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10/03/2010 | FRANCE | N°08/06825

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 10 mars 2010, 08/06825


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 10/03/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/06825



Jugement (N° 05/3268)

rendu le 15 Juillet 2008

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES



REF : BM/AMD





APPELANTE



S.A. MICO

ayant son siège social [Adresse 13]

[Localité 6]

représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX



Représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

Assistée de Maître V

OLKRINGER, avocat au barreau de MELUN





INTIMÉS



SA URBA DESIGN

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX



Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Local...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 10/03/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/06825

Jugement (N° 05/3268)

rendu le 15 Juillet 2008

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES

REF : BM/AMD

APPELANTE

S.A. MICO

ayant son siège social [Adresse 13]

[Localité 6]

représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX

Représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

Assistée de Maître VOLKRINGER, avocat au barreau de MELUN

INTIMÉS

SA URBA DESIGN

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX

Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 12]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5] (BELGIQUE)

Représentés par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assistés de Maître Michaël BEULQUE, avocat au barreau de DE LA GUYANNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Bernard MERICQ, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Véronique MULLER, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 11 Janvier 2010 après rapport oral de l'affaire par Bernard MERICQ

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bernard MERICQ, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 25 novembre 2009

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 décembre 2009

*****

LA COUR,

FAITS ET PROCÉDURE :

1. La cour d'appel de Douai est saisie d'un litige de concurrence déloyale et de contrefaçon qui oppose :

+ en demande :- la société (SA) Mico, qui exploite une activité de fabrication et commercialisation d'équipements à structure métallique destinés à la grande distribution

+ en défense :- la société (SA) Urba Design, qui exploite une activité de commerce de gros de fournitures et équipements divers pour le commerce et les services, la dite société Urba Design dirigée par [U] [H] en tant que président du conseil d'administration

+ intervenant volontaire :- [U] [H] à titre personnel.

2. La société Mico réalise et commercialise des abris destinés à la protection des chariots utilisés par la clientèle des grandes surfaces commerciales ; elle explique qu'elle a notamment obtenu pour un abri à chariots spécifique de son catalogue -s'agissant du modèle dit 'Grande Courbe' ou 'GC'- d'être référencée auprès des supermarchés du groupement Intermarché.

Elle se plaint d'actes de parasitisme commis à son préjudice par la société Urba Design laquelle commercialise elle-même des abris à chariots à l'intention des grandes surfaces et a utilisé pour la promotion de ses produits la photographie d'un abri à chariots Mico, créant la confusion dans l'esprit de la clientèle au point que, sur la période 1er juillet 2003 / 30 juin 2004, la société Mico n'a plus été référencée auprès du groupement Intermarché et ce au profit de la société Urba Design.

Celle-ci conteste les griefs formulés contre elle car son dirigeant [U] [H] (qui intervient volontairement au procès à titre personnel) est le créateur de l'abri à chariots litigieux en sorte qu'il reproche à la société Mico des actes de contrefaçon et qu'il en tire toutes conséquences de droit, la société Urba Design elle-même s'estimant victime de concurrence déloyale.

3. Selon jugement rendu le 15 juillet 2008 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties, le tribunal de grande instance de Valenciennes a pour l'essentiel :

- reçu [U] [H] en son intervention volontaire,

- débouté la société Mico de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Mico à payer à la société Urba Design des dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

4. La société Mico a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS ACTUELS DES PARTIES :

1. La société Mico, par ses dernières conclusions à fins d'infirmation, reprend et précise ses moyens et prétentions de première instance pour faire valoir en substance que :

* dans le cadre de son référencement auprès de l'enseigne Intermarché entre 1997 et 2002, elle a commercialisé un modèle particulier d'abri à chariots intitulé 'Grande Courbe' ou 'GC',

* elle a constaté en 2003 que la société Urba Design était référencée à sa place en ayant utilisé pour sa promotion une photographie de l'abri à chariots Mico de type GC,

* elle-même (Mico) a obtenu, notamment en baissant ses prix, d'être à nouveau référencée auprès d'Intermarché en juillet 2004,

* elle reproche à la société Urba Design des faits de parasitisme (utilisation d'une photographie d'un produit Mico), expressément reconnus, qui ont eu pour résultat d'évincer temporairement la société Mico du marché Intermarché, cette situation justifiant octroi de dommages-intérêts.

