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28/09/2011 | FRANCE | N°09-68537

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 09-68537


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu le principe de la liberté du travail, ensemble les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par contrat à durée déterminée du 2 mai 1992 au 1er mai 1993, par la société Pompes funèbres du Sud-Est en qualité d'assistant funéraire stagiaire ; que le contrat de travail à durée indéterminée conclu ensuite contenait une clause de non-concurrence limitée au secteur d'activ

ité du salarié, dans la limite maximale des trois dernières années précédant la c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu le principe de la liberté du travail, ensemble les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par contrat à durée déterminée du 2 mai 1992 au 1er mai 1993, par la société Pompes funèbres du Sud-Est en qualité d'assistant funéraire stagiaire ; que le contrat de travail à durée indéterminée conclu ensuite contenait une clause de non-concurrence limitée au secteur d'activité du salarié, dans la limite maximale des trois dernières années précédant la cessation du contrat, et, en cas de rupture à l'initiative de la société, une contrepartie financière ne pouvant être inférieure au montant repris dans la convention collective en vigueur ; que par jugement du 7 avril 2008, le conseil de prud'hommes, saisi par le salarié, a dit que la clause de non-concurrence était nulle et sans effet dans la mesure où elle ne prévoyait de contrepartie financière qu'en cas de rupture à l'initiative de l'employeur ; que le salarié a démissionné le 22 mai 2008 et a créé sa propre entreprise de pompes funèbres à compter du 1er juillet 2008 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la clause de non-concurrence et le condamner à la cessation de son activité concurrentielle sous astreinte, ainsi qu'au paiement d'une certaine somme au titre de la clause pénale contractuelle, l'arrêt retient que le dernier contrat de travail conclu entre les parties renvoie expressément à la convention collective en vigueur au moment de la rupture, de sorte que les dispositions conventionnelles sur la contrepartie financière ont vocation à se substituer aux dispositions illicites du contrat de travail qui limitent le bénéfice de la contrepartie financière au seul cas de rupture à l'initiative de l'employeur ; que le salarié a été informé de l'existence du contenu de l'avenant à la convention collective du 23 juin 2004, dont les dispositions sont plus favorables au salarié que celles du contrat de travail ;
Attendu cependant que la validité de la clause de non-concurrence doit être appréciée à la date de sa conclusion et que la convention collective intervenue postérieurement ne peut avoir pour effet de couvrir la nullité qui l'affecte ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que le salarié invoquait la nullité de la clause de non-concurrence et que l'avenant à la convention collective prévoyant une contrepartie financière était postérieur au contrat de travail stipulant cette clause, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Omnium de gestion et de financement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Omnium de gestion et de financement à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme Mazars, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Frédéric X... de sa demande tendant à voir dire nulle et de nul effet la clause contractuelle de non concurrence et de l' AVOIR condamné à la cessation de son activité concurrentielle sous astreinte ainsi qu'au paiement de la somme de 30.148,65 euros au titre de la clause pénale contractuelle.
AUX MOTIFS QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que la convention collective des Pompes Funèbres comporte dans son sous-titre 2 "rupture du contrat de travail" un chapitre 5 intitulé "non-concurrence" et ainsi rédigé : " Une clause de non-concurrence peut être introduite dans le contrat de travail. Dans l'hypothèse où elle figure dans le contrat de travail, elle s'applique à tous les cas de rupture de contrat, qu'il s'agisse d'une rupture à l'initiative, de l'employeur (y compris rupture pour inaptitude) ou qu'il s'agisse d'une rupture à l'initiative du salarié, ainsi que dans les cas de résolution judiciaire et de force majeure. Elle doit être limitée dans le temps et l'espace et faire l'objet d'une contrepartie financière fixée au minimum comme suit : - pour le personnel ayant moins d'un an d'ancienneté, le montant de l'indemnité de non-concurrence sera égal à 1/10ème du mois pour les agents dont le contrat est rompu avant la fin de la première année. - pour le personnel dont l'ancienneté dans l'entreprise est supérieure ou égale à un an, le montant de l'indemnité de non-concurrence sera égal à celui prévu au titre de l'indemnité de licenciement pour un agent de même catégorie ayant vingt ans d'ancienneté. Le salaire mensuel de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de non-concurrence est la rémunération mensuelle moyenne brute des douze derniers mois précédent la date de rupture du contrat. Lorsque la clause de non-concurrence n'est pas levée, l'indemnité de non-concurrence est versée au salarié. Le versement s'effectue alors par mensualités égales s'étendant sur toute la période où l'engagement de non-concurrence produit ses effets. Par accord entre les parties, cette indemnité peut toutefois être versée en une seule fois, le premier mois de la période d'engagement de non-concurrence. En application de la loi numéro 2004-391 du 4 mai 2004, il ne peut être dérogé de façon défavorable par accord d'établissement ou d'entreprise aux dispositions de ce chapitre. " ; que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence prévue par une convention collective s'applique de plein droit dès lors que le contrat de travail qui comporte une telle clause se réfère à cette convention collective ; qu'en l'espèce, le dernier contrat de travail conclu entre les parties renvoie expressément à la convention collective en vigueur au moment de la rupture, de sorte que les dispositions conventionnelles précitées sur la contrepartie financière ont vocation à se substituer aux dispositions illicites du contrat de travail qui limitent le bénéfice de la contrepartie financière au seul cas de rupture à l'initiative de l'employeur ; qu'il ressort d'un courrier de la société OGF à Monsieur X... du 15 février 2007 que le salarié était informé de l'existence et du contenu de l'avenant à la