LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la SMABTP, la société Sagena, l'entreprise Laurent Mallet, la société Coelho, la société Etanchéité rénovation service et la société Groupama d'Oc ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 28 juin 2010), que les époux X..., maîtres de l'ouvrage, ont, sous la maîtrise d'oeuvre de M. Z..., architecte, chargé, par contrat du 14 janvier 2003, d'une mission complète, confié à différents locateurs d'ouvrage la construction d'une maison ; que la réception est intervenue le 11 octobre 2004 ; que des désordres ayant été constatés, les époux X... ont, après expertise, assigné en réparation M. Z..., les locateurs d'ouvrage et les assureurs ; que M. Z... a appelé en garantie son assureur, la société Acte IARD (société Acte) ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Z..., l'arrêt retient que la société Acte est fondée à soutenir que le sens clair et précis du contrat, selon lequel en son article 6 "durée de la garantie dans le temps", sont garantis "moyennant paiement de la cotisation correspondante, les travaux liés aux missions qui lui sont confiées avant la date de prise d'effet du contrat, lorsque ces travaux auront fait l'objet d'une déclaration réglementaire d'ouverture du chantier (DROC) pendant la période de validité du contrat", ce qui définit clairement les conditions de prise d'effet de la garantie en référence au document administratif et non au commencement des travaux ou à tout autre événement parmi lesquels le moment de formation du contrat, exclut que sa garantie puisse être engagée en l'espèce où, après un contrat de maîtrise d'oeuvre du 14 janvier 2003, la DROC a été établie le 25 mars 2003 et déposée en mairie le 10 octobre 2003, toutes dates qui sont antérieures à la prise d'effet du contrat fixée au 24 octobre 2003, les travaux ayant de plus débuté le 16 octobre 2003 selon le calendrier des travaux ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances, qui sont d'ordre public, et des clauses types applicables au contrat d'assurance de responsabilité pour les travaux de bâtiment figurant à l'annexe 1 de cet article, que l'assurance de responsabilité couvre les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat d'assurance, et que cette notion s'entend comme le commencement effectif des travaux confiés à l'assuré, la cour d'appel, qui n'a pas relevé la date à laquelle avaient effectivement commencé les travaux réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de M. Z..., a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que la société Acte ne doit pas sa garantie à raison des désordres dont M. Z... est responsable, s'agissant de travaux liés aux missions confiées à l'assuré avant la date de prise d'effet du contrat, mais qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration réglementaire d'ouverture de chantier (DROC) pendant la période de validité du contrat d'assurance, et ainsi hors du champ d'application dans le temps de la police d'assurance, l'arrêt rendu le 28 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Acte IARD et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Acte IARD à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros ; condamne M. Z... à payer à la SMABTP, la société Sagena, l'entreprise Laurent Malet et la société Coelho la somme globale de 1 000 euros et à la société Etanchéité rénovation service et la société Groupama d'Oc la somme globale de 1 000 euros ; rejette la demande de la société Acte IARD ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la SA Acte Iard ne doit pas sa garantie à raison des désordres dont Yvan Z... est responsable, s'agissant de travaux liés aux missions confiées à l'assuré avant la date de prise d'effet du contrat mais qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration réglementaire d'ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat d'assurance et ainsi hors du champ d'application dans le temps de la police d'assurance ;
