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17/11/2011 | FRANCE | N°10-20332

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 novembre 2011, 10-20332


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Mico, soutenant que la société Urba design avait utilisé pour la promotion de ses propres produits des photographies du modèle d'abri à chariots "Grande Courbe" qu'elle-même commercialise et que de tels agissements étaient constitutifs à son égard d'actes de parasitisme, a fait assigner cette dernière en paiement de dommages-intérêts ; que M. X..., président du conseil d'administration de la société Urba design, est intervenu volontairement à l'i

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Mico, soutenant que la société Urba design avait utilisé pour la promotion de ses propres produits des photographies du modèle d'abri à chariots "Grande Courbe" qu'elle-même commercialise et que de tels agissements étaient constitutifs à son égard d'actes de parasitisme, a fait assigner cette dernière en paiement de dommages-intérêts ; que M. X..., président du conseil d'administration de la société Urba design, est intervenu volontairement à l'instance et, prétendant être le créateur de l'abri à chariots litigieux, a reproché à la société Mico d'avoir commis à son encontre des actes de contrefaçon de droits d'auteur, la société Urba design invoquant quant à elle des actes de concurrence déloyale résultant, d'une part, de ces actes de contrefaçon et, d'autre part, de l'utilisation par la société Mico d'une photographie de l'un de ses abris pour illustrer une plaquette de présentation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Mico :
Attendu que la société Mico fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts à la société Urba design et d'ordonner la compensation alors, selon le moyen, que :
1°/ pour obtenir réparation, la victime doit établir outre l'existence d'une faute commise par le défendeur, celle d'un préjudice certain et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société Urba design n'a ni expliqué ni démontré les conséquences précises qu'aurait entraînées la publication en 1999 d'une photographie d'un de ses abris à chariots dans le catalogue Mico ; qu'il s'ensuivait qu'elle n'a pas justifié de préjudice direct en lien avec la faute retenue ; qu'en condamnant cependant la société Mico à payer à la société Urba design des dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;
2°/ les motifs hypothétiques équivalent à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner la société Mico au paiement de dommages-intérêts, dès lors qu'elle énonçait que "les conséquences qu'aurait entraînées cette pratique (par exemple par l'élimination de la société Urba design d'un marché qu'aurait obtenu à sa place la société Mico) ne sont ni expliquées ni démontrées", sans violer l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que la société Mico avait soutenu devant la cour d'appel que la société Urba design ne rapportait pas la preuve du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait ;
Et attendu, ensuite, que, loin de se fonder sur des motifs hypothétiques, la cour d'appel s'est, au contraire, déterminée en raison de ce que les conséquences précises entraînées par ces agissements déloyaux n'étaient pas démontrées pour en déduire que le préjudice que la société Urba design est présumée avoir subi était modéré ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Urba design et de M. X..., pris en sa première branche, lequel est recevable :
Vu les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur et la société Urba design de ses demandes subséquentes au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt, après avoir relevé que le plan dressé le 13 septembre 1996, avec un en-tête qui désigne "Market Value", dévoile la physionomie générale d'un abri à chariots comportant une toiture convexe ou en courbe, retient que les abris revendiqués par M. X... ne présentent, dans ces conditions, aucune originalité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, cette pièce n'avait pas été régulièrement communiquée, ce dont il résultait que les parties n'avaient pas été à même d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur et la société Urba design de ses demandes subséquentes au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 10 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Mico aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Urba design et M. X...

