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12/07/2011 | FRANCE | N°10-17482;10-17791

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juillet 2011, 10-17482 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° J 10-11.7482 formé par la société Lafarge ciments et n° V 10-17.791 formé par la société Vicat qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2010), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 juillet 2009, pourvois n° 08-15.609 et n° 08-16.094) que saisi par le ministre de l'économie de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l'approvisionnement et de la distribution du ciment en Corse, le Conseil de

la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 07-D-08 du 12 mars 2007, no...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° J 10-11.7482 formé par la société Lafarge ciments et n° V 10-17.791 formé par la société Vicat qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2010), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 juillet 2009, pourvois n° 08-15.609 et n° 08-16.094) que saisi par le ministre de l'économie de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l'approvisionnement et de la distribution du ciment en Corse, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 07-D-08 du 12 mars 2007, notamment dit établi que, contrevenant aux dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE, les sociétés Lafarge ciments (Lafarge), Vicat et le groupement logistique ciments Haute-Corse (le GIE) se sont entendus en signant le 8 novembre 1994 une convention de subdélégation de l'exploitation des infrastructures de stockage du port de Bastia, que, contrairement à ces mêmes dispositions, les sociétés Lafarge, Vicat et le syndicat des négociants en matériaux de construction (le syndicat) se sont entendus en signant un protocole d'accord le 6 mai 1999 afin de lier les membres du syndicat par un contrat d'approvisionnement exclusif et qu'au mépris des dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité CE, les sociétés Lafarge et Vicat ont abusé de leur position dominante collective sur les marchés du ciment en Haute-Corse, à Ajaccio, Porto-Vecchio et Propriano en octroyant des remises fidélisantes anticoncurrentielles aux négociants corses ; que le Conseil a infligé à ces sociétés et groupements des sanctions pécuniaires ; que par l'arrêt partiellement cassé du 6 mai 2008, la cour d'appel a réduit le montant de celles-ci à 10 millions et 4,5 millions d'euros ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° J 10-17.482 pris en sa première branche et le moyen unique du pourvoi n° V 10-17.791, pris en ses première, deuxième et sixième branches :
Attendu que les sociétés Lafarge et Vicat font grief à l'arrêt d'avoir prononcé à leur encontre des sanctions pécuniaires respectivement de 10 millions d'euros et de 4,5 millions d'euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article L. 464-2, alinéa 3, du code de commerce, les sanctions doivent être proportionnées à la gravité des comportements ; que dès lors, l'abandon du grief d'abus de position dominante collective conduit nécessairement à modérer les sanctions prononcées, pour respecter le principe de proportionnalité ; qu'en décidant qu'un tel abandon ne conduisait pas nécessairement à modérer les sanctions prononcées, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2, alinéa 3, du code de commerce ;
2°/ que l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2009 n'a censuré l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mai 2008 ayant condamné des chefs d'ententes et d'abus de position dominante collective les sociétés Vicat et Lafarge à payer respectivement une amende de 4,5 millions d'euros et 10 millions d'euros, qu'en ses seules dispositions relatives à l'abus de position dominante collective et aux sanctions y afférent ; qu'en décidant d'apprécier à nouveau la gravité des ententes définitivement caractérisées et de maintenir le montant des sanctions prononcées par l'arrêt du 6 mai 2008, après avoir constaté qu'aucun abus de position dominante collective ne pouvait être établi, la cour de renvoi qui a méconnu l'étendue de sa saisine, a violé l'article 631 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge méconnaît son office en refusant de procéder à une recherche à laquelle il est tenu ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2009 a spécialement invité la cour de renvoi non seulement à vérifier l'existence de l'abus de position dominante collective mais aussi à opérer une distinction entre la sanction afférente aux ententes et celle afférente à l'abus de position dominante ; qu'en refusant de procéder à cette ventilation, la cour de renvoi a méconnu son office et violé les articles 4 du code civil et L. 464-2 ancien du code de commerce ;
4°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en affirmant qu'il ressort de la lettre de l'article L. 464-2 ancien du code de commerce et des principes du droit répressif national que l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence du chef de l'abus de position dominante collective ne conduit pas à modérer nécessairement la sanction que prononce ladite décision, quand l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence concernant l'une des infractions retenues contre la société Vicat rend son comportement sur le marché nécessairement moins grave d'un point de vue concurrentiel, la cour de renvoi qui a ajouté à la loi, a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 464-2 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que si l'arrêt annule l'article 6 de la décision du Conseil, aux termes duquel les sociétés Lafarge et Vicat avaient abusé de leur position dominante collective en octroyant des remises fidélisantes anticoncurrentielles aux négociants corses, en relevant que le Conseil ne pouvait invoquer plusieurs fois les mêmes actes ou faits tantôt comme un accord ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel au sens de l'article 101 TFUE, tantôt comme l'indication d'une position dominante collective dont il aurait été abusé et qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer que les remises fidélisantes, qui avaient été abondamment évoquées tant par la décision du Conseil que par l'arrêt de la cour d'appel