LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 septembre 2010) que dans une convention de cession d'actions, M. et Mme X... et la société X... et fils, d'une part, et M. et Mme Y..., d'autre part, ont stipulé une clause d'arbitrage donnant mission aux arbitres de statuer comme amiables compositeurs en premier et dernier ressort ; que l'acte de mission mentionne que le tribunal arbitral appliquera aux demandes de chacune des parties les règles du droit comptable et du droit commercial ; que la société X... et les époux X... ayant interjeté appel de la sentence qui les condamnait au paiement de certaines sommes et formé, de même, un recours en annulation, la cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 27 septembre 2004, déclaré irrecevables tant l'appel que le recours en annulation ; que cette décision a été cassée par arrêt du 3 octobre 2006 (Bull I n° 420) ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré leurs appels irrecevables alors, selon le moyen :
1°/ que la sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage ; que lorsque les parties liées par une clause compromissoire établissent ensuite, une fois le litige né, un compromis réglant l'arbitrage, les stipulations de ce compromis prévalent sur celles de la clause compromissoire antérieure ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que si l'acte de cession du 30 juillet 1999 avait prévu le recours à un tribunal arbitral statuant «comme amiable compositeur, en premier et dernier ressort », en revanche, une fois le litige né, un acte de mission avait été établi le 23 décembre 2002 par lequel «il est certain que les parties sont convenues d'une sentence ordinaire » (Arrêt page 7 alinéas 7 et 8) ; que cet abandon de la stipulation d'amiable composition emportait que la sentence était susceptible d'appel, sauf clause contraire, laquelle ne pouvait résulter que du compromis lui-même et non de la clause compromissoire antérieure à laquelle ce compromis s'était substitué ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les appels formés contre les sentences arbitrales, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 134 du code civil et 1482 du code de procédure civile ;
2°/ que la renonciation au droit de faire appel d'une sentence ordinaire doit, comme toute renonciation, être claire et non équivoque ; qu'elle ne peut donc résulter d'un acte antérieur à l'ouverture du droit d'appel ; qu'en recourant, pour en déduire une renonciation au droit d'appel résultant de l'acte de mission du 23 décembre 2002, aux stipulations de la clause compromissoire du 30 juillet 1999, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 1482 du code de procédure civile ;
3°/que toute renonciation doit être claire et non équivoque ; que la clause compromissoire initiale prévoyait un tribunal arbitral statuant «comme amiable compositeur, en premier et dernier ressort» qu'était nécessairement équivoque l'éventuel maintien par les parties de la stipulation du dernier ressort après l'abandon de l'amiable composition dont cette stipulation n'était que la conséquence ; qu'en déduisant d'une partie de cette clause initiale une renonciation anticipée des parties à un droit d'appel qui n'était alors pas encore né, sans même expliquer en quoi cette clause aurait présenté un caractère divisible clair et non équivoque, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1482 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir analysé les actes de cession et de mission, constate qu'il est certain que les parties sont convenues d'une sentence "ordinaire" ; qu'après avoir rappelé qu'une telle sentence est susceptible d'appel à moins que les parties n'en aient décidé autrement, il énonce que celles-ci sont convenues, dans l'acte de cession, que la sentence devait être rendue en "premier et dernier ressort", manifestant ainsi leur intention de renoncer à la voie de l'appel ; qu' ayant souverainement estimé que cette volonté n'avait pas été modifiée par l'acte de mission faisant une référence explicite à la clause compromissoire et donc à l'accord sur la renonciation aux voies de recours, la cour d'appel a pu en déduire que les appels étaient irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer aux consorts Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Etablissements X... et les consorts X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les appels interjetés par la société X... ET FILS et les époux X... à l'encontre des sentences arbitrales des 9 juillet et 7 octobre 2003 ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la recevabilité de l'appel - La sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage ; toutefois, elle n'est pas susceptible d'appel lorsque l'arbitre a reçu mission de statuer comme amiable compositeur, à moins que les parties n'aient expressément réservé cette faculté dans la convention d'arbitrage (article 1482 du Code de procédure civile) ; statuer comme amiable