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les exposants de leurs demandes tendant à voir dire que la société MICO s'est rendue coupable de contrefaçon des droits d'auteur de Monsieur X... et, par voie de conséquence, de concurrence déloyale à l'égard de la société URBA DESIGN ;
AUX MOTIFS QUE « Jean-Pierre X... et la société Urba Design produisent d'autres pièces qui démontrent que : - courant 1997, la société Urba Design a installé sur le parking d'un supermarché Carrefour à Givors un prototype d'abri à chariots (voir photographies commentées pièce n° 13 et facture adressée à Carrefour France pièce n° 15), - sur une demande initiale du 23 novembre 2001, Jean-Pierre X... a déposé auprès de l'office des brevets polonais un modèle d'abri à chariots dit "Wiata" : un certificat d'enregistrement lui a été délivré sous le n° 8267 (pièce n° 6 outre sa traduction), - sur un dépôt du 2 décembre 1998, Jean-Pierre X... et la société Urba Design ont déposé à l'Inpi un modèle d'abri à chariots double dit "Chambert" sous le n° 987040 : la publication en a été assurée par l'Inpi le 30 avril 1999 (pièce n° 9) ; que ces documents sont susceptibles de constituer une antériorité pertinente pour caractériser le droit d'auteur de Jean-Pierre X... ; que les modèles Wiata ou Chambert se caractérisent en ce qu'ils présentent tous deux une toiture en arc ou en courbe, la dite toiture qui déborde vers l'avant, en dehors des piliers antérieurs ; que le prototype installé à Givors comporte lui-même une toiture convexe de même type, ce qui le fait relever pour l'essentiel du modèle Wiata ; que certains des éléments de l'abri Wiata ou de l'abri Chambert sont dictés par des impératifs techniques : c'est le cas des piliers verticaux antérieurs ou postérieurs – étant précisé que les modèles déposés par Jean-Pierre X... présentent des piliers surélevés formant mât, éventuellement équipés de haubans, mais que cette hauteur caractéristique n'est en rien reproduite par les abris GC – ainsi que des traverses métalliques latérales destinées à aligner les chariots ; que cela étant, la toiture convexe, en courbe légère et régulière vers l'arrière, ainsi que son débord ou sa continuation en avant des piliers antérieurs – s'agissant d'éléments qui ne sont pas quant à eux dictés par de pures contraintes techniques – donnent à ces modèles Wiata ou Chambert une physionomie particulière ; que les oeuvres des arts appliqués sont protégeables au titre du droit d'auteur (article L.112-2-10° du Code de la propriété intellectuelle) pourvu que leur forme relève d'une création originale, qu'elle porte la trace d'un effort personnel du créateur, qu'elle ne soit pas entièrement dictée par sa fonction ; que la société Mico fait valoir (cf. ses conclusions p. 10) qu'en réalité il existe une antériorité qui peut être opposée à Jean-Pierre X... en ce qu'un premier abri à toiture convexe a été conçu par un tiers, la société Market Value, en sorte que les dépôts ultérieurs effectués par Jean-Pierre X... sont sans valeur ; que de fait, la cour trouve au dossier de la société Urba Design une pièce non cotée à son bordereau ; qu'il s'agit du plan d'exécution d'un abri à chariots à toiture convexe dressé le 13 septembre 1996 avec un entête qui désigne « Market Value » et un cartouche qui indique : « Ce dessin est la propriété de S.I. Consultants » ; qu'il désigne également le client final – en l'espèce la société Carrefour – et il est possible qu'il corresponde au prototype réalisé en 1997 à Givors par les soins de la société Urba Design ; que ce plan de 1996, antérieur aux documents X..., dévoile la physionomie générale d'un abri à chariots comportant une toiture convexe ou en courbe ; que dans cette situation, les éléments décrits supra par 3 au soutien de la thèse de Jean-Pierre X... et la société Urba Design sont sans portée, les abris Wiata ou Chambert ne présentant, au moins quant à cette spécificité d'une toiture convexe donnant à l'abri à chariots une physionomie générale distincte, aucune originalité ; qu'à ce stade du raisonnement, la cour retient que les modèles revendiqués par Jean-Pierre X... ne présentent pas une originalité créative qui justifie la protection par le droit d'auteur ; qu'il en résulte qu'aucune contrefaçon, aucune atteinte au droit d'auteur de Jean-Pierre X... ne sont caractérisées ; que pour fonder son action en concurrence déloyale, la société Urba Design évoque en premier lieu ses droits d'exploitation sur les