en date du 6 mai 2008 en ses énonciations non cassées comme un élément caractérisant les ententes verticales reprochées aux deux sociétés et visant à assurer leur efficacité, auraient pu être mises en oeuvre en l'absence de ces ententes, il retient que l'annulation de la décision du Conseil du chef de l'abus de position dominante ne conduit pas à modifier la sanction qu'avait prononcée la cour d'appel dans son arrêt du 6 mai 2008 dès lors que cette sanction était proportionnée à la gravité des faits anticoncurrentiels, résultait d'une analyse pertinente du dommage à l'économie et avait été individualisée pour chaque entreprise ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'annulation du grief d'abus de position dominante collective ne modifiait ni le nombre, ni la nature anticoncurrentielle ni la gravité des faits, notamment de remises fidélisantes, retenus à l'encontre des sociétés Lafarge et Vicat, la cour d'appel qui n'a pas apprécié à nouveau la gravité des ententes définitivement caractérisées par l'arrêt du 6 mai 2008, mais a recherché si la gravité des pratiques telle qu'appréciée par la cour d'appel dans cet arrêt était modifiée par l'annulation du grief d'abus de position dominante collective afin de déterminer la part de la sanction globale justifiée par ce grief, qui n'a pas violé le principe de proportionnalité, qui n'a ni méconnu l'étendue de sa saisine ni son office et qui n'a pas ajouté à la loi, a pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° V 10-17.791, pris en sa huitième branche :
Attendu que les sociétés Lafarge et Vicat font à l'arrêt le même grief, alors, selon le moyen, que le dommage à l'économie ne peut pas être présumé ; qu'en adoptant expressément l'analyse du Conseil de la concurrence ayant évalué le dommage à l'économie à partir d'une hypothèse minimaliste non vérifiée, après avoir expressément reconnu la difficulté de quantifier, en l'espèce, le dommage à l'économie, la cour de renvoi, qui a considéré que l'existence de ce dommage pouvait reposer sur de simples présomptions, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'analyse du dommage à l'économie a été extrêmement prudente dans la décision du Conseil, puisqu'il a relevé que les prix des concurrents étrangers, pour du ciment ne bénéficiant d'ailleurs pas de la norme NF, étaient inférieurs de 20 % aux prix moyens pratiqués par les sociétés Lafarge et Vicat en Corse du Sud, lesquels étaient encore inférieurs de 30 % à ceux que les cimentiers eux-mêmes ont pratiqué en Haute-Corse entre 1997 et 1999, là où l'intégration de la chaîne "production-transport-stockage-ensachage" sous leur contrôle était la plus accomplie ; qu'il retient encore qu'il a été tenu compte de ce que les prix que les deux sociétés ont pratiqués sur le marché corse, hors transport, étaient inférieurs à ceux qu'elles pratiquaient simultanément en France continentale ; qu'il prend en considération la modeste dimension du marché affecté et sa valeur ainsi que la durée des pratiques, légèrement moins longue que ce que la décision du Conseil avait retenu ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui ne s'est pas fondée sur une présomption de dommage reposant sur l'existence d'ententes anticoncurrentielles mais a retenu, pour évaluer le sur-prix payé par les clients, les estimations du Conseil, qui, comme toute estimation, étaient affectées d'un coefficient d'incertitude mais étaient fondées sur une méthode scientifiquement reconnue consistant à comparer les prix effectivement pratiqués sur le marché affecté par les pratiques anticoncurrentielles et ceux des concurrents étrangers sur ce marché ou ceux des sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles sur d'autres marchés, après avoir éliminé l'influence d'autres facteurs explicatifs de différence de prix entre ces situations, a pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les deuxième et troisième branches du moyen unique du pourvoi n° J 10-17.482 et les troisième, quatrième, cinquième, septième, neuvième, dixième et onzième branches du moyen unique du pourvoi n° V 10-17.791 ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Lafarge ciments et Vicat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Vicat ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur du greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi n° J 10-17.482 par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Lafarge ciments.
de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Vicat
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à l'encontre de la société LAFARGE CIMENTS une sanction pécuniaire de 10 millions d'euros,
AUX MOTIFS QU' "aux termes de l'article L 464-2, alinéa 3, du code de commerce, en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 16 mai 2001, applicable en la cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné, et de façon motivée pour chaque sanction, le montant maximum de la sanction étant, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos; Que les chiffres d'affaires HT du dernier exercice clos au moment de la poursuite, a atteint 881 millions d'euros pour la société Lafarge et 398 millions d'euros pour la société Vicat; que la sanction, en cas de poursuites d'un comportement ou d'une série homogène de comportements sous plusieurs qualifications, n'étant pas divisible conformément aux principes du droit répressif national et à la lettre du texte susénoncé, l'annulation de la Décision du chef de l'abus de position dominante collective ne conduit pas à modérer nécessairement la sanction que prononce ladite Décision; Qu'il ne peut être prétendu à une quelconque modération lorsque cette sanction a été proportionnée à la gravité de la pratique anticoncurrentielle, a résulté d'une analyse pertinente du dommage à l'économie et a été individualisée pour chaque entreprise poursuivie; Considérant, sur la gravité de la pratique anticoncurrentielle, que la Décision relève:-qu'il est constant qu'au moment où les pratiques ont été mises en oeuvre, la concurrence en Corse sur le marché de gros de l'approvisionnement en ciment était déjà sérieusement altérée;- que cette situation était la conséquence des deux crises graves qui ont successivement affecté le marché de l'approvisionnement en gros du ciment en