convention collective du 23 juin 2004 ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que les dispositions de la convention collective relatives aux conditions d'octroi de la contrepartie financière sont plus favorables au salarié que celles du contrat de travail ; qu'en conséquence, que la clause de non-concurrence doit être jugée conforme sur ce point ; que par ailleurs la clause de non-concurrence est bien justifiée par les intérêts légitimes de la société OGF et qu'elle est limitée à la fois dans le temps et dans l'espace ; que cette clause ne peut être qualifiée d'excessive au regard de la spécificité de l'emploi de Monsieur X... et des restrictions apportées à la liberté du travail, même si le salarie a suivi une formation spécialisée pour exercer dans le domaine de l'activité funéraire ; que Monsieur X... ne démontre nullement qu'il se trouvait dans l'impossibilité absolue de travailler en dehors du secteur de non-concurrence ; que pour toutes ces raisons la clause de non-concurrence imposée à Monsieur X... apparaît valable et que la décision des premiers juges doit être réformée de ce chef ; qu'il est établi que Monsieur X..., en violation manifeste de son obligation de non-concurrence, a créé une entreprise de pompes funèbres dénommée "EURL FREDERIC X... POMPES FUNÈBRES DU PAYS DE L'ARBRESLE" quelques semaines après sa démission dans le même département que celui où il travaillait pour le compte d'OGF ; que le dernier contrat de travail du 10 juin 1999 sous la rubrique "clause de non-concurrence" stipule que toute violation par le salarié de son engagement de non-concurrence le rendra automatiquement redevable à titre de clause pénale d'un dédommagement vis à vis de la société, égal à un mois de ses derniers appointements fixes, pour tout mois calendaire, ou fractions de mois, d'infraction à la clause ; que le paiement de cette pénalité ne fait pas obstacle au droit de la société d'intenter une action aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice réellement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrentielle ; qu'il convient au vu des éléments de la cause de faire droit à la demande de la société OGF pour voir condamner sous astreinte le salarié à cesser son activité concurrentielle illicite ; que la société OGF argue également d'un préjudice financier important en évoquant un détournement par le salarié de sa clientèle et des pertes immédiates pour l'entreprise ; qu'il convient de noter que la taille de la petite société constituée par Monsieur X... est sans commune mesure avec celle de la société OGF qui réalise un chiffre d'affaires mensuels de 482 millions de francs et dispose de 99 établissements ainsi que de 1200 points de vente ; que la société OGF produit des tableaux et des graphiques qu'elle a elle-même établis ainsi qu'une estimation prévisionnelle en besoin de fonds de roulement, attribuée au salarié mais qui n'est pas confirmée par ce dernier ; qu'il ressort par ailleurs des registres d'admission de septembre 2008 à janvier 2009 que l'activité de la société OGF reste soutenue ; qu'il n'existe pas, en réalité, d'éléments objectifs pouvant permettre d'estimer le préjudice financier de la société à la somme réclamée par elle devant la Cour ; que dans ces conditions, il sera fait application de la clause pénale contractuelle, à compter du démarrage de l'activité de Monsieur X... en septembre 2008, jusqu'à la présente décision en mai 2009 et que la somme due par le salarié sera fixée à 30 148,65 euros ; que la société OGF ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui occasionné par l'activité concurrentielle de Monsieur X..., au regard notamment d'une atteinte à sa notoriété ou à sa marque si bien que la demande de dommages et intérêts complémentaires formée à cet égard doit être rejetée.
ALORS QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; qu'en jugeant licite la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de Monsieur Frédéric X... et le privant de toute contrepartie financière en cas de rupture du contrat à son initiative, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L.120-2 du Code du travail et du principe de la liberté du travail
ALORS surtout QUE le contenu d'une clause s'apprécie à la date de sa conclusion ; que si le contrat de travail faisait référence à la convention collective, celle-ci ne prévoyait, alors, aucune indemnisation de la clause de non concurrence ; qu'en disant que l'indemnité ensuite prévue par la convention collective devait s'appliquer la Cour d'appel a de plus fort violé les articles 1134 du Code civil, L.120-2 du Code du travail et du principe de la liberté du travail
ALORS de surcroît QUE il résulte tant des énonciations de l'arrêt attaqué que des écritures des parties que l'employeur sollicitait des dommages-intérêts en réparation du préjudice financier que lui aurait causé la violation par le salarié de la clause de non concurrence ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice de notoriété et d'image que lui aurait causé cette prétendue violation ; qu'en condamnant Monsieur Frédéric X... au paiement de la somme de 30.148,65 euros au titre de la clause pénale contractuelle dont l'application n'était pas revendiquée, après avoir de surcroît écarté tout préjudice financier ou de notoriété, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
ALORS en toute hypothèse QUE Monsieur Frédéric X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que le prétendu préjudice dont se prévalait son employeur était circonscrit à la période du mois de septembre 2008 au mois de mars 2009 ; qu'en évaluant la somme due à l'employeur au regard de la période du mois de septembre 2008 au mois de mai 2009 sans s'expliquer sur les dates ainsi retenues, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-68537
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Validité - Appréciation - Date - Détermination - Portée

La validité de la clause de non-concurrence doit être appréciée à la date de sa conclusion et la convention collective intervenue postérieurement ne peut avoir pour effet de couvrir la nullité qui l'affecte


Références :

principe de la liberté du travail

article L. 1221-1 du code du travail

article 1134 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2011, pourvoi n°09-68537, Bull. civ. 2011, V, n° 196
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 196

Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: M. Flores
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.68537
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