Sur l'appel incident formé par la société Urba Design et par [U] [H], elle conteste les prétentions des défendeurs spécialement en ce que [U] [H] ne justifie pas être l'auteur de l'abri à chariots en cause et qu'en toute hypothèse cet abri n'est pas protégeable en ce que sa forme relève de contraintes purement techniques et que l'exigence de nouveauté n'est pas satisfaite.

2. La société Urba Design et [U] [H], par leurs dernières conclusions portant appel incident, font valoir que :

° le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Mico de ses demandes, aucun parasitisme de la part de la société Urba Design n'étant caractérisé et la société Mico ne démontrant pas ses droits prétendus sur l'abri à chariots photographié,

° dès juillet 2004, la société Mico a de nouveau été référencée auprès du groupement Intermarché en sorte qu'il n'y a eu aucune confusion et aucun préjudice, d'autant que la société Mico explique elle-même que l'abri à chariots en jeu n'est pas protégeable,

° à titre reconventionnel, [U] [H] en tant que créateur de l'abri à chariots litigieux peut revendiquer son droit d'auteur et reproche à la société Mico des actes de contrefaçon, avec toutes conséquences de droit,

° la société Urba Design est elle-même victime de concurrence déloyale de la part de la société Mico laquelle a utilisé pour sa promotion des photographies d'un abri à chariots Urba Design installé en 1997, ce qui doit lui valoir l'octroi de dommages-intérêts.

3. Le dossier a été visé par le ministère public (procureur général près la cour d'appel de Douai) le 25 novembre 2009, qui a conclu à la confirmation ; cet avis a été communiqué aux avoués des parties le 27 novembre 2009.

4. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2009.

5. La société Mico a communiqué une pièce selon bordereau du 16 décembre 2009.

6. L'exposé et l'analyse plus amples des moyens et des prétentions des parties seront effectués à l'occasion de la réponse qui sera apportée à leurs écritures opérantes.

* * *

DISCUSSION :

Sachant que la clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance prise le 15 décembre 2009, la société Mico a déposé au dossier de la cour un bordereau de communication de pièces faisant état d'une pièce n° 33 communiquée le 16 décembre 2009.

Une telle pièce n'est pas recevable aux débats.

Il sera ajouté que, de fait, elle ne figure pas au dossier soumis par la société Mico à la cour.

A) Sur l'action principale engagée par la société Mico cintre la société Urba Design :

1. Si les écritures échangées au présent procès, y compris l'assignation introductive d'instance, ont pu contenir des imprécisions de dates et faire mention de photographies dont la société Mico disait être l'auteur, les derniers développements écrits de la procédure permettent de comprendre que l'action engagée par la société Mico, sans concerner stricto sensu la protection de droits intellectuels, repose plus simplement sur des agissements parasitaires caractéristiques de concurrence déloyale que la société Urba Design aurait commis courant 2003.

Les dits agissements parasitaires correspondent au fait que, courant 2003 et pour les besoins de la promotion de ses produits auprès des centrales d'achat des grandes surfaces commerciales, la société Urba Design aurait utilisé des photographies représentant des abris à chariots de type GC réalisés par la société Mico ; cette pratique aurait permis à la société Urba Design d'obtenir son référencement auprès du groupement Intermarché pour la période 1er juillet 2003 / 30 juin 2004 au détriment de la société Mico qui, sur la même période, a vu son propre référencement Intermarché non reconduit.

2. La société Mico prouve tout d'abord, par la communication des contrats passés avec la société SEM ou avec la société CEM en charge des intérêts Intermarché, qu'elle a été référencée de manière continue auprès de l'enseigne Intermarché dès 1997 pour la fourniture d'équipements à structure métallique dont des abris à chariots.

Dans ce cadre, elle a notamment vendu courant 2002 au supermarché Intermarché de [Localité 11] deux abris simples de type GC et un abri double bout à bout de type GC.

Elle a aussi présenté en octobre 2002 des devis de fournitures d'abris à chariots (notamment de type GC) au supermarché Intermarché de [Localité 10] ; elle a également obtenu le 15 juillet 2003 une commande du supermarché Intermarché d'[Localité 7]) ... s'agissant d'une commande qui sera ultérieurement annulée le 5 septembre 2003.

Ces éléments caractérisent une relation d'affaires continue, au travers des contrats successifs de référencement, entre la société Mico et le groupement Intermarché.

Cette relation a été interrompue sur la période 1er juillet 2003 / 30 juin 2004 (ce qui explique l'annulation de la commande d'[Localité 7]) puis reprise à partir du 1er juillet 2004.

