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18/10/2011 | FRANCE | N°10-21800

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 2011, 10-21800


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., associée unique et gérante de la société à responsabilité limitée Mod'import, a cédé des parts de cette société à la société Charlène développement ; qu'à la suite du dépôt en annexe du registre du commerce et des sociétés de l'acte de cession par cette dernière, le greffier du tribunal de commerce a invité la société Mod'import, devenue pluripersonnelle, à procéder à la mise à jour de ses statuts ; que faute de régularisation intervenue dans l

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., associée unique et gérante de la société à responsabilité limitée Mod'import, a cédé des parts de cette société à la société Charlène développement ; qu'à la suite du dépôt en annexe du registre du commerce et des sociétés de l'acte de cession par cette dernière, le greffier du tribunal de commerce a invité la société Mod'import, devenue pluripersonnelle, à procéder à la mise à jour de ses statuts ; que faute de régularisation intervenue dans le délai imparti, le juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés a rendu une ordonnance enjoignant à la société Mod'import de procéder à l'inscription modificative ; qu'ayant interjeté appel, cette société a fait intervenir la société Charlène développement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Charlène développement fait grief à l'arrêt d'avoir statué au vu de ses conclusions signifiées le 23 mars 2010, alors, selon le moyen :
1/ que l'article 954 du code de procédure civile, en ce qu'il implique que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties, est applicable tant en matière contentieuse qu'en matière gracieuse ; qu'aux termes de l'article R. 123-41 du code de commerce, l'appel des ordonnances rendues par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse ; qu'au cas d'espèce, en retenant pour statuer les conclusions déposées par la société Charlène développement le 23 mars 2010, quand celle-ci avait déposé de nouvelles conclusions visées par le greffier à l'audience du 28 avril 2010, dont le contenu était enrichi par rapport aux précédentes, notamment en ce qu'elles répliquaient aux écritures adverses, les juges du second degré ont violé les articles 954 du code de procédure civile et R. 123-141 du code de commerce ;
2/ qu'à supposer que l'article 954 du code de procédure civile ne soit pas applicable en matière gracieuse, il n'en demeure pas moins que lorsque le juge décide de tenir une audience en cette matière, il est saisi des prétentions et moyens formulés devant lui par les parties ; qu'en cas de dépôt d'écritures à l'audience auxquelles il est verbalement renvoyé, le juge est tenu de les prendre en considération sans pouvoir s'en tenir à des conclusions antérieurement déposées ; qu'au cas d'espèce, en retenant les conclusions déposées par la société Charlène développement le 23 mars 2010 et non celles du 28 avril 2010, les juges du second degré ont violé les articles 27 et 28 du code de procédure civile et R. 123-141 du code de commerce ;
3/ que le juge est tenu de respecter le principe de l'égalité des armes en n'avantageant pas manifestement une partie au détriment de l'autre ; qu'en l'espèce, en prenant en compte les conclusions déposées par la société Mod'Import à l'audience du 28 avril 2010 sans en faire de même pour les conclusions déposées à la même audience par la société Charlène développement, les juges du second degré ont violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que la procédure d'appel des ordonnances du juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés étant orale, en application de l'article R. 123-141 du code de commerce, les dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ne s'appliquent pas ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a exposé, dans des termes dont la suffisance ni la pertinence ne sont contestées, les moyens et prétentions de la société Charlène développement ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 223-17 et L. 221-14 du code de commerce et 1690 du code civil ;
Attendu que pour infirmer l'ordonnance, l'arrêt retient que la société Charlène développement ne conteste pas l'absence de notification, par huissier de justice, de l'acte de cession et qu'elle ne peut justifier d'une attestation de dépôt de l'acte de cession entre les mains du gérant ; qu'il retient encore que l'acceptation par les associés de la société Mod'import du nantissement des parts de la société Charlène développement au profit d'une banque est sans incidence sur l'opposabilité à la société Mod'import de la cession intervenue entre un associé, fut-il gérant de la société Mod'import et la société Charlène développement ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la signification, faite par une banque à la société Mod'import, d'un acte de nantissement à son profit de parts de cette société détenues par la société Charlène développement, n'emportait pas signification de la cession de parts à la société Mod'import, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Mod'import aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Charlène développement la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Charlène développement.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu d'enjoindre à la société Mod'Import de procéder à la modification de ses statuts et de sa forme, et débouté la société Charlène Développements de ses demandes ;
