LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 11 avril 2002, M. X... a souscrit auprès de la société Norwich Union, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la société Aviva vie (l'assureur), deux contrats d'assurance sur la vie dans lesquels il a investi, les sommes de 609 796,06 euros et de 762 245,08 euros, et, à la suite de versements complémentaires des 20 et 30 novembre 2002, celles de 45 244,90 euros et de 22 867 euros ; qu'il a choisi l'option "Liberté" lui permettant de répartir lui-même son épargne entre les divers supports financiers proposés et opté pour des supports en actions ; que le 11 mars 2003, il a procédé au réinvestissement de la totalité de son épargne vers un support libellé en euros, le fonds "Victoire Actif Garanti" ; que les 21 juillet et 13 août 2003, il a ensuite procédé au rachat total des deux contrats ; que le 16 octobre 2003, il a exercé le droit de rétractation prévu par l'article L. 132-5-1 du code des assurances et réclamé en vain à l'assureur le remboursement de l'intégralité des sommes investies ; que M. X... a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance pour obtenir le paiement de la somme de 993 571,56 euros correspondant à la moins-value entre les sommes investies et celles versées en exécution des rachats et à l'indemnisation du préjudice résultant de l'échec de l'opération immobilière qu'il avait projetée ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. X... l'arrêt retient que ce dernier précise qu'il ne reproche à l'assureur ni la chute des cours ni les fluctuations des marchés boursiers ni de ne pas lui avoir procuré les effets escomptés, comme le prétend l'assureur, mais de l'avoir conduit, du fait d'un manquement à son obligation d'information, à opter pour un placement inadapté dans la mesure où il n'était pas conforme à ses projets puisqu'il recherchait un placement sécurisé lui permettant, dans un deuxième temps, de contracter un prêt d'un montant de 2 210 510,75 euros ; qu'à supposer admis que l'assureur n'ayant pas, comme la loi l'y obligeait, remis à M. X... toute l'information requise par les textes qu'il invoque, il n'établit pas un lien de causalité directe entre le préjudice financier dont il poursuit la réparation totale et ces manquements ; qu'il y a lieu de relever que les supports de son investissement ne lui ont pas été imposés par l'assureur, mais qu'ayant opté pour l'orientation dénommée "liberté", il a lui-même constitué son portefeuille, majoritairement composé d'actions, ainsi qu'en attestent les annexes "supports financiers" comportant ses indications manuscrites et sa signature ; que le comportement de M. X... lors de l'exécution des contrats fait clairement apparaître qu'il connaissait les risques liés à l'investissement de la totalité de son épargne sur les supports qu'il avait choisis puisqu'il établit, à travers des éléments objectifs, qu'alors qu'en septembre 2002 M. X... a été informé des pertes enregistrées par son investissement à hauteur de 37 900 euros non seulement il n'a pas sollicité un arbitrage de la totalité de la somme investie mais encore il a réinvesti plus de 68 000 euros sur un fonds en euros dont l'évolution n'était garantie qu'à court terme, soit jusqu'en août 2003, attendant le mois de mars 2003 pour arbitrer la totalité de son épargne vers des fonds à capital et à taux garantis ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'assureur avait fourni à M. X... une information précontractuelle adaptée à sa situation personnelle dont il avait connaissance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté des débats les conclusions signifiées le 6 janvier 2010 par M. X..., l'arrêt rendu le 23 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Aviva vie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aviva vie ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Pascal X... de sa demande de dommages et intérêts formée contre la société AVIVA VIE aux droits de la société AVIVA COURTAGE.
