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06/10/2011 | FRANCE | N°10-23606

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 octobre 2011, 10-23606


Attendu que le journal en ligne Médiapart dont M. X... est le directeur de la publication a diffusé, le 14 juin 2010, un article intitulé " Y..., Z..., fraude fiscale : les secrets volés de l'affaire A... ", sous la signature de MM. B... et C..., dans lequel il était relaté que le maître d'hôtel de Mme
A...
avait, une année durant à partir du mois de mai 2009, décidé de " piéger la milliardaire et son entourage " en captant les propos échangés dans la salle de son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine où elle tenait " ses réunions d'affaires'" avec certains de ses pr

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Attendu que le journal en ligne Médiapart dont M. X... est le directeur de la publication a diffusé, le 14 juin 2010, un article intitulé " Y..., Z..., fraude fiscale : les secrets volés de l'affaire A... ", sous la signature de MM. B... et C..., dans lequel il était relaté que le maître d'hôtel de Mme
A...
avait, une année durant à partir du mois de mai 2009, décidé de " piéger la milliardaire et son entourage " en captant les propos échangés dans la salle de son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine où elle tenait " ses réunions d'affaires'" avec certains de ses proches parmi lesquels M. D... chargé de la gestion de sa fortune ; que l'article diffusé le 14 juin, fut suivi d'autres diffusions les 16, 17 et 21 juin portant plus spécialement sur la retranscription d'échanges entre M. D... et Mme A... ; que M. D... a assigné en référé la société Médiapart, MM. X..., B... et C..., journalistes, pour voir ordonner le retrait du site de la société Médiapart de tout ou partie de la transcription des enregistrements réalisés au domicile de Mme A..., l'interdiction de toute nouvelle publication de ces retranscriptions et la publication d'un communiqué judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 226- 1et 226-2 du code pénal ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. D... tirées de l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a énoncé que l'article 226-2 du code pénal n'englobe pas dans sa prévention la diffusion de tout enregistrement de propos réalisé – « dans la sphère privée » – sans le consentement de l'auteur qui les a tenus, mais uniquement ceux qui portent « atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui », comme l'énonce l'article 226-1 du code pénal, que relèvent par essence de l'intimité de la vie privée, la vie affective et sentimentale, la vie familiale ainsi que la santé physique et mentale de la personne et qu'il s'ensuit que le seul fait que les propos diffusés aient été enregistrés dans le consentement de leurs auteurs, n'est donc pas en lui-même suffisant pour qualifier de manifestement illicite le trouble causé par leur diffusion ; que l'arrêt ajoute que les entretiens publiés concernent la gestion du patrimoine de Mme A... et sont de nature professionnelle pour M. D... et patrimoniale pour Mme A... et que les informations ainsi révélées mettant en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, et dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public ;
Attendu cependant que constitue une atteinte à l'intimité de la vie privée, que ne légitime pas l'information du public, la captation, l'enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il ressort de ses propres constatations que les entretiens litigieux présentaient un tel caractère, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt qui a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. E... a condamné M. D... aux entiers dépens ;
Qu'en statuant ainsi sans motiver sa décision de ne pas laisser à la charge de M. E... les dépens afférents à son intervention, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 332 rendu le 23 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Médiapart et MM. B..., C..., X... et E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Médiapart et de MM. B... et C... et X..., condamne solidairement la société Médiapart et MM. B..., C..., X... et E... à payer la somme de 3 500 euros à M. D... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour M. D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur D... de ses demandes, déduites de l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué par la publication d'enregistrements réalisés à son insu au domicile de Madame Liliane A... de conversations privées qu'il a eues avec celle-ci et du dommage imminent susceptible d'être causé à ses droits ;