Or, sur cette même période 1er juillet 2003 / 30 juin 2004, la société Urba Design a été référencée auprès du groupement Intermarché notamment pour la fourniture d'abris à chariots (voir pièce Urba Design n° 11).

3. La société Mico produit à son dossier (pièce n° 23) la photographie d'un abri simple à chariots qui correspond à un abri de type GC, comportant en outre sur son tympan latéral la marque sérigraphiée Intermarché Les Mousquetaires ; cette photographie figure sur un document publicitaire à l'enseigne Urba Design.

Le même document est produit à son dossier (pièce n° 17) par la société Urba Design, qui l'identifie à son bordereau comme une publicité pour ses produits.

La société Mico produit aussi à son dossier (pièce n° 24) un catalogue général de la société Urba Design dans lequel figure, en page de couverture et derechef en page suivante, la photographie d'un abri double à chariots qui correspond à un abri de type GC, comportant également sur son tympan latéral la marque sérigraphiée Intermarché Les Mousquetaires.

Le même document est produit à son dossier (pièce n° 16) par la société Urba Design, qui l'identifie à son bordereau comme une brochure publicitaire qu'elle a éditée en 2003.

4. L'abri à chariots soit simple soit double qui est photographié dans les deux cas pour les besoins de la promotion commerciale de la production Urba Design est en réalité un abri à chariots GC qu'a réalisé la société Mico soit à [Localité 11] soit à [Localité 10].

Ce fait a été expliqué par la société Urba Design elle-même dans des conclusions signifiées en première instance (pièce Mico n° 30) où il a été relaté, pour discuter les affirmations de la société Mico, que la société Urba Design 'a photographié un produit fabriqué par cette dernière'.

Cela ressort encore des dernières écritures prises devant la cour par la société Urba Design (p. 6) où il est mentionné que 'la photographie de l'abri fabriqué par MICO a été largement modifiée par URBA DESIGN, afin que les spécificités du modèle fabriqué par MICO n'apparaissent plus' ; en outre, au moyen de sa pièce n° 14, la société Urba Design indique les modifications qu'elle a apportées sur sa photographie de l'abri MICO (par exemple : suppression des platines de pied, prolongation du tympan).

5. Il ressort de ces éléments ainsi rapportés que, courant 2003 et pour les besoins de la confection soit de sa publicité diffusée auprès des centrales d'achat des grandes surfaces commerciales soit de son catalogue général, la société Urba Design a utilisé la photographie d'un abri simple GC et d'un abri double GC qui avaient été réalisés auparavant pour Intermarché par la société Mico.

Or, en ce que la société Urba Design soutient (ses dernières écritures p. 6) que : 'Rappelons à ce titre, et en tant que de besoin, qu'URBA DESIGN a fabriqué et commercialisé ce modèle d'abri simple pour INTERMARCHE pendant de nombreuses années ...' -s'agissant au demeurant d'une affirmation qui n'est prouvée par aucun document ou élément du dossier-, il lui appartenait d'illustrer sa publicité commerciale et son catalogue par des photographies représentant des abris par elle réalisés et non par des photographies représentant des abris de fait réalisés par le concurrent Mico.

6. En utilisant la photographie d'abris GC Mico, la société Urba Design a pu faire croire à ses cocontractants potentiels qu'elle avait réalisé -ou qu'elle était en mesure de réaliser- des abris à chariots correspondant à leurs besoins.

Le procédé est d'autant plus déloyal que la société Urba Design a, sur les photographies qu'elle a prises soit de l'abri simple soit de l'abri double qu'avait réalisés la société Mico, apporté diverses modifications de détail -ce qu'elle explique elle-même à ses conclusions p. 6- mais elle a pris le soin de conserver visible le tympan latéral comportant la marque sérigraphiée Intermarché Les Mousquetaires : ce faisant, elle a introduit à sa publicité et à son catalogue l'idée qu'elle avait réalisé des abris à chariots pour Intermarché ... ce qui était inexact puisqu'elle n'était pas référencée auprès de ce groupement ; elle escomptait ainsi voir ses produits valorisés auprès des grandes enseignes, et spécialement auprès du groupement Intermarché lui-même qu'elle entendait démarcher.

Cette manoeuvre a été d'autant plus efficace que, de fait, la société Urba Design a obtenu d'être référencée auprès du groupement Intermarché sur la période 1er juillet 2003 / 30 juin 2004, au détriment direct de la société Mico qui n'a pas été référencée et qui n'a pu, sur cette période, commercialiser ses propres produits (à preuve l'annulation de la commande d'[Localité 7] étudiée supra par. 2).

