LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... de son désistement du pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre de la société Quatrem et de la caisse de prévoyance régionale ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Vu les articles L. 511-1 du code des assurances, dans sa rédaction alors en vigueur, 1382 et 1992 du code civil ;
Attendu que, selon le dernier de ces textes, le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 29 octobre 1988, Mme Y..., épouse X..., a adhéré à compter du 26 octobre 1988, par l'intermédiaire du groupe Zéphir, société de courtage en assurance, à un contrat d'assurance de groupe à adhésion facultative souscrit par la caisse de prévoyance régionale auprès des Mutuelles unies aux fins d'obtenir la garantie du risque décès invalidité et incapacité de travail ; que ce contrat a été repris par la société Quatrem assurances collectives ; que le 6 mars 2002, Mme X... a signé avec le groupe Zéphir, par l'intermédiaire de M. Z..., un avenant supprimant la rente invalidité ; que le 15 décembre 2005, Mme X... a informé le groupe Zéphir de son placement en invalidité par la Caisse autonome de retraite des médecins de France ; que le 30 janvier 2006, le groupe Zéphir lui a fait connaître son refus de prise en charge de l'invalidité ; que Mme X... a fait assigner M. Z... et la société Quatrem, afin qu'il soit jugé qu'en omettant de l'informer sur les conséquences de sa renonciation au versement d'une rente d'invalidité en 2002, M. Z... et la société Quatrem avaient manqué à leur devoir de conseil, eu égard notamment à ses affections subies depuis les dix dernières années, et d'obtenir notamment leur condamnation in solidum à lui payer la rente d'invalidité contractuelle qu'elle aurait du percevoir depuis le 1er avril 2005 ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande en dommages-intérêts dirigée contre M. Z..., l'arrêt énonce qu'elle a été atteinte d'une affection, nécessitant de nombreuses interventions et hospitalisations entre 1991 et 2002 ; que le 6 mars 2002, par l'intermédiaire de M. Z..., elle a signé un avenant à son contrat d'assurance, à effet au 1er janvier 2002, tendant à voir augmenter le montant des indemnités journalières pour les affections postérieures au 1er janvier 2002, et à supprimer la garantie du risque invalidité ; que Mme X... a été principalement en relations avec M. Z... et que c'est par son entremise que l'avenant du 6 mars 2002 a été signé ; que M. Z... était agent général d'assurance pour deux compagnies étrangères au contrat souscrit ; que M. Z..., qui n'a eu aucun lien contractuel avec Mme X..., était lié au groupe Zéphir par un contrat de mandat rémunéré par commissions, et que son activité ne peut être analysée comme une activité d'intermédiation en assurance au sens de l'article L. 511-1-1 du code des assurances et de l'article R. 511-1 du même code ; qu'en l'espèce, la structure d'intermédiation est la société groupe Zéphir, laquelle facturait à Mme X... les cotisations et les encaissait ; qu'en tout état de cause, M. Z... ne peut répondre directement et personnellement de ses fautes sur le fondement de l'article 1142 du code civil envers Mme X... avec laquelle il n'avait aucun lien contractuel ; que la responsabilité délictuelle et personnelle de M. Z..., en sa qualité de mandataire préposé, ne pourrait être recherché qu'au titre d'un agissement excédant les limites de la mission qui lui a été impartie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que le grief tenant au caractère inapproprié du choix fait par Mme X..., sur les conseils de M. Z..., s'inscrit dans le cadre de l'exécution de la mission qui lui a été impartie, et n'est pas détachable ; que par ailleurs, Mme X... ne conteste pas avoir reçu la notice d'information lui permettant d'apprécier l'opportunité et la portée des choix d'assurance résultant de la suppression de la rente invalidité ; qu'enfin, Mme X... n'établit ni même n'allègue aucune intention malveillante imputable à M. Z... de nature à fonder la recherche de sa responsabilité délictuelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, M. Z..., mandataire d'une société de courtage, exerçait une activité d'intermédiaire en assurance, et était, à ce titre, personnellement tenu envers ses clients d'un devoir d'information et de conseil qui ne s'achève pas avec le remise de la notice d'information et que, d'autre part, le renvoi fait par l'article L. 511-1 du code des assurances à l'article 1384 du code civil a, pour seul objet, de faire bénéficier le client du mandataire d'un courtier de la garantie de ce dernier et non d'exonérer ce mandataire de sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande formée contre M. Z... au titre de son devoir d'information et de conseil, l'arrêt rendu le 7 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z..., le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris et débouté Madame X... de la demande de dommages-intérêts qu'elle dirigeait contre Monsieur Z...,