Corse;-que les sociétés Lafarge et Vicat ont profité de cette position privilégiée pour mettre en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles -qu'en agissant ainsi, allant au-delà de ce qui était justifié par les investissements qu'elles avaient consentis, elles ont cherché à verrouiller totalement le marché, à seule fin de tirer le maximum de profit des risques qu'elles avaient pris, ce qui caractérise la gravité des pratiques qui leur sont imputées;Que dès lors, en estimant que la pratique anticoncurrentielle des sociétés Lafarge et Vicat était grave, la Décision (notamment en ses § 326 et 330) a fait une exacte application de l'article L 420-1 du code de commerce; Que d'ailleurs, tout en stigmatisant un comportement anticoncurrentiel d'une exceptionnelle gravité, le Conseil de la concurrence a néanmoins sanctionné les SA Lafarge Ciments et Vicat dans des proportions notablement très modérées;Considérant, sur le dommage à l'économie, que les deux pratiques anticoncurrentielles poursuivies par le Conseil ont conduit aux mêmes effets, c'est-à-dire que le prétendu abus de position dominante collective n'aurait pas, selon les termes propres de la Décision, occasionné un dommage spécifique à l'économie; Que ce dommage consiste dans le fait que les accords d'exclusivité consentis par le GlE et le syndicat ont eu pour effet supplémentaire de limiter entre leurs membres la concurrence par les prix qui aurait pu s'instituer du fait des prix plus bas des ciments importés; Qu'au demeurant, l'analyse du dommage à l'économie a été extrêmement prudente dans la Décision, puisque si le Conseil a relevé que les prix des concurrents étrangers -pour du ciment ne bénéficiant d'ailleurs pas de la norme NF-étaient inférieurs de 20 % aux prix moyens pratiqués par Lafarge et Vicat en Corse du Sud, lesquels étaient encore inférieurs de 30 % à ceux que les cimentiers eux-mêmes ont pratiqué en Haute-Corse entre 1997 et 1999, là où l'intégration de la chaîne "production-transport-stockage-ensachage" sous leur contrôle était la plus accomplie, il a aussi été tenu compte de ce que les prix que les deux sociétés ont pratiqués sur le marché corse, hors transport, étaient inférieurs à ceux qu'elles pratiquaient simultanément en France continentale, sans que les raisons de cette situation paradoxale aient pu être expliquées; Qu'il doit encore être tenu compte par la Cour d'autres éléments modérateurs, notamment de la modeste dimension du marché affecté et de sa valeur (10 millions d'euros), et de la durée des pratiques, légèrement moins longue que ce que la Décision retient (10 ans pour la subdélégation en Haute Corse, 3 ans pour le protocole avec le syndicat et six mois pour les remises, dont l'attribution n'a pas été strictement limitée aux négociants "fidèles") ; qu'une modération des sanctions à ce titre doit être admise; Considérant enfin, sur l'individualisation nécessaire des sanctions, la Décision a décrit sans erreur les rôles respectifs des requérantes et énoncé leurs chiffres d'affaires en France pour l'exercice 2005 (398 808 millions d'euros pour la société Vicat et 881 592 millions d'euros pour la société Lafarge) ; Considérant en somme que le principe de proportionnalité commande de fixer les sanctions à 10 millions d'euros pour la société Lafarge et à 4,5 millions d'euros pour la société Vicat ; » (cf. arrêt p.14 et 15).
ALORS D'UNE PART, qu'en vertu de l'article L 464-2 alinéa 3 du code de commerce, les sanctions doivent être proportionnées à la gravité des comportements ; que dès lors, l'abandon du grief d'abus de position dominante collective conduit nécessairement à modérer les sanctions prononcées, pour respecter le principe de proportionnalité ; Qu'en décidant qu'un tel abandon ne conduisait pas nécessairement à modérer les sanctions prononcées, la Cour d ‘appel a violé l'article L 464-2 alinéa 3 du code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART, qu'en tout état de cause, en vertu de l'article L 464-2 alinéa 3 du code de commerce, les sanctions doivent être proportionnées à la gravité des comportements; qu'en l'espèce, en appréciant la gravité des pratiques reprochées, sans rechercher si le prétendu abus de position dominante collective retenu par la Conseil de la concurrence et exclu par la Cour d'appel, n'avait pas contribué à l'appréciation par le Conseil de la gravité des pratiques reprochées, et donc si l'abandon de ce grief ne modifiait pas l'appréciation de la gravité des pratiques reprochées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
ALORS ENFIN, que la Cour d'appel qui a repris les motifs du Conseil sur le dommage à l'économie et la gravité des comportements, ne pouvait pas sans se contredire, admettre d'un côté que l'entente verticale ne pouvait fonctionner en dehors de la Haute Corse sans remises fidélisantes imposées par un abus de position dominante collective, et d'un autre côté, que la pratique d'abus de position dominante collective aujourd'hui exclue n'aurait pas occasionné de dommage à l'économie propre ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Moyen produit au pourvoi n° V 10-17.791 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Vicat.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après réformation partielle de la décision n° 07-D-08 du Conseil de l a concurrence, prononcé une sanction de 4,5 millions d'euros à l'encontre de la société Vicat ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la position dominante collective (…) et spécialement sur la pratique de remises fidélisantes, que les remises fidélisantes ont été abondamment invoquées, tant par la Décision que par l'arrêt du 6 mai 2008 en ses énonciations non cassées, en tant qu'accessoires des accords passés en 1994 et 1999 avec les négociants; qu'il s'agit ainsi indéniablement d'éléments qui caractérisent les ententes verticales, et qui ne peuvent appuyer la démonstration d'une position dominante collective en l'absence desdites ententes ; qu'à titre surabondant et autant que de besoin, ces remises n'auraient signalé de manière probante un abus de position dominante collective que si elles avaient constitué une pratique caractéristique de la période visée dans la poursuite, et commune aux deux opérateurs; que tel n'est pas le cas, puisque contrairement