Aux motifs propres que Patrice D... soutient que la mise à disposition du public de propos que leurs auteurs ont tenus à titre privé et/ ou confidentiel et qui ont été enregistrés à leur insu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 du Code pénal, est sanctionnée par l'article 226-2 dudit Code et constitue en conséquence un trouble manifestement illicite ; que, ceci rappelé, l'article 226-1 du Code pénal énonce : « est puni d'un an d'emprisonnement et de 45. 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : 1°/ en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2°/ en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont tété accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé » ; que l'article 226-2 du Code pénal dispose quant à lui : « est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus à l'article 226-1 » ; que ces articles ne peuvent être isolés du contexte dans lequel ils s'insèrent ; qu'en effet ils prennent place au chapitre VI intitulé « Des atteintes à la personnalité » et à la première section de ce chapitre qui traite exclusivement, comme le relèvent les intimés, « De l'atteinte à la vie privée » ; que par ailleurs, l'article 226-2 du Code pénal souligne sa filiation par rapport à l'article qui le précède en prévoyant « les mêmes peines » pour des actes de conservation ou d'usage de tout enregistrement « obtenu à l'aide de l'un des actes prévus à l'article 226-1 » ; qu'il suit que sauf à se méprendre sur la portée de ces dispositions qui, définissant une infraction pénale, ne peuvent qu'être strictement interprétées, l'article 226-2 n'englobe pas dans sa prévention la diffusion de tout enregistrement de propos réalisé – « dans la sphère privée » – sans le consentement de l'auteur qui les a tenus, mais uniquement ceux qui portent « atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui », comme l'énonce en ouverture l'article 226-1 du Code pénal ; que relèvent par essence de l'intimité de la vie privée, la vie affective et sentimentale, la vie familiale ainsi que la santé physique et mentale de la personne ; qu'il suit que le seul fait que les propos diffusés aient été enregistrés dans le consentement de leurs auteurs, n'est donc pas en lui-même suffisant pour qualifier de manifestement illicite le trouble causé par leur diffusion ; que c'est dès lors à bon droit que le premier juge s'est penché sur le contenu des enregistrements diffusés pour examiner s'ils portaient ou non atteinte « à l'intimité de la vie privée » des protagonistes de ces entretiens et si le droit de toute personne au respect de sa vie privée devait céder devant la liberté d'information par le texte ou par l'image ; qu'à cet égard les entretiens publiés par les articles litigieux et incriminés par l'appelant concernent en premier lieu la gestion du patrimoine de Liliane A... ; que l'appelant n'établit ni ne soutient d'ailleurs que les propos diffusés porteraient atteinte à l'intimité de sa vie privée au sens de l'article 226-1 précité ; que la Cour fera donc sienne l'analyse que le premier juge donne de ces entretiens au terme de laquelle il apparaît que l'ensemble des propos litigieux dont de nature professionnelle pour Patrice D... et patrimoniale pour Liliane A... ; qu'il sera observé enfin que les informations ainsi révélées qui mettent en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, et dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public ; qu'il en est a fortiori de même lorsque ces informations, concernant l'employeur de la femme d'un ministre de la République, alors trésorier d'un partie politique ;
Et aux motifs, repris du premier juge, qu'aux termes des dispositions de l'article 226-1 du Code pénal, est punissable le fait, au moyen d'un procédé quelconque de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui en captant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, l'article 226-2 du même Code prévoyant qu'est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 ; qu'il n'appartient pas au juge des référés de déterminer dans quelles conditions l'employé de maison de Liliane Bettencourt aurait commis l'infraction prévue à l'article 226-1 en procédant à l'enregistrement des entretiens ayant eu lieu au domicile de son employeur, étant précisé que les défendeurs, qui en ont eu connaissance, ne contestent pas qu'il a été pratiqué de façon déloyale dans « le climat délétère qui entoure les polémiques de cette affaire » ; que l'admission de l'argumentation du demandeur selon laquelle la prohibition instaurée par l'article 226-2 du Code pénal constituerait une infraction autonome, non soumise aux conditions du premier alinéa de l'article 226-1, restreindrait de façon excessive et non justifiée la possibilité pour les journalistes de remplir efficacement leur mission, en les empêchant de livrer à leurs lecteurs tout ou partie des sources documentaires qui nourrissent leur commentaires et analyses, lorsque ceux-ci peuvent s'autoriser du droit légitime d'information du public sur des sujets d'intérêt général ou d'actualité ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent, qui résulterait du non respect de l'article 226-2 doit donc être recherchée au regard des dispositions de l'article 226-1 du même Code, lequel vise expressément les atteintes à l'intimité de la vie privée ; que le seul fait que les propos tenus par Patrice D... aient été enregistrés sans son consentement n'étant pas nécessairement source d'un trouble manifestement illicite, seul le contenu des informations ainsi révélées peut éventuellement caractériser l'atteinte alléguée ; qu'il sera rappelé que le droit de toute personne au respect et à la protection de sa vie privée doit se concilier avec la liberté d'expression, proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et consacrée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le cas échéant, céder