La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2011 | FRANCE | N°10-30688

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 novembre 2011, 10-30688


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 janvier 2010) que par acte sous seing privé du 28 avril 1993, Mme X... veuve Y..., usufruitière, a consenti un bail rural aux époux Z... portant sur une parcelle cadastrée ZO 25 à Melle, pour 9 années à compter du 23 avril 1993 ; que le bail s'est renouvelé pour 9 ans ; qu'en avril 2005, M. Y..., fils de la bailleresse et nu-propriétaire, a repris une surface de 28 ares sur la parcelle donnée à bail, à proximité de sa maison ; que les preneurs ont saisi

le tribunal paritaire des baux ruraux pour voir reconnaître la validit...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 janvier 2010) que par acte sous seing privé du 28 avril 1993, Mme X... veuve Y..., usufruitière, a consenti un bail rural aux époux Z... portant sur une parcelle cadastrée ZO 25 à Melle, pour 9 années à compter du 23 avril 1993 ; que le bail s'est renouvelé pour 9 ans ; qu'en avril 2005, M. Y..., fils de la bailleresse et nu-propriétaire, a repris une surface de 28 ares sur la parcelle donnée à bail, à proximité de sa maison ; que les preneurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour voir reconnaître la validité de leur bail et demander la restitution de la partie de 28 ares reprise par M. Y... ; que ce dernier a demandé que soit constatée la nullité du bail conclu sans son concours ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 595, alinéa 4, du code civil, ensemble l'article 1304 de ce code ;

Attendu que l'usufruitier ne peut sans le concours du nu-propriétaire donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal ;

Attendu que pour débouter les époux Z... de leur demande de restitution de la partie reprise par M. Y..., l'arrêt retient que l'exception de nullité du bail ne peut être opposée qu'à la demande de restitution des terres que M. Y... s'est réapproprié et qu'il n'y a lieu d'accueillir la demande en nullité du bail qu'en ce qui concerne la restitution et la remise en état de 28 ares de parcelle ZO n°25 reprise par M. Y... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que n'étaient établies ni la qualité de propriétaire apparent de Mme X... veuve Y..., ni la confirmation du bail par M. Y..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1304 du code civil, ensemble le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;

Attendu que pour débouter les époux Z... de leur demande de restitution de la partie reprise par M. Y..., l'arrêt retient que le seul fait qu'ils aient pu croire que Mme Y... avait la pleine propriété du bien ne suffit pas à en faire un propriétaire apparent ; qu'aux termes de l'article 1304 du code civil dans tous les cas où l'action en nullité n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que cependant dès lors que la nullité est élevée par voie d'exception à l'encontre d'une action formée en exécution de l'acte argué de nullité, la prescription ne peut être opposée ; qu'aucun acte confirmatif du bail par M. Y... n'est allégué à l'appui de la demande ; que l'exception de nullité ne peut être opposée qu'à l'action qui consiste en la restitution des terres que M. Y... s'est réappropriées ; qu'il ne sera donc fait droit à la nullité qu'en ce qui concerne la restitution et la remise en état de 28 ares de parcelle ZO n°25 reprise par M. Y... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties le 14 janvier 2010 par la cour d'appel de Rennes, remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé partiellement le jugement attaqué et d'avoir débouté les époux Z... de leur seule demande de restitution de 28 ares de la parcelle cadastrée section Z0 n°25 située à MELLE lieudit la Godelinais et d'avoir, en conséquence, confirmé le jugement en ce qu'il a ordonné le maintien dans les lieux des époux Z... sur le reste de la parcelle, pour une nouvelle durée de 9 ans à compter du prononcé du jugement.

AUX MOTIFS QUE la nullité du congé n'est pas contestée et a été justement retenue par le premier juge ; que l'article 595 alinéa 4 du code civil dispose que l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ; que l'infraction à cette règle impérative est la nullité du bail qui peut être demandée par le nu-propriétaire dont le concours a été omis ;
qu'en l'espèce il n'est pas contesté que Mme Hélène Y... a la qualité d'usufruitière du bien litigieux ; que son fils, nu-propriétaire, qui n'a pas concouru au bail verbal, est recevable à en demander la nullité ; que les époux Z... n'expliquent pas pourquoi ils se sont trouvés dans l'impossibilité de vérifier la qualité de propriétaire de Mme Y... ; que le seul fait qu'ils aient pu croire que Mme Y... avait la pleine propriété du bien ne suffit pas à en faire un propriétaire apparent ; qu'aux termes de l'article 1304 du code civil dans tous les cas où l'action en nullité n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que cependant dès lors que la nullité est élevée par voie d'exception à l'encontre d'une action formée en exécution de l'acte argué de nullité, la prescription ne peut être opposée ; qu'aucun acte confirmatif du bail par M. Y... n'est allégué à l'appui de la demande ; que le fait que l'usufruitière ait perçu les fermages ne saurait emporter aucune conséquence dès lors qu'elle était seule habile à le faire ; que pas plus le fait que M. Y... ait pu voir des vaches paître à proximité de sa maison n'est pas de nature à établir qu'il avait agréé le bail ; que l'exception de nullité ne peut être opposée qu'à l'action qui consiste en la restitution des terres que M. Y... s'est réappropriées ; qu'il ne sera donc fait droit à la nullité qu'en ce qui concerne la restitution et la remise en état de 28 ares de parcelle ZO n°25 reprise par M. Y... ; que la solution du litige né de la demande de nullité de la totalité du bail justifie que les dépens soient laissés à la charge de M. Y..., chacune des parties conservant ses frais;