compositeur, c'est se prononcer en équité avec la possibilité de s'affranchir du strict respect du droit ; il est constant que l'acte de cession du 30 juillet 1999 prévoit, en cas de contestation sur la garantie de passif, le recours à un tribunal arbitral statuant « comme amiable compositeur, en premier et dernier ressort» et que, la contestation survenue, l'acte de mission du 23 décembre 2002 signé par les parties stipule que le tribunal arbitral a pour obligation d'appliquer « aux demandes de chacune des parties les règles du droit comptable et du droit commercial» ; cette exigence est en contradiction évidente avec les dispositions initiales, à moins que l'on ne considère que les parties font de l'expression « amiable compositeur » un usage non-approprié ; à cet égard on notera que l'acte de cession du 30 juillet 1999 prévoyait également le recours à l'arbitrage en cas de contestation sur le prix de cession ; cette première clause compromissoire prévoyait de confier l'arrêté de compte à deux experts comptables statuant « comme amiables compositeurs en premier et dernier ressort tout en agissant dans le respect du principe de permanence des méthodes comptables françaises et des principes comptables généralement admis en France, conformes au plan comptable français, aux recommandations de l'Ordre des experts comptables et aux directives du Conseil national de la comptabilité » ; quoiqu'il en soit, qu'elles se soient méprises sur le sens de l'expression « amiable compositeur » ou qu'elles aient renoncé à un tribunal statuant en équité, au vu de l'acte de mission du 23 décembre 2002, il est certain que les parties sont convenues d'une sentence ordinaire ; cette sentence est susceptible d'appel à moins que les parties en aient décidé autrement ; or, au cas d'espèce, cédants et cessionnaires sont convenues en signant l'acte de cession que la sentence arbitrale serait rendue en « premier et dernier ressort » ; par cette expression, les parties ont manifesté leur intention de renoncer à la voie de l'appel ; cette volonté n'a pas été modifiée par l'acte de mission, qui, s'il n'évoque pas le problème du recours en son préambule fait une référence explicite à la convention compromissoire et donc à l'accord sur la renonciation aux voies de recours (les consorts X... … ont mis en oeuvre la procédure prévue par la clause compromissoire à la page 18 de ce contrat … - contrat de cession du 30 juillet 1999) ; par voie de conséquence l'appel est irrecevable » (Arrêt, page 7) ;
1°/ ALORS QUE , la sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage ; que lorsque les parties liées par une clause compromissoire établissent ensuite, une fois le litige né, un compromis réglant l'arbitrage, les stipulations de ce compromis prévalent sur celles de la clause compromissoire antérieure ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que si l'acte de cession du 30 juillet 1999 avait prévu le recours à un tribunal arbitral statuant «comme amiable compositeur, en premier et dernier ressort », en revanche, une fois le litige né, un acte de mission avait été établi le 23 décembre 2002 par lequel «il est certain que les parties sont convenues d'une sentence ordinaire» (Arrêt page 7 alinéas 7 et 8) ; que cet abandon de la stipulation d'amiable composition emportait que la sentence était susceptible d'appel, sauf clause contraire, laquelle ne pouvait résulter que du compromis lui-même et non de la clause compromissoire antérieure à laquelle ce compromis s'était substitué ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les appels formés contre les sentences arbitrales, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 du Code civil et 1482 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la renonciation au droit de faire appel d'une sentence ordinaire doit, comme toute renonciation, être claire et non équivoque ; qu'elle ne peut donc résulter d'un acte antérieur à l'ouverture du droit d'appel ; qu'en recourant, pour en déduire une renonciation au droit d'appel résultant de l'acte de mission du 23 décembre 2002, aux stipulations de la clause compromissoire du 30 juillet 1999, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 1482 du Code de procédure civile.
3°/ ALORS QUE toute renonciation doit être claire et non équivoque ; que la clause compromissoire initiale prévoyait un tribunal arbitral statuant «comme amiable compositeur, en premier et dernier ressort» qu'était nécessairement équivoque l'éventuel maintien par les parties de la stipulation du dernier ressort après l'abandon de l'amiable composition dont cette stipulation n'était que la conséquence ; qu'en déduisant d'une partie de cette clause initiale une renonciation anticipée des parties à un droit d'appel qui n'était alors pas encore né, sans même expliquer en quoi cette clause aurait présenté un caractère divisible clair et non équivoque, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1482 du Code de procédure civile.