aux pratiques de la société Vicat, le dossier ne relève qu'un seul cas de remise accordée par la société Lafarge, ce qui ne présente pas un caractère de généralité suffisant; que la pratique de la société Vicat a elle-même eu une durée limitée ; qu'en outre, l'effet anticoncurrentiel de ces remises n'a pas été démontré dès lors qu'elles ont finalement été accordées à tous les négociants, y compris à ceux qui importaient du ciment étranger (…) ; que les négociants ont obtenu, comme énoncé précédemment, des remises précisément parce qu'il existait une concurrence potentielle des importateurs étrangers; que le Tableau n° 1 au paragraphe 20 de la Décision démontre que neuf négociants (soit 36 % des négociants) ont importé du ciment entre 1997 et 1999 (seule période analysée par le Conseil), parmi les plus gros (ETM, Castelli, Bronzini, Meoni, Avenir Agricole) comme les plus petits (Ceccaldi, Decopolys, Pierretti, Brico Balagne), parfois dans des quantités très significatives (par exemple, 36 % des besoins d'Avenir Agricole en 1999 ont été satisfaits par des importations et les importations réalisées par Meoni représentaient plus de la moitié de ses achats auprès de Vicat en 1999) ; qu'en somme, si les ententes ont pu gêner les importateurs pour pénétrer le marché considéré, selon les énonciations non cassées de l'arrêt du 6 mai 2008, aucun abus de position dominante n'est établi indépendamment desdites ententes (…) ; qu'en somme, les éléments au dossier ne permettent pas de caractériser, en dehors des ententes, la domination collective des deux sociétés sur le marché de l'approvisionnement de la Corse en ciment; que le fait que les mêmes pratiques puissent être visées à la fois sous l'angle de l'entente et sous l'angle de l'abus de domination collective permet d'affirmer à l'inverse que celle-ci n'est pas établie ; que la Décision sera annulée de ce chef ;
QUE sur la sanction aux termes de l'article L 464-2, alinéa 3, du code de commerce, en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 16 mai 2001, applicable en la cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné, et de façon motivée pour chaque sanction, le montant maximum de la sanction étant, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos ; que les chiffres d'affaires HT du dernier exercice clos au moment de la poursuite, a atteint 881 millions d'euros pour la société Lafarge et 398 millions d'euros pour la société Vicat ; que la sanction, en cas de poursuites d'un comportement ou d'une série homogène de comportements sous plusieurs qualifications, n'étant pas divisible conformément aux principes du droit répressif national et à la lettre du texte sus énoncé, l'annulation de la Décision du chef de l'abus de position dominante collective ne conduit pas à modérer nécessairement la sanction que prononce ladite Décision ; qu'il ne peut être prétendu à une quelconque modération lorsque cette sanction a été proportionnée à la gravité de la pratique anticoncurrentielle, a résulté d'une analyse pertinente du dommage à l'économie et a été individualisée pour chaque entreprise poursuivie ; que sur la gravité de la pratique anticoncurrentielle, la Décision relève - qu'il est constant qu'au moment où les pratiques ont été mises en oeuvre, la concurrence en Corse sur le marché de gros de l'approvisionnement en ciment était déjà sérieusement altérée; - que cette situation était la conséquence des deux crises graves qui ont successivement affecté le marché de l'approvisionnement en gros du ciment en Corse; - que les sociétés Lafarge et Vicat ont profité de cette position privilégiée pour mettre en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles - qu'en agissant ainsi, allant au delà de ce qui était justifié par les investissements qu'elles avaient consentis, elles ont cherché à verrouiller totalement le marché, à seule fin de tirer le maximum de profit des risques qu'elles avaient pris, ce qui caractérise la gravité des pratiques qui leur sont imputées ; que dès lors, en estimant que la pratique anticoncurrentielle des sociétés Lafarge et Vicat était grave, la Décision (notamment en ses § 326 et 330) a fait une exacte application de l'article L 420-1 du code de commerce ; que d'ailleurs, tout en stigmatisant un comportement anticoncurrentiel d'une exceptionnelle gravité, le Conseil de la concurrence a néanmoins sanctionné les SA Lafarge Ciments et Vicat dans des proportions notablement très modérées ; que sur le dommage à l'économie, les deux pratiques anticoncurrentielles poursuivies par le Conseil ont conduit aux mêmes effets, c'est-à-dire que le prétendu abus de position dominante collective n'aurait pas, selon les termes propres de la Décision, occasionné un dommage spécifique à l'économie ; que ce dommage consiste dans le fait que les accords d'exclusivité consentis par le GlE et le syndicat ont eu pour effet supplémentaire de limiter entre leurs membres la concurrence par les prix qui aurait pu s'instituer du fait des prix plus bas des ciments importés ; qu'au demeurant, l'analyse du dommage à l'économie a été extrêmement prudente dans la Décision, puisque si le Conseil a relevé que les prix des concurrents étrangers -pour du ciment ne bénéficiant d'ailleurs pas de la norme NF étaient inférieurs de 20 % aux prix moyens pratiqués par Lafarge et Vicat en Corse du Sud, lesquels étaient encore inférieurs de 30 % à ceux que les cimentiers eux-mêmes ont pratiqué en Haute-Corse entre 1997 et 1999, là où l'intégration de la chaîne "production-transport-stockage-ensachage" sous leur contrôle était la plus accomplie, il a aussi été tenu compte de ce que les prix que les deux sociétés ont pratiqués sur le marché corse, hors transport, étaient inférieurs à ceux qu'elles pratiquaient simultanément en France continentale, sans que les raisons de cette situation paradoxale aient pu être expliquées ; qu'il doit encore être tenu compte par la Cour d'autres éléments modérateurs, notamment de la modeste dimension du marché affecté et de sa valeur (10 millions d'euros), et de la durée des pratiques, légèrement moins longue que ce que la Décision retient (10 ans pour la subdélégation en Haute"Corse, 3 ans pour le protocole avec le syndicat et six mois pour les remises, dont l'attribution n'a pas été strictement limitée