LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Alain X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises du CHER, en date du 25 janvier 2011, qui, pour viols aggravés à caractère incestueux, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement et a constaté son inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 septembre 2011 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Leprieur conseiller rapporteur, Mme Chanet, MM. Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mmes Mirguet, Caron conseillers de la chambre, Mme Lazerges, M. Laurent conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LEPRIEUR, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 231, 348, 349, 349-1, 350, 351, 353, 357, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'assises d'appel a condamné M. X...à dix ans d'emprisonnement après avoir répondu par l'affirmative aux questions :
question n° 1 : Est-il établi que, le 25 avril 2006, à son domicile à ... (62), Mme Marie-Ange Y..., épouse Z..., tante maternelle de Camille A..., a été témoin de comportements équivoques de cette dernière vis-à-vis de sa jeune cousine ? OUI à la majorité de 10 voix au moins ;
question n° 2 : Est-il établi que le même jour, questionnée sur les raisons de ses gestes, Camille A...a révélé à sa tante qu'Alain X...lui imposait de le masturber et de lui faire des fellations ? OUI à la majorité de 10 voix au moins ; question n° 3 : Est-il établi que, le 26 avril 2006, Mme Yolande B..., épouse C..., grand-mère maternelle de Camille A..., a informé Pierre A..., son père, que quinze jours auparavant, sa fille Laurence C..., mère de l'enfant, lui avait révélé d'une part que cette dernière lui avait confié qu'Alain X...lui demandait régulièrement mettre son sexe dans sa bouche, d'autre part qu'ayant peur de son concubin, elle préférait que Camille en parle à son père ? OUI à la majorité de 10 voix au moins ; question n° 4 : Est-il établi que, lors de son audition en garde à vue le 27 juin 2006, Laurence C..., mère de Camille, a déclaré que « fin mars 2006, début avril 2006 », sa fille lui avait confié qu'elle devait masturber Alain X..., puis « quelques jours après », qu'elle devait lui faire des fellations pratiquement tous les matins ? OUI à la majorité de 10 voix au moins ;
question n° 5 : Est-il établi que lors de cette même audition en garde à vue, Laurence C...a déclaré que suite à ces révélations, surveillant Alain X..., elle l'avait vue en compagnie de Camille dans des attitudes qui l'avaient surprise ? OUI à la majorité de 10 voix au moins ; question n° 7 : Est-il établi qu'au juge d'instruction qui l'entendait en présence de son avocat, mais hors la présence de son père, Camille a confirmé qu'Alain X...lui avait fait « des choses pas bien avec son zizi ? OUI à la majorité de 10 voix au moins ;
" 1) alors qu'outre les questions principales, seules peuvent être posées par le président de la cour d'assises d'appel les questions spéciales et subsidiaires ; qu'en posant néanmoins des questions ne relevant pas de ces catégories limitativement prévues par la loi, la cour d'assises d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;
" 2) alors que les arrêts de condamnation prononcés par les cours d'assises ne peuvent comporter d'autres énonciations relatives à la culpabilité que celles qui, tenant lieu de motivation, sont constituées par l'ensemble des réponses données par les magistrats et les jurés aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi ; qu'en posant des questions non prévues par les textes précités du code procédure pénale, la cour d'assises d'appel s'est fondée sur une motivation que ne peut comporter des arrêts de cour d'assises, méconnaissant les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'avant de donner la parole aux parties pour leurs plaidoiries, réquisitions et observations, le président a donné lecture " des sept questions factuelles et des six questions légales comme résultant des débats auxquelles la cour et le jury auraient à répondre et dont une copie avait été distribuée au préalable aux assesseurs, aux jurés et à toutes les parties " et qu'aucune observation n'a été formulée ;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que le président a posé, avant la question principale sur la culpabilité de l'accusé, des questions distinctes sur des éléments de preuve des infractions, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 349 du code de procédure pénale, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que la défense n'a pas élevé d'incident contentieux au sujet des questions ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 348, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que le procès-verbal des débats constate que l'audience s'est déroulée à huis clos et qu'après la levée du régime du huis clos, le président a rappelé que les questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre avaient été lues précédemment ; qu'il n'a pas donné lecture, à nouveau, en audience publique, des questions auxquelles la cour et le jury avaient à répondre ; que les questions dont certaines n'étaient pas posées dans les termes de l'arrêt de renvoi, n'ont ainsi pas été lues en audience publique ;
" alors que si, dès lors qu'il a lu les questions avant le réquisitoire et les plaidoiries, le président n'est pas tenu de procéder de nouveau à cette lecture après la clôture des débats, il est toutefois tenu de le faire lorsque les débats ont eu lieu à huis clos qu'en ne réitérant pas, en audience publique, la lecture des questions, la cour d'assises d'appel a méconnu les textes visés au moyen " ;
Vu l'article 348 du code de procédure pénale ;
Attendu que la lecture des questions doit, à peine de nullité, être faite en audience publique, à moins qu'en application de ce texte, cette lecture ne soit pas obligatoire, les questions étant posées dans les termes de la décision de mise en accusation ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'après qu'il eut déclaré les débats terminés et qu'il eut annoncé que le huis clos prenait fin, le " président a rappelé que les questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre avaient été lues précédemment " ;
Mais attendu qu'en ne donnant pas lecture des questions en audience publique alors que certaines n'étaient pas posées dans les termes de la décision de mise en accusation, le président a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Cher, en date du 25 janvier 2011, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
CASSE ET ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Nièvre, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Cher et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit septembre deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;