l'exigence de traduction, en vertu de l'article 9 de cet accord, s'agissant des brevets européens pour lesquels la mention de la délivrance a été publiée dans le Bulletin européen des brevets après la même date ; que l'article L. 614-7, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle, qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 entrée en vigueur le 1er mai 2008, dispose : « Le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de procédure devant l'Office européen des brevets créé par la convention de Munich est le texte qui fait foi » ; que les dispositions nouvelles, qui marquent un retour au principe originel, inscrit dans l'esprit de la Convention sur le brevet européen, de la validité et de la protection du brevet dans sa langue de dépôt indépendamment de toute traduction, ne tiennent pas à la substance du droit à la protection par le brevet, de sorte que, comme le soutient à juste titre le directeur général de l'INPI, l'exigence d'une traduction pour certaines catégories de brevets serait désormais dépourvue de tout fondement légal ; que l'entrée en vigueur de ces dispositions a rompu tout lien entre la question du dépôt d'une traduction et celles de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle au sens des textes dans lesquels ces expressions ont un rapport avec la compétence des cours d'appel pour statuer sur les recours en ces matières ; qu'au demeurant, c'est ainsi que la société SEW EURODRIVE comprend le sens de sa demande tendant à voir l'INPI accepter de conserver la traduction de son brevet, non pour permettre la délivrance, combattre le rejet ou assurer le maintien de son titre, mais seulement dans l'intérêt d'une meilleure compréhension de l'invention et pour dissuader les tiers de bonne foi d'y porter atteinte; que la société requérante se réfère ainsi expressément à la mission de l'INPI, telle que définie à l'article L.411-1, 1°, du code de la propriété intellectuelle, consistant à « centraliser et diffuser toute information nécessaire pour la protection des informations », et non à celle contenue au 2° du même article, relative à la « réception des dépôts de demandes des titres de propriété industrielle … , à leur examen et à leur délivrance ou enregistrement et à la surveillance de leur maintien » ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision contestée n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.411-4 du code de la propriété intellectuelle ; que c'est donc à juste titre que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle observe que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le recours de la société SEW EURODRIVE ; que la cour se déclarera en conséquence incompétente et renverra la société requérante à mieux se pourvoir » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en application de l'article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel est compétente pour connaître des recours formés contre les décisions prises par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) à l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle ; que ce texte attribue à la cour d'appel une compétence générale pour statuer sur tous les recours contre les décisions du directeur de l'INPI se rapportant à des titres de propriété industrielle ; qu'en refusant de se déclarer compétente pour statuer sur le recours formé par la société SEWEURODRIVE contre la décision du directeur de l'INPI refusant le dépôt de la traduction complète du brevet européen n° 1 281 833, cependant que cette décision se rapportait précisément à un titre de propriété industrielle et avait été rendue à l'issue de la délivrance de celui-ci, et donc « à l'occasion » de la délivrance du titre, au sens du texte précité, la Cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, en violation de l'article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, D'AUTRE PART, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la compétence de la cour d'appel ne se limite pas aux seuls recours formés contre des décisions ayant une incidence directe sur la délivrance ou le maintien des titres de propriété industrielle ; qu'en se fondant, pour se déclarer incompétente pour statuer sur le recours formé par la société SEW-EURODRIVE contre la décision du directeur de l'INPI refusant le dépôt de la traduction complète du brevet européen n° 1 281 833, sur le fait que, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de Londres et du nouvel article L. 614-7 du Code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, le dépôt de la traduction d'un brevet européen était désormais sans lien sur la délivrance ou le maintien du titre, et que la demande de la société SEW-EURODRIVE n'avait pas pour objet de permettre la délivrance, combattre le rejet ou assurer le maintien de son titre, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-25277
Date de la décision : 29/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMPETENCE - Compétence matérielle - Cour d'appel - Institut national de la propriété industrielle - Décision du Directeur - Incidence directe sur les titres de propriété industrielle - Nécessité (non)

COMPETENCE - Compétence matérielle - Cour d'appel - Institut national de la propriété industrielle - Décision du Directeur - Dépôt d'une traduction de brevet

La compétence de la juridiction judiciaire, prévue aux articles L. 411-4 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, ne se limite pas aux seuls recours contre les décisions du directeur général de l'INPI ayant une incidence directe sur la délivrance ou le maintien des titres de propriété industrielle. Viole dès lors ces textes, la cour d'appel qui se déclare incompétente pour connaître d'un recours contre une décision du directeur général de l'INPI ayant refusé de recevoir la traduction en français de la partie descriptive d'un brevet européen, déposé dans une des deux autres langues officielles de l'Office européen des brevets


Références :

articles L. 411-4 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 nov. 2011, pourvoi n°10-25277, Bull. civ. 2011, IV, n° 193
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 193

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Mandel
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.25277
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award