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28/09/2011 | FRANCE | N°09-40543

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 09-40543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Parlement européen a engagé, sur la base de l'article 78 du règlement applicable aux autres agents (RAA), des salariés pour des missions en qualité d'auxiliaires de session à l'occasion de ses sessions parlementaires mensuelles tenues à Strasbourg ; que cet article ayant cessé de produire effet le 31 décembre 2006, le Parlement européen a confié à la société Manpower, entreprise de travail temporaire, la mise à disposition de ce personnel pour ces sessions dans la p

erspective de conserver à son service les agents antérieurement affecté...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Parlement européen a engagé, sur la base de l'article 78 du règlement applicable aux autres agents (RAA), des salariés pour des missions en qualité d'auxiliaires de session à l'occasion de ses sessions parlementaires mensuelles tenues à Strasbourg ; que cet article ayant cessé de produire effet le 31 décembre 2006, le Parlement européen a confié à la société Manpower, entreprise de travail temporaire, la mise à disposition de ce personnel pour ces sessions dans la perspective de conserver à son service les agents antérieurement affectés à celles-ci ; qu'estimant que le Parlement européen ne pouvait pas recourir au travail temporaire, M. X... et trente-trois autres salariés, engagés par contrats de mission et mis à la disposition du Parlement européen par la société Manpower à partir du mois de janvier 2007, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à l'annulation des contrats de mission et de mise à disposition conclus entre le 1er janvier 2007 et le 31 octobre 2008, à ce qu'il soit constaté que durant cette période, ils étaient salariés du Parlement européen et qu'il n'existait pas de contrat à durée déterminée, et à ce que ce dernier et la société Manpower soient condamnés à leur verser des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 1251-5 du code du travail que seules les entreprises peuvent avoir recours au travail temporaire ; qu'en autorisant le Parlement européen, institution internationale, à y avoir recours, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que le Parlement européen, institution de l'Union européenne, peut avoir recours au travail temporaire en application des articles L. 1251-1 et suivants du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;
Attendu que, pour rejeter la demande en dommages-intérêts des salariés, l'arrêt retient que les missions d'intérim limitées à quatre jours par mois à l'occasion des sessions parlementaires à Strasbourg répondent à un surcroît temporaire d'activité caractérisé par un changement notable des besoins au cours des périodes considérées ; que le fait que le Parlement européen ait une activité normale et permanente à Strasbourg n'implique pas que les emplois correspondant aux tâches rendues nécessaires par ces sessions soient eux aussi durables et permanents ; que le Parlement européen n'a besoin que durant ses sessions, et non en permanence, des salariés engagés par intérim ; que les diverses missions matérielles exercées par ces derniers durant les sessions ne relèvent pas d'emplois durables et permanents ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que les missions d'intérim, liées aux sessions qui avaient lieu chaque mois, pour les mêmes tâches et pour la même durée, relevaient, même si elle était intermittente, de l'activité normale et permanente du Parlement européen, d'autre part que, si l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 23 octobre 1985 (affaire n° 232/84) ne permet pas de requalifier le contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à l'égard du Parlement européen, il ne fait pas obstacle à la condamnation de cette institution à réparer le préjudice causé aux salariés employés en méconnaissance des dispositions impératives de la loi nationale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en dommages-intérêts des salariés, l'arrêt rendu le 4 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le Parlement européen aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Parlement européen à payer à M. X... et aux 33 autres salariés la somme globale de 2 500 euros ; rejette les demandes de la société Manpower France et du Parlement européen ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X... et les 33 autres salariés.