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21/09/2011 | FRANCE | N°10-88716

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 septembre 2011, 10-88716


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Patrizia X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 18 novembre 2010, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 3°, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5, L. 246-2 et L. 249-1 du cod

e de commerce, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Patrizia X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 18 novembre 2010, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 3°, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5, L. 246-2 et L. 249-1 du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Mme Y... coupable d'avoir à Paris, courant 2004, 2005, 2006 et 2007 commis des abus de biens sociaux au préjudice de la société Metagenex, et l'a condamnée à payer une amende de 15 000 euros ;

"aux motifs que Mme Y... a été l'actionnaire majoritaire de la société à sa création puisqu'elle en possédait alors 83% des parts ; qu'elle possédait encore 44,22 % des actions après la transformation de Metagenex en société anonyme et l'entrée au capital des investisseurs le 23 juillet 2006 ; qu'elle a disposé entre le 29 octobre 2002 et le 27 juillet 2006 d'un pouvoir sur les comptes de la société qui avait été signé par le dirigeant de l'époque, M. Z... ; qu'au cours de l'enquête préliminaire, M. A... a remis plusieurs documents qui avaient été signés par elle, à savoir un contrat signé en qualité de fondateur de la société Metagenex, une commande de matériel, une reconnaissance de dette de la société ainsi que des courriers électroniques où elle donnait des instructions au personnel ; que M. Z..., qui était le dirigeant de droit de la société entre mai 2002 et avril 2006, a confirmé qu'elle était l'actionnaire majoritaire mais représentait également l'ensemble des fondateurs qui étaient constitués de membres de sa famille ; qu'il a déclaré que Mme Y... dirigeait de fait la société sur le plan de l'organisation du travail alors que lui-même ne s'occupait que de la partie administrative et comptable ; qu'il a déclaré également que, même dans le domaine administratif, aucune décision ne pouvait être prise sans l'accord de celle-ci qui décidait aussi bien de l'embauche et du licenciement des salariés que du choix des nouveaux investisseurs ; que M. B..., qui présidait le conseil de surveillance de la société, a également déclaré aux enquêteurs que Mme Y... s'était comportée comme une dirigeante de fait en passant notamment, en son nom, des commandes engageant la société ; qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que Mme Y..., bien que n'étant ni salariée ni mandataire social, a bien dirigé de fait la société Metagenex pendant la période de la prévention ;

"1°) alors que la qualité de dirigeant de fait suppose d'exercer, en toute indépendance et de manière habituelle, une activité positive de direction dans la société ; qu'en l'espèce, Mme Y... faisait valoir qu'elle avait signé une convention d'incubation avec l'association Paris Biotech en tant que porteur d'un projet d'entreprise dénommée Metagenex et en qualité de fondateur de celle-ci ; que la convention d'accompagnement conclue avec cette association avait été signée à la fois par Mme Y... et par le gérant de la société Metagenex ; qu'elle soulignait qu'il n'en résultait nullement qu'elle fût dirigeant de fait de cette société puisqu'elle avait agi en qualité de porteur du projet scientifique au sens de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur la signature de ces contrats pour juger que Mme Y... avait la qualité de dirigeant de fait de la société Metagenex ;

"2°) alors que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de rechercher, comme elle y était invitée, si ces conventions signées en 2001 et 2002 étaient susceptibles de prouver une gestion de fait à compter de 2004, ce qui n'était pas le cas ;

"3°) alors que, s'agissant de la prétendue reconnaissance de dette signée au profit de l'institut Necker, Mme Y... faisait valoir que, comme l'avait retenu le tribunal correctionnel, il s'agissait seulement d'une attestation dans laquelle elle relatait, comme témoin, que la société Metagenex avait reçu une somme de 200 000 francs et que cette attestation n'engageait pas la société ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait retenir qwe la signature de ce document établissait la direction de fait de la société ;

"4°) alors que, s'agissant de la commande de matériel, Mme Y... exposait que, comme l'avait retenu le tribunal, elle avait signé le fax de commande sur instruction de M. Z..., représentant légal de la société, ce dernier lui ayant précisé qu'il avait envoyé un courriel de commande non parvenu à son destinataire ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait retenir la signature de ce fax de commande de matériel pour qualifier Mme Y... de dirigeant de fait ;

"5°) alors que la cour d'appel aurait dû rechercher si, comme l'avaient retenu les premiers juges, les déclarations de M. B... étaient insusceptibles d'établir que Mme Y... s'était comportée comme un dirigeant de fait en passant des commandes au nom de la société, dès lors qu'il ne citait aucun fait précis et qu'il n'était intervenu dans la société qu'à compter de 2006 ;