Aux motifs que «sur la garantie de la société Acte Iard, pour s'opposer aux moyens de l'appel, l'architecte soutient d'une part qu'en réalité un litige l'avait opposé à son assureur concernant le paiement des cotisations, que la régularisation de celles-ci sitôt leur montant établi avait entraîné la poursuite du contrat initial et que c'est tout à fait artificiellement que l'assureur a établi un nouveau contrat avec prise d'effet au 24 octobre 2003 alors que l'intention commune des parties était la poursuite pure et simple du contrat initial, d'autre part, que l'assureur, qui lui a fourni un avocat tout au long de l'expertise et n'a exprimé aucune réserve a pris la direction du procès et renoncé à se prévaloir des exceptions, qu'il n'a opposé un refus de garantie que très tardivement, entretenant ainsi l'apparence d'une garantie selon les maîtres de l'ouvrage, alors qu'il connaissait dès le départ de la procédure toutes les circonstances de fait de nature à exclure sa garantie, notamment la date de signature du contrat d'architecte, celle d'exécution des travaux et de présomption de dépôt de la DROC ; que l'appelante principale est fondée à soutenir que le sens clair et précis du contrat, selon lequel en son article 6 «durée et maintien de la garantie dans le temps», sont garantis «moyennant paiement de la cotisation correspondante, les travaux liés aux missions qui lui sont confiées avant la date de prise d'effet du contrat, lorsque ces travaux auront fait l'objet d'une déclaration règlementaire d'ouverture de chantier pendant la période de validité du présent contrat», ce qui définit clairement les conditions de prise d'effet de la garantie en référence au document administratif et non au commencement des travaux ou tout autre évènement parmi lesquels le moment de la formation du contrat, exclut que sa garantie puisse être engagée en l'espèce où, après un contrat de maîtrise d'oeuvre du 14 janvier 2003, la DROC a été établie le 25 mars 2003 et déposée en mairie le 10 octobre 2003, toutes dates qui sont antérieures à la prise d'effet du contrat fixée au 24 octobre 2003, les travaux ayant de plus débuté le 16 octobre 2003 selon le calendrier des travaux ; (…) que l'architecte n'est pas fondé à prétendre comme il le fait que l'intention des parties aurait été de poursuivre purement et simplement le contrat antérieurement en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 alors que le 5 décembre 2002, il répondait à une lettre de relance de l'assureur sur un solde de cotisations dues en prenant acte de la résiliation unilatérale à effet au 31 décembre 2002 mais en lui demandant d'établir un compte des sommes qu'il restait devoir et de ne pas donner suite à sa lettre recommandée de relance ; que de plus la proposition d'assurance du mois d'août 2003 à laquelle il a adhéré était clairement un nouveau contrat dont la nouvelle date d'effet était explicitement stipulée, expressément sans reprise du passé, et pour une durée d'un an sans tacite reconduction ; que par conséquent l'appel de la société Acte Iard est fondé ; que les jugements sont réformés en ce qu'ils ont prononcé condamnation à son encontre» ;
Alors que lorsqu'elle est stipulée dans une police d'assurance garantissant les dommages engageant la responsabilité civile décennale du constructeur en vertu des articles 1792 et 1792-2 du Code civil, la clause spécifiant que sont garantis les chantier ayant fait l'objet d'une déclaration réglementaire d'ouverture de chantier à compter d'une date donnée n'exclut pas la prise en charge des chantiers effectivement commencés après cette date mais dont la DROC aurait été prise ou datée antérieurement à la date d'effet du contrat ; qu'en l'espèce, pour débouter M. Z... de son recours en garantie, la Cour d'appel, après avoir relevé que, d'après le sens clair et précis de l'article 6 du contrat, étaient garantis «moyennant paiement de la cotisation correspondante les travaux liés aux missions qui lui sont confiées avant la date de prise d'effet du contrat, lorsque ces travaux auront fait l'objet d'une déclaration règlementaire d'ouverture de chantier pendant la période de validité du présent contrat», et que ces dispositions définissaient «clairement les conditions de prise d'effet de la garantie en référence au document administratif et non au commencement des travaux ou tout autre évènement parmi lesquels le moment de la formation du contrat», en a déduit que la garantie de la société Acte Iard ne pouvait être engagée« en l'espèce où, après un contrat de maîtrise d'oeuvre du 14 janvier 2003, la DROC a été établie le 25 mars 2003 et déposée en mairie le 10 octobre 2003, toutes dates qui sont antérieures à la prise d'effet du contrat fixée au 24 octobre 2003, les travaux ayant de plus débuté le 16 octobre 2003 selon le calendrier des travaux » ; qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher à quelle date avaient effectivement commencé les travaux réalisés sous la maîtrise d'oeuvre del'assuré, la Cour d'appel a violé les articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. Yvan Z... mal fondé en sa prétention tendant à l'application des dispositions de l'article L. 113-17 du Code des assurances, en l'en déboutant ;