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... reproche à l'assureur de n'avoir pas exécuté les obligations précontractuelles d'information et de conseil auxquelles il était tenu et de lui avoir en outre, délivré de mauvais conseils en cours d'exécution des contrats souscrits ;
Que, s'agissant en premier lieu de l'obligation d'information précontractuelle qu'énumérant les différents manquements de l'assureur en regard des dispositions d'ordre public des articles L.132-5-1, A 132-4 et A 132-5 du code des assurances, à savoir le défaut de communication d'une note d'information distincte des conditions générales du contrat, le défaut de communication des dispositions essentielles du contrat portant sur la méthode de calcul des valeurs de rachat, sur le sort de la garantie décès, sur les fluctuations possibles des marchés boursiers et une possible atteinte au capital ou sur les supports du contrat et la nature des actifs entrant dans leur composition et encore le défaut d'information sur le régime fiscal de ses placements, Monsieur X... précise qu'il ne reproche à l'assureur ni la chute des cours ni les fluctuations des marchés boursiers ni de ne pas lui avoir procuré les effets escomptés, comme le prétend l'assureur, mais de l'avoir conduit, du fait desdits manquements, à opter pour un placement inadapté dans la mesure où il n'était pas conforme à ses projets puisqu'il recherchait un placement sécurisé lui permettant, dans un deuxième temps, de contracter un prêt au montant de 14.500.000 francs (soit : 2.210.510,75 euros) ;
Qu'à admettre que l'assureur n'a pas, comme la loi l'y obligeait, remis à Monsieur X... toute l'information requise par les textes qu'il invoque, il convient de lui opposer le fait qu'il n'établit pas un lien de causalité directe entre le préjudice financier dont il poursuit la réparation totale et ces manquements ;
Qu'il se borne, en effet, à ne procéder que par affirmations sur les intentions qui étaient les siennes lorsqu'il a contracté, n'en rapportant la preuve qu'en produisant la lettre sus-évoquée du 15 avril 2003, écrite par lui-même et qui ne satisfait pas, sur le terrain de la preuve, aux exigences de l'article 1315 du code civil ;
Qu'il y a lieu de relever, en outre, que les supports de son investissement ne lui ont pas été imposés par l'assureur, mais qu'ayant opté pour l'orientation dénommée « liberté », il a lui-même constitué son portefeuille, majoritairement composé d'actions, ainsi qu'en attestent les annexes « supports financiers » comportant ses indications manuscrites et sa signature, versés aux débats ;
Que, pertinemment, l'assureur observe que le comportement de Monsieur X... lors de l'exécution des contrats fait clairement apparaître qu'il connaissait les risques liés à l'investissement de la totalité de son épargne sur les supports qu'il avait choisis puisqu'il établit, à travers des éléments objectifs, qu'alors qu'en septembre 2002 Monsieur X... a été informé des pertes enregistrées par son investissement à hauteur de 37.900 euros non seulement il n'a pas sollicité un arbitrage de la totalité de la somme investie mais encore il a réinvesti plus de 68.000 euros sur un fonds en euros dont l'évolution n'était garantie qu'à court terme, soit jusqu'en août 2003, attendant le mois de mars 2003 pour arbitrer la totalité de son épargne vers des fonds à capital et taux garantis ;
Qu'il échet de considérer, en conséquence, que ces actes contredisent les affirmations de Monsieur X... quant à sa volonté d'investir dans un placement sécurisé non réalisée du fait d'un manque d'information ;
Qu'il sera, conséquemment, débouté de sa demande indemnitaire à ce titre ;
Que s'agissant de l'obligation de conseil de l'assureur au stade précontractuel, Monsieur X... se prévaut du fait que l'assureur connaissait parfaitement ses objectifs et que c'est en raison des conseils du préposé de la société NORWICH UNION qu'il a opté pour un placement inadéquat ;
Que si Monsieur X... indique qu'il avait précisé à la société AVIVA qu'il recherchait un produit sécurisé et que s'il avait été en possession de ces informations, il n'aurait assurément pas contracté d'assurance-vie en plaçant son argent sur les supports volatils conseillés par AVIVA, il y a lieu de relever qu'il se contente de procéder par affirmation, n'apportant aucun élément de preuve permettant de considérer, d'une part, que l'assureur a volontairement retenu une information dans l'intention de le tromper et, d'autre part, qu'il n'entendait contracter que dans l'optique de réaliser un placement sécurisé ;
Que sur ce dernier point, le tribunal a pertinemment considéré, à partir de l'examen des documents contractuels qui ont été remis à l'assuré et du comportement qui a été le sien, notamment à l'occasion de la réitération de son choix pour des supports volatils, quelques mois après la souscription et alors qu'il était informé des baisses affectant son épargne, qu'il ne pouvait valablement se prévaloir de sa volonté de réaliser un placement sécurisé et, partant, d'une erreur déterminante provoquée par l'assureur ;
