Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., avocat, a cédé son fonds d'exercice libéral à la société Y... et Y... avocats associés, par acte, du 19 octobre 2007, contenant une stipulation selon laquelle le cédant s'interdisait toute forme d'exercice de la profession d'avocat qui viendrait en concurrence du cessionnaire, sans limitation de temps, ni de lieu, la seule forme d'exercice de la profession d'avocat que pourra continuer d'assurer le cédant devant être nécessairement au sein du cabinet du cessionnaire ; que les parties en désaccord sur l'exécution de la cession ont soumis leur différend à l'arbitrage du bâtonnier ;
Sur les premier, troisième et quatrième moyens :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil et le principe de la liberté d'exercice de la profession d'avocat ;
Attendu que, pour condamner M. X... au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'illicéité de la clause de non-concurrence soulevée par ce dernier est d'autant moins démontrée qu'il s'agit d'une cession pour départ à la retraite ;
Qu'en statuant ainsi, alors que seules sont licites les clauses de non-concurrence limitées dans le temps et l'espace, proportionnées à leur finalité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Y... et Y..., l'arrêt rendu le 22 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Prononce la nullité de la clause de non-concurrence, en conséquence déboute la société Y... et Y... avocats associés de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef ;
Dit n'y avoir lieu de modifier les condamnations aux dépens prononcées par les juges du fond ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés devant la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Y... et Y... avocats associés ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Y... à lui payer la somme de 300. 000 euros objet du prix de cession, décidé que la valeur de la clientèle avait été surévaluée et décidé que Monsieur X... n'avait pas intégralement rempli ses obligations de présentation, causant ainsi un préjudice ;
AUX MOTIFS QU'il est constant qu'à l'acte de cession était jointe une annexe comportant sur 18 pages la liste des clients habituels du cabinet ; que la Selarl démontre par le versement de lettres écrites par certains d'entre eux, qu'ils n'étaient déjà plus clients de Monsieur X... au moment de la cession et non, comme celui-ci l'énonce à tort, qu'ils « ont retiré leur dossier dès qu'ils ont appris » ladite cession ; qu'il en résulte que le prix de cession a bien, comme l'a dit justement le Bâtonnier, été surévalué ; que toutefois la diminution qu'il a posée, à hauteur de 78. 000 euros sur 100. 000 euros, alors au surplus que le prix de cession portait sur 300. 000 euros, ne repose sur aucun élément tangible ; que l'acte de cession a détaillé le prix comme s'appliquant à hauteur de 20. 000 euros pour les éléments corporels et de 280. 000 euros pour les « éléments incorporels (droit au bail, dépôt de garantie afférent audit bail, droit à la présentation de clientèle) » dont la liste était jointe en annexe ; qu'à cet égard, il est patent qu'aucune des deux parties ne fournit le moindre élément permettant de savoir, à l'intérieur de ce chiffre, la part financière correspondant au droit au bail, le montant du dépôt de garantie, soit trois mois de loyers figurant audit bail, de telle sorte qu'elles ne mettent pas la cour en état de se prononcer sur le montant évalué de la clientèle, le chiffre avancé par la Selarl de 100. 000 euros n'étant étayé par rien ; qu'il convient donc de procéder à la réouverture des débats sur ce point et d'inviter les parties à s'expliquer sur la valeur de la clientèle cédée ; que Monsieur X... soutient avoir parfaitement accompli son devoir de présentation de la clientèle en organisant des rencontres entre plusieurs de ses clients et Monsieur Y... et en adressant des cartes pour faire connaître le changement de structure ; que toutefois, à l'exception d'une lettre de l'un des clients confirmant cette affirmation, il ne démontre pas s'être acquitté de cette obligation, les cartes imprimées l'ayant été à l'initiative de la Selarl ; que la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre par la Selarl est légitime et la sentence sera, sur ce point, confirmée dans son principe ; que cependant, comme en ce qui concerne la cession de la clientèle, elle est défaillante à justifier du chiffre de 100. 000 euros qu'elle réclame à cet égard, étant observé que ce préjudice, joint au précédent, s'établit à 200. 000 euros, sur les 280. 000 euros rappelés ci-dessus ; qu'il convient également de procéder à la réouverture des débats sur ce point et d'inviter les parties à s'expliquer sur le préjudice lié à la non-présentation de la clientèle cédée (arrêt attaqué, p. 5) ;