AUX MOTIFS QU'à compter du 26 octobre 1988, Madame X... (assurée), née le 7 octobre 1953, a adhéré, par l'entremise de Monsieur Z..., agissant pour le compte de la société de courtage groupe Zéphir (intermédiaire d'assurance) à un contrat d'assurance groupe à adhésion facultative souscrit par la caisse de prévoyance régionale (souscripteur) après des Mutuelles Unies, puis de Boreas Iard, puis de Smip Vie, puis des Mutuelles du Mans assurances devenues Quatrem assurances (assureur) ; que ce contrat avait pour objet de garantir le risque décès-invalidité absolue et définitive, invalidité et incapacité de travail ; qu'à partir de 1991, Madame X... a été atteinte d'une affection cancéreuse, nécessitant une hospitalisation et une intervention chirurgicale, suivies de nombreuses autres interventions et hospitalisations, conséquences de récidives de cette maladie, qui se sont produites entre 1991 et 2002 ; que le 6 mars 2002, par l'intermédiaire de Monsieur Z..., Madame X... a signé un avenant à son contrat d'assurance, à effet au 1er janvier 2002, tendant à voir augmenter le montant des indemnités journalières pour les affections postérieures au 1er janvier 2002, et à supprimer la garantie du risque invalidité ; que, plus précisément, moyennant une baisse des cotisations annuelles, lesquelles passaient de 1673,48 euros à 1448 euros, l'assureur s'engageait à verser des indemnités journalières de 122 euros par jour, au lieu de 64 euros par jour, pour toutes les affections et leur suites apparues après le 1er janvier 2002, la garantie rente invalidité autre qu'absolue et définitive étant supprimée après cette date ; qu'il était convenu que les garanties étaient maintenues sur les bases anciennes pour toutes les affections trouvant leur origine depuis la souscription du contrat et avant cette modification des garanties ; que Madame X..., placée le 15 décembre 2005 en invalidité par la caisse autonome de retraite des médecins de France, n'a pu bénéficier de la rente invalidité supprimée à compter du 1er janvier 2002 ; que sans préciser autrement le fondement juridique de ses demandes dans ses écritures d'appel, elle reproche aux différents intervenants à la mise en place de la modification de son contrat d'assurance, d'avoir manqué collectivement à leur devoir de conseil et d'information, pour l'avoir amenée à effectuer un choix non approprié et pour ne pas l'avoir informée des conséquences de la suppression de la rente invalidité compte tenu des risques encourus ; qu'il n'est pas discuté que Madame X... a été principalement en relations avec Monsieur Z... et que c'est par son entremise que l'avenant du 6 mars 2002 a été signé ; que Monsieur Z... était agent général d'assurance pour deux compagnies étrangères au contrat souscrit, et développait en même temps une activité d'expert foncier et agricole, ainsi qu'une activité commerciale de transaction immobilière, fonds de commerce, fiscalité ; que contrairement à ce qu'elle soutient, la qualité de professionnel des affaires, et en particulier de l'assurance, de Monsieur Z... ne suffit pas pour engager sa responsabilité à l'occasion de l'adhésion à un contrat d'assurance groupe, chacune des parties intervenant à cette opération ayant un statut et une responsabilité spécifique selon qu'il s'agit de l'intermédiaire d'assurance, du souscripteur ou de l'assureur ; qu'il a été admis en première instance que Monsieur Z... est intervenu en qualité de « courtier du groupe Zéphir», lui même exerçant une activité de courtage d'assurance, ou encore comme « intermédiaire du souscripteur » ; que cependant, il ressort des moyens développés par Monsieur Z... en appel, et des pièces communiquées, que celui-ci, qui n'a eu aucun lien contractuel avec Madame X..., était lié au groupe Zéphir par un contrat de mandat rémunéré par commissions, et que son activité ne peut être analysée comme une activité d'intermédiation en assurance au sens de l'article L 511-1-1 du code des assurances et de l'article R 511-1 du même code ; qu'en application du III de l'article L 511-1-1 précité, « pour cette activité d'intermédiation, l'employeur ou mandant