7. En l'état des considérations ci-dessus développées, il y a d'ores et déjà lieu de décider que l'action pour concurrence déloyale par parasitisme engagée par la société Mico contre la société Urba Design est fondée.

Avant de déterminer les conséquences à tirer de cette situation, il est nécessaire d'examiner la demande reconventionnelle formée par la société Urba Design et l'action sur intervention volontaire engagée par [U] [H].

B) Sur la demande reconventionnelle formée par la société Urba Design et sur l'intervention volontaire de [U] [H] :

1. Dans ce cadre, la cour est saisie de deux actions complémentaires :

* d'une part, [U] [H] fait valoir qu'il est le créateur de l'abri à chariots simple au coeur du présent litige et que la commercialisation par la société Mico d'abris qui en reproduisent les caractéristiques principales contrevient à son droit d'auteur,

* d'autre part, la société Urba Design fait état d'actes de concurrence déloyale, essentiellement car la société Mico commercialise des abris dont elle-même (Urba Design) détient les droits d'exploitation et que la société Mico a utilisé dans un catalogue commercial de 1999 la photographie précisément d'un abri à chariots réalisé en 1997 par la société Urba Design à [Localité 9], sur le parking d'un supermarché à l'enseigne Carrefour.

2. Il doit être rappelé, pour l'étude de cette double action, que l'abri à chariots qui fait litige dans la production Mico correspond à son abri de type 'Grande Courbe' ou 'GC', soit simple soit double.

[U] [H] pour sa part, outre la société Urba Design, revendique des droits d'une part sur un abri dit 'Chambert', d'autre part sur un abri qu'il intitule 'Givor' mais qui correspond en réalité à un abri dit 'Wiata' qui aurait été installé en 1997, par les soins de la société Urba Design, sur le parking d'un supermarché Carrefour exploité à [Localité 9].

[U] [H] (outre la société Urba Design) vise un abri à chariots simple qu'il aurait conçu et réalisé antérieurement aux réalisations Mico et qu'il décrit comme un abri à 'toiture convexe' : plus précisément, la toiture de l'abri revendiqué par [U] [H] est plutôt en arc ou en courbe entre les piliers antérieurs et les piliers

postérieurs en ce sens que le bord avant de la toiture est plus élevé (à environ 3,0 m du sol) que le bord arrière (à environ 1,5 m du sol) et que la pente de la toiture n'est pas droite mais présente plutôt une forme en courbe légère et régulière ; également, la toiture de l'abri s'avance vers l'avant, en dehors des piliers antérieurs.

3. Pour prouver son droit d'auteur prétendu qui serait antérieur aux réalisations Mico, [U] [H] (outre la société Urba Design) produit un certain nombre de pièces qui appellent les observations suivantes :

# la pièce n° 4 comprend notamment le dépôt à l'Inpi d'un abri dit 'vague' opéré le 12 juin 2003 : ce dépôt a été opéré postérieurement à la réalisation par la société Mico de ses abris GC en 2002,

# la pièce n° 5 correspond à un tarif édité pour 2005 ou 2006 : ce document est postérieur à la réalisation par la société Mico de ses abris GC,

# la pièce n° 10 correspond à des enveloppes Soleau qui ont été perforées le 10 août 1998 et qui contiennent des modèles d'abris dits 'Pratica' ou 'Modulypse' ou 'Elypso' : cependant, ces modèles sont très différents de l'abri GC (par exemple : le modèle Pratica comporte des poteaux antérieurs ou postérieurs en biais qui lui donnent une physionomie particulière qui ne se retrouve pas dans l'abri GC lequel comporte des piliers verticaux ; les autres modèles comportent une toiture convexe en demi-lune sans rapport avec la toiture en courbe de l'abri GC).

Ces pièces sont sans portée pour démontrer une création de [U] [H] qui aurait été antérieure aux abris GC réalisés en 2002 par la société Mico.

En revanche, [U] [H] et la société Urba Design produisent d'autres pièces qui démontrent que :

° courant 1997, la société Urba Design a installé sur le parking d'un supermarché Carrefour à [Localité 9] un prototype d'abri à chariots (voir photographies commentées pièce n° 13 et facture adressée à Carrefour France pièce n° 15),

° sur une demande initiale du 23 novembre 2001, [U] [H] a déposé auprès de l'office des brevets polonais un modèle d'abri à chariots dit 'Wiata' : un certificat d'enregistrement lui a été délivré sous le n° 8267 (pièce n° 6 outre sa traduction),

° sur un dépôt du 2 décembre 1998, [U] [H] et la société Urba Design ont déposé à l'Inpi un modèle d'abri à chariots double dit 'Chambert' sous le n° 987040 : la publication en a été assurée par l'Inpi le 30 avril 1999 (pièce n° 9).