aux négociants "fidèles") ; qu'une modération des sanctions à ce titre doit être admise ; qu'enfin, sur l'individualisation nécessaire des sanctions, la Décision a décrit sans erreur les rôles respectifs des requérantes et énoncé leurs chiffres d'affaires en France pour l'exercice 2005 (398 808 millions d'euros pour la société Vicat et 881 592 millions d'euros pour la société Lafarge) ; qu'en somme le principe de proportionnalité commande de fixer les sanctions à 10 millions d'euros pour la société Lafarge et à 4,5 millions d'euros pour la société Vicat ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur les sanctions l'abus de position dominante collective (remises anticoncurrentielles) et l'entente entre Gedimat Anchetti et Simat Simongiovani ont été commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2 001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite et en vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables. Les ententes relatives aux conventions des 8 novembre 1994 11 et 6 mai 1999 étaient en cours lors de l'entrée en vigueur de cette loi. Toutefois, la saisine du Conseil étant antérieure (6 juin 2000), c'est également le régime antérieur à la loi du 15 mai 2001 qui s'applique à ces pratiques ; qu'aux termes de l'article L. 464-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 1 524 490,17 euros " (…) (att. 312 et 313) ; que sur la gravité des pratiques, pour ce qui concerne les ententes entre Lafarge, Vicat, le Syndicat et le GIE d'une part, et l'abus de position dominante de Lafarge et Vicat d'autre part, dans cette affaire, les faits rapportés, les comportements mis en cause et les pratiques démontrées font apparaître, sur le marché de gros de l'approvisionnement de la Corse en ciment, une situation concurrentielle très gravement dégradée ; qu'alors que le territoire de ces départements insulaires aurait pu être desservi dans des conditions économiques satisfaisantes par un grand nombre de cimentiers installés dans plusieurs États membres de l'Union européenne, ou même dans des États étrangers à l'Union, seuls deux cimentiers français – Lafarge et Vicat – se partagent plus de 90 % de ce marché ; que cette "chasse gardée" corse était protégée par la barrière de la norme "NF" parce que les faits de la cause prenaient place à l'époque transitoire où la réglementation européenne proscrivant le rôle protecteur trop souvent donné aux normes n'avait pas encore pris son plein effet ; qu'elle était aussi protégée par la barrière du transport maritime ; que tant qu'a duré la subvention publique de ce transport, elle était évidemment limitée au seul bénéfice des opérateurs nationaux ; que lorsque la réglementation européenne réprimant les aides d'État a conduit à mettre fin à cette subvention, les deux cimentiers en cause ont continué à verrouiller le transport par des accords d'exclusivité passés avec l'affréteur et le transporteur. Qu'elle est protégée, enfin, sur le port principal de Bastia, par l'intégration dans le périmètre des activités des cimentiers, des installations de stockage et d'ensachage que la Chambre de commerce, gestionnaire du port, a accepté de leur déléguer ; qu'en outre, la pratique généralisée d'une tarification franco de port contribue à cloisonner la concurrence ; qu'à ces circonstances institutionnelles, réglementaires, contractuelles ou de fait déjà peu favorables au développement de la concurrence, les deux cimentiers en cause ont ajouté des pratiques délibérées d'entente ; que l'entente avec les négociants de Haute-Corse regroupés dans le GIE a la double caractéristique d'être à la fois horizontale entre les cimentiers et verticale avec leurs distributeurs, ce qui la rend exceptionnellement pernicieuse ; qu'en subdélégant à leurs distributeurs la gestion des installations cimentières du port dont ils s'étaient rendus maîtres en avançant les fonds nécessaires à leur rénovation, les cimentiers transformaient leurs distributeurs, dont les intérêts économiques ne coïncidaient pas spontanément avec les leurs, en alliés complaisants, au point qu'ils ont accepté l'obligation d'approvisionnement exclusif en ciments Lafarge et Vicat, pour toutes leurs activités, et pas seulement pour celles relatives à la gestion des silos installés sur le port ; que l'entente avec le Syndicat dont les membres sont les négociants de toutes les régions corses était de même nature : horizontale et verticale. En s'appuyant sur la rationalité supposée plus grande d'un transport exclusif en vrac et sur la rentabilité meilleure qu'il permettrait, les cimentiers ont obtenu l'adhésion de leurs distributeurs à leurs intérêts de producteurs en liant des tarifs, qu'ils prétendent bas du fait de cette exclusivité de transport, à l'exclusivité de leur marque dans l'approvisionnement de leurs clients, comme le montrent les termes mêmes du protocole qui scelle cette entente ; que par la partie horizontale de ces ententes, les deux cimentiers se sont unis pour se réserver le marché corse ; que de jurisprudence constante, les ententes horizontales de répartition de marchés, comme en l'espèce, sont parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; qu'en s'entendant avec les négociants par l'intermédiaire de leur Syndicat, pour l'ensemble de la Corse, et du GIE, pour la seule Haute-Corse, Lafarge et Vicat ont donné une dimension verticale aux ententes ; que la conjonction de ces deux dimensions a permis aux deux cimentiers français, Lafarge et Vicat, de se réserver l'essentiel de l'approvisionnement en gros de la Corse en ciment, en écartant du marché leurs concurrents étrangers, limités à n'opérer que des importations marginales ; que dans une entente verticale entre producteurs et distributeurs, l'intérêt collectif de ces derniers est que tous les distributeurs se plient aux règles instituées par l'entente, en l'espèce la non importation de ciment étranger moins cher, de façon à ne subir aucune concurrence de la part d'éventuels déviants. En revanche, l'intérêt individuel de chacun peut être de dévier pour bénéficier, contre les autres, de ces prix plus bas ; que tant le Syndicat que le GIE ont pris en charge cet intérêt collectif : au nom de leurs mandants, ils ont signé, l'un le protocole du 6 mai 1999, l'autre l'accord de subdélégation du 8 novembre 