Que Monsieur X... affirme encore qu'il avait précisé à l'assureur qu'il recherchait avant tout un placement sûr et sécurisé, qu'il n'a pas été informé du risque de pertes en capital et qu'il s'agissait pourtant d'une qualité substantielle en considération de laquelle il souhaitait s'engager ;
Qu'avec pertinence l'assureur lui oppose la teneur des documents qui lui ont été remis au stade précontractuel ou qu'il a signés, s'agissant notamment de la fiche signalétique comportant les différentes options proposées par l'assureur, ainsi que les 17 supports sélectionnés avec leurs quatre types de risques spécifiques (faible – moyen – important – fort) ou encore de l'article 6 intitulé « conditions de l'épargne » des conditions générales valant note d'information figurant au verso de sa demande d'adhésion ; qu'au paragraphe de cet article portant sur le support financier en OPCVM (SICAV, FCP) il est précisé au deuxièmement (intitulé « l'évolution dans le temps de la valeur des unités de compte choisies ») et en caractère gras : « La valeur de l'unité de compte évolue à la hausse comme à la baisse en fonction des fluctuations des marchés financiers. Cette valeur n'est pas garantie par l'assureur qui ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte » ;
1°/ ALORS QUE l'assureur qui propose à son client un contrat composé de supports spéculatifs doit s'enquérir de la situation personnelle de son client et lui fournir un conseil adapté à cette situation ; que pour débouter Monsieur X... de son action en responsabilité contre la société AVIVA VIE, la Cour d'appel a estimé qu'il ne rapportait pas la preuve de ce qu'il avait informé cet assureur de sa situation ni de sa volonté d'effectuer un placement sécurisé ; qu'en statuant ainsi, à la faveur de ce motif inopérant au regard du devoir d'information et de conseil de l'assureur, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ ALORS QU'il incombe au professionnel, débiteur du devoir d'information et de conseil précontractuel, d'apporter la preuve qu'il s'en est acquitté ; qu'en déboutant Monsieur X... de son action en responsabilité contre la société AVIVA VIE, aux motifs qu'il n'apportait pas la preuve qu'il avait informé cet assureur de sa situation ni de ses intentions d'effectuer un placement sécurisé, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code civil ;
3°/ ALORS QU'il incombe à l'assureur qui propose à son client, profane en matière boursière, un contrat composé de supports spéculatifs, d'attirer particulièrement l'attention de celui-ci sur ces risques pouvant entraîner d'importantes pertes du capital investi ; que la société AVIVA VIE dont il est constant qu'elle n'a pas satisfait à ses obligations légales d'information précontractuelle (arrêt p. 7 al. 3) s'est bornée à remettre à Monsieur X... des conditions générales « valant notice » (sic) comportant une mention noyée dans l'ensemble des autres stipulations selon laquelle « la valeur de l'unité de compte évolue à la hausse comme à la baisse en fonction des fluctuations des marchés financiers. Cette valeur n'est pas garantie par l'assureur qui ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte », ainsi qu'une fiche signalétique des supports sélectionnés avec leurs quatre types de risques spécifiques ; qu'en estimant que la société AVIVA VIE avait ainsi satisfait à son obligation d'information bien qu'aucun document précontractuel n'ait mentionné de façon claire et très apparente les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
4°/ ALORS QU'il incombe à l'assureur, professionnel de la finance, d'établir que son client par ses pratiques antérieures, était informé de ce que les opérations réalisées étaient risquées et qu'il avait la maîtrise de ces opérations ; qu'à l'appui de sa décision, la Cour d'appel a énoncé que Monsieur X..., lors de l'exécution des contrats connaissait les risques liés à l'investissement de la totalité de son épargne sur les supports qu'il avait choisis, aux motifs qu'en septembre 2002, après avoir été informé des pertes enregistrées par son investissement à hauteur de 37.900 euros, il n'a pas sollicité un arbitrage de la totalité de la somme investie et a investi une somme de plus de 68.000 euros sur un fonds en euros dont l'évolution n'était garantie que jusqu'en août 2003 ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'assureur avait apporté la preuve que Monsieur X..., avant la souscription des contrats litigieux, était informé de ce que les opérations étaient risquées et qu'il en avait la maîtrise, la Cour d'appel a violé les articles 1382 et 1315 du code civil.
5°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le prestataire de services d'investissements doit, lors de la souscription de contrats composés de supports spéculatifs, procéder à l'évaluation de la compétence de son client pour gérer de tels supports volatils et lui fournir une information adaptée en fonction de cette évaluation ; qu'en s'abstenant totalement de constater que la société AVIVA VIE avait procédé à cette évaluation des compétences boursières de Monsieur X... et lui avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1315 du Code civil.