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes tendant à l'annulation des contrats de mise à disposition conclus entre la société MANPOWER et le Parlement européen entre le 1er janvier 2007 et le 31 octobre 2008 et des contrats de mission conclus entre les exposants et la société MANPOWER sur la même période, à ce qu'il soit constaté que durant cette période, ils étaient salariés du Parlement européen et qu'il n'existait pas de contrat à durée déterminée, et enfin à ce que les deux entités soient condamnées à leur verser des dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le Code du travail autorise le recours au travail temporaire dans des conditions déterminées pour des tâches qui n'impliquent pas une occupation durable d'emploi, qui doivent être précises et temporaires et qui doivent être justifiées, en particulier par un accroissement temporaire de l'activité déployée par l'utilisateur, c'est-à-dire par une augmentation temporaire de son activité normale, même s'il s'agit d'un cycle prévisible, le travail temporaire étant à écarter pour des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'utilisateur (art L. 1251-5 du Code du travail) ; que la tenue des sessions mensuelles du Parlement européen à Strasbourg, limitées à quatre jours par mois selon une pratique instaurée depuis plusieurs années par cette institution, entraîne de fait un surcroît d'activité lié à des tâches précises, et limité à la durée des dites sessions ; qu'il est constant que l'activité du Parlement européen dans son siège de Strasbourg est rythmée par la tenue des sessions que les Etats membres ont décidé de fixer à une par mois ; qu'il en découle que durant ces sessions, le Parlement connaît un surcroît temporaire d'activité caractérisé par un changement notable des besoins au cours des périodes considérées ; que bien que rattachées à l'activité normale de l'institution, elles constituent ainsi un cycle d'activité intense espacé par trois semaines d'un fonctionnement réduit, limité aux tâches de préparation des travaux parlementaires et de secrétariat ; que selon les conclusions des salariés eux-mêmes, ils sont employés au cours de ces sessions en qualité « d'auxiliaires de session » pour des tâches diverses telles que des agents de crèche, des professeurs de langue, des traducteurs, des huissiers, des déménageurs et des agents techniques ; que les salariés ne peuvent soutenir sérieusement que ces missions relèvent d'emplois permanents liés à l'activité normale et permanente du Parlement, alors que par ailleurs ils exerçaient ces missions temporaires similaires depuis plusieurs années pour des courtes périodes lors de chaque session du Parlement à Strasbourg ; que le fait que le Parlement européen ait une activité normale et permanente à Strasbourg n'implique pas que les emplois correspondant aux tâches rendues nécessaires par ces sessions soient eux aussi durables et permanents ; que les salariés prétendent contre leurs propres affirmations, relatant leurs activités passées pour cette institution, que le Parlement aurait besoin en permanence des huissiers, des agents de travail ou des agents audiovisuels, alors qu'ils reconnaissent avoir été chargés de missions ponctuelles liées à chaque session ; qu'à partir de ce constat, le recours au travail temporaire est légitime, sous réserve de la qualité de l'utilisateur ; que le Parlement européen est une institution internationale établie par les Traités ayant institué la CEE et la CEEA ; que sans qu'il y ait lieu de qualifier le Parlement de personne morale de droit public au sens du droit français, les dispositions du Code du travail ne sont pas limitées aux salariés des seules entreprises de droit privé mais régissent également les salariés employés de personnes publiques, dès lors qu'ils sont employés dans des conditions de droit privé, et qu'ils relèvent alors en particulier de la compétence du Conseil de prud'hommes, aux termes des articles L. 1211-1 et L. 1411-2 du Code du travail ; que les salariés soutiennent qu'il s'agit là d'une hypothèse relativement résiduelle mais n'en revendiquent pas moins la reconnaissance de relations contractuelles de droit privé avec le Parlement européen, l'application du Code du travail ainsi que la compétence de la juridiction prud'homale ; que le fait que la réglementation applicable vise d'abord le recours au travail temporaire pour des utilisateurs de droit privé est inopérant ; que l'utilisation du terme récurrent d'entreprise, ou l'obligation de consulter le comité d'entreprise et à défaut les délégués du personnel, s'il en existe (selon l'art L. 1251-6 du Code du travail) avant de recourir au travail temporaire, comme le requiert le Code du travail, s'explique par le champ d'application naturel de ce Code ; que cependant les règles relatives au contrat de travail temporaire n'excluent pas par principe la possibilité d'y recourir pour une entreprise utilisatrice relevant de la catégorie des personnes morales de droit public, faute de disposition expresse en ce sens ; que dans ce cadre, force est de constater qu'aucune disposition du Code du travail ne prohibe la mise à disposition de personnel temporaire à une personne de droit public ou à une entité utilisatrice qui ne serait pas une entreprise de droit privé ; que dès lors que le recours à des contrats de travail temporaire est conforme aux conditions d'utilisation prévues par le Code du travail et qu'il n'est pas démontré que les conventions conclues en ce sens aient eu pour but ou pour effet de causer un dommage aux salariés en éludant des dispositions protectrices du Code du travail, ceux-ci ne sauraient accuser le Parlement européen et la société Manpower d'avoir conclu des contrats de prêt de main-d'oeuvre, illicites au sens de l'art. L. 8241- 1 et L. 8241-2 du Code du travail