LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M Jilali X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 20 octobre 2010, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 314-1, 314-10 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité de M. X... du chef d'abus de confiance commis au préjudice de la société Air France et l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et l'a confirmé sur l'action civile ;
"aux motifs propres qu'au cours de l'enquête, M. X... n'a pas contesté la matérialité des faits exposés dans la plainte de la société Air France et a reconnu lui devoir la somme de 93 758,45 euros correspondant à deux défauts de règlements de fonds encaissés au titre de l'émission de billets Air France pour les mois de décembre 2007 et janvier 2008 ; qu'il a, par contre, toujours contesté le caractère intentionnel de ces défauts de paiement en indiquant qu'ils avaient pour origine un défaut de prise en compte par I'IATA des nouvelles coordonnées bancaires de la société ; qu'ainsi l'IATA avait présenté au paiement le montant de la créance sur l'ancien compte bancaire de la société ouvert auprès de la banque HSBC qui était débiteur alors que le nouveau compte bancaire ouvert auprès de la banque Fortis était lui crédité de la somme nécessaire ; que cet incident de paiement avait amené l'IATA à retirer son agrément le 24 janvier 2008, ce qui avait privé la SARL Sirocco Voyages d'une part essentielle de ses revenus puisqu'elle n'était plus alors autorisée à émettre des billets d'avions pour le compte des grandes compagnies ; que par la suite, sa société était entrée en conflit avec l'IATA qui lui demandait de verser les sommes dues et de fournir une caution à hauteur de 450 000 euros pour obtenir un nouvel agrément, ce qu'elle était alors dans l'impossibilité de faire ; que l'explication de M. X... selon laquelle, les défauts de paiement seraient imputables à l'IATA qui n'aurait pas pris en compte le changement de coordonnées bancaires de la SARL Sirocco Voyages, est infirmée par l'étude des comptes de la société réalisées au cours de l'enquête préliminaire ; qu'en effet, les investigations ont permis d'établir que le nouveau compte bancaire de la SARL Sirocco Voyages, ouvert auprès de la Banque Fortis était débiteur d'environ 60 000 euros mi janvier 2008 et d'environ 30 000 euros mi février 2008, c'est à dire aux dates où étaient effectués les prélèvements par l'IATA pour le compte d'Air France ; que ce fait démontre que, contrairement aux affirmations de son gérant, la SARL Sirocco Voyages était bien dans l'impossibilité de rembourser les sommes dues à la compagnie Air France ; que cela résulte également du jugement de mise en liquidation judiciaire qui a fixé la date de cessation des paiements au 17 décembre 2007 ; que M. X... a reconnu que les fonds obtenus grâce à la vente des billets d' Air France au cours des mois de décembre 2007 et de janvier 2008 ont servi à régler d'autres créanciers qu'Air France ; qu'il ne pouvait pourtant ignorer que la société qu'il dirigeait était en état de cessation des paiements et qu'il serait dans l'incapacité de rembourser les sommes dues ainsi que les échéances prévues dans le protocole transactionnel, pourtant signé à sa demande avec Air France ; qu'il est ainsi démontré, qu'en sa qualité de gérant, Jilali X... a détourné, en connaissance de cause, au préjudice de la société Air France la somme de 102 281,94 euros qui correspondaient aux fonds encaissés, en qualité de dépositaire, par la SARL Sirocco Voyages, au titre de l'émission des billets Air France pour les mois de décembre 2007 et janvier 2008 ;
"et aux motifs non contraires qu' entendu par les services de police, M. X..., gérant de la SARL Sirocco Voyages, reconnaissait la matérialité de l'infraction reprochée mais contestait avoir agi de manière intentionnelle ; qu'il déclarait que Sirocco Voyages avait effectivement facturé et encaissé des billets Air France pour un montant de 45 086,57 euros en décembre 2007 et pour un montant de 57 195,37 euros en janvier 2008, qu'il expliquait que Air France n'avait pu recevoir le règlement de ces sommes en raison d'un malentendu, que les paiements étaient effectués par le BSP IATA par prélèvement sur le compte bancaire de la société Sirocco Voyages, que le 24 décembre 2007, il avait signalé au BSP IATA par lettre recommandée avec accusé de réception que la société Sirocco Voyages changeait de banque et avait adressé son nouveau RIB, que néanmoins, le BSP IATA avait continué à tenter d'effectuer les débits sur l'ancien compte de la société, à la banque HSBC, au lieu de s'adresser à la nouvelle banque de la société, la banque Fortis ; que M. X... ne se présentait pas à l'audience bien qu'ayant signé le 14 octobre 2009 l'accusé de réception de l'envoi de la citation ; que les investigations diligentées permettaient de confirmer les faits exposés par la société Air France et d'infirmer les dires de M. X... ; qu'en particulier il résultait de la procédure que le prévenu ne justifiait pas de manière suffisamment probante de l'envoi de la lettre recommandée du 24 décembre 2007 dans laquelle il aurait avisé le BSP IATA du changement de compte bancaire, l'authenticité du document produit étant incertaine ; qu'en outre, l'analyse par les services de police du compte bancaire de la société à la banque Fortis démontre qu'à la date des faits, soit en janvier et février 2008, ledit compte était débiteur d'environ 30 000 à 60 000 euros ; qu'il est ainsi établi qu'au lieu de conserver les fonds remis en décembre 2007 et janvier 2008 au titre du paiement des billets d'avion par ses clients afin de les remettre à son propriétaire, la société Air France, M. X... avait utilisé ces fonds à d'autres fins que celles prévues ;
"1) alors que le délit d'abus de confiance suppose que la remise ait été effectuée au profit du prévenu dans un cadre juridique prédéterminé ; qu'il ressort uniquement de la procédure que la remise a été effectuée au profit de la société Sirocco Voyages dans un cadre juridique prédéterminé par l'IATA ; qu'en retenant M. X... dans les liens de la prévention du chef d'abus de confiance au préjudice de la société Air France sans déterminer, ni qualifier, le cadre juridique prédéfini de la remise opérée par la partie civile au profit de la société Sirocco Voyages, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2) alors que l'abus de confiance suppose établie la volonté du prévenu de détourner sciemment, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; que la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la volonté de M. X..., en sa qualité de gérant de la société Sirocco Voyages, de détourner les fonds qui avaient été remis à cette société à charge de les présenter à la société Air France, n'a pas légalement justifié sa décision au regard les textes visés au moyen ;
"3) alors que l'abus de confiance suppose que le prévenu ait été dans l'impossibilité de restituer les fonds qui lui ont été remis ; qu'en jugeant que M. X... était dans l'impossibilité de rembourser les sommes dues à la société Air France, motif pris que le jugement de liquidation judiciaire de la SARL Sirocco Voyages avait fixé la date de cessation des paiements au 17 décembre 2007, sans fixer elle-même la date à laquelle la société se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à la société Air France au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;