ALORS, d'une part, QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que devant les juges du fond, la société Y... faisait valoir que le prix de cession avait été surévalué à hauteur de 100. 000 euros et qu'il devait donc être ramené de 300. 000 euros à 200. 000 euros ; qu'en affirmant que « la valeur de la clientèle a été surévaluée » (arrêt attaqué, p. 7 § 6), puis en relevant que « le chiffre avancé par la Selarl de 100. 000 euros n'est étayé par rien » (arrêt attaqué, p. 5 § 4), la cour d'appel, qui a successivement retenu puis déclaré non avérée la thèse de la surévaluation du prix de cession, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, d'autre part, QU'une motivation purement abstraite équivaut à un défaut de motivation ; qu'en se bornant à relever que, sur la liste de clients jointe en annexe de l'acte de cession, « certains d'entre eux (…) n'étaient déjà plus les clients de Monsieur X... au moment de la cession », sans préciser l'identité des clients en cause et l'incidence de ces défections sur le prix de cession, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation purement abstraite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, enfin, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 24 mars 2010, p. 16 § 5), Monsieur X... faisait valoir que le départ de certains clients était dû à la liberté de choix de ceux-ci et à leur réaction lorsqu'ils s'étaient trouvés confrontés à l'éviction de Monsieur X... ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la société Y... et Y... la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la clause de non-concurrence et des actes de concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., qui demande l'annulation de la clause de non concurrence insérée à l'acte de cession, soutient qu'il n'a jamais détourné aucun client de la Selarl ni directement, ni par l'intermédiaire de Monsieur A..., son conseil actuel ; que s'agissant de l'un des clients, le Groupe Générale de Santé-SCI de l'Europe, il indique qu'il s'agissait d'un client commun avec Monsieur B... et qu'il ne s'agit pas d'un détournement puisqu'il a été autorisé par le Bâtonnier à être salarié de ce dernier pour traiter ce dossier et que le client a souhaité le suivre lorsqu'il a été « évincé » de la Selarl ; que la Selarl, rappelant les termes clairs de l'article 6 de la réitération de la cession interdisant au cédant « toute forme d'exercice de la profession d'avocat qui viendrait en concurrence du cessionnaire sans limitation de temps ni de lieu » et stipulant que « la seule forme d'exercice de la profession d'avocat que pourra continuer d'assurer le cédant sera nécessairement au sein du cessionnaire » soutient à juste titre que ceux-ci ne permettaient pas à Monsieur X... de continuer à travailler avec des clients cédés ou à venir ; que si, comme l'a retenu le Bâtonnier, l'article 4. 4 de la convention de collaboration « annexe » à l'acte de cession, qui rappelle expressément ces obligations, autorise néanmoins le cédant, par exception, en cas de rupture du contrat de collaboration, « à exercer ses activités pour le compte d'un autre cabinet de son choix, dans le cadre d'une convention excluant toute possibilité de développement direct ou indirect d'une clientèle personnelle », cette exception n'a, pour autant, pu ruiner le principe de toute portée ; que dans ces conditions, la conclusion du contrat passé entre Monsieur X... et Monsieur B..., dès lors qu'elle vise notamment, voire exclusivement, au traitement d'un client, dont les parties conviennent qu'il s'agit du client essentiel du cabinet cédé, contrevient d'évidence à la clause ci-avant énoncée et manifeste, nonobstant l'autorisation donnée par la sentence avant dire droit, un détournement des stipulations contractuelles ; qu'au surplus, la Selarl démontre que Monsieur X... est, par l'effet de ce contrat, présenté comme un collaborateur de Monsieur B... aux clients de ce dernier, attestant, au-delà du seul dossier Groupe Générale de Santé-SCI de l'Europe, d'une violation sans équivoque de ladite clause dont l'illicéité est d'autant moins démontrée qu'il s'agissait d'une cession pour départ à la retraite ; qu'en outre, la Selarl apporte la démonstration que Monsieur X..., nonobstant la clause de non-concurrence, a conservé ou repris des contacts avec nombre de clients cédés, les incitant même parfois à se rapprocher de son conseil actuel pour la suite du traitement de leur dossier ; que dès lors, la décision du Bâtonnier sur ce point ne pourra qu'être infirmée comme le sera, par voie de conséquence, la décision avant dire droit ; que s'agissant des conséquences, il n'appartient pas à la juridiction d'appel d'interdire l'exercice de sa profession par un avocat, sous quelque forme que ce soit, en dehors des textes de nature disciplinaire adéquats, mais seulement d'accorder des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les violations ci-dessus caractérisées ; qu'il sera en conséquence fait droit à la demande d'indemnisation à hauteur de 20. 000 euros (arrêt attaqué pp. 5-6) ;