1°/ ALORS QUE les époux Z... ayant sollicité du tribunal des baux ruraux qu'il constate la validité du bail conclu le 28 avril 1993 en invoquant d'une part la qualité de propriétaire apparent de l'usufruitière Madame Y... et d'autre part la connaissance de l'existence du bail par le nu-propriétaire Monsieur Y..., la Cour d'appel qui constate qu'aucune de ces conditions n'est établie et prouvée par les époux Z... ne pouvait limiter les conséquences de la nullité du bail qu'elle prononce à la seule restitution de la parcelle que Monsieur Y... se serait réappropriée ; que dès lors la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales découlant de ses propres constatations a entaché l'arrêt d'une violation des articles 595 et 1304 du code civil ;

2°/ ALORS QUE le nu-propriétaire d'un bien immobilier peut poursuivre la nullité du bail qui a été consenti sur ce bien sans son accord par l'usufruitier dès lors que, moins de 5 années se sont écoulées depuis le jour où il a eu connaissance de ce contrat, et la saisine du tribunal ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait refuser de prononcer la nullité du bail du 28 avril 1993, dont la validité était sollicitée par les époux Z... devant le tribunal paritaire des baux ruraux, le 9 mars 2007, dès lors que Monsieur Y... soulevait l'exception de nullité du bail le 14 novembre 2007, les époux Z... n'établissant pas de surcroit la date à laquelle il aurait en connaissance du contrat, le seul élément pouvant être retenu étant le 21 mars 2006 date de délivrance du congé ; qu'ainsi la Cour d'appel ne pouvait limiter les conséquences de la nullité du bail qu'elle prononce et que l'ayant fait elle a, à nouveau, violé les articles 595 et 1304 du code civil ;

3°/ ALORS QU'EN toute hypothèse et subsidiairement, à supposer valable le bail du 28 avril 1993 consenti pour 9 années, tacitement renouvelé pour une nouvelle période de 9 ans à compter du 28 avril 2002 soit jusqu'au 27 avril 2011, la Cour d'appel ne pouvait ordonner le maintien dans les lieux des époux Z... pour une nouvelle durée de neuf ans à compter du 6 mars 2008 date du prononcé du jugement ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé les articles L 411-1 du code rural et 1134 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Hemery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour les époux Z....

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir débouté les époux Alain Z... et Françoise B... de leur demande de restitution de 28 ares de la parcelle cadastrée section ZO n°25 située à Melle lieudit La Godelinais et de remise en état astreinte ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 1304 du code civil dans tous les cas où l'action en nullité n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que cependant dès lors que la nullité est élevée par voie d'exception à l'encontre de l'acte argué de nullité, la prescription ne peut être opposée ; qu'aucun acte confirmatif du bail par M. Y... n'est allégué à l'appui de la demande ; que le fait que l'usufruitière ait perçu les fermages ne saurait emporter aucune conséquence dès lors qu'elle était la seule habile à le faire ; que pas plus le fait que M. Y... ait pu voir des vaches paître à proximité de sa maison n'est pas de nature à établir qu'il avait agréé le bail ; que l'exception de nullité ne peut être opposée qu'à l'exception qui consiste en la restitution des terres que M. Y... s'est réappropriées ; qu'il ne sera donc fait droit à la nullité qu'en ce qui concerne la restitution et la remise en état de 28 ares de la parcelle ZO n°25 reprise par M. Y... » (arrêt attaqué, p.3, §8 à 11 – p.4, §1 à 3) ;

ALORS QUE dès lors que le nu-propriétaire a eu connaissance du bail rural consenti sans son accord par l'usufruitier plus de cinq ans avant la saisine du tribunal et que ledit bail a été exécuté, il ne peut plus en poursuivre la nullité, même par voie d'exception ; qu'au cas particulier, la cour d'appel a constaté que monsieur Y..., nu-propriétaire, avait eu connaissance du bail consenti par sa mère sans son accord dès 1993, soit plus de treize ans avant la saisine du tribunal ; que pour débouter monsieur et madame Z... de leur demande de restitution des 28 ares de la parcelle litigieuse sur lesquels monsieur Y... s'était installée, la cour d'appel a énoncé que la prescription de l'action en nullité du bail ne pouvait être opposée au nu-propriétaire, la nullité étant invoquée par voie d'exception ; qu'en statuant comme tel, quand cette circonstance était parfaitement indifférente à l'acquisition, depuis le courant de l'année 1998, de la prescription, la cour d'appel a violé les articles 595, alinéa 4 et 1304 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-30688
Date de la décision : 09/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 nov. 2011, pourvoi n°10-30688


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.30688
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award