AUX ENONCIATIONS QUE « vu les écritures de la société civile Charlène Développement, déposées le 23 mars 2010, tendant à la confirmation de l'ordonnance rendue le 10 septembre 2009, au débouté des demandes de la société Mod'import, à la condamnation de cette dernière à une amende civile et à lui verser 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » (arrêt p. 3 alinéa 4) ;
ET QUE « vu les dernières écritures de la SARL Mod'import déposées le 28 avril 2010 tendant à l'infirmation de l'ordonnance entreprise, au dire et juger qu'elle n'a pas à changer ses statuts ni à effectuer la mention de pluralité d'associés, au débouté des demandes de la société Charlène Développement et à la condamnation de cette dernière à lui verser 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » (arrêt p. 3 alinéa 2) ;
1°) ALORS QUE l'article 954 du code de procédure civile, en ce qu'il implique que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties, est applicable tant en matière contentieuse qu'en matière gracieuse ; qu'aux termes de l'article R. 123-41 du code de commerce, l'appel des ordonnances rendues par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse ; qu'au cas d'espèce, en retenant pour statuer les conclusions déposées par la société Charlène Développement le 23 mars 2010, quand celle-ci avait déposé de nouvelles conclusions visées par le greffier à l'audience du 28 avril 2010, dont le contenu était enrichi par rapport aux précédentes, notamment en ce qu'elles répliquaient aux écritures adverses, les juges du second degré ont violé les articles 954 du code de procédure civile et R. 123-141 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, à supposer que l'article 954 du code de procédure civile ne soit pas applicable en matière gracieuse, il n'en demeure pas moins que lorsque le juge décide de tenir une audience en cette matière, il est saisi des prétentions et moyens formulés devant lui par les parties ; qu'en cas de dépôt d'écritures à l'audience auxquelles il est verbalement renvoyé, le juge est tenu de les prendre en considération sans pouvoir s'en tenir à des conclusions antérieurement déposées ; qu'au cas d'espèce, en retenant les conclusions déposées par la société Charlène Développement le 23 mars 2010 et non celles du 28 avril 2010, les juges du second degré ont violé les articles 27 et 28 du code de procédure civile et R. 123-141 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE le juge est tenu de respecter le principe de l'égalité des armes en n'avantageant pas manifestement une partie au détriment de l'autre ; qu'en l'espèce, en prenant en compte les conclusions déposées par la société Mod'Import à l'audience du 28 avril 2010 sans en faire de même pour les conclusions déposées à la même audience par la société Charlène Développement, les juges du second degré ont violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu d'enjoindre à la société Mod'Import de procéder à la modification des ses statuts et de sa forme ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L 221-14 du code de commerce dispose que « la cession de parts doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société, dans les formes prévues à l'article 1690 du code civil. Toutefois, la signification peut être remplacée par le dépôt d'un original de l'acte de cession au siège social contre remise par le gérant d'une attestation de ce dépôt. Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et, en outre, après publicité au registre du commerce et des sociétés » ; qu'en outre l'acte de cession dans son article 6 intitulé Formalités rappelle « le présent acte ne sera opposable à la société Mod'import qu'après dépôt au siège social d'un exemplaire original enregistré, contre remise par le gérant d'un récépissé de dépôt, ce en vue de la retranscription de la cession sur le registre des cessions de parts sociales. Deux originaux des présentes seront déposés au greffe du tribunal de commerce en annexe au registre du commerce et des sociétés de Paris conformément à l'article 20 de la loi du 24 juillet 1966 en vue de l'opposabilité aux tiers » ; qu'en l'espèce, la société Mod'import soutient que la cession lui est inopposable dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions légales ; qu'il n'est pas contesté par la société Charlène développement que la notification, par huissier, de l'acte de cession lui-même n'a pas été effectuée ; que pas davantage elle ne peut justifier d'une attestation de dépôt de l'acte de cession entre les mains du gérant ; que le fait que la gérante de la société Mod'import ait été informée de cette cession ou encore que la société Mod'import ait obtenu un prêt grâce au cautionnement de la société Charlène développement et que les associés de Mod'import aient accepté le nantissement des parts de Charlène Développement au profit du Crédit du Nord est sans incidence sur l'opposabilité, à la société Mod'import, de la cession intervenue entre un associé fut-il gérant de la société Mod'import et la société Charlène Développement ; que dans ces conditions, dès lors que la cession de parts lui est inopposable, la société Mod'import n'est pas tenue de procéder à la modification de ses statuts ni à en changer la forme ; que la décision déférée sera réformée » (arrêt p. 3-4) ;
1°) ALORS QUE la cession de parts sociales peut être considérée comme signifiée à la société cédée à l'occasion de la signification d'un autre acte qui implique nécessairement l'existence antérieure de la cession ; qu'au cas d'espèce, en se bornant à retenir, pour juger que la cession de parts sociales entre Mme X... et la société Charlène Développement était inopposable à la société Mod'Import, que l'acte de cession lui-même ne lui avait pas été signifié, sans rechercher si, comme le soutenait la société cessionnaire, la signification faite par la banque Crédit du Nord à la société cédée du nantissement à son profit des parts sociales détenues par la société Charlène Développement, ne valait pas nécessairement signification de la cession de parts antérieure justifiant la qualité d'associée de cette dernière, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles L. 223-17 et L. 221-14 du code de commerce et 1690 du code civil ;
2°) ALORS QUE la signification de la cession de parts sociales peut être faite par voie de conclusions en cours d'instance ; qu'au cas d'espèce, la société Charlène Développement a explicitement invoqué devant la cour d'appel, au cours du débat contradictoire et dans ses conclusions, l'acte de cession de parts sociales passé avec Mme X... le 10 mai 2004, qu'elle a dûment produit et communiqué ; que la cour d'appel a elle-même retenu cet acte à l'appui de sa décision ; qu'en déclarant pourtant la cession de parts inopposable à la société Mod'Import, quand il ressortait de ses propres constatations que cet acte avait été formellement portée à la connaissance de cette société dans le cadre de l'instance, la cour d'appel a violé les articles L. 223-17 et L. 221-14 du code de commerce et 1690 du code civil ;
3°) ALORS QUE la société cédée qui a su et accepté la cession de parts sociales de façon certaine et non équivoque ne peut se prévaloir du défaut d'accomplissement des formalités prévues par l'article 1690 du code civil ; qu'au cas d'espèce, en excluant par principe que la connaissance et l'acceptation de la cession par la gérante de la société, qui était la cédante des parts, jointe à la connaissance et l'acceptation de tous les associés qui avaient consenti au nantissement desdites parts par la société Charlène Développement, cessionnaire, outre la reconnaissance par la société Mod'Import de la qualité de propriétaire des parts de la société Charlène Développement dans une lettre qui lui était adressée, pussent suppléer l'absence de signification de la cession à la société cédée, les juges du second degré ont violé les articles L. 223-17 et L. 221-14 du code de commerce et 1690 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-21800
Date de la décision : 18/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE EN NOM COLLECTIF - Parts - Cession - Opposabilité à la société - Formalités - Signification de la cession - Acte équivalent - Signification d'un acte de nantissement des parts sociales - Recherche nécessaire

Prive sa décision de base légale une cour d'appel qui retient l'inopposabilité d'une cession de parts sociales en l'absence de respect des formalités prévues par l'article L. 221-14 du code de commerce sans rechercher si la signification, faite par une banque à une société d'un acte de nantissement à son profit de parts de cette société détenues par un tiers, n'emportait pas signification à celle-ci de la cession de ces parts au profit du tiers


Références :

article L. 221-14 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 03 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 2011, pourvoi n°10-21800, Bull. civ. 2011, IV, n° 168
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 168

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Pietton
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.21800
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