"6°) alors que Mme Y... faisait valoir que si, compte-tenu de ses compétences techniques, elle dirigeait les travaux de l'équipe scientifique et proposait des candidats à l'embauche, les décisions d'embauche étaient prises par M. Z... ; que ce dernier avait par ailleurs déclaré, au cours de son audition par les enquêteurs, qu'il avait en charge non seulement la gestion administrative de la société, mais également de la partie financière, fiscale et juridique ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur les pouvoirs de Mme Y... en matière d'organisation du travail pour juger qu'elle avait la qualité de dirigeant de fait de la société" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 3°, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5, L. 246-2 et L. 249-1 du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Mme Y... coupable d'avoir à Paris, courant 2004, 2005, 2006 et 2007 commis des abus de biens sociaux au préjudice de la société Metagenex, et l'a condamnée à payer une amende de 15 000 euros ;

"aux motifs que l'enquête a établi qu'entre le 24 avril 2004 et le 14 janvier 2005, huit chèques avaient été libellés par la société Metagenex au nom de M. C..., avocat à la retraite demeurant aux Etats-Unis pour un montant de 60 000 euros ; que les chèques établis avant le 8 juillet 2004, soit plus de trois ans avant le dépôt de plainte, ne peuvent être considérés comme prescrits car ils n'ont pu être comptabilisés qu'à la fin de l'exercice 2004 et ont d'ailleurs donné lieu à une demande d'explication en 2005 de la part du commissaire aux comptes au dirigeant de l'époque, M. Z... ; que les justificatifs comptables de ces paiements n'étaient constitués que de huit factures mentionnant le nom de M. C... et le libellé de la société Metagenex, la date, la mention « Invoice », le nombre de jours de travail facturé et le montant dû sans plus de précision quant à la nature des prestations fournies ; que les huit chèques établis à l'ordre de M. C... avaient été signés par M. Z..., dirigeant de droit à l'époque concernée et encaissés sur un compte bancaire ouvert en indivision aux noms de M. C... et de Mme Y... ; qu'au surplus, M. Z... a reconnu avoir signé lesdits chèques sur présentation par Mme Y... des huit factures émises par M. C... ; qu'il a admis également ne pas avoir cherché à connaître dans le détail les prestations réalisées par ce dernier et ne jamais l'avoir rencontré, indiquant avoir fait confiance à Mme Y... lorsqu'elle lui avait indiqué que sa mission consistait à démarcher de potentiels investisseurs américains pour le compte de la société et ce d'autant qu'elle était son seul contact au sein de la société Metagenex ; que, lors de son audition en garde à vue, Mme Y... a confirmé être l'interlocuteur privilégié de M. C... au sein de la société Metagenex ; que si elle a effectivement fourni au cours de sa garde à vue divers documents pour attester de la réalité des prestations effectuées par son ami M. C..., elle n'a pas été en mesure de donner les raisons pour lesquelles ce travail n'avait pas pu être matérialisé et n'avait de ce fait jamais débouché sur un résultat concret ; qu'il est en outre particulièrement surprenant que M. C... n'ait jamais rencontré M. Z... lorsqu'il dirigeait la société, d'autant plus qu'il n'a pu être entendu par les enquêteurs qui ne sont jamais parvenus à le localiser aux Etats-Unis ni même à le contacter par courrier électronique ; que, de la même manière, il est surprenant d'avoir fait appel à un avocat honoraire pour effectuer des traductions dans le domaine pourtant très spécialisé de la recherche médicale ; que l'ensemble de ces éléments suffit à démontrer le caractère fictif des prestations réalisées par M. C... (…) ; que les paiements susvisés non causés ont appauvri le patrimoine de la société Metagenex et étaient contraires à l'intérêt social ; que la multiplication des opérations et leur caractère dissimulé sous couvert de prestations inexistantes soit-disant exécutées par un tiers permettent de retenir l'élément intentionnel de l'infraction ;

"alors que la cour d'appel ne pouvait affirmer le caractère fictif des prestations fournies par M. C... sans s'expliquer sur les moyens invoqués par Mme Y... fondés sur des pièces produites démontrant l'activité de l'intéressé, en l'occurrence la traduction d'actes juridiques et d'articles médicaux en anglais, l'élaboration d'un document de présentation de la société Metagenex en anglais, la création du site internet de cette société, des recherches sur une société concurrente américaine ou encore des démarches de prospection d'investisseurs et partenaires américains pour la société Metagenex, peu important qu'il ne fût plus possible d'entrer en contact avec M. C... qui avait déménagé à l'étranger puis était décédé, ou que son travail de prospection n'ait pas débouché sur un résultat concret, ce qui est fréquent en ce domaine" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mme Y... est poursuivie du chef d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Metagenex ; que le tribunal l'a relaxée au motif qu'il n'était pas démontré qu'elle ait eu la qualité de dirigeant de fait de cette société ;

Attendu que, pour infirmer, sur les appels de la partie civile et du ministère public, le jugement, dire que la prévenue avait cette qualité et que l'infraction était caractérisée, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, qui démontrent que la prévenue dirigeait de fait la société lors de la commission de l'infraction et caractérisent en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré celle-ci coupable, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-88716
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 sep. 2011, pourvoi n°10-88716


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.88716
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