Ces documents sont susceptibles de constituer une antériorité pertinente pour caractériser le droit d'auteur de [U] [H].

Les modèles Wiata ou Chambert se caractérisent en ce qu'ils présentent tous deux une toiture en arc ou en courbe, la dite toiture qui déborde vers l'avant, en dehors des piliers antérieurs.

Le prototype installé à [Localité 9] comporte lui-même une toiture convexe de même type, ce qui le fait relever pour l'essentiel du modèle Wiata.

4. Certains éléments de l'abri Wiata ou de l'abri Chambert sont dictés par des impératifs techniques : c'est le cas des piliers verticaux antérieurs ou postérieurs -étant précisé que les modèles déposés par [U] [H] présentent des piliers surélevés formant mât, éventuellement équipés de haubans, mais que cette hauteur caractéristique n'est en rien reproduite par les abris GC- ainsi que des traverses métalliques latérales destinées à aligner les chariots.

Cela étant, la toiture convexe, en courbe légère et régulière vers l'arrière, ainsi que son débord ou sa continuation en avant des piliers antérieurs -s'agissant d'éléments qui ne sont pas quant à eux dictés par de pures contraintes techniques- donnent à ces modèles Wiata ou Chambert une physionomie particulière.

5. Les oeuvres des arts appliqués sont protégeables au titre du droit d'auteur (article L.112-2-10° du code de la propriété intellectuelle) pourvu que leur forme relève d'une création originale, qu'elle porte la trace d'un effort personnel du créateur, qu'elle ne soit pas entièrement dictée par sa fonction.

Or la société Mico fait valoir (ses conclusions p. 10) qu'en réalité il existe une antériorité qui peut être opposée à [U] [H] en ce qu'un premier abri à toiture convexe a été conçu par un tiers, la société Market Value, en sorte que les dépôts ultérieurs effectués par [U] [H] sont sans valeur.

De fait, la cour trouve au dossier de la société Urba Design une pièce non cotée à son bordereau : il s'agit du plan d'exécution d'un abri à chariots à toiture convexe dressé le 13 septembre 1996 avec un en-tête qui désigne 'Market Value' et un cartouche qui indique : 'Ce dessin est la propriété de S.I. Consultants' ; il désigne également le client final -en l'espèce la société [Adresse 8] et il est possible qu'il corresponde au prototype réalisé en 1997 à [Localité 9] par les soins de la société Urba Design.

Ce plan de 1996, antérieur aux documents [H], dévoile la physionomie générale d'un abri à chariots comportant une toiture convexe ou en courbe.

Dans cette situation, les éléments décrits supra par. 3 au soutien de la thèse de [U] [H] et la société Urba Design sont sans portée, les abris Wiata ou Chambert ne présentant, du moins quant à cette spécificité d'une toiture convexe donnant à l'abri à chariots une physionomie générale distincte, aucune originalité.

6. À ce stade du raisonnement, la cour retient que les modèles revendiqués par [U] [H] ne présentent pas une originalité créative qui justifie la protection du droit d'auteur.

Il en résulte qu'aucune contrefaçon, aucune atteinte au droit d'auteur de [U] [H] ne sont caractérisées.

7. Pour fonder son action en concurrence déloyale, la société Urba Design évoque en premier lieu ses droits d'exploitation sur les abris déposés par [U] [H], les dits droits méconnus par les agissements de la société Mico : dans la mesure où il a été considéré supra (par. 5) que les dits abris Wiata ou Chambert n'étaient pas protégeables, l'action ne peut prospérer.

D'autre part, la société Urba Design explique qu'un catalogue dit 'Présentation MICO' (pièce Urba Design n° 7) diffusé par la société Mico auprès de ses clients potentiels en 1999 est illustré, au chapitre des 'abris spécifiques', par la photographie du prototype d'abri Wiata réalisé en 1997 à [Localité 9].

La comparaison de cette photographie avec les photographies du montage de l'abri de [Localité 9] (pièce n° 13 déjà examinée supra par. 3) révèle que cette affirmation est exacte.