Aux motifs que «qu'aux termes de l'article L. 113-17 du Code des assurances, l'assureur n'est censé avoir renoncé à se prévaloir des exceptions qu'il pouvait invoquer qu'à la double condition qu'il ait dirigé le procès fait à son assuré et qu'il l'ait fait en connaissance de ces exceptions et sans émettre aucune réserve ; qu'en la circonstance, la société Acte Iard justifie d'une part que la déclaration de sinistre du 29 juin 2006 qui lui a été adressée par l'architecte à réception de l'assignation en référé ne contenait aucune précision à cet égard, ce que ne révèle en rien la date de signature du contrat d'architecte (sic), que le demandeur à l'action en référé ne communiquait pas la DROC, d'autre part qu'à réception de la déclaration de sinistre elle a répondu à son assuré par lettre du 4 juillet 2006 qu'elle mandatait son expert et son avocat en exprimant de façon très claire, en caractères d'imprimerie majuscules et gras dans le texte, que c'était «sous toutes réserves de responsabilité et de garantie», réserves qu'elle a fait réitérer lors de sa comparution en référé ; qu'elle justifie enfin qu'après avoir pris connaissance du rapport de l'expertise, qui ne mentionne pas la DROC, elle a écrit à son assuré le 15 septembre 2003 pour lui indiquer que sa garantie n'était pas acquise car la période entre le 1er janvier 2003 et le 24 octobre 2003 n'était pas couverte et qu'elle n'était pas encore en possession de la DROC qu'elle demandait à son avocat de se procurer, d'autre part, qu'aucune garantie complémentaire n'avait été souscrite pour les dommages immatériels, ce qui excluait en toute hypothèse certains postes de dommages retenus par l'expert ; que Yvan Z... n'est donc pas justifié de soutenir ni que l'assureur avait connaissance de la cause de non garantie lorsqu'il a pris une direction du procès au seul stade de l'expertise, c'est-à-dire de l'instruction technique du litige, ni qu'il aurait tardé à se prévaloir d'une cause de non garantie et ainsi créé et maintenu auprès de son assuré l'illusion de l'existence de sa garantie» ;
Alors, d'une part, que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; qu'en retenant, pour déclarer M. Z... mal fondé à invoquer le bénéfice de ces dispositions, que la société Acte Iard justifiait «d'une part que la déclaration de sinistre du 29 juin 2006 qui lui a été adressée par l'architecte à réception de l'assignation en référé ne contenait aucune précision à cet égard» et que «le demandeur à l'action en référé ne communiquait pas la DROC», autant de circonstances impropres à exclure que l'assureur n'avait pas connaissance de la cause de non garantie dont il entendait désormais exciper, en opposant à son assuré l'absence de DROC émise pendant la période de validité de la police, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article L. 113-17 du Code des assurances ;
Alors, d'autre part, que si l'assureur peut émettre des réserves préalablement à la direction du procès et que celles-ci lui permettent de soulever certaines exceptions auxquelles, à défaut de réserves, il est présumé avoir renoncé, encore faut-il que ces réserves soient précises et portent sur une exception déterminée, ce qui exclut qu'elles puissent être exprimées en termes généraux, sous la forme d'une clause de style ; que pour refuser en l'espèce de reconnaître le bien fondé des prétentions de M. Z... tendant à l'application des dispositions de l'article L.113-7 du Code des assurances, la Cour d'appel a néanmoins retenu «qu'à réception de la déclaration de sinistre» la société Acte Iard, par lettre du 4 juillet 2006, avait «répondu qu'elle mandatait son expert et son avocat en exprimant de façon très claire, en caractères d'imprimerie majuscules et gras dans le texte, que c'était «sous toutes réserves de responsabilité et de garantie», avant de réitérer ces réserves lors de sa comparution en référé ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui a méconnu ces principes, a violé l'article L. 113-17 du Code des assurances.