LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (Paris, 3 juin 2010), que la société Foncière cour carrée (la société) a fait assigner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (l'APHP) pour voir constater à son profit la vente de divers immeubles situés à Paris ; que les parties se sont rapprochées en cours de procédure et ont signé un protocole d'accord ; qu'un jugement du 22 décembre 2009 a entériné cet accord, a dit parfaite la vente consentie par l'APHP à la société de l'ensemble immobilier désigné au dispositif de la décision et a dit que le jugement vaudra vente ; que, par acte du 30 décembre 2009, l'APHP a déclaré acquiescer à l'intégralité des dispositions du jugement et renoncer expressément à toute voie de recours tant ordinaire qu'extraordinaire ; que l'APHP a, le 8 février 2010, déposé une requête en rectification d'erreur matérielle, tendant à voir dire que la référence au lot n° 4 de l'immeuble précité devait être supprimée tant dans les motifs que dans le dispositif du jugement du 22 décembre 2009 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief au jugement de déclarer recevable la requête en rectification d'erreur matérielle introduite par l'APHP, alors, selon le moyen, que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours ; qu'en déclarant recevable une requête en rectification d'erreur matérielle qui tendait à la modification d'un des chefs du dispositif d'un jugement auquel son auteur avait précédemment acquiescé, le tribunal de grande instance a violé l'article 409 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'acquiescement à un jugement n'emporte pas renonciation à en demander la rectification pour cause d'erreur matérielle, s'il n'est pas établi que l'acquiescement est intervenu en connaissance de l'erreur invoquée, ce qui n'est pas allégué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société fait grief au jugement de dire que le jugement du 22 décembre 2009 sera rectifié en ce que la référence au lot n° 4 de l'ensemble immobilier sis à Paris 9e, 44-46 rue du Faubourg Montmartre et 2-4-6 rue Buffault, sera supprimée tant dans les motifs que dans le dispositif du jugement valant vente ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucun des documents préalablement échangés entre les parties n'incluait le lot n° 4 dans la vente envisagée, que le jugement du 22 décembre 2009 ne pouvait se trouver en contradiction avec les termes du protocole dénué de toute ambiguïté signé par les parties le 17 novembre 2009, postérieurement aux conclusions de l'APHP entachées d'une erreur matérielle, visé dans le jugement qui entérine l'accord en se référant expressément à l'article 2044 du code civil, que le jugement avait été signifié à la société dès le 24 décembre 2009 à raison de la volonté conjointe des parties de régler cette affaire avant la fin de l'année 2009 et que c'est dans des conditions d'urgence manifeste que l'APHP a acquiescé au jugement sans déceler l'erreur, le tribunal a pu, sans encourir les griefs du moyen et abstraction faite de la référence surabondante critiquée par la troisième branche, rectifier comme il l'a fait le jugement du 22 décembre 2009 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Foncière cour carrée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Foncière cour carrée, la condamne à payer à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils pour la société Foncière cour carrée
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR déclaré recevable la requête en rectification d'erreur matérielle introduite par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris ;
AUX MOTIFS QUE le caractère définitif d'un jugement qui a fait l'objet d'un acquiescement avec renonciation à toute voie de recours (ayant pour résultat d'éteindre l'instance et les voies de recours sans interdire le dépôt d'une requête en erreur matérielle ne constituant ni une voie de recours ordinaire ni extraordinaire), n'est pas de nature à s'opposer à la recevabilité de ladite requête ;
ALORS QUE l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours ; qu'en déclarant recevable une requête en rectification d'erreur matérielle qui tendait à la modification d'un des chefs du dispositif d'un jugement auquel son auteur avait précédemment acquiescé, le tribunal de grande instance a violé l'article 409 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR dit que le jugement du 22 décembre 2009 sera rectifié en ce que la référence au lot n° 4 de l'ensemble immobilier sis à Paris 9ème, 44/46 rue du Faubourg Montmartre et 2-4-6 rue Buffault, sera supprimée tant dans les motifs que dans le dispositif du jugement valant vente ;