ALORS, d'une part, QU'est nulle la clause de non-concurrence illimitée dans le temps et dans l'espace et qui est de nature à porter atteinte à la liberté d'exercice de la profession ; que Monsieur X... sollicitait l'annulation de la clause de non-concurrence insérée dans l'acte de cession, qui stipulait qu'« à compter de la date de signature de la ratification de l'acte de cession, le Cédant s'interdit toute forme d'exercice de la profession d'avocat qui viendrait en concurrence du Cessionnaire, sans limitation de temps ni de lieu » ; qu'en estimant que l'illicéité de cette clause n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du Code civil, outre le principe de liberté d'exercice de la profession d'avocat ;
ALORS, d'autre part, QU'en affirmant que « l'illicéité de la clause de non-concurrence est d'autant moins démontrée qu'il s'agissait d'une cession pour départ à la retraite », tout en constatant que le jour même de la convention de cession, « a été signée entre les mêmes parties une « convention annexe » aux termes de laquelle Monsieur X... continuait à collaborer au sein du cabinet en traitant des dossiers qui lui seraient confiés durant 36 mois après la cession définitive », d'où il résultait que Monsieur X... n'avait nullement l'intention de partir en retraite au lendemain de la cession de son cabinet, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, enfin, QU'en s'abstenant de toute motivation relativement à la violation de la clause de non-concurrence et au préjudice qui en serait résulté, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Y... à lui payer la somme de 280. 000 euros au titre de la rupture de son contrat de collaboration ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., qui se prétend « évincé » du cabinet réclame à ce titre l'indemnité prévue au contrat « annexe » de collaboration, à savoir 280. 000 euros en imputant la responsabilité de la rupture à la Selarl ; que néanmoins il ne démontre par aucune pièce cette « éviction », les raisons du changement de clés du cabinet qu'il invoque n'étant pas non plus démontrée ; que la Selarl ne démontre pas plus la responsabilité de Monsieur X... dans cette rupture, les faits de comportement déloyal et de détournement de clientèle, déjà analysés, étant postérieurs (arrêt attaqué, p. 7) ;
ALORS QU'en déboutant Monsieur X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Y... à lui payer la somme de 280. 000 euros au titre de la rupture de son contrat de collaboration, au seul motif que la responsabilité de la rupture resterait indéterminée, la cour d'appel, qui devait statuer sur cette question de la responsabilité de la rupture, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Y... à lui payer les intérêts de droit sur le prix de cession à compter de la mise en demeure du 18 avril 2008 ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... soutient que des intérêts lui sont dus sur le prix payé, et, dans un premier temps, consigné sur un compte CARPA, au motif qu'il ne lui aurait pas été payé à la date prévue, ce qui l'a contraint à faire procéder à une saisie conservatoire sur les comptes de la Selarl ; que sur ce point, la décision du Bâtonnier ne pourra qu'être confirmée dès lors que, ainsi qu'il l'a justement relevé, l'acte de réitération considère les conditions suspensives, dont celle relative à l'obtention des fonds, comme levées, Monsieur X... y acceptant, ainsi qu'il résulte des termes sans ambiguïté de l'article 1. 4. 2., d'en attendre le payement jusqu'au « déblocage des fonds par la banque », sans que ce terme soit assorti de la moindre date ou délai ; qu'il ne saurait donc demander que la somme en question, payée ultérieurement, le soit assortie d'intérêts au taux légal (arrêt attaqué pp. 4-5) ;
ALORS QUE les intérêts sur le prix de vente sont dus à compter du jour où, les conditions suspensives étant levées, l'acquéreur est mis en demeure de payer le prix, quand bien même le juge saisi d'une contestation évaluerait la créance ultérieurement ; qu'en estimant que Monsieur X... n'était pas fondé à réclamer que les intérêts de droit sur le prix de cession courent à compter de la mise en demeure du 18 avril 2008, au motif inopérant que le déblocage des fonds par la banque n'avait été assorti d'aucun délai, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1153 du Code civil.