LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de Nanterre de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 avril 2010), que la caisse primaire d'assurance maladie de Nanterre (la caisse) a refusé à M. X... de reconnaître la qualité d'ayant droit de l'enfant Mohamed Y..., né en 1997, fils de sa nièce algérienne, lequel vit avec lui depuis cette époque ; que M. X... a contesté cette décision devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'enfant Mohamed Y... pourra percevoir en sa qualité d'ayant droit les prestations dues par l'assurance maladie, alors, selon le moyen, que bénéficient de la couverture de l'assurance maladie les membres de la famille de l'assuré et que sont notamment considérés comme tels, sous les conditions définies, les enfants recueillis ; que ne peut toutefois se voir reconnaître la qualité d'enfant recueilli et par là même, se voir octroyer le bénéfice de l'assurance maladie, l'enfant étranger recueilli en France par une famille dans le but de le faire bénéficier de soins médicaux qu'il n'aurait pas reçus s'il était resté dans son pays d'origine ; qu'en l'espèce, la caisse a refusé à l'enfant Y... le statut d'enfant recueilli, faisant valoir que les soins nécessités par la grave maladie dont souffrait l'enfant avaient été la première motivation de M. X... pour le faire entrer en France à partir de l'année 2008, ladite maladie ne pouvant être prise en charge par les structures médicales algériennes ; qu'en se fondant sur les liens affectifs existants entre les intéressés pour considérer que l'enfant n'avait pas été recueilli dans le seul but de le faire bénéficier de soins médicaux sur le territoire français et lui reconnaître ainsi la qualité d'enfant recueilli, sans s'expliquer sur l'absence de prise en charge par les structures médicales algériennes de la maladie de l'enfant Y... et rechercher si cette circonstance n'avait pas été la raison première de sa venue en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-3 2° du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas contesté que M. X... pourvoit entièrement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Mohamed Y... placé sous sa dépendance et son autorité sans pouvoir prétendre obtenir une véritable compensation du fait de la carence de la famille de l'enfant, que l'enfant présente un très lourd handicap moteur et que l'existence de liens affectifs constamment entretenus entre M. X... et les membres de la famille de l'enfant ainsi que le dévouement manifesté depuis plusieurs années par M. X... à l'égard de Mohamed Y... lourdement handicapé permettent de dire que cet enfant n'a pas été recueilli dans le seul but de le faire bénéficier de soins médicaux sur le territoire français ;
Que de ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments soumis à son examen, dont il résultait que M. X... avait la charge effective et permanente de l'enfant Mohamed Y..., la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inutile, a pu déduire que l'enfant Mohamed Y... avait la qualité d'enfant recueilli au sens de l'article L. 313-3 du code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Nanterre aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Nanterre ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie de Nanterre
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir dit que l'enfant Mohamed Y... pourra percevoir en sa qualité d'ayant droit les prestations dues par l'assurance maladie ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la reconnaissance de la qualité d'ayant droit au titre d'enfant recueilli est prévue à l'article L.313-3 du code de la sécurité sociale qui énumère les bénéficiaires des prestations de l'assurance maladie ; qu'est considéré comme recueilli l'enfant dont la famille d'accueil en assume pleinement et durablement la charge sur les plans affectif, éducatif et matériel ; qu'au cas présent il n'est pas contesté que M. Lahouari X... pourvoit entièrement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Mohamed Y... placé sous sa dépendance et son autorité sans pouvoir prétendre obtenir une véritable compensation du fait de la carence de la famille de l'enfant (cette famille installée à Oran étant composée d'autres adolescents placés sous l'autorité de leurs mère et père dont seul ce dernier exerce une activité professionnelle) ; qu'il n'est pas non plus contesté que l'enfant présente un très lourd handicap moteur sans pour autant qu'il soit possible de faire à ce jour une évaluation exacte du coût de la prise en charge puisque la qualité des soins qui sont prodigués en France - notamment au sein de l'hôpital Trousseau