devant la liberté d'informer par le texte ou par l'image ; que certains événements d'actualité ou sujets d'intérêt général pouvant justifier une publication, sans le consentement des personnes concernées, au motif du droit légitime du public à l'information, il est ainsi admis qu'une personne se trouvant impliquée dans un fait divers ou une affaire judiciaire ne peut, au motif du respect dû à sa vie privée, s'opposer à la publication d'informations qui se trouveraient en rapport direct avec les faits évoqués ou qui seraient susceptibles de les éclairer, ces informations relèveraient-elles de la sphère normalement protégée de sa vie privée ; qu'en l'espèce, l'analyse des différents « verbatim » litigieux montre que les entretiens publiés dans les quatre articles en cause concernent non seulement le comportement de François-Marie F... et ses liens avec Liliane A..., ce qui constitue la genèse de « l'affaire A... » mais également et surtout, la gestion du patrimoine de cette dernière et les liens qu'elle a pu entretenir avec le pouvoir politique ; qu'ainsi dans l'article daté du 14 juin 2010, sont cités :- un entretien du 21 juillet 2009 dans lequel Patrice D..., dirigeant de la société Clymène, structure financière gérant la fortune de Liliane A..., explique à cette dernière qu'il a eu au téléphone le matin même, Patrick G..., conseiller juridique du Président de la République qu'il voit régulièrement pour elle, lequel lui aurait dit que « le procureur Courroye allait annoncer … que la demande de sa fille était irrecevable » et que l'affaire allait être classée mais qu'il ne fallait le dire à personne,- un entretien du 23 avril 2010 au cours duquel Patrice D... indique qu'il a vu Patrick G..., « ancien conseiller de Nicolas Y... pour les affaires juridiques et judiciaires » « qui l'aime beaucoup » lequel lui aurait dit : « en première instance, on ne peut rien faire de plus, mais on peut vous dire qu'en cour d'appel, si vous perdez, on connaît très très bien le procureur », établissant l'intérêt supposé que porterait « l'Elysée » sur la procédure judiciaire engagée par la fille de Liliane A... à propos de François-Marie F... ; que ces échanges faisant état de différentes interventions dans une instance judiciaire, non seulement ne révèlent pas des informations attentatoires à la vie privée de Patrice D... mais encore justifient par leur importance et leur nature au regard du contexte de l'affaire qu'ils soient portés à la connaissance du public ; que de la même façon, dans un entretien du 29 octobre 2009 Patrice D... explique à Liliane A... que l'une de ses collaboratrices, chargée notamment de la gestion d'une partie des biens de L'Oréal, est l'épouse du ministre du budget lequel est « très sympathique » et « a permis de récupérer le bâtiment dans lequel on va faire l'auditorium (bâtiment de l'hôtel de la Monnaie où doit être construit un auditorium " André A... ") » ; que le 23 avril 2010, il lui indique qu'il s'est trompé lorsqu'il a engagé Madame Z... à la demande de son mari alors ministre des finances et fait part à Liliane A... de son intention d'aller le voir précisant qu'il fallait être « manoeuvrants » et qu'on ne pouvait plus « avoir sa femme » ; que l'enregistrement du 4 mars 2010 concernant les trois chèques de 7. 500 euros qui auraient été émis par Liliane A... pour la campagne de Valérie H..., ainsi que pour Eric Z... et Nicolas Y... est commenté dans un article du 21 juin 2010 intitulé Affaire A... : trois chèques, trois questions ; que différents entretiens, et notamment celui du 27 octobre 2009 entre Patrice D... et Liliane A..., révèlent l'existence de plusieurs comptes en Suisse, le demandeur expliquant à Liliane A... qu'il serait opportun de transférer les fonds à Singapour « ce compte là, on va le mettre à Singapour où vous aurez la paix …. Il est de 12 à 13 millions, c'est beaucoup d'argent » ; que le 19 novembre 2009, le demandeur confie avoir eu d'autres informations sur un autre compte à Vevey « où (Liliane A... a) quand même 65 millions d'euros », qu'il convient également de transférer dans un autre pays « je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera soit Hong Kong, Singapour ou en Uruguay … comme ça vous serez tranquille » ; que ce jour là, il indique également à Liliane A... qu'il pense qu'il ne faut pas déclarer l'île d'Arros (aux Seychelles) qu'elle a donnée à François-Marie F... en expliquant, « Sur l'île, vous étiez chez vous et à un moment vous avez voulu la donner à François-Marie. Me I... a créé une fondation et il a fait de grosses bêtises. Par exemple il vous a fait mettre 20 millions de ce compte que vous avez à Vevey dans la nouvelle fondation … » après s'être inquiété de la possibilité que le « fisc ne tire un fil » ; que dans un autre entretien du 23 octobre 2009, Patrice D... évoque à nouveau l'existence de ces comptes, lorsqu'il explique qu'il serait très heureux de pouvoir acheter « le bateau de ses rêves » en précisant qu'il faut que cela se fasse « de la main à la main » et que la somme prélevée à cet effet sur un compte en Suisse lui soit remise sans que personne ne soit au courant et surtout pas le banquier par sa fille : « Je ne veux pas que votre fille ou quiconque soit au courant » ; qu'il précise que Liliane