abris déposés par Monsieur Jean-Pierre X..., les dits droits méconnus par les agissements de la société Mico ; que dans la mesure où il a été considéré supra (par. 5) que les dits abris Wiata ou Chambert n'étaient pas protégeables, l'action ne peut prospérer » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des pièces non régulièrement versées aux débats, et qui n'ont pas été soumises à la discussion contradictoire ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que le modèle d'abri à chariots sur lequel Monsieur X... revendiquait des droits d'auteur serait, quant à sa spécificité tenant à une toiture convexe, dépourvu d'une « originalité créative qui justifie la protection du droit d'auteur », en se fondant sur un document dont elle relevait elle-même qu'il ne figurait pas au bordereau de communication des pièces de la société URBA DESIGN, sans constater, par ailleurs, qu'il aurait été régulièrement communiqué par la société MICO ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en se bornant à déduire l'absence d'originalité des abris créés par Monsieur X... du seul fait que le plan du 13 septembre 1996 dévoilait « la physionomie générale d'un abri à chariots comportant une toiture convexe ou en courbe », sans constater que les caractéristiques spécifiques du toit convexe des abris de Monsieur X..., qu'elle décrit comme étant « en courbe légère et régulière vers l'arrière », avec un débord ou une continuation « en avant des piliers antérieurs », et dont elle relève qu'ils lui donnent une physionomie particulière, se retrouveraient dans le plan du 13 septembre 1996 ou seraient en elles-mêmes dépourvues d'originalité, la Cour d'appel, qui s'est ainsi bornée à apprécier l'originalité du choix d'un toit convexe, et non l'originalité du modèle litigieux, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société Mico.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société MICO à payer à la société Urba Design 5000€ de dommages et intérêts et ordonné compensation;
AUX MOTIFS OUE : « Il a été décidé supra B que la société Mico s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en diffusant en 1999 une plaquette de présentation commerciale Mico utilisant la photographie d'un abri réalisé par son concurrent Urba Design. Il faut cependant préciser d'une part que la photographie utilisée par la société Mico représente un abri sans enseigne de grande surface commerciale, d'autre part que cette photographie a été utilisée en 1999 sans qu'à aucun moment, du moins avant le présent procès engagé en 2005, la société Urba Design ne formule une quelconque plainte; en outre, les conséquences précises qu'aurait entraînées cette pratique (par exemple l'élimination de la société Urba Design d'un marché qu'aurait obtenu à sa place la société Mico) ne sont pas expliquées ni démontrées. Le préjudice subi par la société Urba Design ne peut donc être que modéré» (arrêt, p.10 et 11) ;
1./ ALORS OUE pour obtenir réparation, la victime doit établir outre l'existence d'une faute commise par le défendeur, celle d'un préjudice certain et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage; Qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société URBA DESIGN n'a ni expliqué ni démontré les conséquences précises qu'auraient entrainées la publication en 1999 d'une photographie d'un de ses abris à chariots dans le catalogue MICO ; qu'il s'ensuivait qu'elle n'a pas justifié de préjudice direct en lien avec la faute retenue; Qu'en condamnant cependant la société MICO à payer à la société URBA DESIGN des dommages et intérêts à ce titre, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil.
2./ ALORS QUE les motifs hypothétiques équivalent à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait condamner la société MICO au paiement de dommages et intérêts, dès lors qu'elle énonçait que « les conséquences qu'aurait entrainées cette pratique (par exemple par l'élimination de la société Urba design d'un marché qu'aurait obtenu à sa place la société Lico) ne sont ni expliquées ni démontrées » (arrêt p.11§1), sans violer l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-20332
Date de la décision : 17/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 10 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 nov. 2011, pourvoi n°10-20332


Composition du Tribunal
Président : M. Bargue (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20332
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