ou à des faits de marchandage prohibés au sens de l'art. L. 8231-1 du même Code ; que c'est également en vain que les salariés intimés soutiennent que leurs contrats de travail auraient été transférés à la société Manpower ; qu'ils n'étaient pas titulaires de contrats de travail à durée indéterminée susceptibles d'être transférés, que leurs contrats n'étaient plus en cours au 31 décembre 2006, et que le droit français n'a été rendu applicable qu'à partir du 1er janvier 2007 pour les nouveaux contrats de mission conclus par la suite ; que c'est enfin à tort que les salariés prétendent déduire de l'intervention du décret ultérieur du 17 octobre 2008 la preuve de l'illégalité du régime antérieurement mis en oeuvre : ce décret et n'a fait que réglementer la mise à disposition de personnel intérimaire auprès des institutions internationales (art. D. 1242-1 et D. 1251-1 du Code du travail modifié) ; que d'une part, un tel décret ne pourrait avoir eu pour effet de légaliser une pratique qui ne le serait pas, seule la loi ayant ce pouvoir ; que d'autre part, l'illégalité du recours antérieur au travail temporaire ne résulte pas d'une prohibition expresse du Code du travail ni d'une autre disposition du droit français ; que s'agissant du contrat conclu au mois d'octobre 2008, les salariés admettent qu'il a été conclu après l'entrée en vigueur de ce décret mais ne le visent pas de manière explicite dans leurs conclusions tendant à l'annulation des contrats conclus ; que de plus le caractère temporaire des emplois concernés autorisait la conclusion de tels contrats liés aux besoins spécifiques du Parlement européen pour les sessions tenues à Strasbourg ;
ALORS QU'il résulte de l'article L. 1251-5, anciennement L. 124-2, alinéa 1 du Code du travail que seules les entreprises peuvent avoir recours au travail temporaire ; qu'en autorisant le Parlement européen, institution internationale, à y avoir recours, la Cour d'appel a violé les articles L. 1251-1 et suivants du Code du travail ;
ALORS encore QUE le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'il ressort des constatations de fait que les sessions parlementaires avaient lieu chaque mois, pour la même durée, sur un même site, que les exposants étaient occupés chaque fois aux mêmes taches ; que si les missions ne duraient chaque mois que quatre jours, elles correspondaient à l'activité permanente, et non occasionnelle, même si elle était intermittente, du Parlement européen ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande, la Cour d'appel a violé les articles L. 1251-5 et L. 1251-6, anciennement L. 124-2, alinéa 1 et L. 124-2, alinéa 2 du Code du travail ;
ALORS enfin QUE les exposants demandaient explicitement dans leurs écritures l'annulation des contrats de mission conclus après l'entrée en vigueur du décret du 19 octobre 2008 ; qu'en déclarant néanmoins que les salariés ne le visaient dans leurs écritures, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et partant a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40543
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL TEMPORAIRE - Contrat de mission - Cas de recours interdits - Emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice - Applications diverses - Exécution chaque mois des mêmes tâches pour la durée d'une session du Parlement européen - Portée

TRAVAIL TEMPORAIRE - Contrat de mission - Demande en requalification - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Salariés mis à la disposition du Parlement européen - Effets - Octroi de dommages-intérêts - Conditions - Détermination - Portée

Le Parlement européen, institution de l'Union européenne, pouvait, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article D.1251-1 du code du travail, avoir recours au travail temporaire en application des articles L. 1251-1 et suivants du code du travail. Les contrats de mission des salariés employés d'une entreprise de travail temporaire, mis à la disposition du Parlement européen chaque mois, pour les mêmes tâches, pour la durée d'une session parlementaire ont pour objet de pourvoir, même si elle est intermittente, à l'activité normale et permanente de cette institution communautaire. Si l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 23 octobre 1985 (affaire n° 232/84) ne permet pas de requalifier le contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à l'égard du Parlement européen, il ne fait pas obstacle à l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé aux salariés employés en méconnaissance des dispositions impératives de la loi nationale


Références :

articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code de travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 04 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2011, pourvoi n°09-40543, Bull. civ. 2011, V, n° 218
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 218

Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lacan
Rapporteur ?: M. Becuwe
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Potier de la Varde et Buk-Lament, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.40543
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