1994 et souscrit, ce faisant, à la demande d'exclusivité dirigée contre le ciment importé qu'exigeaient Lafarge et Vicat, en même temps qu'ils satisfaisaient à l'intérêt collectif de leurs mandants consistant à éliminer, entre ces derniers, toute concurrence basée sur les bas prix du ciment importé ; qu'une fois les intérêts anticoncurrentiels communs satisfaits par ces deux ententes, intérêts conjoints pour les cimentiers Lafarge et Vicat et intérêt collectif pour les négociants, il était nécessaire, pour que l'entente produise pleinement ses effets, de lutter contre les comportements déviants de certains négociants tentés de privilégier leur intérêt individuel en achetant, malgré les engagements de leurs mandants, du ciment importé moins cher ; qu'en tant qu'exploitant exclusif des installations cimentières du port de Bastia, le GIE disposait d'un moyen de rétorsion efficace : l'exclusion, ce qui interdisait au déviant exclu l'accès à ces installations. Le GIE n'a pas manqué d'utiliser cette menace : que c'est ainsi que le GIE a menacé deux de ses membres d'exclusion pour ne pas avoir ratifié la convention (Brico Balagne) ou avoir préféré un mode d'approvisionnement autre que les infrastructures de Bastia (ETM). Mais ce moyen de dissuasion n'était efficace qu'en Haute-Corse, et pour les négociants n'y disposant pas de solutions alternatives pour stocker et ensacher. Balagne Matériaux, qui disposait d'installations à Calvi, se dispensait de l'approvisionnement exclusif à Bastia (mêmes sources – cotes 1138 à 1143) ; qu'à l'inverse, en Corse du Sud où le GIE n'était pas présent, le Syndicat ne disposait pas de moyen de rétorsion suffisant ; que ces circonstances expliquent l'octroi par les cimentiers des remises fidélisantes aux négociants sous la réserve qu'ils n'aient importé aucun ciment étranger (grief G8a) ; que ces remises s'analysent comme des récompenses accordées aux négociants "loyaux" et jouaient le rôle de police des ententes en dissuadant les velléités de dévier. En conséquence, outre les menaces d'exclusion brandies par le GIE, l'abus de position dominante collective par les remises fidélisantes commis par les cimentiers donne plein effet aux ententes ; qu'au total, les pratiques faisant l'objet des griefs n° 4, 5 et 8 a sont, ensemble, d'une exceptionnelle gravité (att. 321 à 330) (…) ; que sur l'importance du dommage à l'économie dans son rapport annuel de 1997, le Conseil de la concurrence a précisé que "l'effet réel de la pratique, même lorsqu'il est établi, est souvent difficile à mesurer puisqu'il ne peut être évalué qu'en comparant la situation résultant de la pratique à la situation qui aurait prévalu en l'absence de cette pratique ; qu'en l'espèce, il est difficile de quantifier le dommage à l'économie résultant des pratiques d'ententes et d'abus de position dominante constatées, faute de disposer d'une vue synthétique complète sur la situation qui se serait instaurée en Corse si la concurrence n'y avait pas été compromise du fait des pratiques établies ; qu'il convient donc de procéder à une évaluation plus analytique et qualitative de l'importance du dommage à l'économie en reprenant les différents critères relevés par le Conseil dans sa jurisprudence traditionnelle ; que trois caractéristiques sont à prendre en considération ; qu'en premier lieu, les pratiques ont été mises en oeuvre sur le marché de l'approvisionnement en gros de la Corse en ciment, marché que les données du dossier permettent d'évaluer à 10 millions d'euros environ par an à la période des faits. Les pratiques ont directement affecté plus de 90 % de ce marché ; qu'en deuxième lieu, la durée des pratiques est identifiable ; que le protocole du 6 mai 1999 a été conclu pour une durée de quatre ans renouvelable, soit une durée de l'entente, basée sur ce protocole, de sept ans à la date de la décision. Les parties ont allégué en séance avoir dénoncé le protocole en juin 2002 (à effet fin 2002) et ont prétendu qu'il n'avait pas été ultérieurement renouvelé, sans en fournir la preuve écrite ; que la notification de griefs n'ayant visé qu'une période de quatre ans, de 1999 à 2003, c'est cette durée qui sera retenue ; que la subdélégation du 8 novembre 1994 a été conclue pour une durée de 30 ans, soit, à la date de cette décision une durée de l'entente basée sur cette subdélégation de douze ans ; que pour ce qui concerne les remises fidélisantes, la preuve de leur mise en oeuvre n'est rapportée que pour les mois de décembre 1997 à la fin du 1er trimestre 1998 et ensuite de juillet à septembre 1999, soit une durée prouvée de six mois ; qu'en troisième lieu, les pratiques ont eu des effets sur les prix. Il ressort du dossier que les prix des concurrents étrangers étaient inférieurs d'environ 20 % (paragraphes 73 à 76) au prix moyen pratiqués par Lafarge et Vicat en Corse du Sud ; qu'en Haute-Corse, les prix pratiqués par Lafarge et Vicat étaient supérieurs d'environ 30 % à ceux de la Corse du Sud (paragraphes 69 à 72) ; que s'agissant, en effet, des prix artificiellement élevés visés par les griefs n°9 b et 10 non retenus en tant que pratiques, il y a lieu de les mentionner ici, s'agissant de l'effet sur les prix des pratiques démontrées d'ententes et d'abus de position dominante collective. Les faits montrent, comme indiqué ci-dessus, que les négociants membres du GIE ont supporté un prix du ciment supérieur d'environ 30 % en moyenne au prix du ciment pratiqué par Lafarge et Vicat sur le reste de l'île entre 1997 et 1999 ; que l'année 1999 constituait une année charnière où toutes les pratiques sanctionnées étaient actives ; qu'en outre, il a été constaté que le prix "sortie usine" facturé "sous devis" par Lafarge à la société Padrona était non seulement supérieur au prix rendu en Corse, alors qu'il faut encore y ajouter le coût du transport ce qui représente un surcoût potentiel total de 35 %, mais également au tarif sortie usine pratiqué par Lafarge à ses clients du continent d'environ 10 %. ; que le supplément de prix que Lafarge et Vicat ont pu maintenir grâce aux pratiques anticoncurrentielles établies caractérise l'ampleur des effets de ces pratiques ; que par surcroît, il illustre le caractère fallacieux des arguments de "rationalité économique" allégués par les cimentiers pour justifier