Ainsi la société Mico a-t-elle illustré un de ses catalogues en utilisant la photographie d'un abri réalisé par son concurrent Urba Design : une telle pratique relève de la concurrence déloyale.

C) Sur les conséquences :

1. Il a été décidé supra en partie A que la société Urba Design s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme en diffusant auprès de sa clientèle potentielle des documents commerciaux Urba Design comportant la photographie d'un abri à chariots simple et d'un abri à chariots double, tous deux de type GC, réalisés par son concurrent Mico ; la pratique était d'autant plus déloyale que le modèle photographié a été conservé avec l'enseigne visible du groupement Intermarché ; la manoeuvre a abouti à ce que la société Mico a été évincée du marché Intermarché sur la période 1er juillet 2003 / 30 juin 2004, la société Urba Design ayant sur cette même période obtenu son référencement auprès de cette même enseigne.

Le modèle Mico photographié ne constituait pas la reproduction illicite d'un modèle original qui aurait été créé par [U] [H] et exploité par la société Urba Design.

Il n'y a pas lieu de contraindre la société Urba Design à justifier du nombre des abris qu'elle aurait commercialisés au bénéfice de cette pratique déloyale alors que la société Mico ne propose à son dossier aucun élément ou document qui permette de penser que, de fait et durant la période litigieuse, la société Urba Design aurait réalisé des abris à chariots reproduisant l'abri GC pour une quelconque enseigne de grande surface (dont le groupement Intermarché) ou même aurait obtenu la commande d'abris à chariots pour Intermarché.

Il est en tout cas certain que la société Mico n'a pu, dans cette même période, vendre ses propres abris (de type GC ou autre) à un supermarché du groupement Intermarché ; par exemple, une commande qui avait été obtenue pour le supermarché exploité à [Localité 7] a été annulée.

Cela étant, la société Mico ne donne que peu d'indication, autre que le prix retiré de telle ou telle opération, quant au volume habituel de ses propres prestations au profit d'Intermarché.

Les éléments de la cause mettent la cour en mesure de fixer l'indemnisation due à la société Mico au chiffre indiqué au dispositif du présent arrêt.

2. Il a été décidé supra en partie B que la société Mico s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en diffusant en 1999 une plaquette de présentation commerciale Mico utilisant la photographie d'un abri réalisé par son concurrent Urba Design.

Il faut cependant préciser d'une part que la photographie utilisée par la société Mico représente un abri sans enseigne de grande surface commerciale, d'autre part que cette photographie a été utilisée en 1999 sans qu'à aucun moment, du moins avant le présent procès engagé en 2005, la société Urba Design ne formule une quelconque plainte ; en outre, les conséquences précises qu'aurait entraînées cette pratique (par exemple l'élimination de la société Urba Design d'un marché qu'aurait obtenu à sa place la société Mico) ne sont pas expliquées ni démontrées.

Le préjudice subi par la société Urba Design ne peut donc être que modéré.

Sans qu'il y ait lieu à expertise, les éléments de la cause mettent la cour en mesure de fixer l'indemnisation due à la société Urba Design au chiffre indiqué au dispositif du présent arrêt.

3. En définitive, la société Mico obtient gain de cause sur l'essentiel de son procès alors que [U] [H] est débouté des fins de son intervention volontaire et que la société Urba Design ne voit sa demande reconventionnelle reçue que très partiellement.

En pareille situation, il est justifié de mettre la charge des dépens à [U] [H] et la société Urba Design, et d'allouer à la société Mico une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

PAR CES MOTIFS :

- infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

ET, STATUANT À NOUVEAU :

- dit que la société Urba Design s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société Mico ;

- condamne en conséquence la société Urba Design à payer à la société Mico :

+ des dommages-intérêts de 30 000,00 € (trente mille euros)

+ la somme de 4 000,00 € (quatre mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que la société Mico s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Urba Design ;

- condamne en conséquence la société Mico à payer à la société Urba Design des dommages-intérêts de 5 000,00 € (cinq mille euros) ;

- ordonne compensation ;

- rejette toutes autres prétentions plus amples ou contraires ; spécialement, déboute [U] [H] des fins de son intervention volontaire ;

- condamne la société Urba Design et [U] [H] solidairement aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel, avec pour ces derniers faculté de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Carlier-Régnier, avoués.

Le Greffier,Le Président,

C. POPEK.B. MERICQ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 08/06825
Date de la décision : 10/03/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°08/06825 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-10;08.06825 ?
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