à Paris - et l'intégration dans un système scolaire adapté et spécialisé ont démontré qu'ils avaient permis à l'enfant d'évoluer très rapidement dans de bonnes conditions ; que l'existence de liens affectifs constamment entretenus entre M. Lahouari X... et les membres de la famille de l'enfant ainsi que le dévouement manifesté depuis plusieurs années par M. Lahouari X... (ainsi que par sa femme et leurs propres enfants) à l'égard de Mohamed Y... lourdement handicapé permettent de dire que cet enfant n'a pas été recueilli dans le seul but de le faire bénéficier de soins médicaux sur le territoire français, ce qui serait de nature à exclure l'application de l'article L.313-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la reconnaissance de la qualité d'ayant droit à titre d'enfant recueilli est prévue à l'article L.313-3 du code de la sécurité sociale ; que cependant, la qualité d'enfant recueilli doit être déterminée au cas par cas et au vu des éléments du dossier ; qu'en l'espèce, le tribunal relève que l'enfant est titulaire d'un document de circulation qu'il est régulièrement inscrit dans un établissement scolaire depuis au moins janvier 2009 et réinscrit cette année ; qu'il est titulaire d'une assurance scolaire et extrascolaire ; qu'il est l'ayant droit de son oncle (chez qui il réside de façon stable et régulière) sur son compte de mutuelle ; qu'il est déclaré comme enfant à charge pour les services fiscaux et que la caisse d'allocations familiales n'a pas contesté qu'il soit à la charge effective de son oncle et verse des prestations en sa faveur comme elle le fait pour les enfants naturels de Monsieur X... ; que Monsieur X... a obtenu l'autorité parentale sur son neveu par jugement de « kalafa » et alors qu'il s'occupait déjà de son neveu y compris lorsque ce dernier résidait encore en Algérie ; que la caisse ne démontre pas que l'enfant est entré en France dans le seul but d'y recevoir des soins ; qu'elle reconnaît d'ailleurs que ce dernier n'est pas hospitalisé alors qu'elle a fondé son argumentation sur un séjour long et onéreux en milieu hospitalier ; qu'il résulte d'un rapport d'enquête diligenté par un agent assermenté de la caisse et rédigé le 17 décembre 2008 que l'état de santé de l'enfant évolue favorablement grâce aux soins qu'il reçoit et à l'environnement familial dans lequel il évolue ; que le rapport conclut à la prise en charge de l'enfant sur le compte de Monsieur X... et au bénéfice des prestations de l'assurance maladie en qualité d'enfant recueilli ; qu'enfin, l'acte de « kafala » engage son signataire au-delà du simple accueil et l'oblige à se comporter en véritable parent ; que le Tribunal déduit des éléments versés au dossier que l'enfant Mohamed Y... doit être considéré comme enfant recueilli par son oncle Monsieur Lahouari X... qui en assume la charge totale effective et permanente tant sur le plan affectif et éducatif que financier ; que par voie de conséquence, il doit être considéré comme l'ayant droit de Monsieur X... et bénéficier, sur le compte de ce dernier, des prestations de l'assurance maladie ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la requête de Monsieur X... ;
ALORS QUE bénéficient de la couverture de l'assurance maladie les membres de la famille de l'assuré et que sont notamment considérés comme tels, sous les conditions définies, les enfants recueillis ; que ne peut toutefois se voir reconnaître la qualité d'enfant recueilli et par là même, se voir octroyer le bénéfice de l'assurance maladie, l'enfant étranger recueilli en France par une famille dans le but de le faire bénéficier de soins médicaux qu'il n'aurait pas reçus s'il était resté dans son pays d'origine ; qu'en l'espèce, la CPAM de NANTERRE a refusé à l'enfant Y... le statut d'enfant recueilli, faisant valoir que les soins nécessités par la grave maladie dont souffrait l'enfant avaient été la première motivation de Monsieur X... pour le faire entrer en France à partir de l'année 2008, la dite maladie ne pouvant être prise en charge par les structures médicales algériennes ; qu'en se fondant sur les liens affectifs existants entre les intéressés pour considérer que l'enfant n'avait pas été recueilli dans le seul but de le faire bénéficier de soins médicaux sur le territoire français et lui reconnaître ainsi la qualité d'enfant recueilli, sans s'expliquer sur l'absence de prise en charge par les structures médicales algériennes de la maladie de l'enfant Y... et rechercher si cette circonstance n'avait pas été la raison première de sa venue en France, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 313-3 2° du Code de la sécurité sociale.