est civilement responsable, dans les termes de l'article 1384 du code civil, du dommage causé par la faute, l'imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l'application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire » ; qu'en l'espèce, la structure d'intermédiation est la société groupe Zéphir, laquelle facturait à Madame X... les cotisations et les encaissait ; que le groupe Zéphir n'a pas été appelé en la cause afin de répondre des agissements prétendument fautifs de son mandataires dans l'exécution des obligations découlant de son mandat ; qu'en tout état de cause, Monsieur Z... ne peut répondre directement et personnellement de ses fautes sur le fondement de l'article 1142 du code civil envers Madame X... avec laquelle il n'avait aucun lien contractuel ; que la responsabilité délictuelle et personnelle de Monsieur Z..., en sa qualité de mandataire préposé, ne pourrait être recherché qu'au titre d'un agissement excédant les limites de la mission qui lui a été impartie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que le grief tenant au caractère inapproprié du choix fait par Madame X..., sur les conseils de Monsieur Z..., s'inscrit dans le cadre de l'exécution de la mission qui lui a été impartie, et n'est pas détachable ; que par ailleurs, Madame X... ne conteste pas avoir reçu la notice d'information lui permettant d'apprécier l'opportunité et la portée des choix d'assurance résultant de la suppression de la rente invalidité ; qu'enfin, Madame X... n'établit ni même n'allègue aucune intention malveillante imputable à Monsieur Z... de nature à fonder la recherche de sa responsabilité délictuelle, étant observé que Madame X... ne vise aucun texte fondant sa demande en responsabilité dans ses écritures d'appel ; que contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la responsabilité de Monsieur Z... pour manquement à son obligation de conseil ne peut donc être recherchée, que le jugement sera donc réformé de ce chef ;
1°- ALORS QUE tout mandataire est responsable à l'égard des tiers au contrat de mandat, des délits et quasi-délits qu'il commet à leur préjudice dans l'exercice de sa mission ; que l'article L. 511-1 du code des assurances, qui dispose spécialement que tout intermédiaire d'assurance engage nécessairement la responsabilité de son mandant et en est regardé « pour l'application de cet article» comme son préposé n'a ni pour objet ni pour effet d'exonérer les intermédiaires d'assurances de leur responsabilité personnelle à l'égard des tiers ; qu'en retenant que seule la responsabilité du groupe Zéphir, en sa qualité de mandant de Monsieur Z..., pouvait être engagée du fait de la faute de son mandataire, la cour d'appel a violé les articles L 511-1 du code des assurances, 1382 et 1992 du code civil ;
2°- ALORS, surabondamment, QUE la personne physique non salariée qui se propose de présenter des opérations d'assurance en agissant pour le compte d'une société de courtage d'assurance est un intermédiaire d'assurance au sens de l'article R 511-2 du code des assurances ; qu'en déniant à Monsieur Z... la qualité d'intermédiaire d'assurance après avoir constaté que celui-ci agissait pour le compte de la société de courtage d'assurance groupe Zehir et était lié à celle-ci par un « contrat de mandat rémunéré à la commission » , la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R 511-2 du code civil ;
3 - ALORS subsidiairement QU'une personne ne peut être tout à la fois le mandataire et le préposé d'une autre dans l'exercice d'une même mission ; qu'en retenant que Monsieur Z... aurait été le « mandataire préposé» de la société Groupe Zephir, la cour d'appel a laissé incertain le fondement juridique de sa décision et a privé celle-ci de base légale au regard des article 1984 du code civil et L. 511-1 du code des assurances.
4 – ALORS QUE le professionnel qui présente un opération d'assurance est tenu à l'égard de l'assuré d'une obligation de conseil qui n'est pas satisfaite par la seule remise à celui-ci de la notice d'information prévue à l'article L. 140-4 du code des assurances est tenu d'une obligation de conseil envers l'assuré ; qu'en décidant que Madame X... ne pouvait se plaindre d'avoir été privée de conseils utiles dès lors qu'elle ne contestait pas avoir reçu la notice d'information permettant d'apprécier l'opportunité et la portée des choix d'assurance, sans rechercher si Monsieur Z... avait appelé son attention sur la suppression de toute garantie d'invalidité et sur les risques associés à ce choix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;