leur main mise sur la fourniture et le transport en vrac du ciment ; que bien loin d'apporter une meilleure rentabilité économique dont les utilisateurs corses auraient bénéficié, ces pratiques permettaient à Lafarge et Vicat d'extraire une rente du marché : si le transport en vrac et l'organisation du stockage et de l'ensachage dans des installations modernisées sont, comme il est probable et comme les cimentiers le soutiennent, plus rentables que les autres modes d'approvisionnement, force est de constater que ce supplément de rentabilité aboutissait, à l'encontre du résultat attendu, à rendre plus cher le ciment qui en bénéficiait par rapport au ciment importé ; que plus encore, en Haute-Corse où la rationalisation de l'approvisionnement était la plus poussée grâce à l'intégration complète de la chaîne "production ; transport ; stockage ; ensachage" sous le contrôle des cimentiers, le prix du ciment était encore plus élevé qu'en Corse du Sud. Il est vrai que le GIE (annexe 4 de son mémoire en réponse au rapport) allègue l'existence d'un surdimensionnement des installations de Bastia, susceptible de renchérir les coûts ; que (cependant) au total, la rationalisation de l'approvisionnement mise en avant par les cimentiers pour justifier les clauses d'approvisionnement exclusif convenues avec les négociants les faisait gagner sur deux tableaux : l'exclusivité leur permettait d'augmenter les prix ; la rationalisation de baisser leurs coûts ; que les cimentiers prétendent encore que l'écart entre le prix de leur ciment et celui du ciment importé s'expliquerait par le coût de la norme NF, les ciments importés n'en bénéficiant pas ; que (cependant) cet argument ne peut être retenu car, d'une part, les ciments importés pouvaient supporter les charges de leurs propres normes nationales et, bénéficiant à tout le moins de la pré-norme européenne, ils pouvaient en supporter le coût, mais, d'autre part et surtout, les coûts de la norme NF sont principalement des coûts fixes qui ne peuvent raisonnablement expliquer un écart de plus de 20 % du prix à la tonne ; que pour sa défense encore, Lafarge a fourni une note de son directeur commercial tendant à démontrer que les prix en Corse étant plus bas que ceux pratiqués en France continentale, la rentabilité des ventes en Corse serait faible, voire nulle de sorte qu'aucun dommage à l'économie ne résulterait des pratiques établies. Mais, contrairement à ce qui est soutenu, rien dans le dossier ne permet d'affirmer que les prix pratiqués en France continentale, plus élevés que les prix pratiqués en Corse, déjà eux mêmes plus élevés que ceux des ciments importés, seraient des prix résultant d'une pure concurrence ; que pour ce qui concerne les négociants, leur adhésion collective aux pratiques en cause par le canal du Syndicat et du GIE, leur permettait de répercuter sur les prix de détail l'excès des prix de gros, tout en prenant leur marge au passage. Ils ont donc pleinement participé à la formation du dommage ; qu'à partir des ordres de grandeurs des écarts de prix, l'hypothèse qu'une concurrence non faussée aurait dû ramener les prix de Lafarge et Vicat au plus, au niveau des prix des ciments importés, conduirait à un supplément illicite de prix de 20 % en Corse du Sud et de 50 % en Corse du Nord. Dans ces conditions, supposer que le supplément illicite de prix, pour la Corse entière a été au moins de 25 % est une hypothèse minimaliste ; que le supplément illicite de valeur s'établit comme suit, sans qu'il soit possible d'identifier séparément le dommage causé par chacune des pratiques démontrées : qu'en retenant comme base la valeur du marché affecté, soit 90 % de 10 millions d'euros, et un supplément illicite de prix de l'ordre de 25 %, le supplément illicite de valeur s'établirait à 2,25 millions d'euros par an. En limitant l'évaluation du dommage à une période moyenne de quatre ans, compte tenu de la durée variable des pratiques (paragraphe 335), la subdélégation ayant duré douze ans, le dommage total à l'économie peut être évalué à au moins 9 millions d'euros ; que le Conseil en conclut que l'importance du dommage à l'économie est forte ;
1°) ALORS QUE l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2009 n'a censuré l'arrêt de la cour de Paris du 6 mai 2008 ayant condamné des chefs d'ententes et d'abus de position dominante collective les sociétés Vicat et Lafarge à payer respectivement une amende de 4,5 millions d'euros et 10 millions d'euros, qu'en ses seules dispositions relatives à l'abus de position dominante collective et aux sanctions y afférent ; qu'en décidant d'apprécier à nouveau la gravité des ententes définitivement caractérisées et de maintenir le montant des sanctions prononcées par l'arrêt du 6 mai 2008, après avoir constaté qu'aucun abus de position dominante collective ne pouvait être établi, la cour de renvoi qui a méconnu l'étendue de sa saisine, a violé l'article 631 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge méconnaît son office en refusant de procéder à une recherche à laquelle il est tenu ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2009 a spécialement invité la cour de renvoi non seulement à vérifier l'existence de l'abus de position dominante collective mais aussi à opérer une distinction entre la sanction afférente aux ententes et celle afférente à l'abus de position dominante ; qu'en refusant de procéder à cette ventilation, la cour de renvoi a méconnu son office et violé les articles 4 du code civil et L 464-2 ancien du code de commerce :