AUX MOTIFS QUE la preuve de l'erreur rectifiable doit résulter de ce que le dossier révèle ou la raison commande, en accord avec les éléments concordants fournis ; qu'au cas particulier, il résulte des débats et n'est nullement contesté qu'aucun des documents préalablement échangés entre les parties dans le cadre de ce litige n'incluait le lot n° 4 dans la vente envisagée (notamment : projet d'acte dressé par le notaire de la société Foncière Cour Carrée en décembre 2007 ; assignation de la société Foncière Cour Carrée en date du 26 mars 2008 ; différentes conclusions déposées devant le tribunal notamment aux fins d'homologation d'un accord jusqu'aux seules conclusions erronées du 9 novembre 2009 de l'Assistance Publique reprises le 21 décembre, veille du jugement par celles de la société Foncière Cour Carrée ; protocole d'accord en date du 17 novembre 2009 ; inscription d'hypothèque conventionnelle de prêteur de deniers prise le 10 février 2010 par les notaires de l'acquéreur) ; que le jugement du 22 décembre 2009 ne peut se trouver en contradiction avec les termes du protocole dénué de toute ambiguïté signé par les parties le 17 novembre 2009, postérieurement aux conclusions de l'Assistance Publique du 9 novembre 2009 entachées d'une erreur matérielle, visé dans ledit jugement qui entérine l'accord des parties en se référant expressément à l'article 2044 et suivants du code civil ; qu'il n'est pas contesté que le jugement a été signifié dès le 24 décembre à la société Foncière Cour Carrée à la demande de l'Assistance Publique à raison de la volonté conjointe des parties de régler cette affaire avant la fin de l'année 2009 et que c'est dans des conditions d'urgence manifeste que l'Assistance Publique a acquiescé au jugement sans déceler l'erreur ; que la raison commande de relever qu'il n'est pas vraisemblable qu'elle ait pu sciemment acquiescer à l'abandon du lot n° 4, composé d'un immeuble entier de 5 étages, qui ne figurait pas dans le protocole et n'avait jamais figuré dans aucun des actes antérieurs ; que tant selon la lettre que l'esprit du texte, il s'agit bien d'une erreur matérielle manifeste, qu'il convient de réparer dans les termes du dispositif ;
ALORS, 1°), QUE le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur prétendument matérielle, modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent de sa décision initiale ; qu'en supprimant du jugement du 22 décembre 2009 le lot n° 4 de l'ensemble immobilier, objet de la vente, cependant que ce jugement avait dit parfaite la vente des lots n° 2, 3 et 4, le tribunal de grande instance a, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, modifié l'assiette du droit de propriété de la société Foncière Cour Carrée telle qu'il l'avait, par sa décision initiale, expressément consacrée, violant ainsi l'article 462 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°) et subsidiairement, QUE le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur prétendument matérielle, se livrer à une nouvelle appréciation des éléments de la cause ; que pour rectifier son précédent jugement du 22 décembre 2009 et y supprimer la vente du lot n° 4, le tribunal de grande instance a considéré « qu'aucun des documents préalablement échangés entre les parties dans le cadre de ce litige n'incluait le lot n°4 dans la vente envisagée (…) ; que le jugement du 22 décembre 2009 ne peut se trouver en contradiction avec les termes du protocole dénué de toute ambiguïté signé par les parties le 17 novembre 2009, postérieurement aux conclusions de l'Assistance Publique du 9 novembre 2009 entachées d'une erreur matérielle, visé dans ledit jugement qui entérine l'accord des parties en se référant expressément à l'article 2044 et suivants du code civil » ; qu'en se livrant ainsi à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, le tribunal de grande instance a violé l'article 462 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur prétendument matérielle, se livrer à une nouvelle appréciation des éléments de la cause ; que, pour rectifier son précédent jugement du 22 décembre 2009 et y supprimer la vente du lot n° 4, le tribunal de grande instance s'est référé à l'« inscription d'hypothèque conventionnelle de prêteur de deniers prise le 10 février 2010 par les notaires de l'acquéreur » ; qu'en se fondant ainsi sur un document qui, postérieur au jugement rectifié, ne figurait pas dans le dossier au vu duquel il avait rendu son jugement initial, le tribunal de grande instance, qui s'est livré à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, a violé l'article 462 du code de procédure civile.