A... a « un gros compte » en Suisse : « Je crois que vous avez 60 ou 80 millions » ; que l'ensemble de ces propos de nature professionnelle pour Patrice D... et exclusivement patrimoniale pour Liliane A..., relève de la légitime information du public s'agissant de la principale actionnaire de l'une des très grandes entreprises françaises, étant observé au surplus que les problèmes fiscaux et l'évasion des capitaux constituent un sujet d'intérêt général ; que de la même façon la mise en cause de l'employeur de l'épouse d'un ministre de la République ainsi que l'évocation des sources de financement d'un parti politique sont des informations qui, relevant du débat démocratique, peuvent être légitimement portées à la connaissance du public ; qu'enfin les entretiens enregistrés les 4 et 12 mars 2010 dans lesquels Patrice D... évoque les dispositions testamentaires prises par Liliane A... en faisant part à la demanderesse du souhait de François-Marie F... de ne plus apparaître dans la succession, compte tenu de l'imminence du procès pénal et lui conseille de prendre d'autres dispositions en lui proposant de désigner « un autre légataire universel. Comme la Fondation J... ou l'Institut Pasteur », en précisant « … parce que c'est un organisme d'Etat, donc ça donne une force », de même que les autres conversations évoquant le comportement de François-Marie F..., concernent également des éléments sortant de la sphère de la vie privée, dès lors que leur évocation est justifiée par l'actualité judiciaire relative à l'affaire très médiatisée ; qu'ordonner le retrait des documents relevant de la publication d'informations légitimes et intéressant l'intérêt général reviendrait à exercer une censure contraire à l'intérêt public, sauf à ce que soit contesté le sérieux de la reproduction des enregistrements ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de rejeter les demandes formées par Patrice D..., la publication des extraits litigieux ne caractérisant pas, avec le degré d'évidence requis en référé, un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent ;
Alors, de première part, que l'article 226-2 du Code pénal érige en délit le fait de porter à la connaissance du public un enregistrement obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 du même Code, notamment par l'enregistrement, sans le consentement de leur auteur, de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; qu'il importe peu dès lors que l'infraction prévue par l'article 226-1 du Code pénal soit ou non constituée ; qu'en subordonnant dès lors la constatation de l'illicéité de la publication critiquée par Monsieur Patrice D... à la preuve de ce que les enregistrements litigieux portaient atteinte à l'intimité de sa vie privée, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 226-2 du Code pénal, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors, de deuxième part, et en toute hypothèse, que l'atteinte à l'intimité de la vie privée requise par ce texte est suffisamment caractérisée par le fait d'enregistrer, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, notamment dans un lieu privé ; qu'en subordonnant dès lors l'illicéité de la publication critiquée par Monsieur Patrice D... au fait que le contenu des extraits des enregistrements ainsi portés à la connaissance du public ait porté sur des éléments ressortant de l'intimité de sa vie privée, la Cour d'appel a méconnu les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal ;
Alors, enfin, que l'interdiction sanctionnée par l'article 226-2 du Code pénal est conforme aux dispositions de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est prévue par la loi, répond à un but légitime et s'avère nécessaire, dans une société démocratique à la protection des droits des personnes dont les conversations ont été ainsi surprises, dès lors qu'elle vient s'opposer, à la seule publication, sollicitée par l'une des parties à un litige n'intéressant en lui même aucune question d'intérêt général, au-delà de la curiosité publique indécente qu'il suscite et qui est entretenue par les organes de presse, de l'enregistrement réalisé à l'insu des intéressés, sans leur consentement, de conversations privées ou confidentielles tenues dans un lieu privé ; que la Cour d'appel ne pouvait donc faire prévaloir sur cette interdiction les prétendus besoins de la légitime information du public, sans violer, par fausse application, l'article 10 précité ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur D... aux entiers dépens de l'instance ;
Alors que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ; que la Cour d'appel qui a déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt l'intervention volontaire de Monsieur Arnaud E... en l'instance d'appel ne pouvait dès lors, à défaut de décision motivée en ce sens, mettre à la charge de Monsieur D... les dépens afférents à ladite intervention, sans violer l'article 696 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-23606
Date de la décision : 06/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 oct. 2011, pourvoi n°10-23606


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Roger et Sevaux, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23606
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