3°) ALORS QUE selon le dispositif de la décision du Conseil de la concurrence, les pratiques d'ententes visées sous les griefs n° 1, 2, 3 reprochant aux sociétés Vicat, Lafarge et au GIE Groupement Logistique de Haute Corse de s'être concertés en vue de mettre en place des remises exceptionnelles destinées aux négociants n'ayant pas procédé à des importations de ciments de Grèce ou d'Italie entre le 1er décembre 1997 et la fin du premier trimestre 1998, ne sont pas établies ; qu'en affirmant qu'il résulte de la décision du Conseil de la concurrence que les remises fidélisantes ont été abondamment invoquées en tant qu'accessoires des accords passés en 1994 et 1999 et partant en tant qu'éléments caractérisant des ententes verticales, la cour de renvoi qui a méconnu le sens et la portée des dispositions définitives de cette décision, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS QU'il résulte des énonciations de l'arrêt partiellement cassé de la cour de Paris du 6 mai 2008 que l'octroi de remises fidélisantes n'a pas été invoqué pour caractériser les griefs d'ententes reprochés notamment à la société Vicat au titre de la subdélégation du 8 novembre 1994 et du protocole du 6 mai 1999, mais seulement pour établir un prétendu « grief d'abus de position dominante collective de Lafarge et Vicat par octroi de remises fidélisantes » ; qu'en affirmant au contraire que les remises fidélisantes ont été abondamment invoquées par l'arrêt du 6 mai 2008 en ses dispositions non cassées en tant qu'accessoires des accords passés en 1994 et 1999 et partant en tant qu'éléments caractérisant des ententes verticales, la cour de renvoi qui a dénaturé l'arrêt du 6 mai 2008 susvisé, a violé l'article 1134 du code civil ;
5°) ALORS QU'en considérant les remises de fidélité comme des éléments des ententes verticales utilisés pour récompenser les clients respectant les termes de l'accord d'approvisionnement exclusif tout en constatant que l'attribution des remises de fidélité n'a pas été strictement limitée aux négociants fidèles, ce qui suffit à démontrer que ces remises de fidélité ne pouvaient pas être regardées comme un élément de police des ententes, la cour de renvoi qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 101 du TFUE, L 420-1 et L 464-2 ancien du code de commerce ;
6°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en affirmant qu'il ressort de la lettre de l'article L 464-2 ancien du code de commerce et des principes du droit répressif national que l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence du chef de l'abus de position dominante collective ne conduit pas à modérer nécessairement la sanction que prononce ladite décision, quand l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence concernant l'une des infractions retenues contre la société Vicat rend son comportement sur le marché nécessairement moins grave d'un point de vue concurrentiel, la cour de renvoi qui a ajouté à la loi, a violé le texte susvisé ;
7°) ALORS QUE qu'en adoptant expressément l'analyse du Conseil de la concurrence ayant retenu que l'importance du dommage à l'économie est forte, bien qu'il résultait des énonciations non censurées de l'arrêt du 6 mai 2008 ayant déjà réformé partiellement cette décision que le dommage à l'économie n'a pu être en l'espèce que limité, la cour de renvoi a violé l'article L 464-2 ancien du code de commerce ;
8°) ALORS QUE le dommage à l'économie ne peut pas être présumé ; qu'en adoptant expressément l'analyse du Conseil de la concurrence ayant évalué la dommage à l'économie à partir d'une hypothèse minimaliste non vérifiée, après avoir expressément reconnu la difficulté de quantifier, en l'espèce, le dommage à l'économie, la cour de renvoi qui a considéré que l'existence de ce dommage pouvait reposer sur de simples présomptions, a violé l'article L 464-2 du code de commerce ;
9°) ALORS QUE le dommage à l'économie ne peut pas être présumé ; qu'ainsi le dommage à l'économie doit désormais être établi pour chaque infraction retenue ; qu'en considérant que chaque pratique anticoncurrentielle distincte n'avait pas nécessairement occasionné un dommage spécifique à l'économie, la cour de renvoi a violé l'article L 464-2 ancien du code de commerce ;
10°) ALORS QUE concernant le dommage à l'économie résultant des pratiques d'ententes et d'abus de position dominante qu'il a constatées, la Conseil de la concurrence a expressément retenu qu'il n'était pas « possible d'identifier séparément le dommage à l'économie causé par chacune des pratiques démontrées » ; qu'en affirmant qu'il résultait des propres termes de la décision déférée que l'abus de position dominante collective n'avait pas occasionné un dommage spécifique à l'économie, quand le Conseil de la concurrence s'était borné à reconnaître son incapacité à évaluer le dommage à l'économie pour chacune des pratiques retenues, la cour de renvoi a dénaturé la décision déférée en violation de l'article 1134 du Code civil ;
11°) ALORS QU'en affirmant que l'analyse du dommage à l'économie par le Conseil de la concurrence dans la décision déférée avait « été extrêmement prudente » quand le Conseil de la concurrence a retenu que « l'importance du dommage à l'économie » résultant des pratiques d'ententes et d'abus de position dominante collective « est forte », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-17482;10-17791
Date de la décision : 12/07/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Décision - Sanction - Sanction pécuniaire - Dommage causé à l'économie - Sur-prix payé par les clients

Pour déterminer, en application de l'article L. 464-2 du code de commerce, le dommage à l'économie résultant de pratiques anticoncurrentielles, une cour d'appel a pu, sans se fonder sur une présomption de dommage reposant sur l'existence d'ententes anticoncurrentielles, retenir, pour évaluer le sur-prix payé par les clients, les estimations du Conseil de la concurrence, qui, comme toute estimation, étaient affectées d'un coefficient d'incertitude mais étaient fondées sur une méthode scientifiquement reconnue consistant à comparer les prix effectivement pratiqués sur le marché affecté par les pratiques anticoncurrentielles et ceux des concurrents étrangers sur ce marché ou ceux des sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles sur d'autres marchés, après avoir éliminé l'influence d'autres facteurs explicatifs de différence de prix entre ces situations


Références :

article L. 464-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 avril 2010

Sur l'inexistence d'une présomption de dommage à l'économie, dans le même sens que :Com., 7 avril 2010, pourvoi n° 09-65940 et a., Bull. 2010, IV, n° 70 (1) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2011, pourvoi n°10-17482;10-17791, Bull. civ. 2011, IV, n° 116
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 116

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Jenny
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17482
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